Date : 19990708
Dossier : T-1769-98
ENTRE :
JOHNSTON FAMILY 1991 TRUST,
demanderesse,
et
MINISTRE DU REVENU NATIONAL,
défendeur.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE TEITELBAUM
[1] La demanderesse, Johnston Family Trust (fiducie), a déposé au greffe de la Cour fédérale du Canada à Vancouver un avis de demande en date du 10 septembre 1998, visant à obtenir le contrôle judiciaire d'une décision du défendeur en date du 9 septembre 1998 (voir l'Avis de demande, page 2).
[2] Dans l'Avis de demande, l'avocat de la fiducie présente ce qu'il soutient être les faits entourant cette demande. Concernant la décision qu'elle désire voir contrôler, la fiducie dit aux paragraphes 28 et 29 :
[traduction]
28. Dans sa lettre en date du 26 août 1998, le défendeur a rejeté la demande en équité présentée par la fiducie le 5 août 1998.
29. Au cours d'une conversation téléphonique avec l'avocat de la fiducie le 8 septembre 1998, Mme Julia Nightingale, directrice intérimaire du Centre fiscal de Surrey, a confirmé la décision contenue dans la lettre du 26 août 1998.
[3] Il semblerait que la décision que la fiducie veut faire contrôler est celle qui a été donnée de vive voix par Mme Julia Nightingale, directrice intérimaire du Centre fiscal de Surrey, confirmant la décision contenue dans la lettre envoyée à l'avocat de la fiducie le 26 août 1998.
[4] Cette lettre est rédigée comme suit :
[traduction]
Monsieur,
Re : Déclaration T3 de 1993 pour la Johnson Family 1991 Trust
Ceci fait suite à notre conversation et à votre télécopie du 24 août 1998.
Selon nos dossiers, le cachet de la poste sur l'enveloppe qui contenait la formule de déclaration T3 et les choix des bénéficiaires privilégiés indique qu'elle a été postée le 6 avril 1994.
Un avis d'opposition a été produit en date du 12 décembre 1994 (avis dont vous avez eu connaissance), portant que les choix avaient été produits dans les délais. Dans le cadre d'un appel, on aurait examiné le cachet de la poste avant de confirmer la cotisation. Le cachet de la poste a aussi été examiné par le Comité de l'équité durant son processus de réexamen en 1994 et en 1998.
Le fait qu'on ne puisse produire une photocopie du cachet de la poste à ce moment-ci ne change aucunement la position du ministère. En conséquence, la déclaration T3 de 1993 ne sera pas modifiée pour tenir compte des choix des bénéficiaires privilégiés.
Veuillez agréer mes salutations distinguées.
JANIS OLD
DÉCLARATIONS T3 DES SUCCESSIONS ET FIDUCIES
c.c.: JOSEPH JOHNSON
[5] Une demande de contrôle judiciaire est faite en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale[1], qui est rédigé comme suit :
18.1(1) Une demande de contrôle judiciaire peut être présentée par le procureur général du Canada ou par quiconque est directement touché par l'objet de la demande.
(2) Les demandes de contrôle judiciaire sont à présenter dans les trente jours qui suivent la première communication, par l'office fédéral, de sa décision ou de son ordonnance au bureau du sous-procureur général du Canada ou à la partie concernée, ou dans le délai supplémentaire qu'un juge de la Section de première instance peut, avant ou après l'expiration de ces trente jours, fixer ou accorder.
(3) Sur présentation d'une demande de contrôle judiciaire, la Section de première instance peut :
a) ordonner à l'office fédéral en cause d'accomplir tout acte qu'il a illégalement omis ou refusé d'accomplir ou dont il a retardé l'exécution de manière déraisonnable;
b) déclarer nul ou illégal, ou annuler, ou infirmer et renvoyer pour jugement conformément aux instructions qu'elle estime appropriées, ou prohiber ou encore restreindre toute décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte de l'office fédéral.
(4) Les mesures prévues au paragraphe (3) sont prises par la Section de première instance si elle est convaincue que l'office fédéral, selon le cas :
a) a agi sans compétence, outrepassé celle-ci ou refusé de l'exercer;
b) n'a pas observé un principe de justice naturelle ou d'équité procédurale ou toute autre procédure qu'il était légalement tenu de respecter;
c) a rendu une décision ou une ordonnance entachée d'une erreur de droit, que celle-ci soit manifeste ou non au vu du dossier;
d) a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose;
e) a agi ou omis d'agir en raison d'une fraude ou de faux témoignages;
f) a agi de toute autre façon contraire à la loi.
(5) La Section de première instance peut rejeter toute demande de contrôle judiciaire fondée uniquement sur un vice de forme si elle estime qu'en l'occurrence le vice n'entraîne aucun dommage important ni déni de justice et, le cas échéant, valider la décision ou l'ordonnance entachée du vice et donner effet à celle-ci selon les modalités de temps et autres qu'elle estime indiquées.
[6] Il est clair que le seul motif qui me permettrait de modifier dans la décision de la déléguée du ministre, savoir Mme Julia Nightingale, serait de déterminer qu'elle a agi de telle façon que ses gestes seraient visés par les alinéas a) à f) du paragraphe 18.1(4).
LES FAITS
[7] Les faits me semblent pouvoir être résumés de la façon suivante. Je tire ces faits des dossiers de demande et des affidavits qui m'ont été présentés.
[8] La demanderesse est une fiducie, établie en Colombie-Britannique en 1991. Joseph Johnston est le fiduciaire de la fiducie, sa femme Cleo et ses deux filles en étant les bénéficiaires.
