Date : 20220406
Dossier : IMM‑1423‑21
Référence : 2022 CF 484
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 6 avril 2022
En présence de monsieur le juge Henry S. Brown
ENTRE :
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JOLITTE AMANOUIEL YOUNAN
ALBRON EVEN ADMON ADMON
et ONEEL YOUSF
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demandeurs
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
I.
Nature de l’affaire
[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue le 4 février 2021, par laquelle un agent principal [l’agent] a rejeté la demande de résidence permanente fondée sur des considérations d’ordre humanitaire présentée par les demandeurs [la décision]. La demande concerne une mère célibataire d’origine syrienne et ses deux jeunes fils qui possèdent la citoyenneté iraquienne. L’agent a conclu que les considérations d’ordre humanitaire n’étaient pas suffisantes pour justifier qu’une dispense soit accordée aux demandeurs, au titre du paragraphe 25(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR].
II.
Question en litige et norme de contrôle applicable
[2] La question en litige consiste à savoir si la décision est raisonnable.
[3] Dans l’arrêt Société canadienne des postes c Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, 2019 CSC 67, que la Cour suprême du Canada a rendu en même temps que l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], le juge Rowe, au nom des juges majoritaires, a expliqué les caractéristiques nécessaires à la décision raisonnable et ce qui est attendu d’une cour de révision lorsqu’elle effectue un contrôle selon la norme de la décision raisonnable :
[31] La décision raisonnable « doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Vavilov, par. 85). Par conséquent, lorsqu’elle procède au contrôle d’une décision selon la norme de la décision raisonnable, « une cour de révision doit d’abord examiner les motifs donnés avec “une attention respectueuse”, et chercher à comprendre le fil du raisonnement suivi par le décideur pour en arriver à [l]a conclusion » (Vavilov, par. 84, citant Dunsmuir, par. 48). Les motifs devraient être interprétés de façon globale et contextuelle afin de comprendre « le fondement sur lequel repose la décision » (Vavilov, par. 97, citant Newfoundland Nurses).
[32] La cour de révision devrait se demander si la décision dans son ensemble est raisonnable : « ce qui est raisonnable dans un cas donné dépend toujours des contraintes juridiques et factuelles propres au contexte de la décision particulière sous examen » (Vavilov, par. 90). Elle doit se demander « si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‑ci » (Vavilov, par. 99, citant Dunsmuir, par. 47 et 74, et Catalyst Paper Corp. c. North Cowichan (District), 2012 CSC 2, [2012] 1 R.C.S. 5, par. 13).
[33] Lors d’un contrôle selon la norme de la décision raisonnable, « [i]l incombe à la partie qui conteste la décision d’en démontrer le caractère déraisonnable » (Vavilov, par. 100). La partie qui conteste la décision doit convaincre la cour de justice que « la lacune ou la déficience [invoquée] [. . .] est suffisamment capitale ou importante pour rendre [la décision] déraisonnable » (Vavilov, par. 100). […]
[Non souligné dans l’original.]
III.
Faits et analyse
[4] Les demandeurs sont des citoyens de la Syrie et de l’Iraq. La demanderesse principale est née en Syrie, mais elle a déménagé en Iraq pour vivre avec son époux (qui est maintenant son ex‑époux). Ce dernier n’est pas visé par la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire. La demanderesse et son ex‑époux ont deux fils mineurs, qui possèdent tous les deux la citoyenneté iraquienne. La mère et ses deux fils sont, collectivement, les demandeurs.
[5] La demanderesse et son ex‑époux ont vécu avec leurs deux jeunes fils au Liban jusqu’en 2016, moment où les membres de la famille ont été reconnus comme réfugiés par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés [le HCR]. Ils ont été réinstallés aux États‑Unis par le HCR en septembre 2016.
[6] Étant donné le risque qu’une [traduction] « interdiction visant les musulmans »
soit imposée par la nouvelle administration américaine aux vues différentes, les demandeurs sont entrés au Canada le 18 décembre 2016 en qualité de demandeurs d’asile. Leur demande d’asile a été instruite par la Section de la protection des réfugiés [la SPR] au titre d’une exception à l’Entente sur les tiers pays sûrs. Cependant, leur demande a été rejetée le 23 juin 2017, tout comme l’a été leur appel devant la Section d’appel des réfugiés.
