Date : 20050224
Dossier : IMM-1095-04
Référence : 2005 CF 283
Ottawa (Ontario), le 24 février 2005
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE KELEN
ENTRE :
CARLOS ROBERTO DE BARROS, GISELIA T. DA SILVA, alias
GISELIA TRINDADE DA SILVA, FELIPE SILVA BARROS
et CARLOS ROBERTO DE BARROS JR.
demandeurs
et
MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] La Cour est saisie d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision en date du 15 janvier 2004 par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a estimé que les demandeurs n'avaient pas la qualité de réfugiés au sens de la Convention ni celle de personnes à protéger.
LES FAITS
[2] Le demandeur principal (le demandeur), sa femme et leurs deux fils sont des citoyens brésiliens qui affirment craindre avec raison d'être persécutés par des membres d'une organisation criminelle.
[3] Le demandeur affirme qu'en 2001, il a été victime d'un vol de voiture sous la menace d'un revolver. En février 2003, il a reçu un appel téléphonique de policiers l'informant qu'ils avaient arrêté plusieurs membres d'un groupe criminel organisé qu'ils soupçonnaient d'être impliqués dans le vol à main armée. Le demandeur s'est présenté au poste de police et a réussi à identifier un des assaillants. Au cours des mois qui ont suivi, le demandeur a commencé à recevoir par téléphone et par la poste des menaces qui étaient dirigées contre lui-même et sa famille. Il est devenu évident que ces menaces provenaient de membres du groupe criminel organisé à titre de mesures de représailles pour l'incarcération de l'homme que le demandeur avait identifié. Le demandeur a signalé le problème à l'unité du crime organisé du service de police où on lui a dit que l'enquête prendrait un certain temps. Le demandeur affirme qu'après sa rencontre avec l'un des enquêteurs, on l'a pris à part et on lui a suggéré [TRADUCTION] « de façon non officielle » de quitter le Brésil avec sa famille, puisque lui et les membres de sa famille étaient en danger et qu'on les retrouverait peu importe la ville où ils iraient.
[4] Comme par hasard, les demandeurs avaient déjà obtenu des visas canadiens pour visiter des membres de la famille. Ils sont arrivés au Canada le 13 mai 2003 et ont présenté une demande d'asile le 21 mai 2003.
LA DÉCISION
[5] La demande d'asile des demandeurs a été rejetée au motif qu'ils pouvaient se réclamer de la protection de l'État au Portugal. La Commission a expliqué que, comme le père du demandeur était un citoyen portugais, le demandeur était admissible à la citoyenneté portugaise. Cette conclusion reposait sur les renseignements contenus dans la réponse à la demande d'information (RDI) publiée par la Direction de la recherche de la Commission. La RDI, qui est datée de juin 1995, précise qu'une personne qui est née de parents portugais et qui est âgée de moins de 14 ans se verra attribuer la citoyenneté si elle est inscrite auprès d'un consulat ou d'une ambassade. Une personne de 14 ans et plus peut également se voir attribuer la citoyenneté mais l'attribution n'est pas immédiate et sa demande doit être examinée au Portugal.
[6] À l'audience, le demandeur a confirmé que son père était un citoyen du Portugal, qu'il pourrait probablement obtenir la citoyenneté portugaise et qu'il ne craignait pas d'être persécuté au Portugal. Le demandeur a témoigné qu'il avait [TRADUCTION] « toujours su » qu'il pouvait obtenir la citoyenneté portugaise parce que son père était un citoyen portugais. Il a témoigné qu'il n'avait [TRADUCTION] « jamais été vraiment intéressé par la citoyenneté portugaise » parce qu'il ne connaissait pas les membres de sa famille qui vivaient au Portugal. Le demandeur a déclaré à l'audience :
[TRADUCTION] [...] Je sais que je peux demander (la citoyenneté portugaise) et que je pourrais probablement l'obtenir [...]
(page 14 de la transcription)
[7] La Commission a conclu que le demandeur avait droit à la citoyenneté portugaise et qu'il aurait dû se réclamer de la protection du Portugal. Comme la question de la protection de l'État était déterminante quant au sort de la demande, la Commission n'a pas examiné les autres moyens invoqués par les demandeurs au soutien de leur demande d'asile.
LES QUESTIONS EN LITIGE
[8] La présente demande soulève les deux questions suivantes :
(i) La Commission a-t-elle commis une erreur susceptible de révision en concluant que les demandeurs pouvaient se réclamer de la protection de l'État au Portugal?
(ii) La Commission a-t-elle manqué aux règles relatives à l'impartialité de l'audience en n'informant pas le demandeur que son droit de réclamer la protection de l'État au Portugal serait une question qui serait examinée à l'audience?
ANALYSE
[9] Le principe fondamental des règles juridiques relatives aux réfugiés consiste à octroyer le statut de réfugié uniquement aux personnes qui requièrent une protection auxiliaire et non pas à celles qui détiennent un droit existant et automatique d'obtenir la nationalité et la protection d'un autre pays (Grygorian c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1995), 33 Imm. L.R. (2d) 52 (C.F. 1re inst.)). En conséquence, la personne qui est en mesure d'obtenir la citoyenneté d'un autre pays en remplissant de simples formalités n'a pas le droit de se réclamer de la protection du Canada (Bouianova c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 576).
[10] La question qui se pose en l'espèce est celle de savoir si la Commission disposait de suffisamment d'éléments de preuve pour pouvoir conclure que le demandeur avait le droit d'obtenir la citoyenneté portugaise en remplissant de simples formalités. Je suis convaincu qu'il faut répondre par l'affirmative à cette question. La preuve documentaire dont disposait la Commission était la RDI, dont le demandeur a reconnu l'exactitude. Si le demandeur n'avait pas le droit de se réclamer de la protection de l'État au Portugal (en raison de son droit d'obtenir la citoyenneté de ce pays), il aurait présenté à la Cour des éléments de preuve en ce sens.
[11] Je suis convaincu que c'est à bon droit que la Commission a tranché la demande d'asile sur ce moyen préliminaire sans examiner les autres points soulevés dans la demande.
[12] Pour ce qui est de la question de savoir si la Commission a manqué aux règles relatives à l'impartialité de l'audience en n'informant pas le demandeur que son droit de réclamer la protection de l'État au Portugal serait une question qui serait examinée à l'audience, je suis convaincu que le demandeur n'a pas été pris au dépourvu et que le défaut de la Commission de l'informer ne lui a causé aucun préjudice. En tout état de cause, si les renseignements communiqués par la Commission étaient inexacts, le demandeur aurait présenté les renseignements exacts à la Cour, laquelle aurait agi en conséquence.
[13] Pour ces motifs, la demande droit être rejetée.
[14] Aucun des avocats n'a recommandé la certification d'une question. Aucune question ne sera donc certifiée.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE :
La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.
« Michael A. Kelen »
Juge
Traduction certifiée conforme
Christian Laroche, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
Avocats inscrits au dossier
DOSSIER : IMM-1095-04
INTITULÉ : CARLOS ROBERTO DE BARROS et autres
demandeurs
et
MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 16 FÉVRIER 2005
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : MONSIEUR LE JUGE KELEN
DATE DES MOTIFS : LE 24 FÉVRIER 2005
COMPARUTIONS: Fernando Martins
POUR LE DEMANDEUR
Robert Bafaro
POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:
Fernando Martins
Avocat
POUR LE DEMANDEUR
John H. Sims, c.r.
Sous-procureur général du Canada
POUR LE DÉFENDEUR
COUR FÉDÉRALE
Date : 20050224
Dossier : IMM-1095-04
ENTRE :
CARLOS ROBERTO DE BARROS et autres
demandeurs
et
MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE