Date : 20040617
Dossier : IMM-9579-03
Calgary (Alberta), le 17 juin 2004
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE KELEN
ENTRE :
FAISAL SHAHZAD
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA
CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] La présente demande de contrôle judiciaire vise la décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a tranché, en date du 21 novembre 2003, que le demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger, faute de crainte fondée de persécution.
EXPOSÉ DES FAITS
[2] Le demandeur, un citoyen du Pakistan âgé de 29 ans, est arrivé au Canada le 28 janvier 2003 en revendiquant le statut de réfugié. Il prétend craindre avec raison d'être persécuté, du fait de ses opinions politiques, par des opposants politiques dont les représentants de la Ligue musulmane du Pakistan (LMP) et du Jamat Islami (JI), les fondamentalistes religieux, l'armée pakistanaise et la police.
[3] Le demandeur a quitté le Pakistan pour se rendre aux États-Unis le 8 décembre 1999 avec un visa de visiteur. Il est demeuré aux États-Unis pendant quatre années au cours desquelles il a travaillé comme chauffeur de taxi et il a continué de participer aux activités du Parti du peuple pakistanais (PPP) à Chicago, en Illinois. Il a également présenté une demande de résidence permanente au Canada en novembre 2001. Alors qu'il n'avait reçu aucune réponse de Citoyenneté et Immigration Canada en janvier 2003, le demandeur, craignant d'être déporté au Pakistan, a quitté les États-Unis pour se rendre au Canada le 28 janvier 2003 et il a demandé l'asile.
[4] Après avoir entendu le demandeur, la Commission a conclu que sa crainte d'être persécuté au Pakistan n'était pas fondée et qu'il n'existait pas de possibilité sérieuse qu'il y subisse un préjudice. Elle a estimé que le demandeur avait rehaussé sa demande et qu'il n'avait pas présenté de preuve crédible pour corroborer les craintes alléguées. La Commission en est arrivée à sa décision sur le fondement des conclusions suivantes :
1) Le demandeur n'a pas occupé de poste officiel au sein du PPP. Ses activités, de niveau inférieur, consistaient notamment à placer les sièges pour les réunions et à poser des autocollants et des bannières. Il mettait à exécution les instructions des représentants locaux du parti.
2) La prétention selon laquelle il aurait prononcé des allocutions critiquant l'opposition n'était pas corroborée par la preuve et visait à rehausser sa demande.
3) L'incident au cours duquel la machinerie agricole du demandeur a été détruite était un acte criminel isolé n'ayant aucun lien avec un des motifs de la Convention. Le demandeur n'a fourni aucune preuve crédible reliant les agresseurs présumés à un parti d'opposition.
4) Le demandeur ne s'est jamais informé de ce que la police avait tenté de faire à la suite de l'incident de la machinerie agricole.
5) L'allégation selon laquelle le demandeur aurait reçu un appel d'extrémistes anonymes après l'incident de la machinerie agricole a été considérée comme un élément visant à rehausser sa demande.
6) L'allégation selon laquelle des membres d'un parti rival l'auraient battu a été vue comme du harcèlement plutôt que de la persécution. Il s'agissait d'un incident isolé, plutôt que de manifestations systémiques ou persistantes.
7) La police ne recherche pas le demandeur actuellement ou n'a pas l'intention de l'arrêter.
8) Il était peu vraisemblable que le demandeur ait appris en septembre 2000 seulement que de fausses accusations avaient été déposées contre lui puisqu'il a communiqué régulièrement avec sa famille depuis qu'il a quitté le Pakistan en décembre 1998.
9) La lettre du père du demandeur déposée à l'appui de la demande était intéressée. La Commission a conclu que les documents indiquant que la police s'intéressait au demandeur ont été fabriqués.
10) La preuve documentaire montre qu'il est facile d'obtenir de faux documents, notamment des documents judiciaires, au Pakistan.
11) Le demandeur est demeuré aux États-Unis légalement jusqu'en avril 2000 puis illégalement jusqu'à ce que sa déportation soit imminente, avant d'entrer au Canada en janvier 2003. Quoiqu'il ait demandé le statut de résident permanent au Canada, il n'a jamais demandé l'asile aux États-Unis et il a eu recours aux services d'un avocat seulement lorsqu'il était sur le point d'être déporté.
12) Le type de comportement du demandeur et le fait qu'il n'ait pas demandé l'asile en tout premier lieu ne corroboraient pas une crainte fondée de persécution.
ANALYSE
[5] Les deux questions suivantes sont soulevées dans le cadre de la présente demande :
1) La Commission a-t-elle commis une erreur en rejetant la crédibilité du demandeur?
2) La Commission a-t-elle commis une erreur en décidant que la crainte de persécution du demandeur n'était pas fondée?
[6] La norme de contrôle applicable aux conclusions de fait de la Commission, et à son appréciation de la crédibilité, est celle de la décision manifestement déraisonnable. La Cour ne substituera pas son opinion à celle de la Commission, à moins que la décision ne soit manifestement erronée. Voir Aguebor c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.), et De (Da) Li Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 49 Imm. L.R. (2d) 161 (C.A.F.).
Crédibilité
[7] Même s'il se peut que la Cour ait conclu différemment, la Commission, en tant que tribunal spécialisé, a pleine compétence pour apprécier la preuve et la crédibilité des témoins. J'estime que la Commission a expliqué, en des termes clairs et non équivoques, pourquoi elle n'avait pas cru les allégations du demandeur et que cette conclusion n'est pas manifestement déraisonnable.
Crainte de persécution
[8] La Commission a conclu que le demandeur est demeuré aux États-Unis du 8 décembre 1998 au 28 janvier 2003 sans faire de demande d'asile. Elle a jugé que ce comportement corroborait la conclusion d'absence de « crainte fondée de persécution » . Selon la Commission, il est raisonnable de croire qu'une personne qui fuit son pays par crainte d'être persécutée prendrait des mesures dès son arrivée dans un pays sûr pour demander la protection à titre de réfugiée afin qu'elle ne soit pas ultérieurement renvoyée dans son pays. La Cour est d'accord avec la Commission. Le délai de quatre ans qui s'est écoulé avant la demande d'asile contredit l'allégation selon laquelle il a fui le Pakistan parce qu'il craignait avec raison d'être persécuté. On peut croire qu'un véritable réfugié demandera l'asile dès que possible s'il fuit réellement par crainte pour sa vie. Par conséquent, il était raisonnablement loisible à la Commission de conclure que la crainte de persécution du demandeur n'était pas fondée.
[9] Une personne qui vit aux États-Unis depuis une certaine période de temps sans avoir demandé l'asile et qui doit par la suite quitter ce pays ne peut entrer au Canada en réclamant l'asile et s'attendre à ce que la Commission lui reconnaisse le statut de réfugié au sens de la Convention. Le délai avant la présentation de la demande d'asile, que ce soit au Canada ou aux États-Unis, est un facteur que la Commission peut raisonnablement prendre en considération dans l'appréciation de la crédibilité d'une personne « craignant avec raison d'être persécutée » .
[10] Compte tenu du fait que la Commission n'a pas commis d'erreur en tirant une conclusion défavorable quant à la crédibilité du demandeur ou la conclusion relative à la crainte de persécution, la présente demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.
[11] Les avocats n'ont recommandé la certification d'aucune question. Aucune question ne sera certifiée.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE que la présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée.
« Michael A. Kelen »
Juge
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-9579-03
INTITULÉ : FAISAL SHAHZAD
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : CALGARY (ALBERTA)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 16 JUIN 2004
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LE JUGE KELEN
DATE DES MOTIFS : LE 17 JUIN 2004
COMPARUTIONS :
Birjinder P. S. Mangat POUR LE DEMANDEUR
Rick Garvin POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Birjinder P. S. Mangat POUR LE DEMANDEUR
Calgary (Alberta)
Morris A. Rosenberg
Sous-procureur général du Canada POUR LE DÉFENDEUR