[9] Aux fins de la Loi de l'impôt sur le revenu, l'année financière de la fiducie se termine le 31 décembre. Pour l'année d'imposition 1993 de la fiducie, la déclaration d'impôt T3 devait être déposée au plus tard le 31 mars 1994. En vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, la fiducie est imposée sur tout le revenu qu'elle gagne dans une année, sauf si elle a versé, ou est réputée avoir versé, son revenu aux bénéficiaires avant la fin de l'année. En vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, si la fiducie et un bénéficiaire présentent conjointement un « choix du bénéficiaire privilégié » (choix), la fiducie est réputée avoir versé au bénéficiaire la partie du revenu précisée dans le choix et le bénéficiaire est réputé avoir reçu ce revenu. Ce dernier doit alors payer l'impôt sur ce revenu, ce qui se solde généralement par des économies d'impôt.
[10] En vertu de l'article 2800/21 du Règlement de l'impôt sur le revenu, le choix pour l'année d'imposition 1993 de la fiducie devait être produit au plus tard le 31 mars 1994.
[11] Il ne paraît pas y avoir de controverse entre les parties quant aux « faits » susmentionnés.
[12] Dans son affidavit du 26 octobre 1998, Joseph Johnston déclare qu'il était allé en vacances à Hawaï et qu'il est revenu le 29 mars 1994. Il déclare qu'il a alors pris connaissance du courrier qui « s'était accumulé » à son domicile, sans toutefois préciser à quelle date. Il ajoute qu'un des envois qu'il a lus était une lettre du 14 mars 1998 du comptable de la fiducie, M. Fred Masuch, lettre qui contenait une formule de déclaration d'impôt T3 pour la fiducie ainsi que trois choix de bénéficiaires privilégiés. M. Johnston déclare que le 29 ou le 30 mars, il a obtenu la signature des trois bénéficiaires (sa femme et ses deux enfants, ces derniers ayant alors quatre et cinq ans) sur les choix. Il semblerait que le choix n'ait été signé par Cleo Johnston que le lendemain de son retour de vacances (voir la pièce A, annexée à l'affidavit de Cleo Johnston du 22 décembre 1998).
[13] Il s'ensuit que le choix de Cleo Johnston ne peut avoir été signé le 29 mars 1994.
[14] M. Johnston déclare ensuite dans son affidavit du 28 octobre 1998 qu'il a placé le 30 mars 1994 les formules de déclaration T3 et les choix dans une enveloppe fournie par le comptable de la fiducie et qu'il a apporté cette enveloppe avec les documents à son bureau de Burnaby (C.-B.) pour ensuite, toujours le 30 mars 1994 selon lui, affranchir l'enveloppe au moyen d'un compteur d'affranchissement. Il déclare qu'il ne se souvient pas s'il a fait ceci personnellement ou s'il l'a fait faire par son adjoint. Il dit toutefois que [traduction] « le 30 mars 1994, vers la fin de la journée, j'ai personnellement apporté l'enveloppe et je l'ai déposée dans une boîte aux lettres » .
[15] M. Johnston ajoute ensuite, aux paragraphes 9 à 13 :
[traduction]
9. Bien que la lettre du 14 mars de M. Masuch n'indiquait pas que la T3 et les choix devaient être envoyés à une date précise, je savais qu'il fallait que ce soit avant la fin de mars 1994 suite à des conversations avec M. Masuch au sujet des déclarations de la fiducie pour les années antérieures.
10. Je me souviens d'avoir inscrit la date du 30 mars 1994 sur ma copie de la T3 de la fiducie, pour noter la date à laquelle j'avais posté la T3 et les choix.
11. J'ai été fort surpris que Revenu Canada cotise la fiducie en septembre 1994 comme si les choix n'avaient pas été déposés dans les délais, puisque je savais les avoir postés le 30 mars 1994. Bien que je n'ai pas été surpris d'apprendre que Revenu Canada ait pu recevoir les choix après le 30 mars 1994, c'est à cette date que je les ai mis à la poste.
12. Jusqu'à ce que je m'adresse à un avocat en août 1998, je ne savais pas, et M. Masuch ne m'en avait pas informé, que l'alinéa 248(7)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu prévoit qu'un document est réputé avoir été produit à Revenu Canada le jour de sa mise à la poste.
13. Je constate que Revenu Canada déclare que les choix ont été mis à la poste le 6 avril 1994. Il n'est pas possible que ces choix aient été postés à cette date, puisque je les ai mis à la poste le 30 mars 1994.
[16] Dans son affidavit du 26 octobre 1998, Mme Johnston confirme qu'elle est revenue avec son mari de leurs vacances à Hawaï le 29 mars 1994, et que son mari lui a montré les documents envoyés par M. Masuch [traduction] « à son retour » . Elle déclare ensuite, au paragraphe 4 :
[traduction]
...
4. Lorsque la fiducie a connu des difficultés face à Revenu Canada en septembre 1994, Joe m'a déclaré qu'il avait mis les documents à la poste à l'adresse de Revenu Canada le lendemain de notre retour de vacances. Il a toujours maintenu que c'était le cas.
[17] Dans son affidavit du 26 octobre 1998, M. Fred Masuch déclare qu'il est un comptable agréé et [traduction] « qu'en tant que tel, il a une connaissance personnelle des faits suivants » . Au paragraphe 2 de son affidavit, il déclare qu'il a lu la description des faits qui se trouve aux paragraphes 1 à 11 et aux paragraphes 17 à 25 de l'Avis de demande et [traduction] « qu'ils sont véridiques » .
[18] Le paragraphe 10 de l'Avis de demande déclare que [traduction] « l'alinéa 249(7)a) de la Loi prévoit qu'un choix est réputé avoir été produit à la date de son renvoi par la poste de première classe ou l'équivalent » .
[19] En toute déférence, je me demande comment il peut s'agir d'un fait que M. Masuch peut affirmer véridique sous serment, comme il paraît le faire dans son affidavit.
[20] Les paragraphes 17 à 25 de l'Avis de demande, que M. Masuch affirme être véridiques, sont rédigés comme suit :
[traduction]
...
17. Par un avis de cotisation envoyé à la fiducie le 20 septembre 1994, le défendeur a cotisé la fiducie en incluant dans son revenu la somme de 73 916,01 $ désignée dans les choix.
18. Le fondement de la cotisation établie par le défendeur pour la fiducie est que cette dernière a produit les choix le 6 avril 1994 et que, par conséquent, ces derniers n'étaient pas valables.
19. Le 12 décembre 1994, ou vers cette date, la fiducie a déposé un avis d'opposition à la cotisation, mais le défendeur l'a confirmée par un avis de confirmation en date du 16 août 1995.
20. En vertu de la Loi, le défendeur peut accepter un choix produit en retard par un bénéficiaire privilégié. Une telle demande présentée au ministre est généralement connue sous le nom d'une demande en « équité » .
21. Dans une lettre en date du 22 septembre 1994, la fiducie a présenté au défendeur une demande en équité pour que ce dernier accepte les choix.
22. Dans une lettre envoyée au cours de 1994, le défendeur a rejeté la demande en équité de la fiducie.
23. Dans une lettre datée du 1er mai 1997, la fiducie a présenté au défendeur une deuxième demande en équité, lui demandant d'accepter les choix.
24. Dans une lettre datée du 2 janvier 1998, le défendeur a décidé de ne pas accepter la deuxième demande en équité, au motif que la fiducie avait déposé les choix le 6 avril 1994 et qu'elle n'avait présenté aucun motif pour expliquer le retard.
25. Aucune mention de l'alinéa 248(7)a) de la Loi n'est faite dans l'avis d'opposition, ni dans les demandes en équité, l'avis de confirmation ou les lettres de 1994 et du 2 janvier 1998 du défendeur.
[21] De plus, M. Masuch déclare, dans son affidavit du 26 octobre 1998, qu'il a envoyé à M. Johnston, le 14 mars 1998, une lettre datée de ce jour avec une formule de déclaration d'impôt T3 pour la fiducie ainsi que les formules de choix pour les trois bénéficiaires privilégiés.
[22] Il est intéressant de noter que, dans son affidavit du 26 octobre 1998, M. Johnston déclare, au paragraphe 9, qu'il savait que la T3 et les choix devaient être produits avant la fin de mars 1994 « suite a des conversations avec M. Masuch au sujet des déclarations de la fiducie pour les années antérieures » . Au paragraphe 4 de son affidavit, M. Masuch déclare qu'il a indiqué à Revenu Canada, dans une lettre datée de mai 1997, que M. Johnston n'était pas au courant du délai pour produire la déclaration de la fiducie.
[23] M. Masuch a été contre-interrogé sur son affidavit. On lui a demandé :
[traduction]
Pourquoi n'avez-vous pas déposé un avis d'appel à la Cour canadienne de l'impôt au nom de votre client, la Johnston Family 1991 Trust, au moment où vous avez reçu l'avis de confirmation du ministre visant l'année d'imposition 1993 de votre client?
[24] Il a répondu qu'il n'a pas recommandé un appel à la Cour canadienne de l'impôt après que l'avis d'opposition à la cotisation de la fiducie eut été rejeté, parce qu'il croyait qu'il s'agissait d'une question d'équité qui ne pouvait faire l'objet d'un appel à la Cour de l'impôt (voir la pièce A de l'affidavit de M. Masuch du 9 janvier 1999).
[25] Dans un affidavit du 24 novembre 1998, Mme Lucy Lee, une agente des appels du ministère du Revenu national à Vancouver, déclare que la fiducie devait déposer une déclaration T3 et les choix des bénéficiaires privilégiés au plus tard le 31 mars 1994. Dans son avis de cotisation du 20 septembre 1994, le ministre cotise l'impôt payable par la fiducie pour son année d'imposition 1993 sur le fondement que la fiducie n'avait pas produit la déclaration ou les choix au ministre avant le délai imparti du 31 mars 1994.
[26] Après réception de l'avis de cotisation du ministre, la fiducie a déposé un avis d'opposition le 12 décembre 1994. La fiducie s'est opposée pour le motif que la déclaration et les choix [traduction] « avaient été déposés auprès du ministre dans le délai imparti » . L'avis d'opposition est annexé comme pièce B à l'affidavit de Mme Lee. Les motifs qui fondent l'avis d'opposition à la cotisation établie par le ministre sont les suivants :
[traduction]
Le ministre a cotisé la fiducie sur la base d'une production hors délai des choix des bénéficiaires privilégiés, ce qui les rendait non valables.
Les fiduciaires soutiennent que les choix ont été produits par la poste le 30 mars 1994, la première date possible dans les circonstances. Par conséquent, les fiduciaires soutiennent que les choix ont été déposés de façon appropriée et qu'ils devraient être acceptés.
[27] Dans son affidavit, Mme Lee déclare qu'après avoir revu la documentation et les présentations et après avoir examiné l'enveloppe dans laquelle la déclaration et les choix ont été envoyés par la poste au Ministère, elle a vu que l'enveloppe portait le cachet de la poste du 6 avril 1994. En conséquence, elle a confirmé l'impôt dû par la fiducie, c'est-à-dire qu'elle a confirmé l'avis de cotisation et rejeté l'avis d'opposition présenté par la fiducie. L'avis de confirmation a été envoyé par lettre en date du 16 août 1995, [traduction] « accompagnée d'un formulaire TLA7 donnant l'information requise au sujet des procédures d'appel, le tout expédié au représentant du demandeur, M. Fred Masuch » (paragraphe 11 de l'affidavit).
[28] La fiducie n'en a pas interjeté appel à la Cour canadienne de l'impôt de l'avis de confirmation du ministre, et je suis convaincu qu'elle aurait dû le faire si elle avait été d'avis que la déclaration T3 et les choix avaient été produits dans les délais prévus par la Loi de l'impôt sur le revenu.
[29] Dans un affidavit en date du 25 novembre 1998, Mme Linda Ditto, directrice adjointe, Déclarations des particuliers et des successions, Revenu Canada, déclare :
[traduction]
2.J'ai examiné attentivement les dossiers pour l'année d'imposition 1993 qui se rapportent à la demande de redressement présentée par le demandeur en vertu des dispositions du dossier Équité, et j'ai une connaissance personnelle des questions couvertes dans cet affidavit, sauf lorsque je déclare qu'elles sont fondées sur des renseignements tenus pour véridiques, auquel cas je crois qu'elles sont vraies.
...
5.En vertu des dispositions législatives généralement connues sous le nom de « dossier Équité » , notamment le paragraphe 220(3.2) de la Loi de l'impôt sur le revenu, le ministre peut proroger le délai pour faire un choix.
6.Dans une lettre datée du 22 septembre 1994, le représentant de la demanderesse, M. Fred Masuch, écrivait au ministre en indiquant que sa cliente avait été cotisée sur le fondement qu'elle n'avait pas produit la déclaration et les choix dans le délai prévu et qu'il désirait que l'on réexamine la situation.
7.La demande de redressement présentée par la demanderesse en vertu du paragraphe 220(3.2) de la Loi de l'impôt sur le revenu a d'abord été transmise à l'équipe de traitement des déclarations des successions. Un rapport sommaire et une recommandation ont été préparés suite à cette demande, puis transmis à M. John Brady, gestionnaire, traitement des déclarations des successions.
8.En novembre 1994, M. John Brady a écrit au fiduciaire de la demanderesse, M. Joseph Johnston, et l'a informé que la demande de redressement avait été examinée et rejetée.
9.Dans une lettre datée du 1er mai 1997, le représentant de la demanderesse, M. Fred Masuch, a de nouveau écrit au ministre, indiquant qu'il désirait obtenir un nouvel examen de la situation de sa cliente.
10.Cette nouvelle demande de redressement présentée par la demanderesse en vertu du paragraphe 220(3.2) de la Loi de l'impôt sur le revenu a d'abord été transmise à l'équipe de traitement des déclarations des successions. Un rapport sommaire et une recommandation ont été préparés suite à cette demande par Jean Drew et m'ont ensuite été transmis.
11.En ma qualité de directrice adjointe, Déclarations des particuliers et des successions, j'ai reçu la délégation, en vertu de l'article 900 du Règlement de l'impôt sur le revenu, du pouvoir d'examiner les demandes faites en vertu du paragraphe 220(3.2) de la Loi de l'impôt sur le revenu et de prendre les décisions en conséquence.
12.Le rapport sommaire, les documents déposés par la demanderesse, la demande antérieure d'examen, la correspondance pertinente, et le dossier ministériel m'ont tous été remis pour examen et décision. J'ai examiné la demande de redressement de la demanderesse et conclu qu'elle n'était couverte ni par l'objectif ni par les lignes directrices de la législation du dossier Équité. J'ai donc décidé que la période prévue pour produire les choix ne devrait être prorogée par le ministre en vertu du paragraphe 220(3.2) de la Loi de l'impôt sur le revenu.
13.Au cours de mon examen, j'ai examiné les facteurs suivants avant de décider de ne pas proroger la période prévue pour produire les choix :
a)le rapport sommaire disait que l'enveloppe qui contenait la déclaration et les choix portait le cachet de la poste du 6 avril 1994;
b)la demanderesse avait produit la déclaration et les choix après le délai imparti par la loi;
c)la demanderesse n'avait pas interjeté appel pour l'année d'imposition 1993 auprès de la Cour canadienne de l'impôt;
d)il n'existait pas de situation manifestement indépendante de la volonté du contribuable qui justifierait le redressement demandé;
e)la demanderesse n'avait fourni aucun renseignement quant à toute autre circonstance exceptionnelle qui justifierait le redressement demandé en l'instance; et
f)la situation en cause n'était pas visée par les lignes directrices contenues à la Circulaire d'information 92-1.
14.Dans une lettre datée du 2 janvier 1998, j'ai écrit au représentant de la demanderesse, M. Fred Masuch, et l'ai informé que la demande de redressement avait été examinée et rejetée.
15.Dans une lettre du 15 janvier 1998, M. Fred Masuch a écrit à Revenu Canada pour obtenir des clarifications au sujet de ma lettre du 2 janvier 1998.
16.Dans une lettre datée du 15 février 1998, M. Fred Masuch a écrit à Revenu Canada et a indiqué qu'il était confus quant à la situation de sa cliente.
17.Dans une lettre datée du 26 août 1998, Mme Janis Old, agent des ressources techniques, a répondu à une communication de l'avocat de la demanderesse, M. Joel Nitikman, et réitéré le point de vue du Ministère.
