Date : 20050524
Dossier : IMM-5213-04
Référence : 2005 CF 735
Ottawa, Ontario, ce 24ièmejour de mai 2005
Présent : Monsieur le juge Rouleau
ENTRE :
NIDIA CALVO CORDERO
OLIVIER RETANA GENTILINI
Demandeurs
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION
Défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision rendue le 21 mai 2004 par la Section de la protection des réfugiés (tribunal) qui ne reconnaissait pas que M. Olivier Retana Gentilini (demandeur) ni que son épouse Mme Nidia Calvo Cordero (collectivement, les demandeurs) étaient des réfugiés au sens de la Convention, ni de personnes à protéger aux termes des articles 96 et 97 respectivement de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (Loi).
[2] M. Olivier Retana Gentilini et son épouse, Mme Nidia Calvo Cordero, sont tous les deux citoyens du Costa Rica. Ils ont vécu aux États-Unis en Caroline du Nord sans statut entre 1996 et 2001. À leur retour au Costa Rica, ils ont été menacés par des gens du village qui croyaient qu'ils avaient rapporté une somme considérable d'argent des États-Unis.
[3] En janvier 2002, M. Retana Gentilini travaillait comme chauffeur de taxi. Il allègue avoir été menacé avec une machette et avoir reçu plusieurs appels téléphoniques le menaçant de séquestration et de mort.
[4] Au début 2003, deux de ses compagnons de travail furent attaqués et volés. Le demandeur soumet que ses deux compagnons lui ressemblaient et conduisaient des automobiles de la même couleur que la sienne; que les malfaiteurs auraient voulu l'assaillir mais aurait manqué leur coup, à deux reprises.
[5] Le demandeur allègue qu'il s'est présenté au bureau de police, mais que ces derniers étaient trop occupés et qu'on lui aurait répondu ne pas avoir la capacité de répondre à toutes les demandes.
[6] Les demandeurs ont quitté le Costa Rica le 18 août 2003. Ils sont arrivés au Canada le même jour et ont présenté leur demande le 19 septembre 2003.
[7] Le tribunal a conclu que le Costa Rica est une démocratie constitutionnelle stable, dotée d'un organisme judiciaire indépendant disposant de moyens efficaces pour régler les cas d'abus individuels, et il incombe donc au demandeur d'établir que l'État ne lui aurait pas assuré une protection. Le tribunal est d'avis que les demandeurs ne se sont pas déchargés du fardeau de preuve à savoir que l'État ne voulait, ni ne pouvait les protéger.
[8] Le tribunal est également d'avis que les demandeurs ont été ciblés parce qu'ils étaient perçus comme des gens ayant de l'argent, ce qui n'a aucun lien avec l'un ou l'autre des cinq motifs prévus à la Convention.
[9] Le demandeur prétend que le tribunal a erré en analysant la protection d'une manière générale et en croyant que les demandeurs devaient épuiser les recours qui s'offraient à eux concernant leur sécurité physique, et compte tenu des menaces de plus en plus insistantes à leur endroit.
[10] De plus, le demandeur allègue que le tribunal n'a pas rejeté la majorité de sa preuve pertinente et n'a pas mis en doute sa crédibilité, mais a quand même rejeté sa revendication.
[11] Après une lecture du cahier jurisprudence, le tribunal a conclu comme suit:
Comme le Costa Rica est de longe date une démocratie constitutionnelle stable dotée d'un organe judiciaire indépendant disposant de moyens efficaces pour régler les cas d'abus individuels, il incombe au demandeur d'établir que l'État ne lui aurait pas assuré une protection. Le demandeur doit aller plus loin que de simplement démontrer qu'il s'est adressé à certains membres du corps policier et que ses démarches ont été infructueuses. Plus les institutions de l'État sont démocratiques, plus le demandeur doit avoir cherché à épuiser les recours qui s'offrent à lui.
