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Date : 20220322


Dossier : IMM-6418-20

Référence : 2022 CF 378

[TRADUCTION FRANÇAISE RÉVISÉE PAR L’AUTEUR]

Ottawa (Ontario), le 22 mars 2022

En présence de monsieur le juge Gascon

ENTRE :

MUHAMMAD ALI AQEEL ABBAS

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Le demandeur, M. Muhammad Ali Aqeel Abbas, est citoyen du Pakistan. Il sollicite le contrôle judiciaire d’une décision rendue le 27 novembre 2020 par un agent d’immigration [l’agent] de la section des visas de l’ambassade du Canada en Pologne [la décision]. Dans sa décision, l’agent a rejeté la demande présentée par M. Abbas en avril 2020 en vue d’obtenir un permis temporaire pour étudier au Canada.

[2] L’agent a conclu que la demande de permis d’études de M. Abbas ne remplissait pas les exigences énoncées au paragraphe 216(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [RIPR], et qu’il n’était donc pas un véritable visiteur au Canada. L’agent n’était pas convaincu que M. Abbas quitterait le Canada et retournerait au Pakistan à la fin de ses études compte tenu du but de sa visite, de ses perspectives d’emploi limitées dans ce pays, de sa situation d’emploi actuelle, de ses actifs personnels, ainsi que de sa situation financière.

[3] M. Abbas cherche à faire annuler la décision et à voir son dossier renvoyé à un autre agent des visas pour qu’il rende une nouvelle décision. Il affirme que l’agent a manqué aux principes d’équité procédurale en tirant des conclusions voilées en matière de crédibilité sans lui donner l’occasion de dissiper ses doutes. M. Abbas affirme également que la décision est déraisonnable parce qu’elle n’est pas suffisamment justifiée et qu’elle ne tient pas suffisamment compte de ses observations et éléments de preuve.

[4] Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire de M. Abbas sera rejetée. Après avoir examiné la décision, les éléments de preuve dont disposait l’agent ainsi que le droit applicable, je conclus que l’agent n’a tiré aucune conclusion voilée en matière de crédibilité, mais qu’il a plutôt jugé que les éléments de preuve présentés par M. Abbas ne remplissaient pas les exigences législatives et réglementaires applicables. À mon avis, le traitement réservé à la demande de permis d’études de M. Abbas ne soulève aucune question d’équité procédurale. Je conclus également que la décision est raisonnable et qu’elle possède les qualités qui rendent l’analyse de l’agent logique et cohérente au regard des contraintes juridiques et factuelles pertinentes.

II. Le contexte

A. Le contexte factuel

[5] M. Abbas est né le 1er octobre 1998 à Chakwal, au Pakistan, où il réside toujours. Il a obtenu son diplôme d’études secondaires en 2017 avec l’intention présumée de poursuivre des études supérieures en sciences et en génie. Cependant, M. Abbas n’a pas entrepris d’autres études dans ce domaine, et il est sans emploi depuis qu’il a terminé ses études secondaires en 2017. La mère de M. Abbas habite toujours au Pakistan, et il a deux frères qui sont résidents permanents du Canada et qui habitent à Pickering, en Ontario.

[6] Le 27 avril 2020, M. Abbas a déposé une demande de permis d’études au Canada dans l’intention d’étudier au sein du programme d’automatisation du Collège Seneca de Toronto, dans le domaine des technologies du génie électrique. Ce programme du Collège Seneca est un programme coopératif qui donnerait à M. Abbas l’occasion d’étudier et de travailler en génie électrique et mécanique. M. Abbas, qui espère avoir une brillante carrière en génie électrique et mécanique, soutient qu’il n’existe pas de programme équivalent au Pakistan. Il prévoyait commencer ses études le 8 septembre 2020 et obtenir son diplôme en août 2023.

