Date : 20011019
Dossier : IMM-5942-00
Référence neutre : 2001 CFPI 1138
ENTRE :
GURPREET SINGH SHERGILL
Partie demanderesse
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
Partie défenderesse
[1] Le demandeur attaque une décision de la Section du statut de réfugié (la « Section du statut » ) rendue le 16 octobre 2000. Par sa décision, la Section du statut a conclu que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention. Plus particulièrement, la Section du statut a conclu que le demandeur n'était pas crédible.
[2] Le demandeur, né le 30 avril 1973, est citoyen de l'Inde. Il a quitté son pays le 15 juin 1999 et a réclamé le statut de réfugié au Canada le 21 juin 1999.
[3] Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire du demandeur sera rejetée. En premier lieu, au début de son analyse, à la page de 3 ses motifs, la Section du statut affirme ce qui suit:
Le tribunal estime que le revendicateur n'est pas crédible parce que son témoignage nous est apparu invraisemblable. Le tribunal croit en outre que le revendicateur s'est appuyé sur deux articles de journaux (P-7) pour élaborer son histoire.
De plus, au cours de son témoignage, le revendicateur fut évasif, ayant de la difficulté à répondre à des questions simples concernant des détails n'apparaissant pas dans son formulaire de renseignements personnels (FRP). Il était évident qu'il avait appris son FRP par coeur et s'y référait constamment plutôt que de répondre aux questions posées.
[4] Après plusieur lectures attentives du témoignage du demandeur donné le 29 août 2000, je ne peux qu'être en accord avec les constatations de la Section du statut concernant son témoignage. Il ne peut faire de doute que le demandeur était « évasif » et qu'il avait beaucoup de difficulté à répondre aux questions posées par les membres du panel.
[5] En second lieu, le demandeur reproche à la Section du statut de ne pas l'avoir interrogé concernant l'article de journal déposé comme pièce P-7. Aux paragraphes 13, 14 et 15 de son affidavit, le demandeur déclare ce qui suit:
13. Quant à la pièce P-7, un autre article de journal, dans la décision le tribunal se demande pourquoi l'article du journal produit n'était pas complet;
14. Durant l'audience, on ne m'a pas demandé si je pouvais le compléter;
15. Si on m'avait fait cette demande j'aurais pu le compléter et encore aujourd'hui il me serait possible de le faire. Le tribunal s'est donc fondé simplement sur une erreur technique pour refuser ma revendication alors que j'avais fait la preuve des éléments essentiels de ma revendication.
[6] Contrairement aux affirmations du demandeur, la Section du statut l'a bel et bien interrogé concernant l'article de journal déposé comme pièce P-7. Aux pages 35 et suivantes de la transcription (785 et suivantes du dossier du tribunal), la Section du statut interroge le demandeur concernant l'article de journal daté le 20 septembre 1995. Plus particulièrement, aux pages 35 à 38 de la transcription , l'on retrouve les questions et réponses suivantes:
Q. Sir, there's a newspaper article here dated the twentieth (20th) of September nineteen ninety-five (1995), that says that Nasib Singh was arrested in the Bian Singh murder case. First of all the article is not complete, unless I'm missing ... I haven't seen it, but it says here: « Balance on page fourteen (14), column two (2). » I don't see the balance of the article.
A. That was not found. Whatever was found my father it extracted and sent.
Q. Well, if your father ... Where is the original? Do you have the original of this?
[...]
A. There's no original.
Q. The article dealing with Bian Singh is it this article here?
A. Yes.
Q. And is the ... Okay. Because it says: « Balance on page fourteen (14), column two (2). »
[...]
A. Just this much was found according to the (inaudible).
Q. Well, you know, missing a part of an article is very important, Sir. What surprizes me ... All right. Yes. You want to answer that?
A. When I got all this written ... Regender said that: « If you can get proof of this, even a small proof, if you can get it. » Then I told my father. Whatever he found he sent that much.
Q. You know where your father found these articles?
A. About this I don't know.
[7] Voici ce qu'a dit la Section du statut concernant la pièce P-7, à la page 3 de sa décision:
Dans un premier temps, le tribunal fit remarquer au revendicateur, que cet article était incomplet et le questionna à ce sujet. Le revendicateur dira avoir déposé ce qu'il avait réussi à obtenir. Il fut incapable cependant d'expliquer à la satisfaction du tribunal pourquoi l'article ne put être obtenu au complet.
[8] À la lecture des questions et réponses reproduites ci-haut, il ne peut faire de doute que la Section du statut n'a commis aucune erreur en reprochant au demandeur d'avoir produit un article incomplet.
[9] En troisième lieu, le demandeur reproche à la Section du statut de n'avoir accordé aucune valeur probante aux pièces P-3 et P-10, soit un affidavit du Sarpanch du village du demandeur daté le 22 octobre 1999 (P-3) et un certificat médical daté le 23 août 2000 (P-10). À la page 5 de sa décision, voici comment la Section du statut dispose des pièces P-3 et P-10:
Le tribunal s'est également penché sur les documents déposés en preuve par le revendicateur. Le manque de crédibilité de l'histoire amène le tribunal à n'accorder aucune valeur probante au document (P-3), qui est un affidavit du Sarpanch du village, et du certificat médical (P-10) qui ne fait que relater les événements tels que racontés par le revendicateur. De plus, le docteur De Margerie n'est ni un psychiatre ni un psychologue et il n'explique pas quelle méthode il a utilisée pour arriver à la conclusion que le revendicateur souffre d'un syndrome de stress post-traumatique.
[10] À mon avis, la Section du statut n'a commis aucune erreur en ne donnant aucun poids à ces documents. Comme le soumet Me Lamb, procureur du défendeur, le certificat médical (P-10) ne prouve absolument rien. Les faits sur lesquels s'appuie le Dr. De Margerie sont les faits qui lui ont été relatés par le demandeur. L'opinion du Dr. De Margerie n'est valable que dans la mesure où ces faits sont prouvés. Par conséquent, la Section du statut pouvait, en l'instance, ne donner aucun poids à la pièce P-10.
[11] Quant à la pièce P-3, soit l'affidavit du Sarpanch, il est erroné, à mon avis, de prétendre que ce document constitue une preuve indépendante. Puisque la Section du statut était d'avis, eu égard à la preuve, que l'histoire du demandeur n'était pas crédible, elle pouvait conclure que l'affidavit en question n'avait aucune valeur probante.
[12] En quatrième lieu, le demandeur reproche à la Section du statut d'avoir écarté, de façon déraisonnable, certaines explications qu'il a données en réponse aux questions posées par la Section du statut. À mon avis, cet argument est sans mérite. Le demandeur ne m'a nullement convaincu que la Section du statut a commis une erreur.
[13] Cinquièmement, le demandeur reproche à la Section du statut d'avoir ignoré la preuve concernant son lien de parenté avec Harmanjeet Singh et le père d'Harmanjeet, soit Nasib Singh. À la page 3 de ses motifs, la Section du statut déclare ce qui suit:
Bien qu'il est évident qu'un certain Nabib [sic] Singh du village de Jhingrau ait été arrêté dans l'affaire du meurtre du Premier Ministre Beant Singh suite à la découverte d'explosifs à son domicile, le tribunal ne croit pas cependant que cet individu soit l'oncle du revendicateur que son fils Harmanjeet (si fils il y a) soit recherché par la police.
D'ailleurs, bien que le revendicateur ait déposé plusieurs documents en preuve, il n'a déposé aucun document établissant ce lien de parenté tels les certificats de naissance de son frère [sic] et de son oncle qui auraient établi qu'ils étaient issus d'un même père.
[14] Le demandeur soutient que l'affidavit du Sarpanch (P-3) démontre qu'il était un parent de Nasib Singh et de sa famille. Au paragraphe 4 de son affidavit, le Sarpanch déclare ce qui suit:
4. That Police arrested many times Gurpreet Singh Shergil and tortured him. He was arrested because of close relative of Nasib Singh and his family. ...
[15] Par conséquent, selon la demandeur, la Section du statut aurait dû prendre en considération l'information apparaissant dans l'affidavit du Sarpanch. J'ai déjà conclu que la Section du statut n'a commis aucune erreur en accordant aucune valeur probante à cet affidavit. Puisque la Section du statut ne croyait pas, à plusieurs égards, le récit du demandeur, elle a conclu qu'elle ne pouvait donner aucun poids à l'affidavit du Sarpanch. Donc, la Section du statut n'a nullement ignoré la pièce P-3. Elle a tout simplement refusé de lui accorder une valeur probante.
[16] Pour tous ces motifs, la demande de contrôle judiciaire du demandeur sera rejetée.
Marc Nadon
Juge
O T T A W A (Ontario)
le 19 octobre 2001