Le tribunal est d'avis que le demandeur ne s'est pas déchargé du fardeau de preuve à savoir que l'État ne voulait, ni ne pouvait le protéger. (Voir les motifs de la décision du Tribunal, à la page 2 et 3) [je souligne]
[12] Tout d'abord, je suis satisfait que le tribunal a correctement conclu que les demandeurs n'appartenaient pas à un groupe social au sens de la Convention.
[13] De plus, les demandeurs n'ayant pas surmonté le fardeau de preuve que la protection policière du Costa Rica n'était pas suffisante, le tribunal était justifié de conclure comme il l'a fait.
[14] Il faut souligner que pour se qualifier en tant que réfugié au sens de la Convention, un demandeur doit faire partie "d'un groupe craignant d'être persécuté du fait de sa race, sa religion et son appartenance à un groupe social, ou de ses opinions politiques...". Or, en appliquant les critères établis dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, le juge McKeown, dans une cause semblable à celle-ci, citait:
"L'arrêt Ward définit trois groupes dont un demandeur peut faire partie et qu'il peut citer à l'appui de sa revendication du statut de réfugié:
(i) les groupes définis par une caractéristique innée ou immuable (c'est-à-dire le sexe, la langue maternelle ou les tendances sexuelles);
(ii) les groupes dont les membres s'associent volontairement pour des raisons si essentielles à leur dignité humaine qu'ils ne devraient pas être contraints à renoncer à cette association (c'est-à-dire les activistes de la défense des droits de la personne); et
(iii) les groupes associés par un ancien statut volontaire immuable en raison de sa permanence historique (du fait que le passé est un élément immuable de la personne).
[...] À mon avis, la Cour suprême, en concevant les catégories supra, a rejeté la définition élargie de groupe social qui comprendrait essentiellement toute alliance d'individus ayant un objectif commun, ou une interprétation qui caractériserait un groupe social du fait que ses membres sont tous victimes de persécution. Leur qualité de personnes riches ou de propriétaires terriens ne fait pas des requérants des membres d'un groupe social particulier. (Mortera c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 1319)."
(C'est moi qui souligne)
[15] En l'espèce, le tribunal a accepté comme preuve que les demandeurs étaient victimes de criminalité. Or, le tribunal a donc raisonnablement conclu qu'encore une fois les revendications n'avaient aucun lien avec un des motifs de la définition de réfugié au sens de la Convention, car;
"Or, la jurisprudence indique que des individus, tels les demandeurs, visés par des actes criminels ne sauraient être considérés membres d'un groupe social au sens de l'arrêt Canada c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689 (voir Rizkallah v. M.E.I. (1992), 156 N.R. 1 (C.A.F.); Karpounin v. M.E.I. (1995), 92 F.T.R. 219; Soberanis c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, [1996] A.C.F. no 1282, (8 octobre 1996), IMM-401-96; Vargas c. Canada (M.C.I.), 2002 CFPI 1019, [2002] A.C.F. no 1350 (1re inst.) (QL) et Galvan c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, [1000] A.C.F. no 1433, (7 avril 2000, IMM-304-99). La CISR n'a pas commis d'erreur en concluant ainsi, et sa décision à cet égard justifie à elle seule le rejet de la revendication des demandeurs. (Hernandez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F. no 16 au paragraphe 10)."
ORDONNANCE
Pour les motifs précités, la demande de contrôle judiciaire est rejeté.
"Paul Rouleau"
JUGE
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-5213-04
INTITULÉ: NIDIA CALVO CORDERO
OLIVIER RETANA GENTILINI c. M.C.I.
LIEU DE L'AUDIENCE : Montréal, Qc
DATE DE L'AUDIENCE : 2 mai 2005
MOTIFS : L'honorable juge Rouleau
COMPARUTIONS:
Me Michel Le Brun POUR LES DEMANDEURS
Me Sherry Rafai Rar POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:
Me Michel Le Brun POUR LES DEMANDEURS
Lasalle, Qc
Justice Canada POUR LE DÉFENDEUR
Complexe Guy-Favreau
200 ouest, boul. René-Lévesque
Tour Est, 5e étage
Montréal, Qc
H2Z 1X4