[7] En avril 2018, les demandeurs ont présenté une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire, laquelle a été rejetée.
[8] Pendant qu’ils se trouvaient au Canada, la relation entre la demanderesse principale et son ex‑époux a pris fin.
[9] Le 13 novembre 2019, la demanderesse principale a présenté la présente demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire en son propre nom et au nom de ses deux fils, mais pas au nom de son ex‑époux.
A.
La décision est‑elle raisonnable?
[10] L’agent n’était pas convaincu qu’il était justifié d’octroyer aux demandeurs une dispense pour des considérations d’ordre humanitaire au titre du paragraphe 25(1) de la LIPR; il a rejeté leur demande le 4 février 2021. Il a renvoyé aux observations des demandeurs, soulignant le fait qu’ils avaient été réinstallés aux États‑Unis par le HCR. Pour rendre sa décision, l’agent s’est penché sur les difficultés auxquelles seraient exposés les demandeurs, sur leur établissement au Canada, sur les conditions défavorables en Syrie et en Iraq, ainsi que sur l’intérêt supérieur des enfants.
[11] En ce qui concerne les difficultés, je souligne qu’aux paragraphes 36 et 37 de la décision Milad c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1409, la juge Kane a déclaré que l’existence d’un sursis administratif aux renvois [SAR] imposé par le gouvernement du Canada constitue un facteur pertinent dans le contexte de la situation dans le pays et de l’évaluation des difficultés, et que l’on ne peut faire abstraction de ce facteur, ce qui s’applique à la présente affaire tout comme à l’affaire dont était saisie la juge Kane :
[36] En l’espèce, l’agent n’a pas tenu compte des observations mises à jour qui, entre autres renseignements, indiquaient qu’il y avait un moratoire sur les renvois en Libye. Le moratoire ne mènerait pas automatiquement à une conclusion favorable à l’égard d’une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire, mais il constitue un facteur pertinent dans le contexte de la situation dans le pays et de l’évaluation des difficultés. L’agent ne mentionne même pas qu’un moratoire était en vigueur ou que M. Milad ne serait pas renvoyé en raison de ce moratoire (bien qu’il en soit question dans la lettre de présentation à laquelle est jointe la décision de l’agent).
[37] Selon l’arrêt Kanthasamy, l’agent qui évalue une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire doit tenir compte de tous les éléments de preuve présentés. En l’espèce, l’agent était tenu de tenir compte des nombreux documents sur la situation dans le pays, y compris de l’existence du moratoire sur les renvois, qui est pertinent quant à la situation dans le pays et à l’évaluation des difficultés auxquelles M. Milad serait exposé s’il était renvoyé en Libye. La décision de l’agent ne révèle pas que tous les éléments de preuve pertinents ont été pris en compte dans l’évaluation des difficultés. De plus, les éléments de preuve que l’agent a clairement examinés et résumés ne semblent pas avoir été pleinement pris en compte dans l’évaluation des difficultés alléguées par M. Milad.
[Souligné dans l’original.]
[12] Je souligne aussi le jugement rendu par la Cour dans l’affaire Bawazir c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 623 (le juge Norris) [Bawazir] à l’appui de la proposition selon laquelle les agents chargés d’examiner les demandes fondées sur des considérations d’ordre humanitaire doivent, dans leur évaluation, tenir compte de l’existence d’un SAR.
[13] À mon avis, les circonstances de l’affaire Bawazir sont très semblables à celles de l’espèce : le demandeur était un ressortissant du Yémen, un pays également visé par un SAR. Dans cette affaire, l’agent a accordé peu de poids aux conditions dans le pays au moment d’analyser les difficultés, étant donné que le SAR empêchait le renvoi immédiat du demandeur, ce qui rendait la situation [traduction] « beaucoup moins pertinente par rapport à sa situation personnelle »
.
