Date : 20220422
Dossier : IMM‑336‑21
Référence : 2022 CF 589
Ottawa (Ontario), le 22 avril 2022
En présence de monsieur le juge James W. O’Reilly
ENTRE :
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MARYAM SAFARZADEH
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demanderesse
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET L’IMMIGRATION
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
I.
Aperçu
[1] En 2018, Mme Maryam Safarzadeh, une citoyenne iranienne, a demandé la résidence permanente au Canada à titre de travailleur autonome. Elle projetait d’ouvrir un atelier d’artiste à Toronto où elle aurait exposé ses propres œuvres et offert des cours d’art.
[2] À l’appui de sa demande, Mme Safarzadeh a déposé des éléments de preuve de ses antécédents en tant qu’artiste, et notamment des expositions qu’elle a présentées, des cours d’art qu’elle a donnés et des contrats de vente qu’elle a conclus. Elle a également fait état de ses ressources financières, et fourni une estimation des coûts d’exploitation de l’atelier et esquissé une stratégie de marketing.
[3] En 2020, un agent des visas a refusé la demande de Mme Safarzadeh au motif que celle‑ci n’avait pas présenté d’éléments de preuve suffisants pour démontrer sa capacité à s’établir à son compte. Après avoir résumé les informations contenues dans la demande de Mme Safarzadeh, l’agent a déclaré qu’elle n’avait déposé aucun document à titre complémentaire et, en particulier, qu’elle n’avait pas produit de plan d’affaires.
[4] Mme Safarzadeh soutient que la décision de l’agent était déraisonnable dans la mesure où celle‑ci allait à l’encontre des informations détaillées qu’elle avait fournies à l’appui de sa demande. De plus, Mme Safarzadeh fait valoir que l’agent a manqué à son obligation d’équité envers elle en lui imposant de fournir un plan d’affaires sans toutefois lui donner l’occasion de le faire. Mme Safarzadeh me demande d’annuler la décision de l’agent et de renvoyer l’affaire à un autre agent pour nouvel examen de sa demande.
[5] Je conviens avec Mme Safarzadeh que la décision de l’agent était déraisonnable parce qu’elle ne concordait pas avec la preuve, et j’accueillerai la présente demande de contrôle judiciaire sur ce fondement. Étant donné ma conclusion sur cette question, je ne suis pas tenu d’examiner celle du manquement à l’équité.
II.
La décision de l’agent était‑elle déraisonnable?
[6] Mme Safarzadeh soutient que la décision de l’agent n’est ni intelligible ni transparente. La décision ne contient aucune explication permettant de savoir quelles informations supplémentaires l’agent recherchait ou encore pourquoi la demande était insuffisante. L’agent semble avoir insisté sur la nécessité d’un plan d’affaires, mais même cet élément demeure nébuleux. Mme Safarzadeh affirme en outre qu’il serait déraisonnable qu’un agent exige un plan d’affaires puisque la liste de contrôle des documents à fournir par les travailleurs autonomes ne comprend pas de plan d’affaires et que le guide opérationnel applicable recommande aux agents de ne pas l’exiger.
[7] Le ministre soutient que la décision de l’agent était raisonnable parce que les éléments de preuve fournis par Mme Safarzadeh étaient insuffisants, car elles ne comprenaient pas d’analyse de marché ni d’étude de faisabilité. De plus, le ministre fait valoir que l’agent n’a pas exigé de plan d’affaires, mais qu’il a seulement constaté que la demanderesse n’en avait pas présenté.
[8] Je ne suis pas d’accord avec le ministre.
[9] Mme Safarzadeh a fourni d’amples renseignements. Ceux‑ci démontraient qu’elle était en mesure de se forger une carrière d’artiste et d’enseignante sur la base de ses expériences et de ses réussites passées. Ces renseignements indiquaient également qu’elle disposait de ressources financières importantes et suffisantes pour ouvrir et exploiter un atelier d’artiste.
[10] Le ministre souligne à juste titre que Mme Safarzadeh aurait pu fournir des informations supplémentaires, à savoir une étude de marché et une étude de faisabilité (des analyses qui sont souvent comprises dans un plan d’affaires). Mais il n’est pas possible de savoir s’il s’agit là des renseignements que l’agent aurait souhaité obtenir, à moins qu’une telle inférence puisse être tirée de l’observation selon laquelle Mme Safarzadeh n’a pas déposé de plan d’affaires.
[11] La Liste de contrôle des documents pour la catégorie des travailleurs autonomes (IMM 5784) énonce les catégories de documents qu’un demandeur doit fournir. Il n’y est pas fait mention d’un plan d’affaires. Le Manuel opérationnel OP8 pour les entrepreneurs et les travailleurs autonomes contient des instructions qui enjoignent aux agents de dissuader les demandeurs de déposer des plans d’affaires officiels (5.12) et indiquent que le fait d’exiger des plans d’affaires officiels peut entraîner des dépenses et un fardeau administratif inutiles (11.7).
[12] L’agent aurait peut‑être souhaité obtenir autre chose qu’un plan d’affaires officiel. Mais la décision ne contient aucune mention de ce qu’il recherchait. Le raisonnement de l’agent ne peut être dégagé des motifs, ce qui rend la conclusion inintelligible et opaque, autant de caractéristiques d’une décision déraisonnable.
III.
Conclusion et dispositif
[13] Il est difficile de savoir quels autres renseignements l’agent voulait obtenir de Mme Safarzadeh et, par conséquent, il n’est pas possible de comprendre pourquoi l’agent a rejeté sa demande de résidence permanente. Par conséquent, je conclus que la décision était déraisonnable et je dois accueillir la présente demande de contrôle judiciaire. Aucune partie n’a proposé de question à certifier aux fins d’un appel, et aucune question n’est formulée.
JUGEMENT dans le dossier IMM‑336‑21
LA COUR STATUE :
La demande de contrôle judiciaire est accueillie.
Aucune question de portée générale n’est énoncée.
« James W. O'Reilly »
Juge
Traduction certifiée conforme
Claude Leclerc
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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IMM‑336‑21
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INTITULÉ :
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MARYAM SAFARZADEH c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET L’IMMIGRATION
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE à TORONTO (Ontario)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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le 27 janvier 2022
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JUGEMENT ET MOTIFS
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le juge O’REILLY
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DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :
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LE 22 avril 2022
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COMPARUTIONS :
LORNE WALDMAN
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POUR La DEMANDEresse
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NEETA LOGSETTY
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POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Larlee Rosenberg
Avocats
Vancouver (Colombie‑Britannique)
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pour la demanderesse
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Procureur général du Canada
Toronto (Ontario)
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POUR LE DÉFENDEUR
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