Date : 20220906
Dossier : IMM-157-20
Référence : 2022 CF 1261
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 6 septembre 2022
En présence de madame la juge Sadrehashemi
ENTRE :
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DAI, JIAXING
LIU, RUMING
LIU, WAIDONG
LIU, SENLIN
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demandeurs
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
I. Aperçu
[1] Les demandeurs sont une famille. Ruming Liu et sa femme Jiaxing Dai (Mme Dai) sont les parents des demandeurs mineurs, Weidong Liu et Senlin Liu. Ces citoyens chinois ont déposé des demandes d’asile au Canada parce qu’ils craignent d’être persécutés en raison de leur opposition à la réglementation et aux politiques chinoises en matière de planification familiale. Mme Dai prétend qu’à la suite de la découverte de sa grossesse par les autorités responsables de la planification familiale, elle a été soumise à un avortement forcé et informée qu’elle devrait subir une intervention de stérilisation. La Section de la protection des réfugiés [la SPR] a rejeté les demandes des demandeurs. Ces derniers ont fait appel de ce rejet devant la Section d’appel des réfugiés [la SAR], qui a rejeté l’appel. Les demandeurs contestent le rejet de leur appel par la SAR dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire.
[2] La SAR a accordé peu ou pas de poids à plusieurs documents de planification familiale fournis par les demandeurs. Elle a en outre conclu que la preuve documentaire objective ne soutenait pas les allégations des demandeurs selon lesquelles Mme Dai avait été soumise à un avortement forcé ou qu’elle serait soumise à une stérilisation forcée.
[3] L’évaluation des documents personnels des demandeurs faite par la SAR est déraisonnable. Je conclus plus précisément que son appréciation du certificat des Services de planification familiale reposait sur un examen à la loupe et n’était pas fondée sur les éléments de preuve objectifs dont elle disposait. L’appréciation de ce document par la SAR a joué un rôle déterminant pour l’évaluation de nombreux autres documents corroborants des demandeurs qui établissaient les éléments clés de leur demande. En conséquence, je conclus que l’affaire doit faire l’objet d’une nouvelle décision.
[4] Pour les motifs qui suivent, j’accueille la demande de contrôle judiciaire.
II. Contexte
[5] En 2012, les demandeurs adultes ont eu leur deuxième enfant, soit l’un des deux demandeurs mineurs, en violation de la réglementation en matière de planification familiale en vigueur à l’époque dans la province de Guangdong, en Chine. Ils ont reçu une amende, qu’ils n’ont acquittée que partiellement. Les demandeurs soutiennent que des fonctionnaires du service de planification familiale sont venus périodiquement chez eux entre le milieu de l’année 2013 et le milieu de l’année 2017 pour leur rappeler le solde de l’amende qui doit être payé.
[6] Après avoir accouché de son deuxième enfant, Mme Dai a été contrainte par les autorités responsables de la planification familiale de se faire poser un dispositif intra-utérin (le DIU) afin d’éviter de futures grossesses. En 2017, ce DIU s’est déplacé, et Mme Dai est tombée enceinte. Les autorités responsables de la planification familiale auraient découvert sa grossesse lors d’un examen routinier du DIU et l’auraient forcée à se soumettre à un avortement, en 2017 toujours. Après l’avortement, des fonctionnaires du Bureau de la planification familiale auraient informé Mme Dai qu’elle serait stérilisée en raison de ses violations multiples de la politique de planification familiale. La stérilisation n’a pas eu lieu à ce moment parce que Mme Dai souffrait d’une atteinte inflammatoire pelvienne aiguë. Elle était alors tenue de se présenter chez un médecin tous les mois. Selon les demandeurs, tout le monde s’attendait à ce que la stérilisation ait lieu une fois que Mme Dai serait guérie.
[7] Les demandeurs prétendent qu’ils ont décidé de quitter la Chine pour éviter l’intervention de stérilisation forcée. Ils ont quitté la Chine en novembre 2017, sont arrivés d’abord aux États‑Unis et ensuite au Canada, où ils ont déposé leurs demandes d’asile. Ils allèguent qu’après leur départ de la Chine, des fonctionnaires se sont rendus chez eux et ont informé les membres de leur famille que l’intervention de stérilisation aurait lieu au retour de la famille.
