Date : 19981130
Dossier : T-2044-97
AFFAIRE INTÉRESSANT LA LOI SUR LA CITOYENNETÉ,
L.R.C. (1985), ch. C-29,
ET un appel interjeté de la décision
d'un juge de la citoyenneté,
ET
PAU CHI HSU,
appelant.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
LE JUGE BLAIS
[1] Appel est interjeté de la décision en date du 25 juillet 1997 par laquelle le juge de la citoyenneté a rejeté la demande de citoyenneté de l'appelant parce qu'il n'avait pas rempli la condition de résidence posée par l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté.
[2] L'appelant a obtenu le statut de résidence permanente le 21 août 1993, et il a demandé la citoyenneté le 2 octobre 1996.
[3] L'appelant a témoigné à l'audition pour préciser certains éléments :
[4] L'appelant est venu à Ridley College de St. Catherines et il a obtenu son diplôme en 1993 tout juste avant de s'établir au Canada.
[5] L'appelant a présenté sa demande d'admission au Western University en Ontario, mais il n'a pas été admis, il a été accepté par l'University of Pensylvannia (É.-U.A.).
[6] Il a fait des études au Warden School of Finance, et a obtenu un MBA en quatre ans au lieu de cinq. Il a justement obtenu son diplôme en mai 1997.
[7] Il a postulé plusieurs postes, et il n'a reçu aucune réponse au Canada.
[8] Il est revenu à Hong Kong pour visiter ses parents en décembre 1992 pour deux semaines, en mars 1993 pour une autre période de deux semaines, et il est revenu à Hong Kong pendant l'été 1993.
[9] Ses parents et son frère se sont installés au Canada en août 1993, dans une maison qu'ils ont achetée en avril 1993.
[10] Juste quelques jours après être arrivé au Canada à la suite de sa visite de Hong Kong, il s'est rendu en Pennsylvanie pour commencer son MBA.
[11] En décembre 1993, il est revenu à Toronto pour voir ses parents pendant les vacances de Noël, et il est retourné aux États-Unis pour achever ses études. Il a également passé les vacances d'été à Hong Kong et en République de Chine, pour des emplois d'été.
[12] Après qu'il eut terminé son MBA en 1997, il a tenté d'obtenir un emploi au Canada mais, enfin, il a obtenu un programme de formation chez J.P. Morgan Financial Institution aux États-Unis, et il travaille maintenant pour Moody's Investors Service de New York.
[13] Il a mentionné à la Cour qu'il avait l'intention de revenir au Canada afin de travailler et de s'y établir définitivement et que le travail qu'il faisait chez Moody's Investors Service était temporaire; il s'agissait d'un programme de formation qui l'aiderait à trouver un emploi au Canada dans un nouveau genre d'opérations financières portant sur des prêts garantis par des biens immobiliers.
[14] Selon son témoignage, il a mentionné que ce nouveau produit financier n'est pas encore exploité au Canada, mais que ce dernier le sera dans les prochaines années.
[15] L'Amicus curiae a soulevé la question de savoir si l'appelant avait centralisé son mode de vie au Canada.
[16] Si on examine le dossier, la demande de citoyenneté canadienne indique que le demandeur s'est absenté du Canada pendant 1 082 jours et, après des corrections compte tenu de sa présence à St. Catherines pour des études secondaires en 1992, cette absence est de 874 jours. Cela signifie une présence physique au Canada de 231 jours dans les quatre ans qui ont précédé la demande de citoyenneté; il manque à l'appelant 874 jours.
[17] L'appelant prétend que son absence du Canada était de nature temporaire, aux fins d'études; il prétend également que bien qu'il ne se soit pas trouvé au Canada physiquement, il a maintenu et centralisé son mode de vie au Canada au cours de la période en cause.
[18] Apparemment, ses parents ont acheté un condominium de deux chambres à coucher dans la région de Toronto, et la deuxième chambre à coucher est destinée aux deux frères; l'appelant a laissé des effets personnels dans cette chambre au cours de son absence du Canada.
