IMM-2301-96
Entre :
GEETA SURESHCHANDRA GOHIL,
requérante,
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION,
intimé.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
Le juge TEITELBAUM
INTRODUCTION
Il y a en l'espèce recours en contrôle judiciaire contre la décision d'un agent des visas. Par lettre datée du 18 juin 1996 et reçue le 24 juin 1996, la requérante a été informée du rejet de sa demande, faite à l'intérieur du Canada, du droit d'établissement pour raisons d'ordre humanitaire sous le régime du paragraphe 114(2) de la Loi sur l'immigration. Aucun motif de rejet n'a été donné par K.L. McMurray, chef de secteur.
LES FAITS DE LA CAUSE
La requérante est arrivée de l'Inde en septembre 1995 avec un visa de visiteur en compagnie de ses deux jeunes enfants, aujourd'hui âgés respectivement de 12 et de 8 ans. Elle a fait sa première demande de visa sous le régime du paragraphe 114(2) en décembre 1995. À titre de raisons d'ordre humanitaire sur lesquelles elle se fonde pour faire à l'intérieur du Canada sa demande de résidence permanente, elle cite sa dépendance affective et financière vis-à-vis de sa famille nucléaire au Canada, par suite de la rupture soudaine de son mariage. Son époux vivait avec une autre femme aux États-Unis alors que les seuls proches parents de la requérante, savoir ses vieux père et mère et un frère, étaient citoyens canadiens. La requérante avait engagé la procédure de divorce en Inde mais son mari refusait de signer l'accord à cet effet (mémoire en date du 19 septembre 1995, adressé à l'agent des visas, pièce A jointe à l'affidavit en date du 13 août 1996 de Gohil).
Lors de sa première entrevue en décembre 1995, la requérante a dit à l'agent des visas que sa demeure familiale en Inde étant la propriété de l'employeur de son mari, une compagnie pétrochimique, elle ne saurait où habiter dans ce pays. L'agent des visas a vérifié cette information auprès du haut commissariat du Canada et a trouvé qu'elle était fausse. L'agent des visas a appris que la requérante était co‑propriétaire avec son mari de la demeure familiale. L'employeur n'avait fait que prêter l'argent. Le mari de la requérante est maintenant rentré des États-Unis et habite la demeure familiale. Au cours de la seconde entrevue en juin 1996, l'agent des visas a soulevé la question de sa fausse déclaration antérieure au sujet du statut et de la valeur de la demeure familiale. Il l'a également interrogée sur les déclarations qu'elle avait faites à l'origine sur sa situation de famille en vue d'obtenir le visa de visiteur pour le Canada.
MOTIFS DE CONTRÔLE JUDICIAIRE
I. L'agent des visas a-t-il violé les principes de justice naturelle?
Arguments de la requérante
La requérante soutient que l'agent des visas a manqué aux principes de justice naturelle faute de lui avoir donné la possibilité de réfuter les doutes qu'il a formulés. Il aurait dû lui donner la possibilité de s'expliquer au sujet de «sa fausse déclaration» antérieure sur la demeure familiale. Cependant, sa demande a été rejetée par lettre en date du 18 juin 1996, la veille du jour où son avocat envoya par télécopie une lettre demandant que l'agent des visas se fasse communiquer le titre foncier de la maison afin de vérifier que le seul propriétaire en était le mari de la requérante.
II. L'agent des visas a-t-il commis une erreur de droit pour avoir tenu compte d'un facteur non pertinent?
Arguments de la requérante
La requérante soutient que l'agent des visas a commis une erreur en ce que sa fausse déclaration a influé sur la manière dont celui-ci considérait la demande fondée sur le paragraphe 114(2). La fausse déclaration ne devrait pas influer sur la prise en considération des raisons d'ordre humanitaire. Subsidiairement, l'agent des visas a tiré une conclusion erronée sur les faits, en ce qu'elle n'est pas copropriétaire de la demeure familiale en Inde. Il ressort du titre foncier que le mari est le seul propriétaire (pièce D jointe à l'affidavit de Gohil).
ANALYSE
La décision que prend l'agent des visas sous le régime du paragraphe 114(2) est strictement une décision discrétionnaire, qui n'enlève aucun droit à la requérante. Celle-ci demande le bénéfice spécial et supplémentaire d'une exemption, qui n'est pas universellement appliquée, des règles d'immigration canadiennes; v. Vidal c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1991), 13 Imm. L.R. (2nd) 123. Dans ce domaine, l'impératif d'équité procédurale est minime, et il n'est même pas nécessaire de donner des motifs écrits. Il ressort de la jurisprudence Shah c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1994), 170 N.R. 238 (C.A.F.), que la Cour hésite à intervenir dans les décisions de ce genre. Ce n'est que dans les cas exceptionnels, par exemple si l'agent des visas tient compte des preuves extrinsèques qui ne sont pas à la disposition du demandeur, ou s'il entrave l'exercice de ses propres pouvoirs discrétionnaires, qu'il y a lieu à contrôle judiciaire.
En l'espèce, la requérante n'a présenté sur le fond aucun motif de contrôle judiciaire. Elle avait pleinement la possibilité de présenter ses conclusions et de se faire entendre. L'agent des visas n'était nullement tenu d'attendre d'autres conclusions de sa part pour rendre une décision. Il était d'ailleurs parfaitement en droit d'interroger la requérante sur ses fausses déclarations. La crédibilité de cette dernière était un facteur à prendre en considération pour examiner s'il y avait lieu de lui accorder le bénéfice d'un examen spécial et supplémentaire de son cas. Le fait qu'elle ne soit pas la copropriétaire de la demeure familiale est un élément mineur, qui ne change rien à la conclusion première de l'agent des visas qu'il n'y a pas de raisons d'ordre humanitaire pour accéder à la demande.
Bien que les faits de la cause puissent inspirer un sentiment de sympathie pour la requérante, je conclus que l'agent des visas n'a commis aucune erreur susceptible de contrôle judiciaire en rejetant sa demande fondée sur le paragraphe 114(2).
La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
Signé : Max M. Teitelbaum
________________________________
Juge
Toronto (Ontario),
le 12 mars 1997
Traduction certifiée conforme ________________________________
F. Blais, LL. L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER
NUMÉRO DU GREFFE : IMM-2301-96
INTITULÉ DE LA CAUSE : Geeta Sureshchandra Gohil
c.
Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration
LIEU DE L'AUDIENCE : 12 mars 1997
DATE DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario)
MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE TEITELBAUM
LE : 12 mars 1997
ONT COMPARU :
M. David A. Bruner pour la requérante
M. David Tyndale pour l'intimé
PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :
Hoppe Bruner pour la requérante
Avocats
First Canadian Place
Exchange Tower, Bureau 910
C.P. 177
Toronto (Ontario)
M5X 1C7
George Thomson pour l'intimé
Sous-procureur général du Canada
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
IMM-2301-96
Entre :
GEETA SURESHCHANDRA GOHIL,
requérante,
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION,
intimé
MOTIFS DE L'ORDONNANCE