Date : 20040308
Dossier : IMM-2892-02
Référence : 2004 CF 345
ENTRE :
YU MING WU
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE MacKAY
[1] Voici les motifs d'une ordonnance rejetant la demande de contrôle judiciaire présentée par le demandeur, Yu Ming Wu, à l'égard d'une décision par laquelle un agent des visas a conclu, à Hong Kong en date du 14 mai 2002, qu'il était une personne non admissible au Canada suivant l'alinéa 19(1)c.2) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2, et modifications (l'ancienne loi), alors en vigueur, parce qu'il existait des motifs raisonnables de croire que M. Wu était membre d'une organisation se livrant à des activités criminelles.
Le contexte
[2] M. Wu est un citoyen de la République populaire de Chine qui réside à Hong Kong. En octobre 1995, il a présenté une demande de résidence permanente au Canada en tant que parent parrainé par son épouse, une résidente permanente du Canada. Le demandeur et son épouse ont fait connaissance et se sont mariés au Canada et leurs deux enfants, ainsi qu'un troisième enfant né du mariage précédent de l'épouse, tous les trois nés au Canada, vivent au Canada avec leur mère.
[3] En novembre 1995, la demande présentée par M. Wu a été refusée parce qu'on a jugé qu'il était une personne non admissible suivant l'alinéa 19(1)c.1) de l'ancienne loi en raison de ses déclarations de culpabilité à Hong Kong pour voies de fait et vol. Son dossier incluait des déclarations de culpabilité pour des voies de fait ayant causé des blessures corporelles en juillet 1984, en septembre 1985, en décembre 1986, et une dernière fois pour des voies de fait incluant des blessures et pour vol (vol à l'étalage) en mai 1987. Après avoir reçu la lettre de refus de sa demande, M. Wu, étant donné que plus de cinq ans s'étaient écoulés depuis qu'il avait commis sa dernière infraction, a présenté une demande visant à faire approuver par le ministre le fait qu'il était réhabilité. Aucune décision n'a été rendue à l'égard de cette demande.
[4] Le 16 avril 1996, l'épouse de M. Wu a interjeté, auprès de la Section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, un appel du refus de la demande de parrainage présentée pour son époux. La Commission a accueilli l'appel le 8 décembre 1998 sur le fondement de considérations d'ordre humanitaire en reconnaissant que M. Wu avait fait l'objet de déclarations de culpabilité, mais en mentionnant qu'il n'avait pas eu [TRADUCTION] « de démêlés avec la justice depuis 1987 » et qu'il était depuis devenu un homme d'affaires prospère.
[5] La demande de résidence permanente présentée par M. Wu a alors été envoyée à un autre agent des visas à Hong Kong afin qu'elle soit examinée à nouveau. Cet agent estimait qu'il était justifié d'examiner l'admissibilité de M. Wu au Canada suivant l'alinéa 19(1)c.2) quant à sa participation présumée à de la criminalité organisée. Il a invité M. Wu à se présenter à une entrevue afin que soient examinés les liens qu'il pouvait avoir avec la criminalité organisée et il lui a demandé de fournir dans une déclaration la nature des activités criminelles et le nom des individus avec lesquels il était associé dans des activités criminelles. L'entrevue a eu lieu le 30 mars 2000.
[6] Par la suite, en avril 2000, l'agent des visas a rédigé une lettre de refus qu'il n'a pas envoyée à M. Wu. Toutefois, l'agent des visas a pris une autre mesure, soit une recommandation afin qu'il soit déclaré que M. Wu constituait un danger pour le public au Canada, puis un avis à l'égard de cette recommandation a été transmis en mai 2000 à l'épouse du demandeur à titre de répondant. Presque deux ans plus tard, le 26 mars 2002, le représentant du ministre a émis un avis selon lequel M. Wu constituait un danger pour le public au Canada. Suivant l'alinéa 77(3.01)b) de l'ancienne loi, cet avis ne pouvait pas faire l'objet d'un appel à la Section d'appel. M. Wu a été informé à cet égard.
[7] De plus, par une lettre datée du 14 mai 2002, l'agent des visas a informé le demandeur qu'il était une personne non admissible au Canada suivant l'alinéa 19(1)c.2) étant donné qu'il existait des motifs raisonnables de croire qu'il était membre d'une organisation se livrant à des activités criminelles.
[8] Les deux décisions, l'avis de danger et le refus de sa demande, sont mentionnées dans les observations écrites du demandeur. Elles sont, évidemment, des décisions distinctes et le défendeur fait valoir que chacune doit faire l'objet d'une demande de contrôle judiciaire distincte conformément à l'article 302 des Règles de la Cour fédérale (1998), à moins que la Cour en ordonne autrement. Je ne suis pas convaincu qu'il en soit autrement et c'est la dernière décision, celle selon laquelle il est une personne non admissible au Canada suivant l'alinéa 19(1)c.2), qui fait l'objet du présent contrôle judiciaire. Si le demandeur avait gain de cause dans sa demande, l'affaire serait renvoyée afin qu'elle soit examinée à nouveau, ce qui donnerait le même résultat que si les deux décisions faisaient en l'espèce l'objet du contrôle.
[9] Dans la lettre de refus, l'agent des visas a informé le demandeur en partie de ce qui suit :
[TRADUCTION]
J'ai conclu que vous appartenez à la catégorie de personnes non admissibles décrites à l'alinéa 19(1)c.2) de la Loi sur l'immigration après avoir examiné en détail tous les renseignements pertinents dont je disposais à ce moment. Comme nous en avons discuté ensemble lors de votre entrevue du 3 mars [sic] 2000, j'ai obtenu sous le sceau du secret des renseignements selon lesquels vous êtes membre d'une organisation criminelle connue. J'ai également obtenu sous le sceau du secret des renseignements selon lesquels vous êtes membre d'un groupe de personnes qui se livre à de nombreuses activités illégales. J'estime que ces renseignements proviennent d'une source fiable et digne de foi. Bien que je ne sois pas convaincu que vous ayez pleinement déclaré la nature ou l'étendue de vos longs et durables liens avec des associations criminelles lorsque vous avez eu la possibilité de le faire lors de votre entrevue, j'ai conclu également que vos antécédents de travail dans un domaine industriel connu pour être fortement influencé par des activités criminelles organisées, vos antécédents d'infractions criminelles s'étendant sur une période de huit ans, touchant des crimes violents, et vos liens avec des membres de la triade à l'école secondaire, appuient davantage la crédibilité des renseignements obtenus sous le sceau du secret. J'ai remarqué que vous niez appartenir à une organisation criminelle et que vous niez votre participation à des activités criminelles qui ne sont pas déjà divulguées dans votre certificat émis par la police. Je n'ai pas conclu que ces négations surpassent le poids des autres éléments de preuve dont je dispose.
Les questions en litige
[10] De nombreuses questions ont été soulevées lors de l'examen de la présente demande. Je vais traiter une à une des questions suivantes :
1. La législation applicable;
2. Une demande présentée par le défendeur suivant le paragraphe 87(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), afin que certains renseignements restent secrets et ne soient pas divulgués au demandeur;
3. La prétention selon laquelle l'agent des visas a outrepassé sa compétence lorsqu'il a examiné à nouveau le dossier des déclarations de culpabilité du demandeur, un élément qui avait déjà été traité par la Section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié;
4. La prétention selon laquelle le demandeur n'a pas obtenu l'équité en matière de procédure lors de l'évaluation de ses antécédents par l'agent des visas et lors de l'examen des renseignements à l'égard de ses prétendus liens avec des organisations ou des personnes se livrant à des activités criminelles.
La législation applicable
[11] Toutes les décisions rendues dans le dossier du demandeur ont été rendues suivant l'ancienne loi, y compris la décision de l'agent des visas selon laquelle M. Wu était une personne non admissible suivant l'alinéa 19(1)c.2). La demande d'autorisation et de contrôle judiciaire a également été déposée suivant cette loi qui a été abrogée et remplacée par la LIPR qui est entrée en vigueur le 28 juin 2002. Les dispositions transitoires de la LIPR incluent l'article 190 qui prévoit que les instances présentées suivant l'ancienne loi doivent être continuées suivant la LIPR. Par conséquent, la présente demande, présentée en date du 21 juin 2002, a été entendue conformément à la LIPR suivant laquelle la décision en litige est examinée. Suivant le paragraphe 320(6) du Règlement DORS/2002-227, une personne qui avait été jugée, en date du 28 juin 2002, appartenir à une catégorie visée à l'alinéa 19(1)c.2) de l'ancienne loi est interdite de territoire suivant le paragraphe 37(1) de la LIPR.
