Date : 20220110
Dossier : T‑1862‑17
Référence : 2022 CF 21
[TRADUCTION FRANÇAISE]
ENTRE :
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION ET LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE
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demandeurs
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et
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BOŽO JOZEPOVIĆ
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défendeur
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MOTIFS DE L’ORDONNANCE
LE JUGE PHELAN
I.
Introduction
A.
L’instance
[1]
Il s’agit de la deuxième étape d’une requête présentée par le défendeur en vertu du paragraphe 220(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, par laquelle il cherche à faire déclarer « inadmissibles »
certains documents sur lesquels les demandeurs et leur expert comptent se fonder dans le cadre d’un procès.
[2]
Les demandeurs ont invoqué l’article 23 de la Loi sur la preuve au Canada, LRC 1985, c C‑5 [la LPC], pour faire admettre ces documents au motif qu’ils sont certifiés par la United States Immigration Court [la USIC] ou par le Bureau du Procureur du Tribunal pénal international pour l’ex‑Yougoslavie [le TPIY] ou l’organe qui le remplace, le Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux des Nations Unies [le Mécanisme]. Par souci de commodité, je désignerai le TPIY et le Mécanisme par le terme TPIY, à moins qu’une distinction entre les deux soit nécessaire.
[3]
La question principale porte sur l’admissibilité au titre de l’article 23 de la LPC de documents provenant du Bureau du Procureur du TPIY. Certains arguments portent sur des documents de la USIC, mais l’argument principal et de principe du défendeur consiste à affirmer que les documents du Bureau du Procureur ne sont pas des documents judiciaires et qu’ils ne sont donc pas admissibles. Les documents en question sont ceux qui portent la certification figurant à la pièce A de l’affidavit de Karen Mendonca, composé de 17 documents (dont 2 — les numéros 14 et 15 — ne sont certifiés ni par le Bureau du Procureur du TPIY ni par la USIC).
[4]
L’article 23 de la LPC est ainsi libellé :
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B.
Le processus
[5]
La présente procédure est régie par l’article 220 des Règles des Cours fédérales, qui prévoit que la Cour peut statuer sur tout point de droit ou tout point concernant l’admissibilité d’un élément de preuve avant l’instruction. Il permet aussi aux parties d’exposer les points litigieux dans un mémoire spécial avant l’instruction ou en remplacement de celle‑ci. L’article prévoit un processus en deux étapes. Premièrement, une requête demandant à la Cour de statuer sur un point de droit doit être présentée. Deuxièmement, si la Cour ordonne qu’il soit statué sur le point de droit, celui‑ci est débattu dans le cadre d’une audience distincte.
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[6]
La protonotaire Tabib a fait droit à la requête et a statué sur le point de droit de la manière suivante :
Par application de l’alinéa 220(1)b) des Règles des Cours fédérales, la Cour doit statuer à titre préliminaire sur la question de savoir si les documents joints à titre de pièce C à l’affidavit de My Ngoc Thai, déposé dans le dossier de requête du défendeur, sont admissibles en preuve au titre de l’article 23 de la Loi sur la preuve au Canada s’ils portent la certification jointe à titre de pièce A à l’affidavit de Karen Mendonca, déposé dans le dossier de requête en réponse des demandeurs.
[7]
Les parties conviennent que les documents dont l’admissibilité est contestée sont au nombre de 17 et non de 10, comme l’a mentionné la protonotaire Tabib. Ces documents constituent le cœur de la preuve dans le cadre de la procédure de révocation de la citoyenneté du défendeur.
[8]
La Cour est saisie d’une question très étroite en matière d’admissibilité. On ne demande pas à la Cour de statuer ou de se prononcer sur les questions relatives à la pertinence ni d’évaluer la véracité ou l’admissibilité autrement qu’aux termes de l’article 23 de la LPC. L’article 220 est une disposition inhabituelle qui ne devrait pas être interprétée ou appliquée d’une manière qui gêne l’obligation du juge de première instance d’évaluer la preuve ou de la comprendre dans son contexte. À ce titre, l’article 220 ordonne qu’une décision soit rendue seulement si la Cour est convaincue que cette mesure exceptionnelle est nécessaire pour trancher les questions d’une façon qui soit juste et la plus expéditive et économique possible.
[9]
Comme il est mentionné au paragraphe 4 de la décision Cantwell v Canada (Minister of the Environment), 1990 CarswellNat 1316, 2 WDCP (2d) 44 (CF), le pouvoir discrétionnaire d’autoriser qu’il soit statué à titre préliminaire sur une question d’admissibilité [TRADUCTION] « doit être exercé avec beaucoup de retenue »
.
[10]
Les ordonnances d’autorisation devraient « se limiter aux questions générales d’admissibilité plutôt qu’aux questions plus particulières d’admissibilité de la preuve, lorsqu’il est nécessaire d’analyser le contexte dans lequel se situe la preuve »
(Kirkbi AG c Ritvik Holdings Inc., 1998 CanLII 7434, [1998] ACF no 254 (CF) au para 18).
[11]
Étant donné que la protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire et qu’aucun appel n’a été interjeté, la Cour doit trancher la question dont elle est saisie. Je le fais avec prudence et retenue en tenant compte des défis auxquels le juge de première instance pourrait être confronté.
II.
Le contexte
[12]
L’action en justice sous‑jacente a été intentée par les demandeurs en vue d’obtenir un jugement déclaratoire portant que l’acquisition de la citoyenneté canadienne du défendeur est intervenue par fraude ou au moyen d’une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels concernant sa participation à des crimes de guerre ou à des crimes contre l’humanité.
[13]
Le défendeur est accusé d’avoir détenu et tué des musulmans de Bosnie en 1993. La déclaration demandée par les demandeurs aurait pour effet de révoquer la citoyenneté du défendeur et pourrait mener à son expulsion.
[14]
Les 17 documents en question en l’espèce sont décrits de la manière suivante :
Numéro du document
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Description du document
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1
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Accusations criminelles portées par le Centre des services de sécurité de Zenica
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2
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Rapport d’enquête signé par Djuro Globlek pour le Centre des services de sécurité de Zenica
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3
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Dossier officiel du Centre des services de sécurité de Zenica signé par Mirsad Bjelopoljak
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4
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Rapport officiel, entretien avec le témoin Alija Topalović, signé par Asim Šaranović pour le Centre des services de sécurité de Zenica
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5
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Note officielle, Centre des services de sécurité de Zenica
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6
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Rapport officiel, Centre des services de sécurité de Zenica
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7
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Déclaration du témoin Serif Ramovic devant le TPIY
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8
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Schéma du site d’exhumation, Secrétariat municipal pour les Affaires intérieures de la Bosnie‑Herzégovine, Département des Sciences médico‑légales de Kakanj, signé par Bahtija Šahinović
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9
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Décision sur la détention provisoire, Mensur Hasagic, juge de la Cour supérieure de Zenica
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10
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Déclaration du témoin Faruk Turki devant le TPIY
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11
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Registre des personnes qui ont pris part à la guerre patriotique, conservé par le bureau de la Défense de Kakanj
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12
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Extrait de la liste des armes du Conseil de défense croate
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13
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Lettre envoyée par Graham Blewitt à Amir Ahmic
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14
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Données et documents des dossiers officiels, signés par le ministre adjoint Martin Frančiščević
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15
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Certificat d’emploi signé par le commandant du ministère de la Défense de Kakanj, Ivo Kovačević
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16
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Document du Bureau d’État de la République de Croatie pour les statistiques — composition ethnique de la population de la Bosnie‑Herzégovine en 1995 en fonction de l’établissement de la population
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17
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Chiffres tirés du site Web du TPIY à l’adresse
https://www.icty.org/fr/le-tribunal-en-bref/le-bureau-du-procureur/working-withthe-region
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[15]
Depuis le début de l’action, bien des étapes ont été franchies et bien des questions ont été soulevées dans le cadre du litige. L’identité de la plupart des témoins bosniaques des demandeurs a été divulguée; toutefois, des éléments de confidentialité demeurent en suspens. Des documents tirés des rapports d’experts ont été divulgués, mais des questions ont été soulevées en ce qui concerne certains des documents, y compris la question liée à l’article 23 de la LPC en l’espèce. Les questions relatives au privilège et à l’immunité demeurent en suspens. En outre, il est encore possible que d’autres éléments soient divulgués.
III.
La question en litige
[16]
Le défendeur a formulé la question de la façon suivante : les documents sont‑ils admissibles en preuve au titre de l’article 23 de la LPC s’ils portent la certification du Bureau du Procureur du TPIY?
[17]
Les demandeurs élargissent la portée de la question et soutiennent que 13 des 17 documents sont certifiés (4 ne le sont pas) et que 5 des documents sont admissibles en preuve puisqu’ils sont certifiés de la USIC, tandis que 12 sont admissibles parce qu’ils sont certifiés par le Bureau du Procureur du TPIY. Certains documents sont certifiés par les deux institutions.
[18]
Les demandeurs font également valoir que tous les documents, y compris les autres documents non certifiés, sont admissibles selon d’autres exceptions à la règle du ouï‑dire, mais qu’ils ne s’inscrivent pas dans la portée de la question à trancher en l’espèce.
[19]
À mon avis, la question consiste à savoir si une partie ou la totalité des 17 documents sont admissibles au titre de l’article 23 de la LPC.
IV.
Analyse
A.
Article 23 – Objet
[20]
L’article 23 de la LPC repose sur l’exception à la règle du ouï‑dire en ce qui concerne les documents publics ou gouvernementaux. Selon l’un des critères relatifs à cette exception, une fonction décisionnelle n’en constitue pas une condition préalable (Levac v James, 2016 ONSC 7727 aux para 116‑117). L’accent est mis sur la fiabilité et la crédibilité de l’institution et des fonctionnaires qui sont responsables de consigner ou de conserver les documents publics. Les documents ne sont pas nécessairement admis parce que leur contenu est véridique.
[21]
L’article 23 de la LPC est essentiellement resté inchangé depuis 1893, à l’exception des noms des tribunaux qui ont pu être modifiés. L’objectif de la disposition est de faciliter la présentation de la preuve — en utilisant une forme d’ampliation ou de certification plutôt que d’exiger la présence à la barre des témoins d’un fonctionnaire pour attester que les documents qui lui sont présentés sont des documents de l’institution en question.
[22]
Dans les éditions antérieures de Sopinka, Lederman & Bryant: The Law of Evidence in Canada, les auteurs affirmaient que les documents devaient provenir de procédures judiciaires pour être visés par l’article 23. Le défendeur s’appuie sur ces observations antérieures. Cependant, le droit et la doctrine pertinente ont évolué par rapport à cette affirmation antérieure. Dans l’édition la plus récente de l’ouvrage, les auteurs font état d’un élargissement des documents visés par l’exception relative aux documents publics :
[traduction]
§18.64 Le contenu de ces documents, qu’il soit judiciaire ou non judiciaire, pouvait être prouvé en common law par des éléments de preuve secondaires sans qu’il soit nécessaire de produire les originaux. Ces éléments de preuve secondaires se présentaient habituellement sous la forme d’une ampliation (attestation sous le sceau d’un tribunal) ou de copies révisées (attestation faite sous serment) ou certifiées. Les témoignages oraux n’étaient ordinairement admissibles que si les documents avaient été détruits. Cette exception en common law n’était pas limitée aux documents publics; elle visait d’autres documents officiels dont l’exclusion occasionnerait des inconvénients et qui pouvaient être requis à différents endroits en même temps.
[Non souligné dans l’original.]
(Sidney N. Lederman, Alan W. Bryant et Michelle K. Fuerst, Sopinka, Lederman & Bryant: The Law of Evidence in Canada, 5e éd (Toronto, Ontario : LexisNexis, 2018) au para 18.64)
[23]
L’arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario R v Caesar, 2016 ONCA 599 [Caesar], est particulièrement pertinent et utile en ce qui concerne la question de l’article 23. La Cour d’appel de l’Ontario s’est appuyée sur l’article 23 pour trancher la question de savoir si celui‑ci pouvait être invoqué pour admettre le plaidoyer de culpabilité antérieur d’un coaccusé et si les faits sous‑jacents étaient admissibles en tant que preuve de l’acte d’accusation initial ou de la transcription du plaidoyer de culpabilité. La Cour, qui a statué que la preuve était admissible selon les règles de la common law, s’est également penchée sur l’article 23.
[24]
Au paragraphe 40 de l’arrêt Caesar, la Cour d’appel a souligné l’objectif qui consiste à fournir la preuve d’un dossier judiciaire sans avoir à appeler un fonctionnaire judiciaire à témoigner. Elle a également fait observer que la procédure est simplement un mécanisme pour prouver l’existence du dossier, sauf si le fonctionnaire a le devoir de valider la véracité du contenu du dossier :
[traduction]
[40] L’appel peut être réglé par l’application des principes énoncés ci‑dessous, mais l’appelante cherche à s’appuyer également sur deux autres façons de faire la preuve d’une procédure ou d’une pièce : le paragraphe 23(1) de la Loi sur la preuve au Canada et la doctrine de l’ampliation en common law. Je conviens que la preuve d’une procédure ou d’une pièce d’un tribunal peut se faire dans une autre procédure au moyen d’une ampliation ou copie certifiée de cette procédure ou pièce au titre du paragraphe 23(1) (à la condition qu’un avis soit donné) ou selon la doctrine de l’ampliation en common law (même sans avis dans des circonstances appropriées) : C. (W.B.); R. v. Tatomir, 1989 ABCA 233, 69 Alta. L.R. (2d) 305, autorisation de pourvoi devant la Cour suprême du Canada refusée (1990), 53 C.C.C. (3d) ii; Bailey; R. v. John, 2015 ONSC 2040, [2015] O.J. No. 1719. Cependant, à l’instar de l’admissibilité des documents publics et des dossiers judiciaires, et en l’absence de l’obligation pour la personne qui a produit le document de valider la véracité de son contenu, ces moyens de faire la preuve d’une procédure ou d’une pièce ne sont que cela, à mon avis — des mécanismes procéduraux par lesquels la preuve d’une procédure ou d’une pièce d’un tribunal peut être faite sans que l’authenticité du document puisse être prouvée en appelant à témoigner le fonctionnaire ou le sténographe judiciaire qui a produit le document. En d’autres termes, ils font office de raccourci pour prouver l’authenticité d’une procédure ou d’une pièce. Toutefois, le contenu par ouï‑dire des procédures ou des pièces judiciaires n’est pas rendu admissible comme preuve de sa véracité s’il n’est pas par ailleurs admissible à cette fin dans les circonstances.
[41] Cette thèse est confirmée par l’article 36 de la Loi sur la preuve au Canada :
La présente partie est réputée ajouter et non pas déroger aux pouvoirs, que donne toute loi existante, ou qui existent en droit, de prouver des documents.
[Non souligné dans l’original.]
[25]
Le défendeur estime que les documents provenant du Bureau du Procureur du TPIY ne sont pas admissibles parce que le Bureau n’est pas un greffier du tribunal et ne supervise pas les procédures judiciaires.
[26]
Le défendeur établit une structure du TPIY qui est composée de trois organes distincts : le Bureau du Procureur, qui agit de manière indépendante et qui est responsable des enquêtes et des poursuites, mais qui n’exerce pas de fonctions judiciaires; le Greffe, qui est chargé de l’administration du Tribunal, y compris des services liés aux registres des documents; et les Chambres, qui rendent des jugements sur les accusations de violations graves du droit international humanitaire en ex‑Yougoslavie.
[27]
Le défendeur fait valoir que les documents pertinents n’ont pas été présentés aux Chambres ni examinés par un juge.
[28]
Les demandeurs sont d’avis que 13 des 17 documents contestés répondent aux exigences de l’article 23 puisqu’ils sont certifiés par le Bureau du Procureur du TPIY. En résumé, le dossier compte 4 documents non certifiés, 5 documents certifiés par la USIC et 12 documents certifiés par le TPIY (certains sont certifiés par les deux institutions).
B.
USIC
[29]
Les documents de la USIC laissent moins de place au débat puisque celle‑ci répond aux définitions d’une « cour d’archives »
énoncées dans Brar c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2020 CF 729 au para 256 et dans Barone v Canada (Minister of Citizenship and Immigration), [1996] IADD No 1352, 38 Imm LR (2d) 93. Par conséquent, la USIC est une cour d’archives aux fins de l’article 23.
[30]
Bien qu’il soutienne dans ses observations écrites que les questions relatives à la USIC sont hors de la portée de l’ordonnance de la protonotaire Tabib, le défendeur a néanmoins soulevé des questions supplémentaires lors de la plaidoirie. Il s’appuie sur le fait qu’il n’y a pas de « timbre »
pour affirmer que les documents ne respectent pas les exigences de l’article 23. Cependant, l’existence d’un sceau imprimé et d’une attestation est clairement démontrée, ce qui rend cette objection frivole.
[31]
Le défendeur soulève une question concernant une version non signée d’une lettre de Graham Blewitt. Les demandeurs ont cependant versé à leur dossier une version signée de la même lettre.
[32]
Avec respect, si cette question demeure en litige, il est préférable de laisser le juge de première instance la trancher compte tenu du dossier de cette procédure et des limitations contenues dans l’ordonnance de la protonotaire Tabib. Autrement, les quatre autres documents de la USIC sont visés par l’article 23.
C.