QUESTIONS EN LITIGE
[30] Dans son mémoire des faits et du droit, la demanderesse énonce ce qu'elle croit être la question à trancher :
[traduction]
En refusant d'accueillir la troisième demande en équité en vertu du paragraphe 220(3.2) de la Loi, le ministre a-t-il fait défaut d'observer les principes de justice naturelle, ou rendu une décision entachée d'une erreur de droit ou fondée sur une conclusion de fait erronée tirée sans tenir compte des éléments dont il disposait? Plus particulièrement, le ministre a-t-il commis une erreur en ne reconnaissant pas que la T3 et les choix de la fiducie avaient été mis à la poste le 30 mars 1994 et, en vertu de l'alinéa 248(7)a) de la Loi, produits dans les délais prévus au paragraphe 2800(2) du Règlement?
[31] La demanderesse ajoute que [traduction] « les questions en cause dans cette demande sont de savoir si la preuve est suffisante pour permettre à la Cour de conclure que le ministre ne pouvait pas raisonnablement arriver à la conclusion que les choix avaient été produits après le 31 mars 1994 » .
[32] Dans son mémoire des faits et du droit, le défendeur présente les questions en litige comme suit :
[traduction]
23.Le défendeur soutient que les questions en litige sont :
a)le ministre a-t-il exercé son pouvoir discrétionnaire à bon droit en n'acceptant pas les choix des bénéficiaires privilégiés par suite de son refus de proroger le délai de production;
b)la Cour a-t-elle compétence pour décider de la question de fait suivante, savoir si les choix des bénéficiaires privilégiés ont été produits dans les délais; et
c)la demanderesse a-t-elle présenté la présente demande dans les délais prévus par l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, donnant ainsi compétence à cette honorable Cour pour procéder au contrôle judiciaire de la décision du ministre.
LA LÉGISLATION PERTINENTE
Paragraphe 104(14) de la Loi sur l'impôt sur le revenu
104(14) Where a trust and a preferred beneficiary under the trust for a particular taxation year of the trust jointly so elect in respect of the particular year in prescribed manner, such part of the accumulating income of the trust for the particular year as is designated in the election, not exceeding the allocable amount for the preferred beneficiary in respect of the trust for the particular year, shall be included in computing the income of the preferred beneficiary for the beneficiary's taxation year in which the particular year ended and shall not be included in computing the income of any beneficiary of the trust of a subsequent taxation year.
... |
104(14) Lorsqu'une fiducie et son bénéficiaire privilégié pour une année d'imposition de la fiducie font un choix conjoint, pour cette année, selon les modalités réglementaires, la partie du revenu accumulé de la fiducie pour cette année qui est indiquée dans l'écrit concernant le choix et qui ne dépasse pas le montant attribuable au bénéficiaire privilégié relativement à la fiducie pour cette année est à inclure dans le calcul du revenu du bénéficiaire privilégié pour son année d'imposition au cours de laquelle l'année de la fiducie s'est terminée et n'est à inclure dans le calcul du revenu d'aucun bénéficiaire de la fiducie pour une année d'imposition postérieure.
... |
Paragraphe 220(3.2) de la Loi de l'impôt sur le revenu
220(3.2) Where
(a) an election by a taxpayer or a partnership under a provision of this Act or a regulation that is a prescribed provision was not made on or before the day on or before which the election was otherwise required to be made, or
(b) a taxpayer or partnership has made an election under a provision of this Act or a regulation that is a prescribed provision,
the Minister may, on application by the taxpayer or the partnership, extend the time for making the election referred to in paragraph (a) or grant permission to amend or revoke the election referred to in paragraph (b).
... |
230(3.2) Sur demande d'un contribuable ou d'une société de personnes, le ministre peut:
a) lorsque le contribuable ou la société de personnes n'a pas fait, dans le délai imparti, un choix prévu par une disposition de la présente loi ou une disposition réglementaire, visée par règlement, proroger le délai pour faire le choix;
b) lorsque le contribuable ou la société de personnes a fait un choix valide en vertu d'une disposition de la présente loi ou d'une disposition réglementaire, visée par règlement, permettre que le choix soit modifié ou annulé.
... |
Article 2800 du Règlement de l'impôt sur le revenu
2800.(1) Any election under subsection 104(14) of the Act in respect of a taxation year shall be made by filing with the Minister the following documents:
(a) a statement
(i) making the election in respect of the year, (ii) designating the part of the accumulating income in respect of which the election is being made, and (iii) signed by the preferred beneficiary and a trustee having the authority to make the election; and
(b) a statement signed by the trustee showing the computation of the amount of the preferred beneficiary's share in the accumulating income of the trust for the year in accordance with paragraph 104(15)(a), (b) or (c) of the Act, as the case may be, together with such information concerning the provisions of the trust and its administration as is necessary for this purpose.
(2) The documents referred to in subsection (1) shall be filed within 90 days from the end of the trust's taxation year in respect of which the election referred to in subsection (1) is made. |
2800.(1) Tout choix fait en vertu du paragraphe 104(14) de la Loi à l'égard d'une année d'imposition s'exerce par la production auprès du Ministre des documents suivants:
a) une pièce
(i) indiquant l'exercice du choix à l'égard de l'année, (ii) désignant la fraction du revenu accumulé à l'égard de laquelle le choix est exercé, et (iii) portant la signature du bénéficiaire privilégié et d'un fiduciaire autorisé à exercer le choix; et
b) une pièce signée par le fiduciaire et indiquant le calcul du montant de la part revenant au bénéficiaire privilégié accumulé de la fiducie pour l'année, conformément à l'alinéa 104(15)a), b) ou c) de la Loi, selon le cas, ainsi que tout renseignement au sujet des stipulations de la fiducie et de son administration qui peut être nécessaire à cette fin.
