Date : 20220615
Dossier : IMM‑911‑20
Référence : 2022 CF 899
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 15 juin 2022
En présence de madame la juge Fuhrer
ENTRE :
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PATRICK AKINBOBOLA TEMITOPE ADUWO
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demandeur
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et
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LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
I.
Aperçu
[1] Le demandeur est un citoyen du Nigéria qui est entré au Canada muni d’un permis d’études temporaire pour étudier l’informatique à l’Université Carleton à Ottawa. Il a souffert d’importants problèmes de santé mentale qui l’ont amené à ne plus se présenter en classe, et à vivre dans la rue pendant un certain temps.
[2] Le père du demandeur a signalé sa disparition à la police vers le 14 janvier 2020. Le demandeur a été arrêté par l’Agence des services frontaliers du Canada [l’ASFC] le 22 janvier 2020. Il a été déclaré interdit de territoire à la même date pour avoir contrevenu à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR] et aux conditions applicables à son permis d’études temporaire. Par conséquent, une mesure d’exclusion a été prise contre lui.
[3] Le demandeur dépose la présente demande de contrôle judiciaire pour que soient annulées la décision du délégué du ministre [le délégué] selon laquelle il est interdit de territoire et la mesure d’exclusion, et pour que l’affaire soit renvoyée pour nouvel examen. Entre‑temps, la Cour a sursis à l’exécution de la mesure de renvoi du demandeur le 24 mars 2021, en attendant l’issue de sa demande de contrôle judiciaire.
[4] Malgré le pouvoir discrétionnaire limité dont jouissait le délégué en l’espèce, j’estime que la prise de la mesure d’exclusion dénotait un manquement à l’équité procédurale dans les circonstances et, par conséquent, que la décision de prendre ladite mesure était déraisonnable. Pour les motifs qui sont exposés ci‑après, j’accueille donc la demande de contrôle judiciaire présentée par le demandeur.
II.
Questions en litige
[5] Le défendeur a soulevé une objection préliminaire à l’égard des affidavits ou des parties d’affidavits présentés par le demandeur à l’appui de sa demande, comme il est mentionné ci‑après.
[6] Sinon, j’estime qu’il y a deux grandes questions en litige, qui sont les suivantes :
1) Le délégué a‑t‑il correctement établi si le demandeur était en mesure de comprendre la nature de la procédure conformément à l’alinéa 228(4)b) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 [le RIPR]?
2) La décision du délégué consistant à prendre la mesure d’exclusion était‑elle raisonnable?
[7] Voir à l’Annexe A les dispositions législatives pertinentes.
III.
Norme de contrôle
[8] La question relative à la capacité du demandeur de comprendre la nature de la procédure relève essentiellement de l’équité procédurale, qui commande l’application d’une norme de contrôle s’apparentant à celle de la décision correcte : Benchery c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 217 [Benchery] aux para 8‑9; Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 au para 54; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] au para 77. La cour de révision doit essentiellement déterminer si la procédure était équitable eu égard aux circonstances : Chaudhry c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 520 au para 24.
[9] La norme de contrôle de la décision raisonnable s’applique à la seconde question en litige, qui concerne le fond de la décision, et il incombe au demandeur de démontrer que la décision était déraisonnable : Vavilov, aux para 10, 25, 100. Pour éviter l’intervention de la Cour, les motifs du délégué doivent être justifiés, transparents et intelligibles, et ils doivent tenir compte à la fois du résultat de la décision et du raisonnement à l’origine de ce résultat : Vavilov, aux para 86‑87, et 99.
IV.
Analyse
(i)
Question préliminaire – Objection à la preuve par affidavit présentée par le demandeur
[10] J’estime que les affidavits présentés par le demandeur à l’appui de sa demande sont généralement admissibles, sous réserve de ma conclusion quant à l’inadmissibilité de certains paragraphes, pour les motifs qui suivent.