L'interdiction de divulgation de renseignements : le paragraphe 87(1) de la LIPR
[12] Le défendeur a présenté une demande suivant le paragraphe 87(1) en vue d'obtenir une ordonnance d'interdiction de divulgation de certains renseignements, fournis à la Cour au moyen d'un affidavit confidentiel, renseignements dont disposait l'agent des visas en 2000, mais qui n'avaient pas été divulgués au demandeur ou à son avocat.
[13] Suivant l'article 76 de la LIPR, la définition du terme « renseignements » est la suivante : « Les renseignements en matière de sécurité ou de criminalité et ceux obtenus, sous le sceau du secret, de source canadienne ou du gouvernement d'un État étranger, d'une organisation internationale mise sur pied par des États ou de l'un de leurs organismes » .
[14] Dans les cas où de tels renseignements font l'objet d'une demande d'interdiction de divulgation, le paragraphe 87(2) de la LIPR prévoit que, sauf quant à certaines obligations, l'article 78 de la LIPR s'applique à l'examen de cette demande. Avant l'audition de la demande de contrôle judiciaire, conformément à la LIPR, j'ai tenu en public l'audition de la demande présentée par le ministre, audition au cours de laquelle le demandeur a eu la possibilité de répondre, sans que soient révélés au demandeur ou à la Cour les renseignements en litige. J'ai alors suspendu l'audience, puis j'ai examiné à huis clos les renseignements en présence de seulement un agent du greffe et de l'avocate du ministre. J'ai conclu que les renseignements étaient pertinents quant aux questions soumises à la Cour et qu'ils devraient être examinés par la Cour, mais qu'ils ne devraient pas être divulgués au demandeur, à son avocat ou au public étant donné que la divulgation révélerait des renseignements en matière de sécurité obtenus d'un organisme d'un gouvernement étranger.
[15] La Cour a ordonné que les renseignements soient conservés afin qu'ils soient examinés par le juge qui entendra la présente demande et qu'ils ne soient pas divulgués au demandeur, à son avocat ou au public à moins que la Cour l'ordonne.
[16] Par la suite, j'ai tenu l'audition de la présente demande de contrôle judiciaire, d'abord en audience publique alors que les avocats des deux parties ont présenté leurs observations, puis la Cour a ajourné l'audience afin d'examiner les renseignements qui n'avaient pas été divulgués. Ces renseignements sont conservés dans un dossier confidentiel de la Cour. Étant donné que j'ai examiné ces renseignements, j'en ai effectivement tenu compte lors de l'examen de la demande. Ces renseignements sont pertinents quant aux questions qui sont soumises à la Cour, mais étant donné que leur divulgation révélerait des renseignements en matière de criminalité obtenus d'un État étranger ils demeureront confidentiels et ne seront pas inclus dans le dossier public de la Cour, à moins qu'un juge rende ultérieurement une ordonnance à cet égard.
[17] Pour référence, je mentionne que dans le cadre des observations de vive voix faites au nom des parties, la Cour a invité les avocats à présenter par écrit à la suite de l'audience d'autres observations. Le défendeur l'a fait en août 2003 et le demandeur en novembre 2003. Ces observations présentées à la suite de l'audience ont été examinées en même temps que les observations faites lors de l'audience de l'affaire.
La compétence pour examiner à nouveau le dossier criminel du demandeur
[18] L'avocat du demandeur a fait valoir que l'agent des visas a outrepassé sa compétence lorsqu'il a examiné à nouveau le dossier criminel sur lequel était fondé le premier refus de la demande présentée par le demandeur et qui avait ensuite été examiné en détail par la Section d'appel avant qu'elle accueille, sur le fondement de considérations d'ordre humanitaire, l'appel de la demande de parrainage présentée par l'épouse du demandeur.