(2) Les documents mentionnés au paragraphe (1) doivent être produits dans les 90 jours de la fin de l'année d'imposition de la fiducie à l'égard de laquelle le choix mentionné au paragraphe (1) est exercé. |
Paragraphe 248(7) de la Loi de l'impôt sur le revenu
248(7) For the purposes of this Act,
(a) anything (other than a remittance or payment described in paragraph (b)) sent by first class mail or its equivalent shall be deemed to have been received by the person to whom it was sent on the day it was mailed; and
(b) the remittance or payment of an amount (i) deducted or withheld, or (ii) payable by a corporation,
as required by this Act or a regulation shall be deemed to have been made on the day on which it is received by the Receiver General. |
248(7) Pour l'application de la présente loi:
a) tout envoi en première classe ou l'équivalent, sauf une somme remise ou payée qui est visée à l'alinéa b), est réputé reçu par le destinataire le jour de sa mise à la poste;
b) la somme déduite ou retenue, ou payable par une corporation, qui est remise ou payée conformément à la présente loi ou à ses règlements d'application est réputée remise ou payée le jour de sa réception par le receveur général. |
ALLÉGATIONS DE LA DEMANDERESSE
[33] Les allégations de la demanderesse sont, à mon avis, simples et faciles à comprendre. La demanderesse devait produire la déclaration T3 et les choix pour l'année d'imposition 1993 de la fiducie au plus tard le 31 mars 1994. La demanderesse soutient que c'est ce qu'elle a fait, comme le démontre l'affidavit dans lequel M. Johnston déclare qu'il a envoyé au ministre la lettre avec les documents pertinents par courrier de première classe le 30 mars 1994. La demanderesse soutient qu'en vertu du paragraphe 248(7) de la Loi de l'impôt sur le revenu, le choix est réputé avoir été fait à la date de l'envoi de la documentation pertinente par la poste de première classe ou l'équivalent.
[34] En conséquence, la demanderesse a produit, conformément à la Loi, la déclaration T3 et les choix dans les délais impartis par la Loi.
[35] Le représentant de la demanderesse déclare qu'il a été surpris de recevoir un avis de cotisation pour la fiducie, daté du 20 septembre 1994, dans lequel le défendeur cotisait la fiducie en incluant dans son revenu les 73 916,01 $ précisés dans les choix faits par les bénéficiaires de la fiducie, choix que M. Johnston déclare avoir envoyés par la poste au défendeur le 30 mars 1994.
[36] La demanderesse soutient que le fondement de la cotisation de la fiducie par le défendeur est que celui-ci a produit les choix le 6 avril 1994, soit après la date limite du 31 mars prévue au paragraphe 2800(2) du Règlement, et qu'en conséquence ces choix n'étaient pas valables.
[37] La demanderesse ajoute que le défendeur a le droit, en vertu du paragraphe 220(3.2) de la Loi, d'accepter le choix d'un bénéficiaire produit en retard et qu'une demande en ce sens au ministre porte le nom de demande en « équité » .
[38] Dans son mémoire, la demanderesse déclare qu'elle a présenté une demande en « équité » dans une lettre datée du 22 septembre 1994, et qu'elle a renouvelé cette demande en « équité » dans une lettre du 1er mai 1999.
[39] Ces deux demandes en « équité » ont été rejetées. La deuxième a été rejetée par le défendeur dans une lettre datée du 2 janvier 1998 (voir le dossier de la demanderesse, page 000129).
[40] Approximativement six mois plus tard, la demanderesse a retenu les services d'un avocat. Ce dernier a présenté le 5 août, au nom de la demanderesse, ce qu'il décrit comme « une troisième demande en équité » , soutenant qu'il y avait un nouveau fait. Ce nouveau fait était que la lettre contenant le formulaire de déclaration T3 et les choix avait en fait été mise à la poste et produite le 30 mars 1994, conformément à l'alinéa 248(7)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Cette allégation quant à l'alinéa 248(7)a) de la Loi n'avait pas été soulevée dans les deux premières demandes en « équité » présentées au ministre.
[41] La demanderesse soutient que le défendeur a rejeté sa troisième demande en équité dans une lettre datée du 26 août 1998, et que, lors d'une conversation téléphonique le 8 septembre 1998, la directrice intérimaire du Centre fiscal de Surrey a confirmé la décision transmise dans la lettre du 26 août 1998, donc le fait que la demande en « équité » était rejetée au motif que l'enveloppe que M. Johnston avait envoyée au défendeur portait le cachet de la poste du 6 avril 1994.
[42] J'ajouterai ici que l'enveloppe et le dossier d'impôt de la demanderesse ont été égarés et que le défendeur ne peut les retrouver.
ALLÉGATIONS DU DÉFENDEUR
[43] Le défendeur déclare qu'avant l'entrée en vigueur de la législation d' « Équité » , projet de loi C-18, paragraphe 220(3.2) de la Loi, le ministre n'avait pas compétence pour accepter la production tardive des déclarations ou des choix. La nouvelle disposition accorde maintenant au ministre la compétence nécessaire pour décider s'il accueillera ou non la production tardive d'une déclaration.
[44] En l'instance, le ministre a refusé par trois fois d'accepter la production tardive de la déclaration et des choix de la demanderesse.
[45] Le défendeur soutient que le ministre a une grande latitude lorsqu'il s'agit de prendre des décisions en vertu du paragraphe 220(3.2) de la Loi. Le défendeur soutient que :
[traduction]
31.En l'instance, le défendeur est d'avis que les choix des bénéficiaires privilégiés ont été produits hors délai. Ils devaient être produits au plus tard le 31 mars 1994; or, le cachet de la poste sur l'enveloppe porte la date du 6 avril 1994.