[8] La SPR a entendu les demandes d’asile des demandeurs le 16 janvier 2019. Le 19 février 2019, elle les a rejetées. Sa décision reposait principalement sur sa conclusion selon laquelle les documents présentés par les demandeurs au sujet de leurs violations de la politique de planification familiale n’étaient probablement pas authentiques. La SPR a également conclu que la preuve objective n’étayait pas les allégations des demandeurs selon lesquelles des mesures coercitives, comme des avortements et des stérilisations forcés, étaient encore appliquées dans leur province d’origine.
[9] Dans une décision datée du 16 décembre 2019, la SAR a souscrit à la conclusion de la SPR selon laquelle plusieurs documents de planification familiale n’étaient pas authentiques, mais pour des raisons différentes de celles mentionnées en première instance. La SAR a également conclu que la preuve relative à la situation dans le pays n’étayait pas les allégations des demandeurs, notamment en ce qui concerne la pratique des avortements et des stérilisations forcés qui aurait toujours cours dans leur ville d’origine.
III. Questions en litige et norme de contrôle
[10] Les demandeurs soulèvent deux questions : (1) L’évaluation des documents personnels des demandeurs faite par la SAR et la conclusion de cette dernière selon laquelle certains de ces documents n’étaient pas authentiques étaient-elles raisonnables? (2) L’évaluation de la preuve relative à la situation dans le pays faite par la SAR et la conclusion de cette dernière selon laquelle on ne pratique plus d’avortements et de stérilisations forcés dans la ville d’origine des demandeurs étaient-elles raisonnables? Comme je l’ai mentionné ci-dessus, je conclus que l’évaluation des documents personnels des demandeurs faite par la SAR est la question déterminante dans le cadre du présent contrôle judiciaire.
[11] Les parties s’entendent pour dire que c’est la norme de la décision raisonnable qui s’applique. Dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], la Cour suprême du Canada a confirmé que la norme de la décision raisonnable est présumée s’appliquer au contrôle des décisions administratives sur le fond. La présente affaire ne soulève aucune question qui justifierait que l’on s’écarte de cette présomption.
IV. Analyse
[12] Les demandeurs ont déposé plusieurs documents corroborant les antécédents de santé reproductive de Mme Dai et son historique avec le Bureau de la planification familiale (les documents de planification familiale). La SAR souligne que ces documents « sont au cœur [des] demandes [des demandeurs] »
. Je conviens avec le défendeur que la SAR, contrairement à la SPR, a effectué une évaluation détaillée des documents de planification familiale. J’ai soigneusement examiné l’évaluation des documents de planification familiale faite par la SAR et l’argument des demandeurs quant aux lacunes de cette évaluation.
[13] Je partage l’avis des demandeurs selon lequel il existe de graves lacunes dans l’évaluation faite par la SAR d’un document essentiel, le certificat des Services de planification familiale (le livret de planification familiale). La SAR se fonde sur son évaluation de ce livret pour tirer des conclusions défavorables additionnelles relativement à d’autres documents des demandeurs qui corroborent deux allégations clés de leurs demandes : l’avortement forcé en 2017 et la menace d’une intervention de stérilisation. Je suis convaincue que les lacunes dans l’évaluation du livret de planification familiale faite par la SAR sont « suffisamment capitale[s] [...] pour rendre [la décision] déraisonnable »
(Vavilov, au para 100).
[14] Dans le cadre de l’évaluation du livret de planification familiale faite par la SAR, un document a jouté un rôle clé : une réponse à une demande d’information portant sur les documents sur la planification familiale qui sont émis dans la province de Guangdong, qui comprenait un spécimen de livret de planification familiale. La SAR a fourni aux demandeurs cette réponse et les a informés qu’elle était communiquée [traduction] « en raison des renseignements qu’elle contient sur les documents de planification familiale, leur contenu et leur apparence par rapport aux documents soumis par l’appelant »
. Les demandeurs ont expliqué dans les observations qu’ils ont remises à la SAR que le livret de planification familiale qu’ils avaient soumis correspondait au spécimen.