[19] Dans la lettre de refus, après avoir mentionné que des renseignements obtenus sous le sceau du secret d'une source fiable et digne de foi affirmaient que le demandeur était [TRADUCTION] « membre d'une organisation criminelle connue » , et [TRADUCTION] « d'un groupe de personnes qui se livre à de nombreuses activités illégales » , l'agent des visas a mentionné de nombreuses circonstances qui, à son avis, appuyaient la crédibilité des renseignements obtenus sous le sceau du secret. Parmi ces circonstances, il incluait la mention de [TRADUCTION] « vos antécédents d'infractions criminelles s'étendant sur une période de huit ans, touchant des crimes violents » . Aux mêmes fins, l'agent mentionnait d'autres circonstances, y compris les antécédents de travail de M. Wu et ses liens avec des membres de la triade à l'école secondaire. Des observations générales similaires sont incluses dans les notes du STIDI consignées par l'agent des visas à la suite de l'entrevue du demandeur le 30 mars 2000.
[20] J'accepte les prétentions de l'avocate du défendeur selon lesquelles la mention par l'agent des visas du dossier des déclarations de culpabilité du demandeur n'était pas faite dans le but d'examiner la question de savoir si ces déclarations justifiaient que soit rendue une décision selon laquelle le demandeur était une personne non admissible. Ce dossier constituait, évidemment, le fondement de la première décision et avait été examiné par la Section d'appel. En l'espèce, ces déclarations de culpabilité étaient considérées seulement comme une des trois circonstances générales compatibles avec l'appartenance à une organisation se livrant à des activités criminelles à l'égard desquelles l'agent avait obtenu sous le sceau du secret des renseignements qui n'avaient pas été divulgués. La mention des déclarations de culpabilité à cette fin n'était pas déraisonnable, à mon avis, compte tenu de la connaissance et de la compréhension qu'avait l'agent des visas quant aux activités criminelles organisées à Hong Kong, où le demandeur vivait, comme le confirmaient des écrits du domaine public déposés comme pièces à son affidavit à cet égard.
[21] Par conséquent, on ne peut pas conclure que l'agent des visas a outrepassé sa compétence en mentionnant, comme il l'a fait, le dossier des déclarations de culpabilité du demandeur. La mention dans sa lettre de refus des déclarations de culpabilité s'étendant sur une période de huit ans était erronée puisque les déclarations de culpabilité du demandeur ont été prononcées sur une période de trois ans entre les années 1984 et 1987, mais cette erreur en soi n'est pas suffisante en l'espèce pour que la Cour intervienne.
Les questions de l'équité en matière de procédure
[22] Deux aspects de l'équité en matière de procédure sont soulevés en l'espèce au nom du demandeur, soit l'équité quant aux évaluations faites à l'égard des antécédents de M. Wu et de ses prétendus liens avec des organisations ou des individus se livrant à des activités criminelles et l'équité quant à la question de tenir compte, lors de l'examen final de la demande, de renseignements non divulgués dans les cas où les renseignements sur lesquels la demande était fondée, bien qu'ils n'aient pas été utilisés auparavant, étaient à la disposition de l'agent avant ce moment. La dernière question est la plus importante.
[23] L'avocat de M. Wu fait valoir que l'évaluation des antécédents du demandeur faite par l'agent des visas était inéquitable parce qu'il a tenu compte de ses [TRADUCTION] « antécédents de travail dans un domaine industriel [l'industrie de la construction] connu pour être fortement influencé par des activités criminelles organisées » . Pourtant, cette évaluation n'est pas déraisonnable compte tenu des renseignements présentés à l'égard des antécédents comme pièces de l'affidavit de l'agent des visas. L'évaluation du dossier des déclarations de culpabilité du demandeur, bien qu'elle comporte une erreur dans la période en cause, mentionnait par ailleurs les faits et cette évaluation n'est pas non plus déraisonnable compte tenu de la connaissance qu'avait l'agent des visas de la situation locale, comme les pièces annexées à son affidavit le confirment. En dernier lieu, je partage l'opinion de M. Wu selon laquelle la description faite par l'agent à l'égard de ses [TRADUCTION] « liens avec des membres de la triade à l'école secondaire » semblerait exagérer quelque peu le seul rapport que le demandeur reconnaissait avoir eu alors qu'il fréquentait l'école secondaire lorsqu'on l'avait abordé à une reprise et qu'on lui avait demandé de se joindre à la triade, ce qu'il affirme avoir refusé de faire. Je ne suis pas convaincu que toute iniquité qui résulterait de cette exagération justifie que la Cour intervienne.
[24] En soi, une exagération de cet événement ne fournit pas à la Cour un motif pour intervenir étant donné que les principaux renseignements sur lesquels l'agent des visas s'appuyait, renseignements qui ont fait l'objet d'une discussion avec M. Wu lors de son entrevue du 30 mars 2000, étaient ceux obtenus sous le sceau du secret, qui n'ont pas alors ou depuis été révélés en détail au demandeur, selon lesquels il était membre d'une organisation criminelle et membre d'un groupe de personnes qui se livrait à de nombreuses activités illégales.
[25] Les renseignements obtenus sous le sceau du secret ne sont pas à la disposition du demandeur conformément à une ordonnance rendue dans la présente instance suivant l'article 87 de la LIPR. Si l'on tient compte de ces renseignements et des autres éléments de preuve dont disposait l'agent des visas, on ne peut pas dire que sa conclusion était déraisonnable. Cette conclusion est appuyée par la preuve. La lettre de l'agent des visas, qui reconnaît que le demandeur a lors de son entrevue nié son appartenance à une organisation criminelle ou sa participation à des activités criminelles, autres que les déclarations de culpabilité prononcées dans les années 1980 qu'il a admis, ne surpassait pas l'importance des renseignements obtenus sous le sceau du secret. Ces renseignements fournissaient le fondement de la décision de l'agent des visas selon laquelle il existait des motifs raisonnables de croire que le demandeur se livrait à des activités criminelles. Cette évaluation, comme dans l'arrêt Chiau c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] 2 C.F. 297, [2000] A.C.F. no 2043 (QL) (C.A.F.), ne peut pas être interprétée comme une évaluation manifestement déraisonnable ou même déraisonnable dans la présente affaire.
[26] L'avocat fait valoir au nom de M. Wu que la procédure suivie dans son dossier était inéquitable et que la Cour devrait intervenir. L'avocat prétend que l'iniquité résulte du fait que les renseignements obtenus sous le sceau du secret étaient à la disposition du défendeur ou pouvaient l'être avant le premier refus, mais qu'il ne les a pas utilisés à ce moment. Il prétend qu'il est inéquitable que ces renseignements aient été utilisés seulement après que la Section d'appel eut accueilli l'appel interjeté par le répondant à l'égard de la première décision. En outre, l'avocat fait valoir qu'il y a eu une iniquité résultant du délai de traitement de la demande présentée par M. Wu.
[27] Le demandeur prétend que les renseignements obtenus sous le sceau du secret ne sont pas [TRADUCTION] « nouveaux » parce qu'ils existaient avant le refus de la première demande de visa en 1995. La preuve démontre effectivement qu'un avis de renseignements obtenus sous le sceau du secret à l'égard de la participation de M. Wu à des activités criminelles avait été fourni au ministère de l'Immigration au début de 1995, avant le dépôt de sa demande de résidence permanente, mais rien ne démontre que le premier agent des visas en 1995 disposait de tels renseignements ou les avaient examinés ou que la Section d'appel en disposait en 1996 et 1998 lors de l'examen de l'appel interjeté par le répondant à l'égard du premier refus.
[28] À la suite de la décision rendue en appel, sur le fondement de considérations d'ordre humanitaire, à l'égard du premier refus fondé sur les déclarations de culpabilité de M. Wu, sa demande a été envoyée de nouveau à un agent des visas à Hong Kong, accompagnée cette fois de directives prévoyant que tous les liens avec la criminalité organisée au sens de l'alinéa 19(1)c.2) de l'ancienne loi devaient être examinés. Un nouvel examen par un agent des visas à la suite d'un appel qui a été accueilli était conforme au paragraphe 77(5) de l'ancienne loi qui prévoyait ce qui suit :
77(5) Cas où il fait droit d'appel - [...] le ministre, sous réserve du paragraphe (6), fait poursuivre l'examen de la demande par un agent d'immigration ou un agent des visas. Celui-ci approuve la demande s'il est établi que le répondant et le parent satisfont aux exigences de la présente loi et de ses règlements, autres que celles sur lesquelles la section d'appel a rendu sa décision. |
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77(5) Where Appeal Allowed - ...the Minister shall cause the review of the application to be resumed by an immigration officer or a visa officer, as the case may be, and the application shall be approved where it is determined that the person who sponsored the application and the member of the family class meet the requirements of this Act and the regulations, other than those requirements on which the decision of the Appeal Division has been given. |
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[29] La Cour d'appel a examiné cette disposition dans l'arrêt Au c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] 3 C.F. 257, 2002 CAF 8, [2002] A.C.F. no 37 (QL), dans lequel, au paragraphe 16, M. le juge Malone a, au nom de la Cour, déclaré en partie ce qui suit :
[...] Lorsque des faits nouveaux sont portés à l'attention de l'agent des visas, celui-ci doit tenir compte de la question de savoir si le répondant et la personne parrainée satisfont aux exigences de la Loi, étant donné ces faits nouveaux. Naturellement, les faits doivent être nouveaux en ce sens qu'ils ont pris naissance après l'audience de la SAI ou, comme en l'espèce, étaient connus de la personne parrainée, mais avaient été cachés à la SAI et ont été découverts par la suite. De plus, les faits nouveaux dont l'agent des visas tient compte doivent être pertinents. Un agent des visas ne peut pas sauter sur des faits non pertinents. Agir ainsi, cela voudrait dire, en effet, que l'agent des visas examinait si la personne satisfaisait aux exigences de la Loi sur pratiquement les mêmes faits pertinents dont la SAI a tenu compte.
[30] J'estime que la mention de l'exigence de « [faits] nouveaux en ce sens qu'ils ont pris naissance après l'audience de la SAI » comme signifiant que la SAI ne disposait pas des faits en question lorsqu'elle a rendu sa décision, et non pas nécessairement comme signifiant que les « faits nouveaux » ou les renseignements ont pris naissance seulement après que la SAI a rendu sa décision. Si le sens à donner à cette exigence était seulement ce dernier sens, les exigences de la loi qui n'étaient pas en litige devant la SAI, mais pour lesquelles il existait alors des renseignements, ne pourraient pas être examinées par l'agent des visas préoccupé de satisfaire à ses obligations prévues au paragraphe 77(5). Ce résultat serait incompatible avec les exigences de la loi elle-même et les obligations de l'agent prévues par la loi qui sous-tendent les arrêts Chiau, et Au, précités.
[31] En outre, je suis d'accord avec M. le juge Nadon, maintenant juge à la Cour d'appel fédérale, lorsqu'il fait les commentaires suivants lors du rejet de la demande de contrôle judiciaire dans la décision Au, 2001 CFPI 243 (1re inst.), en déclarant au paragraphe 17 :
Quant à la date des éléments de preuve additionnels, l'argument du demandeur selon lequel ces éléments auraient dû être présentés à la SAI est, à mon avis, non fondé. Le défendeur n'était pas tenu de présenter cet élément de preuve à la SAI étant donné que l'appel visait à faire examiner le premier refus ainsi que les circonstances et les éléments de preuve qui avaient donné lieu à cette décision. Le fait que le défendeur aurait pu présenter les nouveaux éléments de preuve à la SAI ne permet aucunement de conclure qu'il était tenu de le faire. À mon avis, rien n'empêche le défendeur d'utiliser ces nouveaux éléments de preuve afin de refuser la deuxième demande de résidence permanente simplement parce que ces éléments étaient ou auraient pu être disponibles à la date de l'audience devant la SAI.
[32] Par conséquent, je ne suis pas convaincu que l'agent des visas, lors de l'examen de la demande présentée par M. Wu à la suite de la décision de la Section d'appel, agissait d'une façon inéquitable en tenant compte des renseignements obtenus sous le sceau du secret. Plutôt, il s'acquittait correctement des obligations auxquelles il est tenu par la loi. Ces renseignements, qui n'avaient auparavant pas été examinés lors de l'évaluation de la demande de résidence permanente, ont finalement été jugés comme un facteur que le ministre et l'agent des visas devaient examiner suivant la loi avant que puisse être approuvée la demande présentée par M. Wu.