32.Les délégués du ministre en l'instance ont fondé leur décision de ne pas proroger le délai pour produire les choix sur plusieurs facteurs pertinents, notamment : a) la demande présentée par la demanderesse; b) les motifs à l'appui; c) l'absence de tout nouveau renseignement pour appuyer la réclamation; d) l'information fournie à la demanderesse par le ministre; e) le fait qu'il n'y a pas eu d'appel de la confirmation de la cotisation en cause auprès de la Cour canadienne de l'impôt; f) les lignes directrices de Revenu Canada; g) les allégations de la demanderesse; h) la correspondance au dossier; i) le cachet de la poste sur l'enveloppe; j) le défaut de fournir une explication quant au retard en cause; et k) l'absence de motif qui justifierait une prorogation du délai.
[46] Quant à savoir si les choix ont été présentés dans les délais, le défendeur fait valoir que la demanderesse n'a fourni aucun motif pour le retard. Comme la demanderesse soutient que la fiducie a produit les documents en question dans les délais prévus à la Loi de l'impôt sur le revenu, la Cour canadienne de l'impôt était l'instance appropriée pour déterminer la question de fait portant sur la date de production.
[47] Le défendeur soutient aussi que la demanderesse était hors délai pour déposer une demande de contrôle judiciaire, une telle demande devant être présentée dans les 30 jours qui suivent la première communication de la décision en cause au contribuable, savoir [traduction] « la décision portant sur la deuxième demande, qui est datée du 2 janvier 1998 » .
[48] Le défendeur déclare que :
[traduction]
Quoi qu'en dise la demanderesse, il n'y a jamais eu une troisième demande en équité en l'instance. Le ministre n'a été saisi d'aucun nouveau fait et la lettre de Mme Janis Old informe la demanderesse en conséquence. Il ne s'agit pas d'une troisième décision en équité, Mme Old n'ayant pas l'autorité déléguée en vertu de l'article 900 du Règlement pour prendre de telles décisions.
ANALYSE
[49] Dans son avis de demande de contrôle judiciaire, la demanderesse déclare que le contrôle demandé vise une décision en date du 8 septembre 1998. La « décision » du 8 septembre 1998 a été prise lors d'une conversation téléphonique avec Mme Julia Nightingale, cette dernière confirmant la décision transmise dans la lettre du 26 août 1998.
[50] Une simple lecture de la lettre du 26 août 1998 suffit à me convaincre qu'il s'agit d'une décision qui peut faire l'objet d'une demande de contrôle judiciaire. La lettre du 26 août 1998 se termine par les mots suivants : « En conséquence, la déclaration T3 de 1993 ne sera pas modifiée pour tenir compte des choix des bénéficiaires privilégiés » .
[51] Bien que le défendeur allègue qu'il ne s'agit pas là d'une troisième décision en « équité » , puisque aucun nouveau fait n'aurait été présenté par la demanderesse, je suis convaincu que comme cette dernière a déclaré que l'enveloppe contenant la déclaration T3 et les choix a été mise à la poste le 30 mars 1994 et qu'en vertu de l'alinéa 248(7)a) de la Loi, cette mise à la poste vaut production, il s'agit là d'un fait « nouveau » qui n'avait pas été présenté auparavant.
[52] Quant à l'allégation du défendeur portant que Mme Janis Old n'avait pas la délégation en vertu de l'article 900 du Règlement pour prendre de telles décisions (en équité), je suis convaincu que la demanderesse était fondée à considérer que Mme Old avait l'autorité requise pour agir au nom du ministre.
[53] La lettre du 26 août 1998 envoyée à l'avocat de la demanderesse porte la signature de Mme Janis Old, « Déclarations T3 des successions et fiducies » , et elle traite de « Déclaration T3 de 1993 pour la Johnston Family 1991 Trust » . C'est avec Mme Janis Old que l'avocat a traité et cette dernière ne l'a jamais informé qu'elle n'était pas autorisée à prendre des décisions au sujet des demandes en « équité » .
[54] Comme dans les affaires Allison Burnet c. Le ministre du Revenu national[2]et Doyle c. Le ministre du Revenu national[3], la demanderesse pouvait légitimement croire qu'elle traitait avec une personne autorisée à statuer sur une demande en « équité » .
LA COUR DOIT-ELLE MODIFIER LA DÉCISION DU MINISTRE
[55] Comme je l'ai déjà dit, la Cour ne peut accorder un redressement en vertu de l'article de la Loi sur la Cour fédérale qui traite du contrôle judiciaire que pour un des motifs énoncés au paragraphe 18.1(4).
[56] Je suis convaincu que la demande de contrôle judiciaire des décisions prises par le ministre les 26 août et 8 septembre 1998 ne peut pas être accueillie. Je suis convaincu que la décision du ministre de ne pas accueillir la « troisième demande en équité » est plus que raisonnable compte tenu de la preuve. Je ne peux non plus trouver d'erreur en droit sur laquelle le ministre aurait fondé sa décision.
[57] L'allégation de la demanderesse porte que la fiducie a produit sa déclaration T3 et ses choix dans le délai prévu par la Loi de l'impôt sur le revenu. Nonobstant cette production, le défendeur a cotisé la fiducie comme si ce n'était pas le cas. La fiducie a alors naturellement présenté un avis d'opposition. L'avis d'opposition a été examiné par le ministre et rejeté, principalement parce que le ministre était d'avis que la fiducie avait produit ses déclarations en dehors du délai prévu par la Loi de l'impôt sur le revenu.
[58] Les parties conviennent que la date de production pour l'année d'imposition 1993 de la fiducie ne devait pas être postérieure au 31 mars 1994. Le ministre défendeur, se fondant sur le cachet de la poste sur l'enveloppe qui porte la date du 6 avril 1994, a conclu que la lettre contenant les déclarations et les choix n'avait pas été produite avant le 31 mars 1994.
[59] Par conséquent, le 16 août 1995 le ministre a rejeté, comme je l'ai déjà dit, l'avis d'opposition et confirmé la cotisation. Une fois la cotisation confirmée, la fiducie, si elle avait en fait produit la déclaration T3 et les choix dans le délai prévu par la Loi, aurait dû interjeter appel de l'avis de confirmation à la Cour canadienne de l'impôt. Elle ne l'a pas fait parce que le représentant de la fiducie a conclu que la déclaration et les choix avaient été produits en dehors des délais prévus par la Loi de l'impôt sur le revenu.
[60] En conséquence, le 22 septembre 1994, le représentant de la fiducie a déposé une demande en « équité » en vertu du paragraphe 220(3.2) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Cette disposition de la Loi de l'impôt sur le revenu autorise le ministre à proroger le délai accordé à une fiducie pour faire un choix.
[61] Je suis convaincu que le paragraphe 220(3.2) de la Loi n'autorise le ministre qu'à proroger le délai pour faire un choix. Par conséquent, le ministre ne peut proroger le délai pour faire un choix que si le choix n'a pas été fait dans les délais prévus par la Loi de l'impôt sur le revenu.
[62] De toute façon, la première demande présentée en vertu du paragraphe 220(3.2) a été rejetée en novembre 1994. Une deuxième demande en « équité » , présentée dans une lettre datée du 1er mai 1997, a aussi été rejetée.
[63] Je suis convaincu qu'en refusant d'accueillir la « troisième demande en équité » , le ministre n'a contrevenu à aucun des motifs que l'on trouve à l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale.
[64] L'objectif du paragraphe 220(3.2) de la Loi de l'impôt sur le revenu est d'autoriser le ministre, lorsqu'il y a des circonstances exceptionnelles en cause, à accepter la production « tardive » par une fiducie d'une déclaration T3 et d'un choix. Ce paragraphe n'a pas pour but d'autoriser le ministre à utiliser son pouvoir discrétionnaire pour permettre à une fiducie qui aurait dû faire appel de l'avis de confirmation à la Cour canadienne de l'impôt, et qui ne l'a pas fait, de demander l'autorisation de produire ses déclarations à l'extérieur des délais prévus à la Loi de l'impôt sur le revenu.
[65] À la lecture de l'affidavit de Mme Linda Ditto, je suis convaincu que la demanderesse ne s'est jamais vu refuser la possibilité de présenter toute preuve qu'elle désirait présenter.
[66] Comme je l'ai déjà dit, dans le paragraphe 13 de son affidavit, Mme Linda Ditto énonce les facteurs dont elle a tenu compte pour arriver à sa décision que la période prévue pour faire les choix ne devrait pas être prorogée :
13.Au cours de mon examen, j'ai examiné les facteurs suivants avant de décider de ne pas proroger la période prévue pour produire les choix :
a)le rapport sommaire disait que l'enveloppe qui contenait la déclaration et les choix portait le cachet de la poste du 6 avril 1994;
b)la demanderesse avait produit la déclaration et les choix après le délai imparti par la loi;
c)la demanderesse n'avait pas interjeté appel pour l'année d'imposition 1993 auprès de la Cour canadienne de l'impôt;
d)il n'existait pas de situation manifestement indépendante de la volonté du contribuable qui justifierait le redressement demandé;
e)la demanderesse n'avait fourni aucun renseignement quant à toute autre circonstance exceptionnelle qui justifierait le redressement demandé en l'instance; et
f)la situation en cause n'était pas visée par les lignes directrices contenues à la Circulaire d'information 92-1.
[67] Au moment de la deuxième demande en « équité » , la demanderesse considérait que les choix avaient été produits en retard.
[68] En supposant que les déclarations et les choix ont été produits en retard, ce que la demanderesse nie, je suis convaincu que le ministre pouvait raisonnablement, au vu de la preuve, refuser de proroger le délai pour produire la déclaration T3 et les choix.
[69] Le ministre n'a été saisi d'aucune circonstance spéciale et extraordinaire qui aurait occasionné le retard dans la production. Le ministre pouvait raisonnablement conclure, sur la foi du cachet de la poste sur l'enveloppe, que la déclaration T3 et les choix avaient été produits après le 31 mars 1994.
[70] Si la demanderesse a raison quant à son interprétation de l'alinéa 248(7)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu, à savoir que lorsque l'enveloppe a été mise à la poste les 30 ou 31 mars 1994 par M. Johnston, elle est réputée avoir été produite auprès du défendeur, alors la demanderesse aurait dû contester l'avis de confirmation du ministre en interjetant appel auprès de la Cour canadienne de l'impôt relativement à l'année d'imposition 1993.
[71] La décision du ministre sous contrôle est raisonnable.
[72] La demande de contrôle judiciaire est rejetée, avec dépens.
« Max M. Teitelbaum »
Juge
Traduction certifiée conforme
Laurier Parenteau, B.A., LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
NOMS DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
No DE GREFFE : T-1769-98
INTITULÉ DE LA CAUSE : Johnston Family 1991 Trust c. Le ministre du Revenu national
LIEU DE L'AUDIENCE : Vancouver (C.-B.)
DATE DE L'AUDIENCE : le mercredi 16 juin 1999
MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE TEITELBAUM
EN DATE DU : jeudi 8 juillet 1999
ONT COMPARU:
M. Joel A. Nitikman pour la demanderesse
Mme Karen A. Truscott pour le défendeur
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:
Fraser Milner
Vancouver (C.-B.) pour la demanderesse
Morris Rosenberg pour le défendeur
Sous-procureur général du Canada
Ottawa (Ontario)