[11] Le défendeur s’est d’abord opposé à la preuve par affidavit présentée à l’appui du dossier du demandeur parce qu’elle émanait du père du demandeur, monsieur Adegboyega Ademola Aduwo, plutôt que du demandeur lui‑même, et il a soutenu que la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire devrait être rejetée en l’absence d’un affidavit personnel du demandeur ou, subsidiairement, que la preuve par affidavit à l’appui de la demande ne devrait recevoir aucun poids. Il s’est aussi opposé aux autres affidavits émanant du père du demandeur et ayant été présentés sans autorisation. Le défendeur n’a pas donné suite à cette dernière objection à l’audience. Il y a quatre affidavits à l’appui de la demande, et ils sont datés du 9 mars 2020, du 30 juillet 2020, du 19 mars 2021 et du 23 mars 2021. Les deux derniers affidavits ont été produits à l’appui de la requête en sursis présentée par le demandeur et ont été admis par la Cour.
[12] Il y a une jurisprudence assez contradictoire de la Cour quant à l’incidence sur la procédure de la preuve par affidavit qui n’est pas faite sous serment (ou affirmation solennelle) par le demandeur, que je recense selon qu’elle est fatale, presque fatale et non fatale, en ces termes :
- Fatale : Fatima c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 1086 au para 5;
- Presque fatale (selon la force probante) : Ebrahimshani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 89 aux para 20‑21; Ismail c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 446 au para 21;
- Non fatale (particulièrement lorsque le dossier certifié du tribunal renferme l’information nécessaire) : Conka c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 532 au para 14; Krah c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 361 au para 16.
[13] J’estime que, dans des circonstances où un demandeur souffre de problèmes de santé mentale ou d’autres types de maladies incapacitantes, il est tout à fait logique d’admettre en preuve et de prendre en compte l’affidavit d’une autre personne qui connaît la situation du demandeur, tant que l’affidavit est nécessaire et fiable; R c Khan, 1990 CanLII 77 (CSC), [1990] 2 RCS 531.
[14] Quoi qu’il en soit, j’estime qu’il est inutile de concilier les courants jurisprudentiels décrits plus haut. Le défendeur a concédé à l’audience de la présente affaire que le paragraphe 10(2) des Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93‑22, n’exige pas que les affidavits présentés à l’appui par le demandeur aient été faits sous serment par celui‑ci. Il a plutôt limité son objection à l’admissibilité des paragraphes 11 à 16 de l’affidavit daté du 9 mars 2020 et des paragraphes 10 à 13 de l’affidavit daté du 30 juillet 2020. Plus particulièrement, il affirme que ces paragraphes sont inadmissibles parce qu’ils renferment des opinions et des arguments. C’est aussi mon avis, à deux exceptions près. J’estime que les deuxièmes phrases du paragraphe 13 et du paragraphe 12 des affidavits datés du 9 mars 2020 et du 30 juillet 2020, respectivement, portent davantage sur des faits et, par conséquent, parmi les deux groupes de paragraphes auxquels s’est objecté le défendeur, je suis disposée à admettre en preuve ces deux phrases, en plus des autres affidavits.
1)
Incapacité du demandeur de comprendre la nature de la procédure
[15] Je suis convaincue que le délégué a omis de prendre les mesures voulues pour établir si le demandeur était en mesure de comprendre la nature de la procédure intentée contre lui et que cette omission constituait un manquement à l’équité procédurale dans les circonstances.
[16] Comme l’a récemment reconnu le juge Pentney de la Cour, l’alinéa 228(4)b) du RIPR vise à protéger les personnes dans un état de vulnérabilité; il faut adopter une interprétation large et libérale d’une telle protection et traiter la question comme une question d’équité procédurale : Benchery, au para 8.
[17] En dépit du fait que la juge Heneghan a exprimé une opinion différente (« l’évaluation par le délégué de la capacité mentale du demandeur est une question mixte de fait et de droit ») dans la décision Reid c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 222 [Reid] au para 49, j’estime que la décision Reid est différente de l’espèce. Dans cette affaire, la seule preuve de l’incapacité mentale du demandeur était un rapport médical fondé sur une entrevue qu’avait menée un médecin plus d’un mois après l’entrevue d’immigration réalisée auprès du demandeur à son arrivée au Canada. La juge Heneghan a conclu que, même si le rapport soulevait un doute sur la capacité mentale du demandeur, il ne suffisait pas, sans autres éléments, « pour démontrer que le demandeur ne savait pas ou ne comprenait pas ce qu’il a dit lorsqu’il a été interrogé à son arrivée au Canada, d’abord par l’agent, puis par le délégué »
: Reid, au para 38. De plus, les éléments de preuve contradictoires déposés par le délégué du ministre dans la décision Reid comportaient un affidavit des défendeurs au sujet duquel le délégué a été contre‑interrogé.