[15] La SAR n’était pas d’accord. Elle a conclu qu’il y avait « des omissions et des incohérences importantes »
entre le spécimen du livret de planification familiale et le document fourni par les demandeurs. Par conséquent, la SAR a tiré « une conclusion défavorable quant à la crédibilité des allégations […] concernant l’avortement [et la stérilisation forcés] »
. Je conclus que les incohérences relevées par la SAR sont le résultat d’un examen à la loupe. Je conclus également que la preuve objective sur laquelle la SAR s’est appuyée n’étayait pas son opinion selon laquelle les documents des demandeurs comportaient des omissions importantes par rapport au spécimen.
[16] La SAR a souligné la différence de la traduction en anglais d’un titre dans le livret de planification familiale des demandeurs et dans le spécimen : «
Informed Choice Record of Contraception
»
dans le document des demandeurs, alors que c’est plutôt «
Record of Informed Choice in Contraception and Birth Control
»
dans le spécimen. Je suis d’avis que la différence entre ces titres est négligeable, d’autant plus qu’il s’agit d’une comparaison entre deux traductions. La distinction faite par la SAR est un exemple d’examen à la loupe de la preuve que notre Cour a considérée comme étant déraisonnable et ne pouvant fonder des conclusions défavorables quant à la crédibilité (Lawani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 924 au para 23).
[17] Les demandeurs ont également soutenu que la SAR aurait dû considérer que le titre du spécimen était identique à celui de leur document, en faisant la comparaison des caractères chinois des deux documents. Aucune preuve n’a été présentée pour expliquer que les caractères chinois étaient identiques. Les demandeurs ont plutôt demandé à la Cour de procéder elle-même à cette évaluation. Comme j’ai conclu que la différence entre les traductions anglaises était mineure, je n’ai pas besoin d’examiner cet argument. Je souligne toutefois que le juge Little a récemment abordé cette question au paragraphe 52 de la décision Shi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 196, où il a conclu que « les mésententes au sujet du contenu d’une traduction devraient être résolues par le témoignage de professionnels qualifiés et non par des profanes qui doivent décider si des caractères chinois se ressemblent ou pas »
.
[18] La SAR a également conclu à plusieurs omissions dans le livret de planification familiale des demandeurs. À mon avis, les conclusions de la SAR à cet égard reposaient sur ses propres hypothèses quant à ce qui devrait figurer dans le document et non sur une preuve objective.
[19] La SAR a constaté que les numéros des actes de naissance des enfants n’étaient pas indiqués dans le livret de planification familiale des demandeurs. Or, rien n’indique que ces numéros y sont systématiquement inscrits à la main. Ce n’est pas une raison pour conclure à une omission importante.
[20] Les autres omissions concernent des renseignements sur la santé reproductive de Mme Dai et les interventions subies à cet égard, que la SAR s’attendait à trouver à des endroits particuliers du livret de planification familiale. Je conclus que les attentes de la SAR n’étaient pas fondées sur une preuve objective, mais plutôt sur ses propres hypothèses.
[21] Par exemple, la SAR a indiqué qu’elle s’attendait à voir inscrits la pose du DIU de Mme Dai en 2012 et les examens subséquents dans la section « Attestation de choix éclairés en matière de contraception et de régulation des naissances »
[Record of Informed Choice in Contraception and Birth Control] du livret de planification familiale. La SAR n’a pas pris acte du fait que la pose du DIU et les examens (20 entrées) sont tous inscrits dans une autre section intitulée « Attestation d’examen de grossesse »
[Pregnancy Examination Record]. Il est indiqué dans l’entrée du 20 juin 2017 de cette section que le DIU s’est déplacé et que Mme Dai était enceinte. La SAR n’a pas pris acte de cette mention figurant dans le livret de planification familiale, qui corrobore la preuve des demandeurs selon laquelle la grossesse de Mme Dai a été découverte et qu’elle a été obligée de se soumettre à un avortement le même jour.
[22] La SAR n’était pas fondée à conclure que la pose du DIU et les examens auraient dû être inscrits dans la section particulière qu’elle a mentionnée. La réponse à la demande d’information n’indiquait rien en ce sens. La conclusion de la SAR était fondée sur sa propre opinion de ce qui devrait être inscrit, basée sur le titre de la section. Il s’agissait d’une hypothèse de la SAR qui ne permettait pas de fonder une conclusion défavorable.