[14] En accueillant la demande de contrôle judiciaire, le juge Norris a conclu que l’agent avait commis une erreur en refusant de tenir compte du fait que le demandeur devrait retourner dans une zone de guerre, où les conditions étaient désastreuses, afin de présenter une demande de résidence permanente sans dispense au titre de l’article 25 :
[17] On peut certainement comprendre pourquoi M. Bawazir souhaite obtenir son statut au Canada en y devenant un résident permanent. À mon avis, toute personne raisonnable et impartiale estimerait que l’obligation de quitter le Canada pour se rendre dans une zone de guerre où sévit une grave crise humanitaire afin de présenter sa demande de résidence permanente est un malheur qui mérite sans doute d’être soulagé. Le sursis administratif aux renvois montre que le Canada considère que la situation qui existe au Yémen en raison de la guerre civile « expose l’ensemble de la population civile à un risque généralisé ». La situation est à ce point critique qu’à quelques exceptions près, le Canada n’expulsera pas de ressortissants vers ce pays. Même si l’application des exigences habituelles de la loi dans ces conditions fait clairement intervenir la raison d’être équitable du paragraphe 25(1) de la LIPR (voir Lauture c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 336, au paragraphe 43), l’agent n’en estime pas moins que la situation au Yémen et les « difficultés extrêmes » auxquelles M. Bawazir serait exposé méritent qu’on leur accorde « peu de poids » dans le cadre de cette analyse. Cette conclusion s’explique par le fait que M. Bawazir n’est pas menacé d’un renvoi imminent et involontaire. Toutefois, l’agent n’a pas tenu compte du fait que M. Bawazir n’avait d’autre choix que de quitter le Canada pour le Yémen s’il souhaitait demander la résidence permanente, sauf si une exception était faite dans son cas. L’agent a commis une erreur en ignorant effectivement un facteur qui concernait manifestement la raison d’être équitable du paragraphe 25(1) de la LIPR.
[Non souligné dans l’original.]
[15] À mon avis, Bawazir s’applique avec autant de vigueur dans le cas qui nous occupe, car l’existence du SAR n’a pas été prise en compte. J’en viens donc à la même conclusion que le juge Norris : l’agent n’a pas tenu compte du fait que la demanderesse n’avait d’autre choix que de quitter le Canada pour la Syrie avec ses deux fils si elle souhaitait demander la résidence permanente, à moins que ne lui soit accordée une dispense au titre de l’article 25 ou que toute autre mesure possible ne soit prise. Ce faisant, l’agent a commis une erreur en faisant abstraction d’un facteur qui concernait la raison d’être équitable de l’article 25 de la LIPR et il n’a pas respecté les contraintes juridiques. Il a ainsi commis une erreur susceptible de contrôle suivant la jurisprudence citée précédemment.
[16] En outre, je souligne que l’examen fait par l’agent de l’établissement des demandeurs au Canada, des conditions défavorables en Syrie et en Iraq, et de l’intérêt supérieur des enfants était entièrement axé sur les [traduction] « difficultés »
, auxquelles il a renvoyé à de nombreuses reprises (soit 18 fois) tout au long de la décision. Sauf dans le premier paragraphe de la décision, où l’expression [traduction] « considérations d’ordre humanitaire »
est remplacée par l’abréviation [traduction] « CH »
, la décision ne fait aucunement mention de ce concept et elle ne donne pas à penser qu’il a fait l’objet d’un examen.
[17] À l’audience, j’ai traité des conséquences, en l’espèce, d’une analyse axée sur les [traduction] « difficultés »
, ainsi que de la question de savoir si une telle analyse allait à l’encontre de l’arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61 [Kanthasamy]. J’ai renvoyé à la décision Marshall c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 72 [Marshall], qui a été appliquée dans les décisions Orbizo c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2017 CF 203 (la juge Strickland), Mitchell c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 190 (la juge Walker), Mursalim c Canada (Citoyennté et Immigration), 2018 CF 596 (le juge Norris), Bhalla c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1638 (le juge Diner), Cezair c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 886 (le juge Gleeson), et Yovel c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 310 (le juge Manson).