[18] Il appert en l’espèce que le délégué ne disposait pas de la preuve médicale du demandeur, selon laquelle sa santé mentale s’était détériorée au cours des mois précédant son arrestation par l’ASFC, au moment où la décision a été rendue. Le délégué a renvoyé expressément, toutefois, aux notes consignées par l’agent d’exécution de la loi dans les bureaux intérieurs, sur lesquelles repose le rapport établi au titre du paragraphe 44(1) de la Loi, et il a dit souscrire aux recommandations de l’agent. Comme je l’explique ci‑après, à mon avis, les notes consignées par l’agent révèlent cette détérioration, analysent la preuve médicale dont il disposait et contiennent des recommandations. Ces dernières ne tiennent pas compte à première vue de la possibilité que, pendant l’entrevue avec l’agent, les affirmations formulées par le demandeur portaient à croire qu’il ne comprenait pas et ne suivait pas ce qui se passait. J’estime que l’assentiment du délégué aux recommandations de l’agent, jumelé à la façon dont le délégué a mené l’entrevue qui a suivi avec le demandeur, constituait un manquement à l’équité procédurale dans les circonstances.
[19] Les notes consignées par l’agent et les notes consignées par le délégué, dont le compte rendu de la mesure de renvoi administrative, font état du fil des événements qui suit :
[traduction]
ð 21 janvier 2020
- 18 h : L’Université Carleton a procédé à l’arrestation du demandeur et l’a remis à la police d’Ottawa qui l’a amené à l’Hôpital général d’Ottawa; le demandeur a été détenu pour la nuit à la demande de son père pour qu’il soit évalué par le psychiatre le lendemain matin;
- 21h : L’agent est arrivé à l’hôpital et y a passé la nuit;
ð 22 janvier 2020
- 13 h : L’agent s’est entretenu avec le psychiatre;
- 13 h 10 : Après que le demandeur a pris un petit déjeuner et un déjeuner complets à l’hôpital, où des portions supplémentaires lui ont été servies, l’agent a placé le demandeur en détention; le demandeur a été amené au bureau intérieur d’exécution de la loi d’Ottawa où il a été interrogé; l’agent a aussi servi la nourriture au demandeur à 13 h 45;
- 14 h 25– 14 h 36 : Le délégué a interrogé le demandeur;
- 14 h 55 : Le délégué a transmis la décision consistant à prendre une mesure d’exclusion contre le demandeur.
[20] De plus, les notes consignées par l’agent mentionnent que le père du demandeur a présenté une ordonnance d’examen à la police d’Ottawa. Elles précisent que le psychiatre qui a évalué le demandeur à l’hôpital avait affirmé que celui‑ci semblait souffrir d’une psychose non traitée dont il n’était peut‑être pas conscient. Même si elles révèlent que le psychiatre a fait savoir à l’agent que le demandeur était en mesure de comprendre et de suivre parfaitement ce qui se passait, les notes indiquent qu’il a donné une ordonnance à remettre au psychiatre du Centre de détention d’Ottawa‑Carleton (le CDOC) et qu’il a souligné que le demandeur aurait peut‑être besoin d’un suivi par le psychiatre du CDOC.
[21] Qui plus est, les notes consignées par l’agent mentionnent que le père du demandeur lui a fait savoir que le demandeur souffrait d’une maladie mentale, mais qu’il refusait de prendre des médicaments. L’agent a aussi constaté que le père du demandeur n’avait aucune autorité sur le demandeur et ne pouvait pas le convaincre de suivre les instructions ou les ordres. L’agent n’a donné aucune explication quant aux raisons pour lesquelles il s’attendait à ce que le père du demandeur exerce de l’autorité à l’endroit d’un adulte qu’il avait lui‑même jugé en mesure de comprendre ce qui lui arrivait.
[22] Quoi qu’il en soit, j’estime qu’il y a des contradictions entre les notes qui relatent ce que l’agent a pu observer pendant l’entrevue avec le demandeur, et les conclusions qu’il a tirées et qui rejettent ou écartent les informations contradictoires quant à l’apparence ou à l’état mental du demandeur. En voici des exemples :
[traduction]
Conclusion
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Observation(s) contradictoire(s)
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1 – Il était habillé convenablement.
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2 – Il semblait bien orienté dans le temps et l’espace.
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‑ et ‑
‑ et ‑
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3 – Il était coopératif, poli et jovial.
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4 – Il me regardait dans les yeux.
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5 – Il s’exprimait clairement et il a pu répondre à mes questions sans hésitation.
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Voir les points 2, 3 et 4 plus haut.
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6 – Il comprenait les questions. Il ne perdait pas le fil de ses idées et ses réponses correspondaient aux questions qui lui étaient posées.
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Voir les points 2, 3 et 4 plus haut.
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[23] Sur la foi de ce qui précède, l’agent n’en a pas moins cru que le demandeur était en mesure de saisir clairement la nature de la procédure. Il a recommandé que le demandeur soit mis en détention jusqu’à son renvoi du Canada en raison d’un manque de solutions de rechange adéquates à la détention.
[24] Dans ce contexte, le délégué a mené une entrevue avec des questions écrites à l’avance d’une durée de onze minutes. Je souligne que, en d’autres circonstances, la courte durée de l’entrevue menée par le délégué n’aurait pas posé de problème, mais j’estime qu’en l’espèce, il s’agit d’un élément pertinent étant donné les événements qui ont précédé l’entrevue.
[25] Selon les notes consignées pendant l’entrevue, le délégué a posé au demandeur uniquement des questions permettant de confirmer son identité et visant à établir s’il comprenait ce qu’on lui disait, ce à quoi le demandeur avait répondu par l’affirmative. Il a offert au demandeur la possibilité de présenter des éléments de preuve ou de formuler des observations se rapportant aux éléments de preuve, ce à quoi le demandeur a répondu qu’il allait à l’université, qu’il avait manqué ses cours pendant une semaine, et qu’il essayait de rattraper le temps perdu. Ces questions ont été posées après que le demandeur eut reçu copie des recommandations de l’agent figurant dans le rapport établi au titre du paragraphe 44(1). Plus important encore, à mon avis, est le fait que l’entrevue s’est produite dans les heures suivant lesquelles le demandeur avait reçu son congé de l’hôpital où il avait subi une évaluation psychiatrique et il avait reçu à manger, et l’agent l’avait interrogé et lui avait encore donné à manger. Dans ses notes consignées, le délégué ne mentionne pas qu’il a posé au demandeur la moindre question sur sa santé mentale.
[26] Des éléments de preuve ont été présentés au demandeur démontrant qu’il s’était absenté de l’université pendant une longue période et que l’agent et le délégué disposaient de l’information. Rien n’indique que, vu la preuve relative à une possible maladie mentale, dont une psychose non traitée, le délégué a pris en compte la question de savoir si les fausses déclarations faites par le demandeur pouvaient traduire une incapacité à comprendre la situation dans laquelle il se trouvait ou la procédure intentée contre lui. Même si le demandeur a affirmé qu’il comprenait, cela ne signifie pas pour moi qu’il a nécessairement tout saisi de ce qui se déroulait autour de lui. Rien n’indique que le délégué a pris la moindre mesure pour s’assurer que le demandeur était en mesure de comprendre la nature de la procédure, comme le prévoit l’alinéa 228(4)b) du RIPR, au‑delà des simples questions qu’il lui a posées quant à son identité et quant à savoir s’il comprenait. Je suis convaincue, dans les circonstances, que cela était insuffisant et que cela contrevenait à l’équité procédurale.