[23] La SAR a également tiré une conclusion défavorable de l’omission, dans le livret de planification familiale, des renseignements sur l’atteinte inflammatoire pelvienne et l’avortement forcé de Mme Dai, ainsi que sur une éventuelle stérilisation de cette dernière. La SAR fonde cette conclusion sur sa propre opinion selon laquelle le livret de planification familiale devrait mentionner toutes les mesures et l’historique en matière de planification familiale. La réponse à la demande d’information n’indique pas que les avortements forcés, les plans concernant une éventuelle stérilisation et les autres problèmes médicaux sont systématiquement inscrits dans le livret de planification familiale. En l’absence de preuve que ces informations précises sont systématiquement inscrites et mises à jour dans le livret, il est déraisonnable de tirer une conclusion défavorable sur la base de leur absence. C’est particulièrement le cas en l’espèce, où il y avait d’autres documents corroborants confirmant l’avortement, la stérilisation envisagée et l’atteinte inflammatoire pelvienne.
[24] La SAR n’a accordé que peu ou pas de poids à ces autres documents corroborants provenant d’un hôpital de la ville d’origine des demandeurs (le carnet de dossier médical général clinique (urgence) et le certificat de diagnostic de maladie), car elle a conclu que les renseignements portant sur l’avortement de 2017 et l’atteinte inflammatoire pelvienne auraient dû être indiqués dans le livret de planification familiale. L’évaluation lacunaire du livret faite par la SAR a entraîné des répercussions sur son évaluation de ces autres documents.
[25] Les documents des demandeurs confirmant l’avortement et la stérilisation planifiée étaient aussi compatibles avec la réponse à la demande d’information sur laquelle s’est appuyée la SAR. Dans ce document, il est indiqué que « les hôpitaux “produisent des rapports [carnets] dans lesquels sont consignées les consultations médicales des patientes se rapportant aux avortements, aux interventions de stérilisation ou aux implantations de DIU” »
. Je note aussi que la SAR a conclu que le certificat de diagnostic de maladie n’attestait que de l’état de santé de Mme Dai et non « [de] l’avortement ni [de] l’obligation de se faire stériliser »
, ce qui est inexact puisque le certificat indique ceci : [traduction] « la stérilisation n’est pas pour l’instant conseillée, l’opération sera planifiée après le rétablissement »
. La SAR n’a pas renvoyé à cette déclaration qui correspond à la preuve présentée par les demandeurs selon laquelle une stérilisation était planifiée.
[26] Dans l’ensemble, je conclus que l’évaluation des documents personnels des demandeurs faite par la SAR présente de graves lacunes. Il ne s’agit pas d’erreurs mineures. Au contraire, elles touchent au cœur des demandes de protection des demandeurs. Par conséquent, la décision ne peut être maintenue, et il doit être statué à nouveau sur l’affaire.
[27] La demande de contrôle judiciaire est accueillie. Aucune des parties n’a soulevé une question de portée générale, et je conviens que l’affaire n’en soulève aucune.
JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-157-20
LA COUR STATUE que :
La demande de contrôle judiciaire est accueillie.
La décision rendue par la SAR le 16 décembre 2019 est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvelle décision.
Aucune question de portée générale n’est certifiée.
« Lobat Sadrehashemi »
Juge
Traduction certifiée conforme
Sandra de Azevedo, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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IMM-157-20
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INTITULÉ :
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JIAXING DAI ET AL c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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AUDIENCE TENUE par vidéoconférence
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DATE DE L’AUDIENCE :
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LE 17 fÉVRIER 2022
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JUGEMENT ET MOTIFS :
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LA JUGE SADREHASHEMI
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DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :
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LE 6 septembRE 2022
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COMPARUTIONS :
Gavin Maclean
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POUR LES DEMANDEURS
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Charles J. Jubenville
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POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Lewis & Associates
Avocats
Toronto (Ontario)
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POUR LES DEMANDEURS
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Procureur général du Canada
Toronto (Ontario)
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POUR LE DÉFENDEUR
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