Bureau du Procureur
[33]
Il ne semble pas y avoir de débat sur le fait que les documents certifiés par les Chambres ou le Greffe du TPIY répondent aux exigences de l’article 23.
[34]
Les décisions rendues dans Canada (Citoyenneté et Immigration) c Halindintwali, 2015 CF 390 [Halindintwali], Canada (Citoyenneté et Immigration) c Rubuga, 2015 CF 1073 [Rubuga] et Canada (Citoyenneté et Immigration) c Kljajic, 2020 CF 570 [Kljajic], établissent ce fait.
[35]
Au Canada, les dossiers du bureau d’un procureur provincial ou fédéral ne sont pas considérés comme des dossiers judiciaires. La séparation entre les tribunaux et les procureurs est une caractéristique du système canadien (ainsi que de celui d’autres pays). En l’absence de preuve du droit étranger, c’est le droit canadien qui est réputé s’appliquer. Cependant, en l’espèce, une preuve d’expert sur le rôle du Bureau du Procureur a été produite par un enquêteur du Bureau du Procureur au sein du Mécanisme. Cette preuve confirme la fonction de tenue des dossiers et des éléments de preuve du Bureau du Procureur, les règles de cette tenue et le régime de communication des éléments de preuve avec d’autres autorités nationales et internationales.
[36]
La preuve confirme que, même si le TPIY est constitué de trois organes, ceux‑ci fonctionnent, contrairement au contexte canadien, comme un collectif pour répondre au mandat singulier du TPIY de « traduire en justice les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex‑Yougoslavie depuis 1991 et, ce faisant, de contribuer au rétablissement et au maintien de la paix dans la région »
(« Mandat et compétence du TPIY »
, en ligne, Nations Unies. Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux : <https://www.icty.org/fr/le-tribunal-en-bref/le-tribunal/mandat-et-competence-du-tpiy>).
[37]
Les demandeurs s’appuient sur la décision Kljajic pour soutenir que la Cour fédérale a déjà reconnu que les documents certifiés par le Bureau du Procureur du TPIY répondent aux exigences de l’article 23. Après examen du dossier, y compris de l’ordonnance du juge Gascon et de la décision du juge en chef Crampton, il apparaît que l’argument particulier selon lequel les documents certifiés par le Bureau du Procureur respectent les exigences de l’article 23 n’a pas été avancé.
[38]
Cependant, des décisions comme celles rendues dans les affaires Kljajic, Halindintwali et Rubuga confirment que les organes du TPIY sont suffisamment fiables et dignes de confiance pour répondre aux exigences de l’article 23 aux fins de la certification et de l’admissibilité de leurs dossiers.
[39]
Étant donné que les questions de la véracité du contenu des documents ainsi que de leur poids et de leur signification sont réservées au juge de première instance, il serait déraisonnable et contraire à l’objet de l’article 23 d’empêcher l’admissibilité des documents en cause dans l’ordonnance de la protonotaire Tabib.
[40]
Il faut bien comprendre que la conclusion de la Cour selon laquelle les documents sont admissibles au titre de l’article 23 ne s’applique pas à la question de l’admissibilité d’autres documents ni de l’admissibilité et de la valeur probante pour d’autres motifs. Ces questions sont réservées au juge de première instance.
V.
Conclusion
[41]
Compte tenu de la conclusion de la Cour, la requête du défendeur pour obtenir une ordonnance d’inadmissibilité des documents figurant dans la pièce C de l’affidavit de My Ngoc Thai est rejetée, et les dépens suivront l’issue de la cause.
« Michael L. Phelan »
Juge
Ottawa (Ontario)
Le 10 janvier 2022
Traduction certifiée conforme
Karine Lambert
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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T‑1862‑17
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INTITULÉ :
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION ET LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE c BOŽO JOZEPOVIĆ
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE
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DATE DE L’AUDIENCE :
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Le 1er novembre 2021
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MOTIFS DE L’ORDONNANCE :
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LE JUGE PHELAN
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DATE DES MOTIFS :
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Le 10 janvier 2022
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COMPARUTIONS :
Negar Hashemi
Alison Engel‑Yan
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POUR LES DEMANDEURS
|
Ronald Poulton
Edward Babin
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POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Procureur général du Canada
Toronto (Ontario)
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POUR LES DEMANDEURS
|
Poulton Law Office
Avocats
Toronto (Ontario)
Babin Bessner Spry
Avocats
Toronto (Ontario)
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POUR LE DÉFENDEUR
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