[7] Le 4 septembre 2020, quelques jours avant le début de l’année scolaire, la demande de permis d’études de M. Abbas a été rejetée. Le 17 septembre 2020, M. Abbas a déposé une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire à l’encontre de cette décision. Les parties ont convenu de régler le litige à la fin du mois d’octobre 2020, et la demande de permis d’études de M. Abbas a donc été rouverte par les autorités canadiennes de l’immigration. M. Abbas a été autorisé à présenter des observations et des éléments de preuve supplémentaires à l’appui de sa demande.

[8] Le 27 novembre 2020, l’agent a rendu la décision par laquelle il a de nouveau rejeté la demande de permis d’études de M. Abbas.

B. La décision faisant l’objet du contrôle

[9] Au début de la décision, l’agent énumère les raisons pour lesquelles il a conclu que la demande de M. Abbas ne satisfaisait pas à l’exigence énoncée à l’alinéa 216(1)b) du RIPR. Cet alinéa prévoit qu’un agent délivre un permis d’études à l’étranger s’il est établi que celui-ci quittera le Canada à la fin de la période de séjour qui lui est applicable. En l’espèce, l’agent n’était pas convaincu que M. Abbas quitterait le Canada et retournerait au Pakistan à la fin de ses études compte tenu : i) du but de sa visite; ii) de ses perspectives d’emploi limitées dans ce pays; iii) de sa situation d’emploi actuelle; et iv) de ses actifs personnels et de sa situation financière.

[10] Les notes consignées par l’agent dans le Système mondial de gestion des cas [SMGC], lesquelles font partie de la décision, donnent des précisions quant aux motifs pour lesquels l’agent a rejeté la demande de M. Abbas. Dans ces notes, l’agent porte une attention particulière au fait que M. Abbas n’a pas entrepris d’autres études et qu’il est sans emploi depuis qu’il a obtenu son diplôme d’études secondaires, trois ans auparavant. L’agent a affirmé que cette situation est inhabituelle pour un demandeur de permis d’études, et qu’elle soulève des doutes quant à la motivation de M. Abbas à poursuivre ses études, puis à chercher un emploi et à intégrer le marché du travail lorsqu’il retournera au Pakistan. L’agent conclut que les perspectives d’emploi de M. Abbas au Pakistan sont plutôt faibles. Il fait également remarquer que M. Abbas n’a qu’un seul proche qui réside toujours au Pakistan (sa mère), ce qui diminue la probabilité qu’il soit suffisamment établi dans son pays d’origine pour y retourner à l’issue de son séjour d’études au Canada.

[11] Tout au long de son analyse, l’agent a fait référence à la preuve présentée par M. Abbas à l’appui de sa demande de permis d’études, notamment sa participation à un atelier de deux jours dans son futur domaine d’études, des photos de ses projets, la présence de sa mère au Pakistan, l’intérêt qu’il porte à une spécialité scientifique ainsi que ses propres recherches sur les conditions du marché du travail en génie électrique et mécanique au Pakistan.

[12] À l’issue de son analyse, l’agent n’était pas convaincu que M. Abbas aurait la motivation de quitter le Canada après l’expiration de son statut en raison de l’objet de sa demande de permis d’études, de l’interruption inhabituellement longue de ses études, de son chômage actuel et de ses activités au Pakistan, de ses perspectives de carrière et de la situation économique dans son pays d’origine, ainsi que de ses liens limités avec le Pakistan.

C. La norme de contrôle

[13] M. Abbas soutient que certaines portions de la présente demande de contrôle judiciaire soulèvent des questions d’équité procédurale et de justice naturelle, et qu’elles devraient donc être tranchées selon la norme de la décision correcte (Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 au para 34). Pour les motifs exposés plus en détail ci-après, je ne suis pas d’accord. La décision est plutôt susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable telle qu’énoncé dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov].

[14] En effet, il est incontestable que la norme de contrôle applicable à l’examen, par un agent, de l’évaluation des faits à la source d’une demande de visa d’étudiant ainsi que de sa conviction qu’un demandeur ne quittera pas le Canada à la fin de son séjour est celle de la décision raisonnable (Marcelin c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 761 [Marcelin] au para 7; Ali c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2018 CF 702 au para 8; Penez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 1001 au para 11; Solopova c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 690 au para 12).