[27] En dépit du fait que le défendeur soutient que la décision Benchery est analogue à la présente affaire, la seule preuve que le demandeur n’était pas en mesure de comprendre la nature de la procédure dont disposait le décideur dans Benchery consistait dans des affirmations des agents d’immigration quant à l’état de fragilité montré par le demandeur à l’audience. En l’espèce, l’information contenue dans les notes consignées par l’agent indique que le demandeur pouvait souffrir d’une psychose non diagnostiquée, qu’il avait pris des médicaments par le passé, et qu’il refusait de les prendre, que son père estimait qu’il avait besoin de ces médicaments pour soigner sa maladie mentale, et que le psychiatre à l’Hôpital général d’Ottawa avait remis une ordonnance au psychiatre du CDOC et recommandait à celui‑ci d’effectuer un suivi. C’est bien plus qu’une affirmation selon laquelle le demandeur montrait un état de fragilité. J’estime qu’il incombait au délégué de prendre des mesures pour vérifier si la santé mentale du demandeur rendait celui‑ci incapable de comprendre la nature de la procédure intentée contre lui.
2)
Caractère raisonnable de la décision du délégué de prendre une mesure d’exclusion
[28] Je suis convaincue que la décision du délégué consistant à prendre une mesure d’exclusion était déraisonnable dans les circonstances.
[29] Le défendeur soutient qu’il est peu probable que le pouvoir discrétionnaire limité du ministre, à la lumière du non‑respect de la Loi et des conditions applicables au permis d’études temporaire par le demandeur, produise un résultat différent si l’affaire est renvoyée pour nouvel examen. Comme il est mentionné plus haut, l’arrêt Vavilov préconise que le contrôle judiciaire s’intéresse au résultat obtenu, mais aussi au raisonnement suivi.
[30] Il est indiqué dans les notes consignées par le délégué que celui‑ci a examiné toute l’information se rapportant à l’affaire, et qu’il souscrit aux recommandations formulées par l’agent. De plus, le délégué affirme que le demandeur comprenait les questions qui lui avaient été posées et qu’il comprenait les éléments et les conséquences de la mesure d’exclusion. Que le demandeur comprenait ou non les questions qui lui avaient été posées ou l’information qui lui avait été transmise ne répond pas à l’avant‑dernière question, soit celle de savoir s’il comprenait la nature de la procédure intentée contre lui, et cela dénote une absence de justification du résultat, qui est la décision consistant à prendre une mesure d’exclusion à ce moment.
V.
Conclusion
[31] Lorsqu’il a décidé de prendre une mesure d’exclusion au titre du paragraphe 228(1) du RIPR, le délégué était tenu de s’assurer que le demandeur était en mesure de comprendre la nature de la procédure conformément à l’alinéa 228(4)b) du RIPR. Pour les motifs qui sont énoncés précédemment, je conclus que, devant les problèmes de santé mentale dont souffrait le demandeur en l’espèce, l’omission du délégué de prendre des mesures pour s’assurer que le demandeur était en mesure de comprendre la nature de la procédure, au‑delà de se borner à lui demander s’il comprenait ce qu’on lui disait, constitue un manquement à l’équité procédurale, qui rend la décision consistant à prendre une mesure d’exclusion déraisonnable.
[32] Par conséquent, j’accueille la demande de contrôle judiciaire du demandeur.
[33] Aucune des parties n’a proposé de question grave de portée générale à certifier, et j’estime qu’aucune n’est soulevée dans les circonstances.
JUGEMENT dans le dossier IMM‑911‑20
LA COUR STATUE :
La demande de contrôle judiciaire du demandeur est accueillie.
La décision et la mesure d’exclusion du défendeur datée du 22 janvier 2020 sont annulées. L’affaire est renvoyée à un autre délégué pour qu’il rende une nouvelle décision.
Il n’y a aucune question à certifier.
« Janet M. Fuhrer »
Juge
Traduction certifiée conforme
Line Niquet
Annexe A – Dispositions pertinentes
Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27
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Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (DORS/2002‑227)
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COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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IMM‑911‑20
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INTITULÉ :
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PATRICK AKINBOBOLA TEMITOPE ADUWO c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE
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DATE DE L’AUDIENCE :
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LE 25 mai 2022
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JUGEMENT ET MOTIFS :
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LA JUGE FUHRER
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DATE DES MOTIFS :
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LE 15 JUIN 2022
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COMPARUTIONS :
Isaac Owusu ‑ Sechere
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pour le dEmandeur
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Geneviève Tremblay ‑ Tardif
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pour le défendeur
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Isaac Owusu ‑ Sechere
Avocat
Ottawa (Ontario)
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pour le dEmandeur
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Procureur général du Canada
Ottawa (Ontario)
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pour le défendeur
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