Dossier : T‑771‑21
Référence : 2022 CF 132
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 3 février 2022
En présence de monsieur le juge McHaffie
ENTRE :
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UBS GROUP AG
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demanderesse
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et
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MOHAMAD HASSAN YONES, ABDULRHMAN ALAYA, ET UNIFIED BUSINESS SOLUTIONS GROUP INC.
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défendeurs
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JUGEMENT ET MOTIFS
I.
Aperçu
[1] UBS Group AG demande un jugement par défaut dans la présente action en violation de marques de commerce. Elle cherche à faire appliquer ses enregistrements de marque de commerce pour les marques UBS, UBS & Dessin et d’autres marques comportant l’élément « UBS »
contre les particuliers défendeurs et la société défenderesse, qui offrent des services de comptabilité et des services‑conseils aux entreprises à Vancouver. Bien que UBS Group AG ne conteste pas le nom de la société défenderesse, Unified Business Solutions Group Inc [Unified], elle s’oppose à l’abréviation de ce nom employé par les défendeurs, à savoir UBS Group ou UBS Group Inc, et au logo UBS & Dessin employé par Unified en liaison avec sa société.
[2] Pour les motifs suivants, je conclus que Unified a violé les droits de UBS Group AG à l’égard des marques de commerce. Je rendrai une injonction, exigerai la restitution du matériel contrefait et le transfert du nom de domaine ubsgroup.ca, et accorderai à la demanderesse 12 000 $ au titre des dommages‑intérêts, ainsi que 23 000 $ au titre des dépens. Toutefois, je conclus que les éléments de preuve n’étayent pas une conclusion selon laquelle la responsabilité des particuliers défendeurs n’est pas engagée relativement à ces montants et que les circonstances ne justifient pas l’octroi de dommages‑intérêts punitifs.
II.
Les questions en litige
[3] La requête en jugement par défaut présentée par UBS Group AG soulève les questions suivantes :
Les défendeurs sont‑ils en défaut pour ne pas avoir déposé de défense?
UBS Group AG a‑t‑elle établi que les défendeurs ont commis une violation de marque de commerce, en contravention des articles 19 ou 20 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T‑13?
Dans l’affirmative, quelles sont les réparations appropriées?
III.
Analyse
A.
Les défendeurs sont en défaut
[4] Le paragraphe 210(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, prévoit que, lorsqu’un défendeur ne dépose pas sa défense dans le délai prévu aux Règles ou dans tout autre délai fixé par une ordonnance de la Cour, le demandeur peut, par voie de requête, demander un jugement à l’égard de sa déclaration.
[5] L’affidavit de signification déposé par UBS Group AG établit que les trois défendeurs ont reçu la déclaration le 14 mai 2021. Plus de six mois se soient écoulés depuis la date limite pour déposer une défense; or, aucune défense ou autre réponse n’a été déposée par les défendeurs. Aucun autre délai n’a été fixé par une ordonnance de la Cour. Je suis donc convaincu que les défendeurs sont en défaut et que UBS Group AG a le droit de présenter la présente requête en vertu du paragraphe 210(1) des Règles.
[6] Toutefois, il ne suffit pas d’établir simplement le défaut. Comme le reconnaît UBS Group AG, les allégations énoncées dans sa déclaration sont réputées niées, même si les défendeurs n’ont pas répondu à l’action : article 184 des Règles. Un demandeur qui présente une requête en jugement par défaut doit déposer des éléments de preuve établissant non seulement le défaut, mais aussi que le défendeur est responsable des causes d’action visées par la déclaration : paragraphe 210(3) des Règles; Engrais Naturels McInnes Inc/McInnes Natural Fertilizers Inc c Bio‑Lawncare Services Inc, 2004 CF 1027 au para 3; Louis Vuitton Malletier SA c Yang, 2007 CF 1179 au para 4.
B.
UBS Group AG a établi l’existence de violation de marques de commerce
[7] Dans sa déclaration, en plus des allégations concernant la violation de marque de commerce, UBS Group AG allègue la dépréciation de l’achalandage au titre de l’article 22 et la commercialisation trompeuse au titre des alinéas 7b) et 7c) de la Loi sur les marques de commerce. Toutefois, dans le cadre de la présente requête en jugement par défaut, UBS Group AG fait uniquement valoir son allégation de violation de marque de commerce, aux termes des articles 19 et 20 de la Loi sur les marques de commerce. Elle s’appuie sur une douzaine d’enregistrements de marques de commerce comportant l’élément « UBS »
, des marques nominales et des dessins‑marques dont elle a établi la propriété. À mon avis, les quatre marques de commerce examinées ci‑dessous sont les plus pertinentes aux allégations de UBS Group AG et me suffisent pour trancher l’affaire. Je vais donc reprendre l’approche adoptée par le juge Rothstein dans l’arrêt Masterpiece et je vais circonscrire mon analyse à ces marques de commerce : Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27 au para 61.
(1)
Les marques de commerce déposées de UBS Group AG
[8] Les quatre enregistrements principaux invoqués par UBS Group AG comprennent deux enregistrements pour les marques nominales UBS et deux enregistrements pour le même dessin‑marque. Chaque marque de commerce est enregistrée en liaison avec un grand nombre de produits et de services se rapportant de façon générale à des activités financières, bancaires, d’investissement et d’assurance. Le tableau suivant décrit les marques en question ainsi que les produits et services les plus pertinents pour chacune de ces marques. Pour faciliter la lecture, j’ai omis les points de suspension dans la liste des produits et des services pertinents.
Marque de commerce
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Numéro d’enregistrement
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Date d’enregistrement
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Produits et service
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UBS
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LMC632,419
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09/02/2005
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Produits : Publications imprimées, nommément brochures, dépliants et prospectus, tous ayant trait aux données financières, à l’information bancaire, à l’information sur l’investissement et aux renseignements concernant l’assurance;
Services : Services d’assurance et services financiers, nommément souscription, vente et conseil en matière d’assurance et de fiscalité, conseil en matière de finances et d’opérations bancaires; opérations bancaires; mise à disposition d’information financière au moyen de systèmes informatiques; fourniture de services financiers et bancaires interactifs électroniques au moyen de réseaux informatiques mondiaux; services de courtier ou d’agence et/ou services de conseil en matière d’assurance [ou] de finances, ainsi que dans le domaine des opérations financières; services de consultation dans le domaine de la planification financière et de la gestion financière; services dans le domaine de la gestion de placements et de risques; gestion de l’actif; préparation d’opinions et d’évaluations fiscales; préparation de rapports financiers; évaluation d’investissements financiers; services de conseil en rapport avec les services susmentionnés.