[19] Si nous tenons compte de la Loi, elle exige que le demandeur établisse en premier lieu sa résidence permanente au Canada et, en second lieu, qu'il y ait, dans les quatre ans qui ont précédé sa demande de citoyenneté, résidé pendant au moins trois ans en tout.
[20] Évidemment, la jurisprudence a donné lieu à une approche plus littérale de la condition de 1095 jours de présence au Canada dans les quatre ans qui ont précédé la demande; mais ces chiffres n'étaient pas là pour rien.
[21] La Loi exige de l'appelant qu'il établisse en premier lieu une résidence permanente au Canada et qu'en second lieu, il y ait résidé pendant trois ans en tout. Je ne crois que la résidence permanente puisse être établie en l'espèce. De plus, même si l'appelant a fermement affirmé devant la Cour qu'il avait l'intention de retourner au Canada, il n'existe guère d'éléments de preuve qui étayent le fait qu'il avait l'intention d'y retourner. Puisque l'appelant prétend que bien qu'il ne se soit pas trouvé au Canada physiquement, il y a maintenu et centralisé son mode de vie au cours de la période en question, je vais simplement énumérer des questions qui peuvent être posées en vue d'une telle détermination; ce critère a été établi dans Re Koo (1992), 19 Imm. L.R. (2d) 1, 59 F.R.R. 27, [1993] 1 C.F. 286 (1re inst.) :
1. La personne était-elle physiquement présente au Canada durant une période prolongée avant de s'absenter juste avant la date de sa demande de citoyenneté? |
2. Où résident la famille proche et les personnes à charge (ainsi que la famille étendue) du requérant? |
3. La forme de présence physique de la personne au Canada dénote-t-elle que cette dernière revient dans son pays ou, alors, qu'elle n'est qu'en visite? |
4. Quelle est l'étendue des absences physiques? Lorsqu'il ne manque à un requérant que quelques jours pour atteindre le nombre total de 1095 jours, il est plus facile de conclure à une résidence réputée que lorsque ces absences sont considérables. |
5. L'absence physique est-elle imputable à une situation manifestement temporaire (par exemple, avoir quitté le Canada pour travailler comme missionnaire, suivre ses études, exécuter un emploi temporaire ou accompagner son conjoint, qui a accepté un emploi temporaire à l'étranger)? |
6. Quelle est la qualité des attaches du requérant avec le Canada : sont-elles plus importantes que celles qui existent avec un autre pays? |
[22] Répondre à ces questions c'est répondre réellement à la question de savoir si le demandeur a maintenu et centralisé son mode de vie au Canada.
[23] Même si le cas de l'appelant suscite de la sympathie, et que son père, sa mère et son frère se soient établis au Canada, la preuve présentée au juge de la citoyenneté et à la Cour n'a pas démontré que l'appelant avait maintenu et centralisé son mode de vie au Canada au cours de la période en cause.
[24] Si l'appelant revient enfin au Canada pour s'y établir, y travailler et maintenir des rapports avec sa famille, il sera en meilleure position pour demander la citoyenneté, mais je regrette de ne pouvoir conclure qu'il a rempli la condition de résidence.
[25] Par ces motifs, l'appel est rejeté.
Pierre Blais
Juge
Ottawa (Ontario)
le 30 novembre 1998
Traduction certifiée conforme
Tan, Trinh-viet
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER
No DU GREFFE : T-2044-97 |
INTITULÉ DE LA CAUSE : Affaire intéressant un appel interjeté de la décision d'un juge de la citoyenneté; |
Et PAU CHI HSU |
LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario) |
DATE DE L'AUDIENCE : Le 10 novembre 1998 |
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE BLAIS
EN DATE DU 30 novembre 1998 |
ONT COMPARU :
Mary Lam pour l'appelant |
Peter K. Large amicus curiae |
PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :
Cecil L. Rotenberg, c.r. pour l'appelant |
Avocats |
Don Mills (Ontario) |
Peter K. Large |
Avocat |
Toronto (Ontario) amicus curiae |