IMM-2680-96
E n t r e :
NELUFER MUMTAZ KADEER,
requérante,
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
intimé.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE SUPPLÉANT HEALD
Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la section du statut de réfugié au sens de la Convention de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (le tribunal) en date du 15 juillet 1996. Par cette décision, le tribunal a conclu que la requérante n'était pas une réfugiée au sens de la Convention.
LES FAITS
La requérante est citoyenne du Sri Lanka et musulmane. Elle travaillait à Columbo comme secrétaire du juge en chef adjoint du Sri Lanka. Elle a indiqué dans sa déposition que, le 8 avril 1995, un membre des Tigres de l'Eelam tamoul (L.T.T.E.) lui a rendu visite chez elle. Elle prétend que les L.T.T.E. ont kidnappé son frère et ont menacé de le tuer, ainsi qu'elle-même, si elle ne leur remettait pas deux dossiers ayant trait à des poursuites criminelles en instance contre deux membres des L.T.T.E. Même si elle avait accès aux dossiers en question, elle s'est adressée à la police sur les conseils de son père. La police lui a suggéré de participer à un complot pour piéger les membres des L.T.T.E. Mais elle a refusé parce qu'elle craignait de mettre sa vie en danger. La police lui a fait des menaces en lui disant que, si elle ne voulait pas collaborer, elle serait arrêtée et accusée de participer à un réseau clandestin des L.T.T.E. Elle s'est donc enfuie pour aller se cacher et, avec l'aide d'un agent embauché par son père, elle est venue au Canada.
LA DÉCISION DU TRIBUNAL
La formation a tiré des conclusions défavorables au niveau de la crédibilité en s'appuyant sur son opinion que la déposition de la requérante n'était pas compatible avec la [TRADUCTION] "preuve documentaire faisant autorité sur les relations communales". Par conséquent, la formation a conclu ceci : [TRADUCTION] "d'après la prépondérance des probabilités, la déposition de la requérante ne peut qu'être réputée peu vraisemblable et non digne de foi". La conclusion de la formation concernant le manque de vraisemblance se fonde sur cinq déductions :
1) les L.T.T.E. ne chercheraient pas à recruter la requérante étant donné qu'elle est musulmane; |
2) les L.T.T.E. ne pouvaient pas savoir que la requérante avait accès aux dossiers criminels étant donné les relations qui existent entre les musulmans et les L.T.T.E.; |
3) les L.T.T.E. n'auraient pas mis au point un plan compliqué de kidnapping et de chantage pour obtenir des dossiers judiciaires étant donné que le système juridique au Sri Lanka est essentiellement fonctionnel, équitable et public; |
4) il est peu vraisemblable que le juge en chef adjoint soit chargé de tous les procès criminels en instance; et |
5) la police n'aurait pas menacé d'arrêter la requérante en l'accusant d'avoir participé au mouvement clandestin des L.T.T.E. parce que la communauté musulmane est une alliée du gouvernement. |
QUESTION
La formation a-t-elle commis une erreur susceptible de contrôle en tirant les déductions qui l'ont amenée à conclure que la revendication de la requérante n'était pas digne de foi en raison de ses conclusions sur l'invraisemblance de son témoignage, résumé ci-dessus.
ANALYSE
La jurisprudence établit clairement que la formation est un tribunal spécialisé investi du pouvoir de tirer des déductions de la preuve qui est produite devant lui et d'en arriver à des conclusions sur la crédibilité au regard de cette preuve. Par conséquent, la cour saisie de la demande de contrôle n'intervient pas à moins que les déductions du tribunal ne soient manifestement déraisonnables. Il incombe à la requérante de démontrer que le tribunal ne pouvait raisonnablement parvenir aux déductions qu'il a tirées1. Dans Aguebor, le juge Marceau, s'exprimant au nom de la Cour d'appel fédérale, dit ceci :
Il ne fait pas de doute que le tribunal spécialisé qu'est la section du statut de réfugié a pleine compétence pour apprécier la plausibilité d'un témoignage. Qui, en effet, mieux que lui, est en mesure de jauger la crédibilité d'un récit et de tirer les inférences qui s'imposent? Dans la mesure où les inférences que le tribunal tire ne sont pas déraisonnables au point d'attirer notre intervention, ses conclusions sont à l'abri du contrôle judiciaire. |
Mon examen du dossier me convainc que les déductions du tribunal et les conclusions auxquelles il est parvenu étaient raisonnables d'après le dossier. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.
CERTIFICATION
Aucun des avocats n'a formulé de question grave de portée générale à faire certifier aux termes de l'article 83 de la Loi sur l'immigration. Je suis d'accord avec eux. Par conséquent, aucune question ne sera certifiée.
"DARREL V. HEALD"
Juge suppléant
Toronto (Ontario)
le 11 juin 1997
Traduction certifiée conforme |
C. Delon, LL.L. |
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Avocats et procureurs inscrits au dossier
NE DU GREFFE : IMM-2680-96
INTITULÉ DE LA CAUSE : NELUFER MUMTAZ KADEER
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION |
DATE DE L'AUDIENCE : LE 9 JUIN 1997
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR : LE JUGE SUPPLÉANT HEALD
DATE : LE 11 JUIN 1997
ONT COMPARU :
Jack C. Martin
pour la requérante
Kevin Lunney
pour l'intimé
PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :
Jack C. Martin
Avocat et procureur
Refugee Law Office
481, avenue University
Bureau 603
Toronto (Ontario)
M5G 2E9
pour la requérante
George Thomson
Sous-procureur général du Canada
pour l'intimé
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
NE du greffe : IMM-2680-96
Entre :
NELUFER MUMTAZ KADEER,
requérante,
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
intimé.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
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