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UBS
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LMC626,814
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26/11/2004
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Services : Services de conseil en administration des affaires et en organisation, services d’administration commerciale; gestion de l’actif, nommément gestion d’investissements conformément aux exigences personnelles du client; élaboration d’opinions d’experts en matière d’impôts et prévisions en matière d’impôts;
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[Description de la marque : Dessin de trois clés de style ancien croisées à gauche des lettres majuscules UBS. Chaque clé est composée d’un anneau rond, d’une tige étroite et d’une lame avec plusieurs garnitures. Les clés se croisent à un point commun au milieu, avec les trois anneaux en bas et les trois lames en haut, formant un dessin à six pointes.]
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LMC625,974
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19/11/2004
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Services : Administration de régimes de pension d’employés; prévisions économiques; administration des affaires, nommément tenue de livres et vérification; services de comptabilité; services fiscaux, nommément préparation de déclarations fiscales, évaluation, et consultation; services de gestion d’entreprise; conseil en matière d’organisation et de gestion d’entreprise; services d’analyse de la facturation et de conseils en gestion des risques associés aux prix; fourniture des services susmentionnés en ligne au moyen d’un réseau informatique mondial; services de consultation connexes; fourniture d’information commerciale, nommément dans le domaine de l’assurance [et] des finances; services d’information informatisés ayant trait à l’assurance [et] aux finances; services financiers, nommément gestion des risques; planification financière; gestion financière; services d’enquête financière; gestion de portefeuille financier; services de garantie et de cautionnement financiers; préparation de rapports financiers; recherche en matière de finance; évaluation financière; services de gestion de produits financiers;
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[Description de la marque : le même logo que ci‑dessus.]
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LMC633,065
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17/02/2005
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Services : Services de conseil en administration des affaires et en organisation, services d’administration commerciale; services financiers aux entreprises, nommément regroupements, acquisitions, cessions forcées, et reconversions; gestion de l’actif, nommément gestion d’investissements conformément aux exigences personnelles du client; élaboration d’opinions d’experts en matière d’impôts et prévisions en matière d’impôts;
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[9] J’utiliserai « marques nominales UBS déposées »
pour désigner les deux premières marques (LMC632,419 et LMC626,814) et « dessins‑marques UBS déposés »
pour désigner les deux dernières marques (LMC625,974 et LMC63,065).
[10] Bien que UBS Group AG considère leurs marques de commerce déposées comme étant une [traduction] « famille »
de marques de commerce, elle n’a déposé aucune observation particulière concernant la question de savoir si l’existence de cette famille influe ou non sur la portée de la protection accordée. Dans les circonstances, je n’ai pas à trancher cette question.
(2)
Les marques de commerce et les noms commerciaux contestés des défendeurs
[11] Étant donné que les défendeurs n’ont pas participé à la présente instance, la preuve concernant la conduite des défendeurs se limite à celle qui découle des enquêtes de UBS Group AG. Cela consiste notamment en des captures d’écran du site Web de Unified, des éléments de preuve concernant les conversations avec Hassan Younes et Abdulrhman Alaya, et un courriel envoyé à un enquêteur privé par M. Younes, auquel était joint un prospectus décrivant les services de la société. Je fais remarquer que UBS Group AG a désigné l’un des particuliers défendeurs individuels comme étant Mohamad Hassan Yones en raison de renseignements trouvés sur le site Web de Corporations Canada, qui identifie les administrateurs de Unified comme étant Mohamad Hassan Yones et Abdulrhman Alaya. Toutefois, le bloc‑signature et l’adresse courriel figurant dans le courriel emploient l’orthographe « Younes »
, ce qui donne à penser que l’orthographe « Yones »
figurant dans le registre des sociétés est une erreur typographique. Cela n’a aucune incidence, puisque je suis convaincu, dans les circonstances, que le défendeur, bien qu’il soit nommé comme étant Mohamad Hassan Yones, est la même personne qu’Hassan Younes, l’auteur du courriel.
Le site Web
[12] Le site Web de Unified se trouve sur le nom de domaine ubsgroup.ca. Le logo suivant apparaît en haut et en bas de la page d’accueil; j’emploierai ci‑après « dessin‑marque UBS de Unified »
pour désigner ce logo :
[Description de l’image : un motif hexagonal de nœuds tissés à gauche des lettres majuscules UBS. Sous le motif et les lettres figurent les mots Unified Business Solutions Group Inc., en plus petite taille de caractères et en majuscule.]
[13] Je soulève à ce stade une réserve quant à la façon dont cette marque a été présentée par UBS Group AG dans ses observations écrites. Comme on peut le voir ci‑dessus, les mots UNIFIED BUSINESS SOLUTIONS GROUP INC. figurent au bas du dessin‑marque UBS de Unified. Ces mots apparaissent dans tous les exemples d’emploi de la marque par Unified et font partie de la marque. Néanmoins, lorsqu’UBS Group AG a présenté les marques de commerce en vue de leur comparaison par la Cour, elle a reproduit le dessin‑marque UBS de Unified sans ces mots, apparemment pour accroître la similitude perçue de la marque avec les dessins‑marques UBS déposés. Pour évaluer le degré de ressemblance entre les marques, il faut tenir compte de l’ensemble des marques, et non pas simplement faire ressortir les similarités et ignorer les différences. La reproduction de seulement une partie d’une marque de commerce dans les observations afin d’établir les similitudes n’est pas d’une grande utilité pour la Cour.
[14] Pour revenir au site Web de Unified, la page d’accueil indique sous la rubrique [traduction] « Nos solutions »
que la société offre des [traduction] « services de soutien aux organisations de toutes tailles, d’entreprises exploitées par des propriétaires indépendants à de grandes entreprises comptant des centaines d’employés dans un large éventail d’industries »
. Trois champs renvoient ensuite aux services de [traduction] « Comptabilité et rapports financiers »
, de [traduction] « Solutions de tenue de livres et de vérification »
et de [traduction] « Prévision, budgétisation et flux de trésorerie »
offerts par la société. Trois témoignages de clients sont ensuite présentés, suivis d’une mention de la société en tant que « UBS Group »
. Chacun des liens de la page principale mène à une page [traduction] « en développement »
qui comprend encore le logo mentionné ci‑dessus et la mention « UBS Group »
pour désigner la société. Selon les résultats de WHOIS, il semble que le nom de domaine ait été enregistré en août 2020.