[15] Lorsque la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable, le rôle de la cour de révision est d’examiner les motifs donnés par le décideur administratif et d’établir si la décision est fondée sur « une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle » et « est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Vavilov au para 85). La cour de révision doit donc se demander si « la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité » (Vavilov au para 99). Elle doit prendre en compte tant le résultat de la décision que le raisonnement suivi lorsqu’elle évalue si la décision possède ces caractéristiques (Vavilov aux para 15, 95, 136).

[16] Un tel examen doit comporter une évaluation rigoureuse de la décision administrative. Toutefois, dans le cadre de son analyse du caractère raisonnable d’une décision, la cour de révision doit examiner les motifs donnés avec « une attention respectueuse » et chercher à comprendre le fil du raisonnement suivi par le décideur pour en arriver à sa conclusion (Vavilov au para 84). La cour de révision doit adopter une attitude de retenue et n’intervenir que « lorsque cela est vraiment nécessaire pour préserver la légitimité, la rationalité et l’équité du processus administratif » (Vavilov au para 13).

III. Analyse

A. L’agent a-t-il manqué à son obligation d’équité procédurale?

[17] M. Abbas soutient d’abord que l’agent ne lui a pas donné l’occasion de répondre aux doutes qu’il avait concernant l’authenticité de sa demande, ce qui, selon lui, est contraire aux principes de justice naturelle. Selon M. Abbas, l’agent aurait dû lui donner l’occasion de dissiper les doutes quant à son intention de venir étudier au Canada puis de quitter le pays et de trouver un emploi au Pakistan.

[18] M. Abbas soutient que son cas est semblable, d’un point de vue factuel, à l’affaire Al Aridi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 381 [Al Aridi]. Dans cette affaire, la demande de permis d’études de la demanderesse avait été rejetée parce que l’agent doutait qu’elle quitte le Canada à la fin de son séjour compte tenu de ses études antérieures et de la situation économique dans son pays. La Cour avait jugé que la conclusion du décideur selon laquelle Mme Al Aridi n’était pas une véritable visiteuse était en fait une conclusion défavorable en matière de crédibilité rendue par l’agent (Al Aridi au para 29). M. Abbas soutient donc que sa situation est analogue à celle de Mme Al Aridi, que l’agent a tiré des conclusions voilées en matière de crédibilité concernant sa demande, et qu’il a manqué à son obligation d’équité procédurale en ne lui donnant pas l’occasion de dissiper ces doutes à cet égard.

[19] En dépit des arguments valables présentés par l’avocat de M. Abbas, je ne suis pas convaincu que la conclusion de l’agent selon laquelle le demandeur n’était pas un véritable visiteur qui quitterait le Canada à la fin de ses études peut être qualifiée de conclusion défavorable quant à la crédibilité.

[20] Il incombe au demandeur qui présente une demande de résidence temporaire au Canada de démontrer qu’il satisfait aux exigences énoncées dans les lois et règlements en ce qui concerne le type de visa sollicité (paragraphe 11(1) et alinéa 20(1)b) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR]). Le fait que le demandeur quitte le Canada à la fin de sa période de séjour autorisée est l’une des exigences relatives à l’obtention d’un permis d’études (alinéas 179b) et 216(1)b) du RIPR). Pour remplir cette exigence, le demandeur ne peut simplement affirmer qu’il quittera le Canada; la preuve au dossier doit plutôt convaincre le décideur qu’il le fera réellement (D’Almeida c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 308 [D’Almeida] au para 47; Zhang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 499 au para 8; Huang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 145 aux para 12–13). Le demandeur qui satisfait aux exigences énoncées au paragraphe 216(1) du RIPR sera appelé, dans le jargon des décideurs administratifs, un demandeur véritable.

[21] Par conséquent, M. Abbas avait une « obligation positive » d’établir qu’il quitterait le Canada et retournerait au Pakistan à la fin de ses études afin qu’un permis d’études lui soit délivré (Gupta c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1270 au para 20, citant Chhetri c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 872 au para 9). Dans le cas de M. Abbas, l’agent n’était tout simplement pas convaincu que la preuve au dossier était suffisante pour établir cette éventualité.

[22] La référence aux doutes quant à la bonne foi de M. Abbas ne doit pas être confondue avec un doute en matière de crédibilité (D’Almeida au para 65; Patel c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 517 au para 14). Ce processus fait simplement partie de la tâche qui incombe aux agents de visas, qui doivent être convaincus, aux termes de l’alinéa 216(1)b) du RIPR, que le demandeur quittera le Canada à la fin de ses études. L’utilisation des mots bona fide n’est pas déterminante. Dans certains cas, cela peut équivaloir à une conclusion voilée en matière de crédibilité; dans d’autres cas, cela ne fait pas intervenir de question de crédibilité. Tout dépend du contexte ainsi que de l’analyse effectuée par le décideur.

[23] Dans le cas de M. Abbas, comme l’a souligné l’avocat du ministre, l’agent a répété à maintes reprises qu’il n’était pas convaincu, à la lumière de la preuve dont il disposait, que M. Abbas aurait la motivation pour quitter le pays et retourner au Pakistan à la fin de ses études. Selon mon interprétation, les motifs de l’agent n’équivalent pas à des conclusions voilées en matière de crédibilité. Au contraire, l’agent a pris acte à maintes reprises des divers éléments de preuve présentés par M. Abbas à l’appui de sa demande de permis d’études, comme sa participation à un atelier de deux jours, sa recherche d’emploi ou ses photos. Toutefois, cette preuve n’a pas été jugée suffisante. Bien que l’agent n’ait pas expressément mentionné le caractère suffisant de la preuve ni utilisé le terme « suffisant », il est clair qu’il n’était pas convaincu que M. Abbas avait fourni les éléments requis pour satisfaire aux exigences législatives et réglementaires relatives à l’obtention d’un permis d’études. À mon avis, il ne s’agit pas d’une conclusion relative à la crédibilité, mais plutôt d’une conclusion quant à l’insuffisance de la preuve. En d’autres termes, M. Abbas n’a pas rempli les exigences applicables ni démontré, selon la prépondérance des probabilités, qu’il quitterait le Canada à la fin de la période de séjour autorisée, comme le requiert le paragraphe 216(1) du RIPR.

[24] Dans ces circonstances, l’agent n’était pas tenu de donner à M. Abbas l’occasion de dissiper ses doutes quant à sa bonne foi (Perez Pena c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 491 [Perez Pena] au para 35; Marcelin au para 18; Sharma c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 381 au para 32). Nul ne conteste que la jurisprudence établit clairement une distinction entre les conclusions défavorables en matière de crédibilité et les conclusions défavorables en ce qui concerne le caractère insuffisant de la preuve : « [l]orsque l’agent des visas soulève des doutes quant à la crédibilité, la véracité ou l’authenticité des renseignements présentés à l’appui d’une demande, il incombe à l’agent des visas de donner au demandeur l’occasion de dissiper ces doutes. Par contre, si la décision est fondée sur le caractère suffisant des éléments de preuve présentés par le demandeur, ou sur le défaut de satisfaire les exigences législatives, l’agent des visas n’a pas l’obligation d’en informer le demandeur » (Perez Pena au para 35). Le demandeur d’un permis d’études doit satisfaire à l’ensemble des exigences, et l’agent des visas n’a pas l’obligation d’informer le demandeur de ses réserves quant au caractère suffisant des documents présentés pour étayer la demande (Al Aridi au para 20). En l’espèce, M. Abbas ne remplissait pas l’ensemble des exigences, et l’agent n’avait aucune obligation de lui indiquer les faiblesses dans sa demande.

[25] Je suis conscient du fait que, dans certaines affaires, il a été établi qu’une conclusion selon laquelle le demandeur n’est pas de bonne foi peut parfois équivaloir à une conclusion voilée en matière de crédibilité reflétant des réserves quant à l’authenticité de la demande (Al Aridi au para 29; Patel c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 77 [Patel] au para 12). Toutefois, ces affaires reposent sur des circonstances factuelles sous-jacentes particulières et peuvent être distinguées du présent dossier. Par exemple, dans la décision Al Aridi, la juge Walker a conclu que les demandeurs avaient présenté une preuve suffisante quant à leur degré d’établissement dans leur pays d’origine, et a souligné que la famille possédait des propriétés, qu’ils pourraient compter sur une situation d’emploi stable, et qu’ils avaient des proches au pays (Al Aridi aux para 27–29). Dans cette affaire, l’agent n’avait présenté aucun motif justifiant qu’il écarte ce degré d’établissement, et il était donc loisible à la Cour de conclure que, compte tenu des faits de cette affaire, l’agent avait « tiré une conclusion voilée quant à la crédibilité » (Al Aridi au para 29). La situation de M. Abbas est très différente de celles des affaires Al Aridi et Patel, étant donné qu’il n’a pas entrepris d’autres études ni travaillé depuis trois ans, que ses frères vivent à l’extérieur du Pakistan et qu’il ne semble pas avoir d’actifs ou de liens forts dans son pays de citoyenneté.

[26] Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas convaincu que l’agent a tiré une conclusion voilée en matière de crédibilité. En somme, les conclusions de l’agent découlaient du manque de preuve au dossier et du fait que le demandeur ne satisfaisait pas aux exigences de la LIPR et du RIPR. Dans une telle situation, l’agent n’était pas tenu de donner à M. Abbas l’occasion de clarifier les questions soulevées par sa demande.

B. L’agent a-t-il commis une erreur en n’étayant pas sa décision à l’aide de motifs justifiés, intelligibles et transparents?

[27] M. Abbas soutient par ailleurs que la décision ne donne aucun aperçu quant au processus de raisonnement suivi par l’agent et qu’elle est donc déraisonnable puisqu’elle manque de justification, de transparence et d’intelligibilité (Vavilov au para 99). En particulier, M. Abbas conteste le poids accordé par l’agent à l’intervalle de trois ans qui s’est écoulé entre l’obtention de son diplôme d’études secondaires et le début prévu de ses études au Collège Seneca, ainsi que le peu de poids accordé à l’objectif déclaré de ses études au Canada. Selon M. Abbas, l’agent n’a pas expliqué pourquoi il a écarté l’objectif déclaré de ses études au Canada. M. Abbas fait valoir que le résultat d’une décision administrative doit être justifiable, et que ses motifs doivent être justifiés (Vavilov au para 42). Ces motifs doivent être « clairs, précis et intelligibles », et indiquer au demandeur le raisonnement sous-jacent à la décision (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Jeizan, 2010 CF 323 au para 17).

[28] Je ne suis pas convaincu que la décision n’est pas suffisamment justifiée ou que les motifs ne permettent pas à M. Abbas de comprendre le raisonnement que l’agent a suivi pour parvenir à sa conclusion.

[29] En ce qui concerne la question du caractère suffisant et adéquat des motifs, la jurisprudence de la Cour indique clairement que l’obligation de motiver une décision relative à une demande de visa de résident temporaire est minime pour des raisons d’efficacité (Marcelin au para 9; Zamor c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 479 au para 22; Nimely c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 282 [Nimely] au para 7; Hajiyeva c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 71 [Hajiyeva] au para 6). Ce principe est en accord avec l’arrêt Vavilov, qui prévoit que le décideur doit tenir compte du « contexte » dans lequel une décision administrative est rendue (Vavilov au para 94; Hajiyeva au para 6). De plus, il convient de rappeler que les agents des visas possèdent une expertise considérable dans l’instruction des demandes de visa, ce qui oblige la cour de révision à faire preuve d’une grande retenue à l’égard des questions se rapportant à la preuve (Mohammadzadeh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 75 aux para 18–19; Nimely au para 7).

[30] Les arguments de M. Abbas reposent sur sa critique de l’évaluation, par l’agent, de la preuve présentée en l’espèce. Toutefois, dans le cadre d’un contrôle judiciaire, la cour de révision ne doit pas apprécier à nouveau les éléments de preuve dont le décideur était saisi. La cour de révision ne peut modifier les conclusions de fait du décideur administratif que dans des circonstances exceptionnelles (Vavilov au para 125; Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c Canada (Procureur général), 2018 CSC 31 au para 55). Dans la mesure où tous les éléments de preuve ont été dûment examinés, la question du poids à leur attribuer relève entièrement de l’expertise de l’agent des visas. C’est le cas en l’espèce. Le décideur administratif n’a pas fait abstraction de la preuve au dossier et de la trame factuelle générale qui a une incidence sur sa décision, et ne s’est pas « fondamentalement mépris sur la preuve qui lui a été soumise ou n’en a pas tenu compte » (Vavilov au para 126).

[31] Depuis l’arrêt Vavilov, les motifs donnés par les décideurs administratifs revêtent une plus grande importance et s’affichent comme le point de départ de l’analyse. Ils constituent le mécanisme principal par lequel les décideurs administratifs démontrent le caractère raisonnable de leurs décisions, tant aux parties touchées qu’aux cours de révision (Vavilov au para 81). Ils servent à « expliquer le processus décisionnel et la raison d’être de la décision en cause », à démontrer que « la décision a été rendue de manière équitable et licite », et servent de bouclier contre « la perception d’arbitraire dans l’exercice d’un pouvoir public » (Vavilov au para 79). En somme, ce sont les motifs qui permettent d’établir la justification de la décision. En l’espèce, je suis d’avis que les motifs de l’agent consignés dans le SMGC justifient sa décision de façon transparente et intelligible (Vavilov aux para 81, 136). Ils démontrent que l’agent a tenu compte de la preuve présentée par M. Abbas et qu’il a suivi un raisonnement rationnel, cohérent et logique tout au long de son analyse.

IV. Conclusion

[32] Pour les motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire de M. Abbas sera rejetée. La décision constituait une issue raisonnable fondée sur le droit et la preuve, et elle possède les attributs requis de transparence, de justification et d’intelligibilité. Selon la norme de la décision raisonnable, il suffit que la décision s’appuie sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle, et qu’elle soit justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti. De plus, aucune question d’équité procédurale ne se pose, puisque l’agent n’a pas tiré de conclusion voilée en matière de crédibilité en l’espèce.

[33] Comme l’agent l’a déclaré dans la décision, et comme l’avocat du ministre l’a réitéré à l’audience devant la Cour, M. Abbas est libre de présenter une nouvelle demande de permis d’études s’il estime qu’il peut satisfaire aux exigences applicables et répondre aux réserves exprimées par l’agent.

[34] M. Abbas a désigné le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté à titre de défendeur dans la présente affaire. Le bon défendeur en l’espèce est plutôt le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22 art 5(2); LIPR, art 4(1)). Par conséquent, l’intitulé est modifié de manière à ce que le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration soit désigné à titre de défendeur.

[35] Il n’y a aucune question de portée générale à certifier.


JUGEMENT au dossier IMM-6418-20

LA COUR STATUE que :

  1. La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée, sans dépens.

  2. Aucune question de portée générale n’est certifiée.

  3. L’intitulé est modifié de manière à ce que le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration soit désigné à titre de défendeur.

« Denis Gascon »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-6418-20

 

INTITULÉ :

MUHAMMAD ALI AQEEL ABBAS c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 16 mars 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE GASCON

 

DATE DU JUGEMENT ET MOTIFS :

Le 22 mars 2022

 

COMPARUTIONS :

Sam Zimmerman

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Bradley Bechard

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Matkowsky Immigration Law

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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