[18] J’ai déclaré ce qui suit dans la décision Marshall :
[29] À mon humble avis, la Cour suprême du Canada, dans Kanthasamy, a modifié les critères juridiques que les représentants du ministre doivent utiliser pour évaluer les demandes pour des motifs d’ordre humanitaire. Il ne fait aucun doute qu’avant Kanthasamy, le critère des difficultés était le critère général, même si les tribunaux avaient reconnu qu’il ne s’agissait pas du seul.
[30] Dans Kanthasamy, la Cour s’est penchée sur l’historique du pouvoir discrétionnaire lié aux motifs d’ordre humanitaire conféré à l’article 25 de la LIPR. La Cour suprême du Canada a réaffirmé que Chirwa c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1970] AIA no 1 [Chirwa], présentait des principes directeurs importants pour les évaluations liées aux motifs d’ordre humanitaire qui doivent être appliqués avec l’analyse plus ancienne des « difficultés » exigée par les Lignes directrices :
[13] C’est la Commission d’appel de l’immigration qui, dans la décision Chirwa c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1970), 4 A.I.A. 338, s’est penchée la première sur la signification de l’expression « considérations d’ordre humanitaire ». La première présidente de la Commission, Janet Scott, a jugé que les considérations d’ordre humanitaire s’entendent « des faits établis par la preuve, de nature à inciter tout homme raisonnable [sic] d’une société civilisée à soulager les malheurs d’une autre personne — dans la mesure où ses malheurs “justifient l’octroi d’un redressement spécial” aux fins des dispositions de la Loi » (p. 350). Cette définition s’inspire de celle que renferme le dictionnaire à l’entrée « compassion », soit [traduction] « chagrin ou pitié provoqué par la détresse ou les malheurs d’autrui, sympathie » (Chirwa, p. 350). La Commission reconnaît que cette définition « implique un certain élément de subjectivité », mais elle dit qu’il doit aussi y avoir des éléments de preuve objectifs pour que la mesure spéciale soit accordée (Chirwa, p. 350).
[31] La Cour suprême du Canada a ensuite indiqué ce qui suit :
[21] Mais comme le montre l’historique législatif, la série de dispositions « d’ordre humanitaire » formulées en termes généraux dans les différentes lois sur l’immigration avait un objectif commun, à savoir offrir une mesure à vocation équitable lorsque les faits sont « de nature à inciter [une personne] raisonnable d’une société civilisée à soulager les malheurs d’une autre personne » (Chirwa, p. 350).
[32] En ce qui concerne les difficultés, la Cour suprême du Canada a indiqué que le critère à cet égard s’applique toujours, tout en ajoutant ce qui suit :
[33] L’expression « difficultés inhabituelles et injustifiées ou démesurées » a donc vocation descriptive et ne crée pas, pour l’obtention d’une dispense, trois nouveaux seuils en sus de celui des considérations d’ordre humanitaire que prévoit déjà le par. 25(1). Par conséquent, ce que l’agent ne doit pas faire, dans un cas précis, c’est voir dans le par. 25(1) trois adjectifs à chacun desquels s’applique un seuil élevé et appliquer la notion de « difficultés inhabituelles et injustifiées ou démesurées » d’une manière qui restreint sa faculté d’examiner et de soupeser toutes les considérations d’ordre humanitaire pertinentes. Les trois adjectifs doivent être considérés comme des éléments instructifs, mais non décisifs, qui permettent à la disposition de répondre avec plus de souplesse aux objectifs d’équité qui la sous‑tendent.
[Caractères italiques dans l’original.]
[33] Dans mon examen des motifs de l’agent, je n’arrive pas à trouver d’appréciation de l’approche Chirwa. À mon humble avis, les agents chargés des demandes pour motifs d’ordre humanitaire doivent non seulement tenir compte des facteurs traditionnels des difficultés, mais également de l’approche Chirwa. Je ne dis pas qu’ils doivent réciter Chirwa dans son intégralité, non plus qu’ils doivent utiliser une formule magique ou des mots spéciaux. Les cours de révision doivent cependant avoir une raison de croire que les agents ont fait leur travail, autrement dit, que les agents chargés des demandes pour motifs d’ordre humanitaire ont tenu compte, outre les difficultés, de facteurs humanitaires au sens plus élargi.
[34] Le demandeur soutient que le représentant du ministre a évalué chacun des facteurs sous l’angle des difficultés et des difficultés pour lui et que, ce faisant, l’agent a appliqué le mauvais critère juridique. J’ai examiné les motifs de l’agent et j’en viens à la conclusion que le demandeur a raison.
[35] À mon humble avis, l’évaluation faite par l’agent de l’établissement du demandeur était effectivement examinée sous l’angle des difficultés. [...]
[19] Dans la décision Marshall, j’ai accueilli la demande de contrôle judiciaire du fait que l’analyse liée à l’article 25 était axée sur les difficultés et que l’arrêt Kanthasamy, au paragraphe 25, prévoit qu’un agent appelé à se prononcer sur l’existence de considérations d’ordre humanitaire « doit véritablement examiner tous les faits et les facteurs pertinents portés à sa connaissance et leur accorder du poids »
[en italique dans l’original].
[20] L’avocat du défendeur a fait valoir que cette question ne constituait pas un des fondements de la demande de mesure exceptionnelle pour des considérations d’ordre humanitaire et qu’il n’y avait donc pas lieu pour la Cour de l’examiner. Je suis d’accord pour dire que généralement, dans le cadre d’un contrôle judiciaire, la Cour devrait se pencher sur les conclusions tirées par l’agent en fonction des observations présentées par l’avocat du demandeur. Par conséquent, je ne me prononce pas sur ce point, mais je souligne que, quoi qu’il en soit, l’affaire sera renvoyée pour qu’une nouvelle décision soit rendue relativement à la question du SAR.
[21] En outre, je prends acte du fait que l’agent a jugé [traduction] « hautement déterminant »
le fait que les demandeurs n’aient pas produit suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer qu’ils avaient perdu leur statut de réfugié aux États‑Unis, et qu’il s’agissait [traduction] « vraisemblablement »
d’une troisième possibilité de réinstallation pour eux. La SPR a conclu que les demandeurs pouvaient retourner aux États‑Unis en qualité de réfugiés, étant donné qu’ils y avaient été réinstallés par le HCR. Cependant, comme l’agent l’a souligné, le site Web des Services de citoyenneté et d’immigration des États‑Unis mentionne que les réfugiés qui n’obtiennent pas de titre de voyage pour réfugié avant de quitter les États‑Unis [traduction] « pourraient ne pas pouvoir retourner aux États‑Unis »
ou « pourraient faire l’objet d’une procédure de renvoi »
. Je ne me prononce pas à cet égard, sauf pour dire que cela pourrait ou non être le cas en l’espèce.
IV.
Conclusion
[22] Comme la décision ne concorde pas avec la jurisprudence contraignante, je conclus qu’elle n’est pas justifiée, conformément à l’arrêt Vavilov. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie.
V.
Question certifiée
[23] Aucune des parties n’a proposé de question de portée générale, et l’affaire n’en soulève aucune.
JUGEMENT dans le dossier IMM‑1423‑21
LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision est annulée, l’affaire est renvoyée à un autre décideur pour nouvel examen, aucune question de portée générale n’est certifiée et aucuns dépens ne sont adjugés.
« Henry S. Brown »
Juge
Traduction certifiée conforme
Geneviève Bernier
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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IMM‑1423‑21
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INTITULÉ :
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JOLITTE AMANOUIEL YOUNAN, ALBRON EVEN ADMON ADMON ET ONEEL YOUSF c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE
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DATE DE L’AUDIENCE :
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LE 29 MARS 2022
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JUGEMENT ET MOTIFS :
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LE JUGE BROWN
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DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :
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LE 6 AVRIL 2022
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COMPARUTIONS :
Alexandra Veall
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POUR LES DEMANDEURS
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Lorne McClenaghan
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POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Grice & Associates
Avocats
Toronto (Ontario)
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POUR LES DEMANDEURS
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Procureur général du Canada
Toronto (Ontario)
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POUR LE DÉFENDEUR
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