Les conversations téléphoniques
[15] En juillet 2021, un enquêteur privé engagé par UBS Group AG a fait une déclaration sous serment, dans laquelle il décrit ses communications avec les défendeurs. Ces communications consistaient notamment en deux conversations téléphoniques qu’il avait eues avec une personne après avoir composé le numéro de téléphone figurant sur le site Web ci‑dessus. La première conversation fut brève, étant donné que la personne qui a reçu l’appel conduisait, mais cette personne a confirmé à l’enquêteur qu’il [traduction] « appelait UBS Group »
. Lors d’un appel de suivi, la personne qui a répondu s’est présenté comme étant Hassan [traduction] « de UBS Group »
. Compte tenu du courriel qui a été envoyé par la suite, je conclus qu’il s’agissait de M. Younes.
[16] L’enquêteur, qui se présentait comme un potentiel client, a discuté des services de tenue de livres avec M. Younes. Cette discussion a porté sur les détails des services, y compris la prestation et l’interprétation d’états financiers mensuels. L’enquêteur a également discuté de services de vérification potentiels, qui comprendraient des conseils et une consultation; M. Younes lui a indiqué que, pour les grandes entreprises, ils offraient des services de planification, de planification financière, de planification fiscale, de prévisions et de régimes de retraite, ainsi que des services de paye, des services fiscaux pour les particuliers et les entreprises, et des conseils en matière de franchise. L’enquêteur a demandé à M. Younes de lui envoyer une brochure ou un dépliant, ce que M. Younes a par la suite fait, comme il est discuté ci‑dessous.
Le courriel et le dépliant
[17] Après l’appel, M. Younes a envoyé à l’enquêteur un courriel dans lequel il renvoie à la conversation et joint un dépliant censé fournir un [traduction] « résumé de nos services »
. Le courriel avait pour objet « UBS Group Inc »
et comprenait un bloc‑signature indiquant que M. Younes est un associé de Unified Business Solutions Group Inc.
[18] Le dépliant joint au courriel est un document d’une page, dont la moitié supérieure est en anglais et la moitié inférieure est en arabe. Le prospectus comprend le logo reproduit ci‑dessus. La partie en anglais décrit les services fournis par « UBS Group Inc »
comme comprenant les services fiscaux; la tenue de livres, la comptabilité et les rapports financiers; la constitution en société et l’enregistrement d’entreprises; l’aide pour obtenir des subventions gouvernementales; et les services de consultation en matière de planification des activités et de croissance. Aucune traduction de la partie du prospectus en arabe n’a été déposée, bien que le format donne à penser qu’il peut s’agir d’une traduction en arabe de la partie en anglais.
La mise en demeure et le suivi
[19] Les conversations mentionnées ci‑dessus ont eu lieu bien après que UBS Group AG eut pris connaissance des défendeurs et eut cherché à les informer de ses préoccupations et de sa réclamation. En janvier 2021, Gowling WLG (Canada) S.E.N.C.R.L., s.r.l., qui représente UBS Group AG en l’espèce, a écrit à Unified à l’attention des particuliers défendeurs. La mise en demeure désignait les marques de commerce de UBS Group AG, faisait valoir les droits en matière de marque de commerce de cette dernière, mentionnait le nom de domaine ubsgroup.ca et le logo figurant sur le site Web situé à cette adresse, et demandait la cessation immédiate de l’emploi des marques de commerce contrefaites.
[20] En mars 2021, Gowling WLG a cherché à faire un suivi de cette mise en demeure par téléphone. Comme il est indiqué dans l’affidavit d’un associé du cabinet, ce dernier mentionne, au sujet d’un appel qu’il avait fait durant son stage, qu’il a appelé un numéro de téléphone apparemment associé à une autre société de M. Alaya et il a parlé avec ce dernier. Il s’est identifié comme appelant de la part du cabinet Gowling WLG pour donner suite à la mise en demeure de janvier au nom de UBS Group AG. M. Alaya a répondu qu’UBS Group était sa société, et que, si quelqu’un d’autre employait le nom « UBS »
, cet emploi n’était pas autorisé.
[21] Je constate que cette preuve et les éléments de preuve concernant le contenu du site Web ubsgroup.ca proviennent d’employés du cabinet d’avocats représentant UBS Group AG, à savoir un avocat associé et un adjoint administratif et juridique, respectivement. En règle générale, les membres ou les employés du cabinet où pratique l’avocat ne devraient pas fournir d’éléments de preuve concernant des questions litigieuses, comme des enquêtes sur les marques de commerce, à quelques exceptions près : Règles des Cours fédérales, art 82; Cross‑Canada Auto Body Supply (Windsor) Ltd c Hyundai Auto Canada, 2006 CAF 133 aux para 4‑5. Je suis convaincu en l’espèce que les éléments de preuve devraient être acceptés. En ce qui concerne la conversation téléphonique, il est courant que les avocats cherchent à parler aux parties adverses afin de savoir si des communications ont été reçues et de connaître la position de la partie. Ces conversations ne constituent pas, à première vue, des enquêtes factuelles. Les éléments de preuve de l’associé en l’espèce font simplement état de façon objective du contenu d’une brève conversation. En ce qui concerne le site Web, l’affidavit de l’adjoint juridique présente le contenu du site Web et les renseignements provenant de WHOIS. Encore une fois, cela est présenté de façon objective et sans opinion. Bien que la tâche ayant conduit à la collecte de ces renseignements se rapproche davantage d’une enquête et que les renseignements auraient idéalement pu être présentés par une personne qui n’est pas membre du cabinet, je suis convaincu, dans ces circonstances, que les éléments de preuve sont suffisamment non controversés et qu’ils peuvent être acceptés en bonne et due forme.
[22] Compte tenu de ce qui précède, je suis convaincu que Unified offre divers services de conseils et de consultation dans le domaine des finances et des affaires, y compris des services fiscaux, de tenue de livres, de comptabilité, de rapports financiers, de planification d’affaires et de prévisions, ainsi que des services de conseils et de consultation dans les domaines des finances et des affaires. Elle le fait en liaison avec les noms commerciaux Unified Business Solutions Group Inc, UBS Group Inc et UBS Group, les noms sous lesquels l’entreprise est « exercée »
: Loi sur les marques de commerce, art 2 (« nom commercial »). Elle le fait également en liaison avec le dessin‑marque UBS de Unified reproduit au paragraphe 12 ci‑dessus et la marque de commerce UBS GROUP, qui constituent chacun un signe ou une combinaison de signes qui est employé pour distinguer ou de façon à distinguer ses services de ceux d’autres personnes : Loi sur les marques de commerce, art 2 (« marque de commerce »).