[33] De plus, même si la procédure pouvait être décrite comme inéquitable, elle ne pouvait pas raisonnablement entraîner un autre résultat qu'un nouvel examen de la demande en tenant compte de tous les renseignements dont disposait l'agent des visas, y compris les renseignements obtenus sous le sceau du secret. Tout résultat autre que le rejet de la demande serait plutôt exceptionnel selon les circonstances de la présente affaire et la Cour refuse d'intervenir (voir l'arrêt Mobil Oil Canada c. Office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers, [1994] 1 R.C.S. 202).
[34] Finalement, je ne suis pas convaincu que le délai de traitement de la demande de M. Wu constitue une iniquité ou un abus qui justifierait une intervention visant l'annulation de la décision en cause en l'espèce. Le délai duquel le demandeur se plaignait ne peut pas inclure la période jusqu'au 30 mars 2000 au cours de laquelle ont été traités sa demande, son appel et celui de son répondant, du moment du nouvel examen de sa demande jusqu'au moment de son entrevue à Hong Kong. Par la suite, une recommandation a été faite afin que le représentant du ministre examine la question de savoir si le demandeur constituait un danger pour le public au Canada, un autre motif pour le rejet de sa demande. Cette procédure peut de façon subsidiaire avoir été inutile, mais une fois que l'avis a été émis, l'évaluation de l'agent des visas selon laquelle le demandeur était jugé une personne non admissible suivant l'alinéa 19(1)c.2) a été communiquée à M. Wu sans autre délai.
[35] Cette décision, comme je l'ai mentionné, n'était pas déraisonnable compte tenu de tous les éléments de preuve dont disposait l'agent des visas. Le délai duquel le demandeur se plaignait, résultant principalement du traitement administratif des demandes présentées par M. Wu et son répondant, ne constitue pas un motif suffisant pour conclure qu'il y a eu une iniquité qui justifierait que la Cour intervienne après que la décision en question a été rendue conformément à la loi et au règlement.
Conclusion
[36] En dernier lieu, je conclus que la décision rendue par l'agent des visas, en cause en l'espèce, n'était pas déraisonnable selon la preuve, tant celle obtenue et examinée sous le sceau du secret sans que son contenu soit divulgué au demandeur ou à son avocat, que celle au dossier public. En outre, je conclus qu'il n'y a pas eu d'iniquité dans le traitement de la demande de M. Wu et de celle de son répondant qui justifierait que la Cour intervienne pour annuler la décision contestée.
[37] Une ordonnance à cet effet sera rendue après que les avocats des parties auront eu la possibilité de se consulter à l'égard de toute question qui pourrait être proposée à l'examen de la Cour d'appel, suivant l'alinéa 74d) de la LIPR, à titre de question grave de portée générale. Que les avocats s'entendent ou non sur une question, chacun pourra présenter à cet égard des observations écrites au greffe de la Cour à Vancouver, au plus tard le 15 mars 2004.
« W. Andrew Mackay »
Juge
Ottawa (Ontario)
Le 8 mars 2004
Traduction certifiée conforme
Danièle Laberge, LL.L.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-2892-02
INTITULÉ : YU MING WU
c.
MCI
LIEU DE L'AUDIENCE : VANCOUVER
DATE DE L'AUDIENCE : LE 24 JUILLET 2003
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE MacKAY
DATE DES MOTIFS : LE 8 MARS 2004
COMPARUTIONS :
Peter D. Larlee POUR LE DEMANDEUR
Helen Park POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Larlee & Associates POUR LE DEMANDEUR
555 West Georgia Street, bureau 600
Vancouver (Colombie-Britannique) V6B 1Z5
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada
840, rue Howe, bureau 900
Vancouver (Colombie -Britannique) V6Z 2S9
COUR FÉDÉRALE
Dossier : IMM-2892-02
ENTRE :
YU MING WU
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE