Date : 20040521
Dossier : T-819-04
Référence : 2004 CF 738
Ottawa (Ontario), le 21 mai 2004
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BEAUDRY
ENTRE :
DIANE MAGAS et RICHARD CONDO
demandeurs
et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Les demandeurs sollicitent une injonction interlocutoire les autorisant à participer au programme des visites familiales privées (VFP) à l'établissement de Bath tant que la demande de contrôle judiciaire de la décision prise au troisième palier, à l'établissement Drummond, n'aura pas été tranchée.
HISTORIQUE
[2] Le demandeur Richard Condo a été condamné à une peine de cinq ans, qu'il a commencé à purger le 26 juillet 2001. Il a épousé la demanderesse, Diane Magas, au mois de novembre 2003. Madame Magas est avocate; elle représentait son conjoint dans la présente affaire tant que le défendeur n'a pas demandé qu'elle se retire de la cause conformément à l'article 82 des Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106. Dans une lettre en date du 29 avril 2004, M. Condo a fait savoir qu'il [traduction] « ne [voulait] plus être représenté ou retenir les services d'un avocat dans le dossier du greffe T-819-04 » . Il déclare que le fait que Mme Magas intente son action en son nom personnel lui convient. Cette question est donc réglée.
[3] Les demandeurs ont été autorisés à bénéficier des VFP pendant que M. Condo était incarcéré à Cowansville, à La Macaza et à Donnacona. Leur dernière VFP a eu lieu du 7 au 10 novembre 2003. Monsieur Condo a ensuite été transféré à l'établissement Drummond, où il a de nouveau demandé à participer au programme des VFP. Le 19 février 2004, le directeur de l'établissement Drummond a refusé la demande que M. Condo avait faite afin de participer à ce programme parce qu'il risquait d'être violent envers Mme Magas pendant la VFP. Monsieur Condo a exercé les recours internes dont il disposait; la décision du directeur de l'établissement à été confirmée au deuxième et au troisième palier. Monsieur Condo a ensuite présenté une demande de contrôle judiciaire de la décision qui avait été prise au troisième palier au sujet du grief. La décision, dans le présent contrôle judiciaire, n'a pas encore été rendue.
[4] Le 21 avril 2004, M. Condo a été transféré à l'établissement de Bath. Le lendemain, il a demandé à participer au programme des VFP de cet établissement. Comme le montre l'affidavit de Charles Stickel, les autorités, à l'établissement de Bath, n'ont pas encore pris de décision. Monsieur Stickel, qui est sous-directeur de l'établissement de Bath, précise qu'une décision est habituellement prise dans les 30 jours qui suivent la date de la demande. C'est également ce que prévoient les Instructions permanentes relatives aux VFP 700-12, à l'article 9.
ANALYSE
[5] Indépendamment de la demande de contrôle judiciaire de la décision qui est encore en instance à l'établissement Drummond, il est clair que la présente requête est prématurée puisque M. Condo a demandé à participer au programme de VFP à l'établissement de Bath et qu'une décision n'a pas encore été prise.
[6] J'examinerai les trois critères élaborés dans l'arrêt RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311 pour déterminer si une injonction interlocutoire doit être accordée. Pour que la Cour puisse accorder l'injonction, les trois critères doivent favoriser la personne qui en fait la demande.
[7] En l'espèce, sans déterminer s'il existe une question sérieuse à trancher, il est clair qu'aucun préjudice irréparable ne serait subi par les demandeurs si l'injonction n'était pas accordée. Les demandeurs affirment qu'ils n'ont pas encore eu la possibilité de consommer leur mariage parce que l'établissement Drummond a refusé leur demande de VFP. Ils affirment également qu'ils tentent d'avoir un autre enfant avant que Joshua, leur fils âgé de cinq ans, soit trop vieux et que le programme des VFP constitue leur seule possibilité de concevoir un autre enfant. Ils soutiennent que le fait de priver une personne du droit de consommer son mariage et du droit de procréer constitue un préjudice irréparable en ce sens qu'il est impossible d'y remédier d'une façon appropriée au moyen de l'octroi de dommages-intérêts.
[8] Je ne puis convenir qu'il s'agit de raisons valables justifiant l'octroi d'une injonction interlocutoire. Dans ce cas-ci, on ne saurait dire qu'un préjudice irréparable est causé aux demandeurs puisque la question de savoir s'il est avantageux dans leur cas d'autoriser les VFP est la question même qu'ils ont demandé aux autorités de l'établissement de trancher et qu'aucune décision n'a encore été prise. Les demandeurs veulent obtenir, au moyen d'une injonction interlocutoire, ce qui est en train d'être décidé au moyen de la procédure normale de présentation de demandes relatives aux VFP et de prise des décisions y afférentes. Si une injonction était accordée, on se trouverait à accélérer le processus décisionnel pour ce qui est de la question ultime. Les raisons invoquées par les demandeurs, à savoir la consommation du mariage et la conception d'un enfant, ne sont pas si pressantes qu'elles ne peuvent pas attendre quelques jours, de façon à permettre aux autorités de l'établissement de Bath de se prononcer sur la demande que M. Condo a faite au sujet des VFP. L'intégrité de la procédure de présentation de demandes et de prise de décisions qui s'applique aux VFP doit être protégée afin de préserver son utilité.
[9] Puisque j'ai conclu à l'absence de préjudice irréparable, il n'est pas nécessaire d'analyser la question de la prépondérance des inconvénients.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE :
La requête que les demandeurs ont présentée en vue d'obtenir une injonction interlocutoire les autorisant à participer au programme des visites familiales privées (VFP), à l'établissement de Bath, est rejetée.
« Michel Beaudry »
Juge
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-819-04
INTITULÉ : DIANE MAGAS et RICHARD CONDO
c.
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
LIEU DE L'AUDIENCE MONTRÉAL (QUÉBEC)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 3 MAI 2004
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LE JUGE BEAUDRY
DATE DES MOTIFS : LE 21 MAI 2004
COMPARUTIONS :
Diane Magas POUR LES DEMANDEURS
Éric Lafrenière POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Diane Magas
Cabinet d'avocats Magas
Ottawa (Ontario) POUR LES DEMANDEURS
Morris A. Rosenberg
Sous-procureur général du Canada
Montréal (Québec) POUR LE DÉFENDEUR