[23] Toutefois, contrairement à l’observation de UBS Group AG, je ne conclus pas que Unified a employé UBS, sans autre élément, en tant que marque de commerce ou nom commercial. Bien que M. Alaya ait indiqué à l’associé de Gowling WLG que quiconque emploie le nom UBS le fait sans autorisation, cette mention dans une conversation au sujet de la marque ne constitue pas un emploi de marque de commerce : Loi sur les marques de commerce, art 2 (« emploi » ou « usage ») et 4(2). Aucun des autres éléments de preuve, y compris le site Web, le courriel ou le dépliant, ne montre l’emploi de UBS sans autre élément.
(3)
Les marques de commerce et les noms commerciaux des défendeurs constituent une violation
a)
Les principes et le cadre analytique
[24] L’article 19 de la Loi sur les marques de commerce confère au propriétaire d’une marque de commerce déposée le droit exclusif d’employer la marque de commerce partout au Canada en liaison avec les produits et services visés par l’enregistrement. La Cour d’appel fédérale a récemment confirmé qu’une allégation de violation au titre de l’article 19 concerne l’emploi par le défendeur d’une marque de commerce identique à la marque de commerce déposée, et non pas simplement d’une marque de commerce similaire : Sadhu Singh Hamdard Trust c Navsun Holdings Ltd, 2019 CAF 295 [Hamdard Trust (CAF)] aux para 20‑22; Fiducie Sadhu Singh Hamdard c Navsun Holdings Ltd, 2021 CF 602 aux para 35, 80‑81.
[25] L’article 20 a une portée plus large. Il concerne l’emploi par un défendeur d’une marque de commerce ou d’un nom commercial qui crée de la confusion avec la marque déposée du demandeur, mais qui n’est pas nécessairement identique à celle‑ci : Hamdard Trust (CAF) au para 20. L’alinéa 20(1)a) prévoit notamment que le droit du propriétaire d’une marque de commerce déposée à l’emploi exclusif de cette dernière est réputé violé par une personne non autorisée qui « vend, distribue ou annonce des produits ou services en liaison avec une marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion »
.
[26] Une marque de commerce ou un nom commercial crée de la confusion avec une marque de commerce déposée lorsque l’emploi des deux marques de commerce ou noms commerciaux dans la même région serait susceptible de mener à la conclusion selon laquelle les produits liés à ces marques de commerce ou à l’entreprise employant ce nom commercial sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques ou liés à l’entreprise employant ce nom commercial sont loués ou exécutés par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale : Loi sur les marques de commerce, art 6(1), (2) et (4).
[27] Pour trancher la question de savoir si des marques de commerce créent de la confusion, la Cour tient compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris les circonstances particulières énoncées au paragraphe 6(5) de la Loi sur les marques de commerce, à savoir : le caractère distinctif inhérent ou acquis des marques de commerce; la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; le genre de produits, services ou entreprises; la nature du commerce; et le degré de ressemblance entre les marques de commerce. Tous les facteurs doivent être pris en compte, mais le poids accordé à chacun d’entre eux dépend des circonstances, le degré de ressemblance étant souvent le facteur susceptible de revêtir le plus d’importance : Masterpiece au para 49; Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23 au para 21. Le critère applicable en matière de confusion est celui de la « première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé »
la vue de la marque alors qu’il n’a « qu’un vague souvenir »
de la marque déposée et qu’il ne s’arrête pas pour « réfléchir à la question en profondeur »
: Veuve Clicquot aux para 18‑20.
b)
Il n’y a pas eu de violation au titre de l’article 19
[28] Comme il est mentionné ci‑dessus, l’article 19 concerne l’emploi par un défendeur d’une marque identique, et non pas simplement similaire, à la marque de commerce déposée : Hamdard Trust (CAF) aux para 20 et 22. En l’espèce, UBS Group AG affirme que les marques nominales UBS déposées ne sont constituées que du mot UBS, et que les dessins‑marques UBS déposées incorporent le motif de trois clés reproduit au paragraphe 8 ci‑dessus. UBS Group AG invoque également d’autres marques comportant l’élément UBS, mais celles‑ci contiennent toutes d’autres mots comme SECURITIES, FINANCIAL SERVICES ou WEALTH MANAGEMENT, avec ou sans le motif de trois clés. UBS Group AG ne possède aucun enregistrement pour la marque de commerce UBS GROUP.
[29] Aucun des enregistrements de marques de commerce d’UBS Group AG n’est identique aux marques de commerce employées par Unified. Comme il est mentionné ci‑dessus, rien n’indique que Unified emploie la marque de commerce UBS sans autre élément. Il n’y a pas non plus de preuve selon laquelle Unified emploie UBS en combinaison avec les mots compris dans les marques de commerce déposées de UBS Group AG, ou avec le motif de trois clés. Il n’y a donc aucun élément de preuve démontrant que Unified emploie ou a employé une marque de commerce identique à l’une des marques déposées de UBS Group AG.
[30] Je conclus donc que UBS Group AG n’a pas démontré qu’il y a eu violation au titre de l’article 19 de la Loi sur les marques de commerce.
c)
La violation réputée au titre de l’article 20 : confusion
[31] Je conclus que l’emploi de la marque de commerce UBS GROUP et du dessin‑marque UBS de Unified par cette dernière, ainsi que l’emploi des noms commerciaux UBS Group et UBS Group Inc, pourraient vraisemblablement faire conclure que ses services sont exécutés par la même entité que les services offerts par UBS Group AG. Ils créent donc de la confusion avec les marques de commerce déposées de UBS Group AG et sont réputés violer le droit de UBS Group AG à l’emploi exclusif de ces marques au titre de l’article 20 de la Loi sur les marques de commerce. J’arrive à cette conclusion en me fondant sur l’évaluation suivante des facteurs pertinents énoncés au paragraphe 6(5) de la Loi sur les marques de commerce.
[32] Je fais remarquer qu’une analyse relative à la confusion doit être effectuée pour chacune des marques, séparément, et non pas sous forme globale : Masterpiece aux para 42‑48. Toutefois, dans le cadre de cette analyse distincte, certains des facteurs prévus au paragraphe 6(5) peuvent être les mêmes pour une partie ou la totalité des marques de commerce et des noms commerciaux : Masterpiece au para 45. C’est le cas en l’espèce en ce qui concerne la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage et, dans une large mesure, le genre des services et des entreprises et la nature du commerce. Une analyse plus individualisée est nécessaire en ce qui concerne d’autres éléments, y compris le degré de ressemblance.
Degré de ressemblance
[33] Je commence par examiner la marque de commerce UBS GROUP de Unified et ses noms commerciaux UBS Group et UBS Group Inc. Par souci de commodité, je les appellerai les marques nominales UBS de Unified, bien qu’elles comprennent à la fois une marque de commerce et des noms commerciaux.
[34] Je conviens avec UBS Group AG que les marques nominales UBS de Unified ressemblent beaucoup aux marques nominales UBS déposées. L’aspect « particulièrement frappant ou unique »
de chacune des marques nominales UBS de Unified est les lettres UBS : Masterpiece au para 64. Cet aspect constitue l’intégralité des marques nominales UBS déposées. En particulier dans le contexte de l’entreprise, l’ajout des mots communs et descriptifs « Group »
et « Inc »
n’est pas particulièrement frappant ou unique, et ne constitue qu’une différence limitée entre les marques nominales UBS de Unified et les marques nominales UBS déposées. Pour les mêmes motifs, les marques nominales UBS de Unified ont également une forte ressemblance avec les lettres des dessins‑marques UBS déposées. Toutefois, les éléments figuratifs supplémentaires des dessins‑marques UBS déposés et les mots supplémentaires dans les marques nominales UBS de Unified confèrent chacun un certain degré de distinction, de sorte que l’impression générale est qu’il n’existe qu’une certaine ressemblance entre les marques nominales UBS de Unified et les dessins‑marques UBS déposés.
[35] En ce qui concerne le dessin‑marque UBS de Unified, je conclus qu’il existe un degré élevé de ressemblance entre celui‑ci et les dessins‑marques UBS déposés. Les éléments particulièrement frappants ou uniques du dessin‑marque UBS de Unified sont (i) le motif hexagonal de nœuds tissés à gauche du dessin et (ii) les lettres UBS à droite du dessin. Ces éléments donnent à peu près la même impression générale de la marque. Les mots UNIFIED BUSINESS SOLUTIONS GROUP INC. figurent au bas du dessin dans une taille de caractères beaucoup plus petite. Bien qu’ils fassent partie de la marque de commerce à examiner et qu’ils fournissent une explication des lettres UBS au lecteur attentif, ils ne laisseraient pas une grande impression sur le consommateur ordinaire plutôt pressé. De même, dans les dessins‑marques UBS déposés (i) le motif de trois clés à gauche du dessin et (ii) les lettres UBS à droite du dessin sont des éléments à peu près aussi frappants ou uniques du dessin‑marque.
[36] Ces éléments ne doivent pas être considérés séparément dans l’évaluation du degré global de ressemblance entre les marques. Il ne faut pas non plus procéder à un « examen minutieux des marques concurrentes ou à une comparaison côte à côte »
: Masterpiece au para 40. Selon mon examen des dessins dans leur ensemble du point de vue du consommateur ordinaire, mon évaluation est que, compte tenu des différences entre les motifs (motif de nœuds tissés – motif de trois clés; abstrait – représentatif) et leurs similitudes (formes globales hexagonales et motifs entremêlés), combinées aux similitudes du dessin global (motif à gauche d’une taille légèrement supérieure aux lettres), et du lettrage identique (lettres identiques, en majuscules et utilisant une police avec empattements d’une apparence très similaire), le degré de ressemblance entre les dessins est élevé.
[37] Enfin, en comparant le dessin‑marque UBS de Unified et les marques nominales UBS déposées, on constate que les lettres UBS sont les mêmes que l’ensemble des marques nominales UBS déposées, mais que le dessin‑marque UBS de Unified contient des éléments figuratifs supplémentaires qui augmentent la distinction, y compris la dénomination sociale figurant dans le bas du dessin. Le résultat est que, dans l’ensemble, il y a une certaine ressemblance entre le dessin‑marque UBS de Unified et les dessins‑marques UBS déposés.
[38] Dans l’ensemble, je conclus qu’il y a un degré élevé de ressemblance entre les marques nominales UBS de Unified et les marques nominales UBS déposées, ainsi qu’entre le dessin‑marque UBS de Unified et les dessins‑marques UBS déposés. Il y a un degré moindre de ressemblance, mais tout de même une certaine ressemblance, entre les marques nominales UBS de Unified et les dessins‑marques UBS déposés, et entre le dessin‑marque UBS de Unified et les marques nominales UBS déposés.
Le caractère distinctif
[39] À mon avis, les marques nominales UBS déposées ont un faible caractère distinctif inhérent. Elles sont constituées d’un acronyme de trois lettres, qui avait été adopté après la fusion de l’Union de banques suisses et la Société de banque suisse en 1998.
[40] Toutefois, l’affidavit de Sarah Bevan, présidente‑directrice générale de UBS Bank (Canada), une filiale de UBS Group AG, qui traite de l’emploi de longue date des marques de commerce UBS au Canada, soutient la conclusion selon laquelle elles ont à tout le moins un caractère distinctif acquis assez élevé. Cela comprend l’emploi sur le site Web de UBS Group AG, lequel comporte une page d’accueil canadienne destinée aux consommateurs canadiens et quatre emplacements physiques dans trois villes canadiennes. Je fais remarquer que UBS Group AG, invoquant la confidentialité commerciale, n’a fourni aucun élément de preuve concernant ses revenus ou ses dépenses publicitaires. Bien qu’il s’agisse d’une décision commerciale compréhensible, cela amoindrit la capacité de la Cour à évaluer dans quelle mesure l’exposition des Canadiens aux marques de commerce peut avoir permis à ces dernières d’acquérir un caractère distinctif ou de devenir connues. UBS Group AG n’a pas non plus fourni d’exemples de publicité qui auraient pu contribuer à cette analyse au‑delà du renvoi à son site Web, tandis que ses renvois à la reconnaissance et aux récompenses médiatiques proviennent en grande partie de l’extérieur du Canada. Néanmoins, les éléments de preuve cités ci‑dessus, et en particulier la présence de quatre emplacements physiques arborant les marques de commerce UBS depuis 1998, me convainquent que les marques nominales UBS déposées ont acquis un caractère distinctif assez élevé.
[41] Les dessins‑marques UBS déposés, qui incorporent un motif stylisé à trois clés, ont un plus grand caractère distinctif inhérent. Ils bénéficient également du caractère distinctif acquis décrit ci‑dessus.
[42] Pour des motifs similaires, les marques nominales UBS de Unified ont un faible caractère distinctif inhérent. Il n’y a aucun élément de preuve concernant le caractère distinctif acquis, en raison de l’absence des défendeurs. Le dessin‑marque UBS de Unified possède un plus grand caractère distinctif inhérent, mais, encore une fois, il n’y a aucun élément de preuve concernant la mesure dans laquelle il est devenu connu.
[43] Je conclus que le caractère distinctif des marques et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues sont des facteurs qui favorisent la conclusion concernant l’existence de confusion.
La période d’emploi
[44] Les demandes d’enregistrement pour les marques nominales UBS déposées et les dessins‑marques UBS déposés ont été produites à divers moments entre 1997 et 2003, mais les marques ont toutes été enregistrées entre la fin de 2004 et le début de 2005. Selon la preuve non contestée produite par Mme Bevan, les marques sont employées au Canada depuis 1998.
[45] En revanche, les marques de commerce et les noms commerciaux de Unified semblent n’être employés que depuis environ août 2020. Ce facteur favorise UBS Group AG.
Le genre des services et entreprises, et la nature du commerce
[46] Les services visés par les enregistrements des marques nominales UBS déposées comprennent des services de conseil en matière de finances, de planification financière et de gestion financière, ainsi que la préparation d’évaluations fiscales, des services de conseil en matière de gestion d’entreprise et des services d’administration commerciale. Les services visés par les enregistrements des dessins‑marques UBS déposés comprennent des services de prévisions économiques, de tenue de livres, de préparation de déclarations fiscales, d’évaluation et de consultation, de gestion d’entreprise, de planification financière et de gestion financière, ainsi que des services de consultation connexes. Dans les deux cas, ces services recoupent directement et englobent largement les services offerts par Unified.
[47] En ce qui concerne la nature du commerce, il semble que Unified n’offre pas ses services dans un emplacement physique, contrairement à UBS Group AG. Toutefois, les deux semblent offrir des services par l’entremise de communications électroniques. Bien que les services financiers soient un domaine où on peut s’attendre à ce que les clients soient, dans une certaine mesure, plus diligents lorsqu’ils choisissent leur fournisseur de services, je considère que, dans l’ensemble, ces facteurs favorisent une conclusion concernant l’existence de confusion.
Conclusion : première impression laissée dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé
[48] Suivant un examen global des facteurs ci‑dessus, et en particulier de la ressemblance entre les marques, de la période d’emploi des marques de commerce déposées de UBS Group AG et de leur caractère distinctif acquis connexe, ainsi que du recoupement des services offerts, je conclus que chacune des marques nominales UBS de Unified et des dessins‑marques UBS de Unified violent les marques nominales UBS déposées et les dessins‑marques UBS déposés. Bien que la probabilité de confusion semble plus élevée lorsqu’on compare les marques nominales entre elles et les dessins‑marques entre eux, compte tenu de leur ressemblance, à la lumière de la prépondérance d’autres facteurs, je suis convaincu que chacune des marques de commerce et chacun des noms commerciaux de Unified contrefont chacune des marques déposées. Dans l’ensemble, je conclus que la première impression dans l’esprit du consommateur ordinaire serait que les services offerts par Unified en liaison avec ses marques de commerce et ses noms commerciaux sont offerts par la même entité qui détient les marques déposées, à savoir UBS Group AG.
C.
Les réparations
(1)
Injonction et restitution
[49] Rien n’indique que Unified a cessé d’employer ses marques contrefaites en réponse aux mises en demeure de UBS Group AG ou qu’elle le fera en l’absence d’une injonction de la Cour. Une ordonnance sera donc rendue, laquelle interdira l’emploi de la marque de commerce UBS GROUP et du dessin‑marque UBS de Unified, et des noms commerciaux UBS Group et UBS Group Inc, ainsi que d’autres marques de commerce constituées de la marque de commerce UBS ou l’incorporant.
[50] UBS Group AG demande qu’on interdise aux défendeurs d’employer ses marques de commerce [traduction] « en tant que marque de commerce ou nom commercial, ou dans une marque de commerce ou un nom commercial, ou à toute autre fin »
[non souligné dans l’original]. Bien que l’emploi d’une marque de commerce ou d’un nom commercial contrefait en tant que marque de commerce ou nom commercial soit interdit par la Loi sur les marques de commerce, l’emploi [traduction] « à toute autre fin »
, en tenant pour acquis qu’il renvoie à quelque chose d’intelligible, n’est pas visé par la Loi sur les marques de commerce. Je n’inclurai donc pas cet aspect de l’injonction demandée. UBS Group AG demande également une disposition particulière exigeant la suppression des marques de commerce et noms commerciaux contrefaits des comptes de médias sociaux. En l’absence d’éléments de preuve concernant des comptes de médias sociaux, je ne pense pas qu’une ordonnance distincte à cet égard soit justifiée, mais en tout état de cause, cet emploi serait visé par l’injonction générale contre toute autre contrefaçon.
[51] Unified sera également tenue de restituer ou de détruire tout matériel en sa possession qui viole les marques nominales UBS déposées ou les dessins‑marques UBS déposés, y compris toute publicité ou tout autre matériel promotionnel. Étant donné que le site Web situé au domaine ubsgroup.ca semble être le principal moyen de promouvoir les services contrefaits, et que le nom de domaine de deuxième niveau lui‑même est constitué du nom commercial et de la marque de commerce UBS GROUP, qui violent les droits de la demanderesse en matière de marques de commerce, l’ordonnance de restitution exigera le transfert de la propriété du nom de domaine ubsgroup.ca : Michaels c Michaels Stores Procurement Company, Inc, 2016 CAF 88 au para 8. Étant donné que nous n’avons pas tous les détails quant à la propriété du nom, en raison des restrictions en matière de confidentialité de la base de données WHOIS et du refus des défendeurs de présenter une défense dans la présente action, cette ordonnance visera tous les défendeurs.
(2)
Les dommages‑intérêts
[52] UBS Group AG s’appuie sur la jurisprudence de la Cour concernant les dommages‑intérêts pour violation de marque de commerce, y compris des estimations fixes de dommages‑intérêts dans le cadre d’un jugement en défaut : Pick c 1180475 Alberta Ltd (The Queen of Tarts), 2011 CF 1008 aux para 48‑53; Oakley Inc c Untel, 2000 CanLII 15963 (CF) aux para 7‑10; Ragdoll Productions (UK) Ltd c Doe, 2002 CFPI 918 aux para 40‑43; Teavana Corporation c Teayama Inc, 2014 CF 372 au para 41; Decommodification LLC c Burn BC Arts Cooperative, 2015 CF 42 au para 14; Maxwell Realty Inc c Omax Realty Ltd, 2016 CF 1122 aux para 27‑28. UBS Group AG souligne en particulier l’octroi de 10 000 $ en dommages‑intérêts dans la décision Pick qui, comme en l’espèce, était une affaire de jugement par défaut qui ne visait pas des produits contrefaits et que la défenderesse était une petite entreprise de vente au détail. Elle fait remarquer que le même montant de 10 000 $ a été accordé dans les décisions Teavana, Decommodification et Maxwell Realty. UBS Group AG calcule que l’inflation depuis la date de ces décisions porte la somme à 11 208 $; elle réclame le montant de 12 000 $ au titre des dommages‑intérêts.
[53] Il peut être difficile pour un demandeur d’établir les dommages‑intérêts lorsqu’un défendeur n’a pas comparu en réponse à une action. Ni la demanderesse ni la Cour ne disposent de renseignements directs sur la portée des activités de la défenderesse, le montant de ses ventes ou le nombre de ses clients. En règle générale, les défendeurs ne devraient pas bénéficier du refus de fournir des renseignements qui accompagnent un défaut de comparaître. Néanmoins, même en cas de jugement par défaut, le montant des dommages‑intérêts demeure une meilleure estimation fondée sur les éléments de preuve disponibles concernant le préjudice réel causé à l’entreprise, à la réputation et à l’achalandage de la demanderesse par suite de la violation des marques de commerce.
[54] En l’espèce, Unified emploie apparemment les marques de commerce et les noms commerciaux contrefaits depuis environ un an et demi. Elle semble employer les marques de commerce et les noms commerciaux dans ses communications d’entreprise, sur son site Web et dans ses documents promotionnels. À en juger par les témoignages, elle semble avoir une certaine clientèle, mais les éléments de preuve laissent entendre qu’elle n’a pas d’établissement commercial physique et qu’elle demeure une entreprise relativement modeste. Néanmoins, l’emploi des marques de commerce et des noms commerciaux contrefaits, en particulier dans la même région géographique que l’un des emplacements physiques de UBS Group AG, constitue une preuve d’au moins un certain préjudice à l’achalandage attaché aux marques nominales UBS déposées et aux dessins‑marques UBS déposés. Compte tenu de ces facteurs, je conviens avec UBS Group AG pour dire que la comparaison avec la décision Pick et d’autres affaires semblables, où la Cour a accordé des dommages‑intérêts se situant à l’extrémité inférieure de la fourchette, est appropriée : Biofert Manufacturing Inc c Agrisol Manufacturing Inc, 2020 CF 379 à l’annexe B. Je conclus que les 12 000 $ réclamés par UBS Group AG au titre des dommages‑intérêts constituent une estimation raisonnable du préjudice causé à la réputation et à l’achalandage attachés à ses marques de commerce.
(3)
Les dommages‑intérêts punitifs
[55] UBS Group AG réclame également un montant de 25 000 $ à titre de dommages‑intérêts punitifs. Elle souligne l’existence de la contrefaçon, l’indifférence évidente à l’égard du fait que l’emploi des marques constituerait une contrefaçon, la poursuite de la contrefaçon après la réception de l’avis et de la demande, et l’absence de réponse à la présente action pour justifier l’octroi de dommages‑intérêts punitifs.
[56] Comme l’affirme UBS Group AG, des dommages‑intérêts punitifs sont accordés lorsque la conduite d’une partie est « malveillante, opprimante et abusive »
et qu’elle représente un « écart marqué par rapport aux normes ordinaires en matière de comportement acceptable »
: Whiten c Pilot Insurance Co, 2002 CSC 18 au para 36. Ils servent les objectifs de châtiment, de dissuasion et de dénonciation dans les circonstances où d’autres réparations sont insuffisantes pour atteindre ces objectifs : Whiten au para 94. Dans le contexte de la propriété intellectuelle, ces dommages‑intérêts sont accordés lorsque des dommages‑intérêts compensatoires ne représenteraient rien de plus que le « coût d’un permis »
lui permettant d’accroître ses bénéfices tout en bafouant de façon inacceptable les droits d’autrui : Whiten aux para 72 et 124; Louis Vuitton Malletier SA c Singga Enterprises (Canada) Inc, 2011 CF 776 aux para 165 et 170.
[57] UBS Group AG renvoie à la décision TFI Foods, où j’ai conclu qu’une défenderesse en défaut était tenue de payer 35 000 $ au titre des dommages‑intérêts punitifs : TFI Foods Ltd c Every Green International Inc, 2021 CF 241 aux para 68‑74. Toutefois, dans cette affaire, la défenderesse, en plus de faire fi des mises en demeure et de ne pas répondre aux procédures de la Cour, a fait des déclarations clairement et délibérément fausses et, de façon significative, n’a pas donné suite à une injonction interlocutoire émise par la Cour : TFI Foods aux para 69 et 74.
[58] En l’espèce, Unified a adopté des marques de commerce et des noms commerciaux contrefaits. En outre, les défendeurs n’ont pas répondu aux tentatives d’UBS Group AG de faire valoir ses droits, tant dans sa correspondance que dans le cadre de la présente action. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une conduite louable, je ne peux pas conclure qu’elle constitue un « écart marqué par rapport aux normes ordinaires en matière de comportement acceptable »
: Whiten au para 36. À mon avis, le fait de se livrer à une contrefaçon et de ne pas répondre à des demandes visant à mettre fin à la contrefaçon, même lorsqu’elles sont appuyées par un litige, ne justifie pas en soi l’octroi de dommages‑intérêts punitifs. S’il en était autrement, les dommages‑intérêts punitifs pourraient devenir la norme en matière de jugements par défaut dans les affaires de contrefaçon, ce qui serait contraire au principe selon lequel ils sont « vraiment l’exception et non la règle »
: Whiten au para 94.
[59] La Cour n’octroiera donc pas de dommages‑intérêts punitifs.
(4)
La responsabilité personnelle
[60] UBS Group AG demande que les réparations qu’elle réclame, y compris l’injonction et la réparation pécuniaire, soient accordées à la fois à l’encontre de Unified et des particuliers défendeurs, M. Younes et M. Alaya, lesquels sont inscrits comme administrateurs de Unified au registre des sociétés. Elle soutient que la conduite de M. Younes et de M. Alaya correspond à la description énoncée dans la décision Mentmore, à savoir « la commission délibérée d’actes qui étaient de nature à constituer une contrefaçon ou qui reflètent une indifférence à l’égard du risque de contrefaçon »
: Mentmore Manufacturing Co et al c National Merchandising Manufacturing Co Inc, [1978] ACF no 521 (QL) au para 28.
[61] Je fais remarquer que, dans la décision Mentmore, la Cour d’appel fédérale a utilisé ce libellé pour décrire les « circonstances à partir desquelles il y a lieu de conclure que ce que visait l’administrateur ou le dirigeant n’était pas la conduite ordinaire des activités de fabrication et de vente de celle‑ci »
: Mentmore au para 28. La Cour d’appel a souligné qu’elle tentait d’établir un équilibre entre le principe voulant qu’une société soit distincte de ses actionnaires, administrateurs et dirigeants, et la règle selon laquelle chacun doit répondre de ses actes délictueux : Mentmore au para 23.
[62] En l’espèce, UBS Group AG souligne le rôle de M. Younes et de M. Ayala en tant qu’administrateurs de Unified, l’existence d’une violation et la poursuite de la violation après que la société et les particuliers eurent été avisés de sa demande. Elle demande également à la Cour de conclure que le numéro de téléphone de la société est le téléphone personnel de M. Younes, mais ce sur quoi elle se fonde – le fait que M. Younes a répondu lors des deux appels – n’étaye pas en soi cette conclusion.
[63] À mon avis, il n’y a pas des circonstances suffisantes pour conclure que le but de M. Younes ou de M. Alaya n’était pas la direction de la société dans le cours normal de leur relation avec elle ou, à l’inverse, qu’ils ont agi de façon à s’approprier eux‑mêmes la contrefaçon plutôt que d’en faire celle de la société : Mentmore au para 25. Je ne suis donc pas disposé à accorder des dommages‑intérêts à leur encontre pour la contrefaçon des marques de UBS Group AG par Unified.
[64] Je fais remarquer que M. Younes et M. Alaya seront effectivement assujettis à l’injonction prononcée contre Unified : cette injonction comprendra les dispositions habituelles portant qu’elle lie à la fois la société et ses administrateurs et dirigeants. En outre, comme il est indiqué ci‑dessus, compte tenu de l’absence de renseignements concernant la propriété du nom de domaine et de la nécessité d’éviter toute question technique à cet égard, je vais étendre la portée de l’ordonnance exigeant le transfert du nom de domaine aux particuliers défendeurs.
(5)
Les dépens
[65] UBS Group AG demande la totalité des frais qu’elle a engagés dans la présente instance, soit un montant global de 27 733,61 $. Je conviens que, à titre de partie ayant gain de cause, qui a été forcée d’introduire la présente action en raison du défaut des défendeurs de répondre à ses mises en demeure et a été obligée de mener la procédure à son terme malgré le défaut des défendeurs d’y répondre, elle a droit aux dépens.
[66] Dans son mémoire de frais déposé à la Cour, UBS Group AG situe ses dépens au milieu de la colonne III ou à l’extrémité supérieure de la colonne V. Le mémoire de frais comprend également une colonne pour les frais d’avocat, mais il présente un chiffre unique sans plus de renseignements ou de ventilation. Même si j’accepte les éléments de preuve de l’adjoint juridique de Gowling WLG et l’affirmation de l’avocat quant au montant des frais engagés, les demandes de remboursement des dépens, particulièrement les demandes de remboursement substantielles ou élevées, doivent être plus détaillées afin de permettre à la Cour d’évaluer le caractère raisonnable des montants demandés, même dans un contexte tel qu’une requête en jugement par défaut.
[67] J’ai tenu compte de la nature et de l’étendue des éléments de preuve et des arguments déposés par UBS Group AG, de la nécessité de tenir une audience en raison de l’absence de réponse des défendeurs et des facteurs énoncés à l’article 400 des Règles, notamment le résultat, les sommes apparemment en jeu, l’importance de la question en litige pour UBS Group AG et la charge de travail nécessaire : Règles des Cours fédérales, art 400(3). Je conclus que l’adjudication du montant de 23 000 $ au titre des dépens est justifiée dans les circonstances de l’espèce.
JUGEMENT dans le dossier T‑771‑21
LA COUR ORDONNE :
La Cour déclare que la défenderesse, Unified Business Solutions Group Inc, a violé et est réputée avoir violé les droits exclusifs de la demanderesse, UBS Group AG, sur les marques de commerce déposées canadiennes LMC632,419, LMC626,814, LMC625,974 et LMC633 065 [les marques de commerce de UBS Group AG], aux termes de l’article 20 de la Loi sur les marques de commerce.
Il est interdit de façon permanente à Unified Business Solutions Group Inc, ou à ses employés, associés, mandataires, dirigeants et administrateurs, de commettre, directement ou indirectement, les actes suivants :
continuer à contrefaire les marques de commerce de UBS Group AG en employant la marque de commerce UBS GROUP, la marque de commerce UBS & Dessin, le nom commercial UBS Group, le nom commercial UBS Group Inc, ou par ailleurs,
employer les marques de commerce de UBS Group AG, ou toute marque de commerce ou tout nom commercial susceptible de créer de la confusion avec les marques de commerce de UBS Group AG, comme marque de commerce ou nom commercial, ou dans une marque de commerce ou un nom commercial.
Unified Business Solutions Group Inc, à ses frais, restitue immédiatement à UBS Group AG ou détruit sous serment tous les articles se trouvant en sa possession, sous sa garde ou en son autorité qui contreviennent aux ordonnances visées au paragraphe 2 de la présente ordonnance.
Les défendeurs transfèrent immédiatement, à leurs frais, l’enregistrement du nom de domaine ubsgroup.ca à UBS Group AG.
Unified Business Solutions Group Inc verse immédiatement à UBS Group AG le montant de 12 000 $ au titre des dommages‑intérêts.
Unified Business Solutions Group Inc verse immédiatement à UBS Group AG le montant de 23 000 $ au titre des dépens afférents à la présente instance.
Les montants mentionnés ci‑dessus portent des intérêts simples au taux annuel de 2,5 % à compter de la date du présent jugement.
« Nicholas McHaffie »
Juge
Traduction certifiée conforme
[M. Deslippes]
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
|
T‑771‑21
|
INTITULÉ :
|
UBS GROUP AG c MOHAMAD HASSAN YONES ET AL
|
LIEU DE L’AUDIENCE :
|
TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE
|
DATE DE L’AUDIENCE :
|
Le 11 janvier 2022
|
JUGEMENT ET MOTIFS :
|
LE JUGE MCHAFFIE
|
DATE DES MOTIFS :
|
Le 3 février 2022
|
COMPARUTIONS :
R. Nelson Godfrey
Nicholas James
|
POUR LA DEMANDERESSE
|
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Gowling WLG (Canada) S.E.N.C.R.L., s.r.l.
Avocats
Vancouver (Colombie‑Britannique)
|
POUR LA DEMANDERESSE
|