Date : 20030123
Dossier : T-4-02
Référence neutre : 2003 CFPI 51
Ottawa (Ontario), le 23 janvier 2003
En présence de : l'honorable juge Blais
ENTRE :
CARMEL FORTIN
demandeur
et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale présentée à l'encontre de la décision du commissaire Léo-Paul Guindon [arbitre de grief] rendue le 5 octobre 2001 en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.
FAITS
[2] Le demandeur a travaillé en tant que fonctionnaire au sein de Citoyenneté et Immigration Canada [CIC] à titre d'agent d'immigration (PM-02) à Edmunston, Nouveau-Brunswick, pendant une période débutant en mars 1978 et se terminant en septembre 1996.
[3] En février ou mars 1996, une décision de réduire les effectifs suivant la Loi d'exécution du budget 1995 en éliminant des postes aux bureaux les moins performants a été prise.
[4] Pour le bureau d'Edmunston, il fallait couper deux des quatre postes d'agent d'immigration.
[5] La réduction des effectifs n'a pas pu se faire par départs volontaires donc CIC a eu recours à un processus d'évaluation par ordre inverse du mérite.
[6] Les fonctionnaires touchés avaient la possibilité de préparer leurs dossiers d'évaluation pour commentaires et d'y proposer des changements avant que les dossiers ne soient finalisés.
[7] Les dossiers ont ensuite été envoyés à Moncton afin qu'un comité d'évaluation classe les fonctionnaires sur une liste d'admissibilité.
[8] Ce comité d'évaluation était composé de trois personnes: monsieur Tim Shaw, madame Pauline Alain et monsieur Raymond Bélanger. Monsieur Shaw avait été le superviseur du demandeur à partir de 1982 jusqu'en 1994. Madame Alain connaissait peu le demandeur, puisqu'elle ne le supervisait que depuis deux ans (1994-1996), et elle désirait profiter des connaissances plus approfondies de monsieur Shaw. Monsieur Bélanger, quant à lui, connaissait le demandeur.
[9] À la page 2 de son mémoire, le demandeur allègue qu'il s'était fortement opposé à ce que monsieur Shaw participe à son évaluation, suggérant qu'il ne pouvait être impartial.
[10] Les 9 et 17 juillet 1996, un directeur de CIC informe le demandeur que, suite à une réduction d'effectif, il doit réduire le nombre de postes de quatre à deux. Puisqu'il s'est classé quatrième sur la liste d'admissibilité, il sera donc déclaré excédentaire.
[11] Le 25 juillet 1996, le demandeur inscrit une plainte à la Commission de la fonction publique [Commission] en vertu de l'alinéa 7.1 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique [LEFP] alléguant que son évaluation était défaillante en raison du fait que monsieur Shaw y avait participé. Il était d'avis qu'à son égard, cette réduction était une mesure disciplinaire déguisée et non budgétaire.
[12] Le 31 juillet 1996, le directeur général pour la région Québec/Atlantique avise le demandeur que son poste pourrait être déclaré excédentaire et l'informe des options qui lui sont offertes le cas échéant (dossier du demandeur, pièce C). Ces options sont les suivantes:
- le Programme d'encouragement à la retraite anticipée (PERA);
- la Prime de départ anticipée (PDA);
- le(s) Paiement(s) forfaitaire(s) en vertu de la Directive sur le réaménagement des effectifs (DRE) (dans le cas où ces options s'appliquent);
- les Droits prioritaires en vue d'une nomination au sein de la fonction publique.
[13] CIC tente de faciliter l'échange de poste avec une autre fonctionnaire, madame Judy Bagley-Woodsocq, mais cette dernière change d'idée et refuse.
[14] Un autre poste d'une durée de 9 mois aurait été disponible à St-Jean, mais il ne l'était plus au moment où le demandeur a voulu l'obtenir. L'employeur l'aurait informé que, parce que le poste disponible n'était pas indéterminé, il n'avait aucune obligation de l'offrir au demandeur (décision de l'arbitre de grief, page 6, paragraphe 20 et mémoire du demandeur, page 4).
[15] À la page 4 de son mémoire, le demandeur est plutôt d'avis que le fait que le fonctionnaire n'ait occupé le poste de St-Jean pour une période de 9 mois pour ensuite être transféré à un poste indéterminé à Moncton illustre bien que le premier poste n'était utile qu'afin de camoufler l'existence du second. Selon le demandeur, le poste de Moncton aurait dû lui être offert (dossier du demandeur, pièces G, G-1, G-2 et G-3).
[16] Le 11 septembre 1996, après s'être informé de la possibilité de retarder son choix relatif aux options mentionnées dans la lettre du 31 juillet 1996, la directrice des ressources humaines informe le demandeur que ce choix doit être exercé avant le 27 septembre suivant, date à partir de laquelle son poste serait déclaré excédentaire. Après cette date, chaque jour travaillé diminuerait le montant de rémunération tenant lieu de période non expirée de priorité excédentaire d'un montant équivalent à une journée de paye. Ainsi, plus il retarderait la date d'entrée en vigueur de sa démission, moins la somme de rémunération sans avoir à travailler serait importante.
[17] Le 20 septembre suivant, sans avoir profité des services de consultation offerts par son employeur ou son syndicat, le demandeur envoie un courriel à une spécialiste de la paye pour l'informer qu'il choisissait l'option du paiement forfaitaire intitulé « Programme d'encouragement à la retraite anticipée » .
[18] Le 26 septembre 1996, cette demande était accordée et les documents étaient signés le 28 septembre suivant (respectivement, pièce G-3, onglets 7 et 8).
[19] Le demandeur a ainsi reçu une rémunération tenant lieu de période non expirée de priorité excédentaire de 20 000$ plus une prime de séparation de
14 000$. Le montant de retraite auquel il a droit suite à l'acceptation de sa demande de retraite anticipée est de 15 000$ annuellement.
[20] Le 2 janvier 1997, la Commission rejette la plainte du demandeur alléguant que son évaluation était défaillante, la déclarant non fondée (pièce E-2).
[21] Le 25 mai 1999, la demande de réouverture d'enquête, en date du 14 avril 1999, effectuée par le demandeur auprès de la Commission, Direction générale des recours et de la revue, est refusée (pièce E-3).
[22] Par la suite, le demandeur entreprend une procédure de grief.
[23] Le 20 décembre 2000, monsieur Joseph W. Potter, « Deputy Chairperson » auprès de la Commission des relations de travail dans la fonction publique, rejette les prétentions de l'employeur à l'effet que l'arbitre n'avait pas juridiction pour entendre la cause au motif que les délais étaient expirés et que l'extension de délai accordée l'avait été par erreur.
[24] Une décision fut finalement rendue le 5 octobre 2001 rejetant le grief pour défaut de juridiction.
DÉCISION DE L'ARBITRE DE GRIEF
[25] L'arbitre de grief devait déterminer si la décision de l'employeur de déclarer le demandeur excédentaire avait bien été prise en application des dispositions de la LEFP, ou bien s'il s'agissait en fait d'une mesure disciplinaire déguisée suivant le principe établi par cette Cour dans Canada (Conseil du Trésor) c. Rinaldi, (1997) 127 F.T.R. 60, [1997] A.C.F. n ° 225.
[26] Les motifs de la décision de l'arbitre de grief sont clairs et je pense que d'en citer quelques passages est susceptible de nous éclairer:
[48] Le processus suivi par l'employeur pour désigner les postes excédentaires et la décision de procéder à l'évaluation des fonctionnaires suivant l'ordre inverse du mérite semblent en conformité avec la Loi d'exécution du budget 1995 et la Directive sur le réaménagement des effectifs. Aucun élément ne m'a été soumis par le fonctionnaire s'estimant lésé qui démontrerait que la décision de déclarer deux des quatre postes du bureau d'Edmunston excédentaires contreviendrait aux lois, règlements et directives applicables.
[49] Le fond de l'argumentation soumis par le fonctionnaire s'estimant lésé repose sur le postulat que la participation de M. Shaw à l'évaluation selon l'ordre inverse du mérite aurait vicié cette procédure et l'aurait assimilé à une mesure disciplinaire déguisée. Bien que le fonctionnaire s'estimant lésé ait démontré l'existence d'une relation de travail tourmentée avec M. Shaw, il n'a apporté aucune preuve démontrant que l'évaluation effectuée a été viciée. Lors de son témoignage, il n'a pas précisé en quoi son évaluation aurait été erronée ou quel élément de son évaluation aurait été influencé par l'attitude négative alléguée de M. Shaw à son égard. Aucune preuve n'a été faite qu'un comportement quelconque de M. Shaw lors de la procédure d'évaluation aurait pu influencer les autres membres du comité d'évaluation. Les bonnes relations de M. Fortin avec M. Bélanger (qui faisait partie du comité d'évaluation) ne semblait pas lui avoir permis d'obtenir des indices à cet égard. Ainsi, malgré qu'il y ait eu mesure disciplinaire en 1994, émise sous la gestion de M. Shaw, le fonctionnaire s'estimant lésé n'a pas démontré en quoi et comment la procédure d'évaluation selon l'ordre inverse du mérite est une mesure disciplinaire déguisée.
[50] [...] Pour démontrer la mauvaise foi, il est nécessaire de faire la preuve d'un comportement ou d'actions précises de l'employeur tel que la déloyauté, dissimulation, duplicité, fausseté ou perfidie, ce qui n'a pas été fait au présent dossier. [...]
[51] [...] M. Fortin avait en sa possession le détail des options offertes et aurait pu obtenir des renseignements complémentaires depuis cinq semaines au moment où il a discuté avec Mme Boivin le 11 septembre 1996. Pendant ces cinq semaines, il n'a pas cru bon de s'informer auprès des conseillers en ressources humaines ou auprès de son syndicat, et il ne peut reprocher à l'employeur le fait qu'il se soit senti « sous pression » parce qu'il se devait de faire un choix sur des options plus ou moins bien comprises de par sa propre turpitude. [...]
[52] Je ne peux pas retenir comme élément démontrant la mauvaise foi de l'employeur le fait qu'aucune offre d'emploi raisonnable n'a été faite à M. Fortin préalablement à sa déclaration d'excédentaire. [...] La Directive précise qu'une offre d'emploi raisonnable est une offre d'emploi pour une période indéterminée dans la fonction publique, caractéristique à laquelle ne satisfaisait pas le poste de St-Jean. L'employeur n'avait pas à offrir ce poste à M. Fortin, qui n'a pas choisi la troisième option de droits prioritaires, car le décret du 7 décembre 1995 suspend la garantie d'offre raisonnable d'emploi (pièce E-1, onglet 11).
[...]
[55] L'employeur s'est acquitté de son fardeau de preuve en démontrant, à ma satisfaction, que la démission de M. Fortin découlait de la Loi d'exécution du budget 1995 et de la procédure de réaménagement des effectifs.
[56] M. Fortin ne s'est pas acquitté de son fardeau de preuve, car il n'a pas démontré que la procédure suivie par le ministère pour le déclarer excédentaire n'était qu'une ruse pour déguiser un renvoi pour motif disciplinaire en un licenciement administratif. [...]
[nos italiques]
Il conclut en disant:
[58] Par conséquent, le grief de M. Fortin est couvert par l'exclusion prévue au paragraphe 92.(3) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et ne saurait relever de ma compétence. Le grief est donc rejeté.
PRÉTENTIONS DU DEMANDEUR
[27] Le demandeur soumet que sa cessation d'emploi au sein de la fonction publique ne constituait pas une décision administrative prise de bonne foi et suivant le paragraphe 29(1) de la LEFP mais plutôt un licenciement disciplinaire déguisé.
[28] Conséquemment, l'arbitre de grief aurait rendu une décision entachée d'une erreur de droit, tirée de façon arbitraire, sans tenir compte des éléments dont il disposait.
Objet de la demande
[29] Le demandeur sollicite la Cour afin que celle-ci ordonne:
a) sa réintégration à son ancien poste ou à un poste de niveau comparable au sein de la fonction publique du Canada, au Nouveau-Brunswick;
b) la pleine compensation du préjudice subi suite à la qualification de son poste à titre excédentaire; et
c) les frais et intérêts encourus pour les services d'un avocat devant la Commission.
PRÉTENTIONS DU DÉFENDEUR
[30] Le défendeur soumet que l'arbitre de grief n'a pas commis d'erreur justifiant l'intervention de cette Cour pour les raisons suivantes:
- la preuve n'a pas démontré que l'employeur avait agi de mauvaise foi en appliquant le programme de réduction des effectifs;
- la preuve n'a pas démontré que l'employeur avait agi de mauvaise foi lors de la procédure d'évaluation selon l'ordre inverse du mérite;
- la preuve n'a pas démontré que l'employeur avait agi de mauvaise foi en concluant que le poste du demandeur était excédentaire; et
- la cessation d'emploi du demandeur a été effectuée en conformité avec la loi et les politiques applicables.
[31] De plus, l'arbitre de grief n'avait pas juridiction pour entendre la demande.
QUESTION EN LITIGE
[32] L'arbitre de grief a-t-il commis une erreur de droit ou de faits justifiant l'intervention de cette Cour?
LÉGISLATION PERTINENTE
L'article 26 de la LEFP régit la démission d'un fonctionnaire:
26. Le fonctionnaire qui a l'intention de démissionner de la fonction publique en donne avis, par écrit, à l'administrateur général; il perd sa qualité de fonctionnaire le jour où sa démission, après acceptation écrite de celui-ci, prend effet.
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26. An employee may resign from the Public Service by giving to the deputy head notice in writing of the intention to resign and the employee ceases to be an employee on the day as of which the deputy head accepts in writing the resignation. |
[33] La Directive sur le réaménagement des effectifs prévoit la possibilité de recevoir une rémunération en remplacement de la partie non expirée de la période de priorité d'excédentaire:
6.2.1. Lorsqu'un fonctionnaire excédentaire offre de démissionner avant la fin de sa période de priorité d'excédentaire, étant entendu qu'il recevra alors la rémunération en remplacement de la partie non expirée de ladite période, l'administrateur général peut autoriser le versement d'un paiement forfaitaire excédentaire pour le reste de cette période, jusqu'à concurrence de six mois.
[34] Un fonctionnaire qui choisit de démissionner en vertu de la clause 6.2.1. renonce à tout droit d'être nommé en priorité, tel qu'indiqué à la clause 6.2.4:
6.2.4. Dès l'acceptation de sa démission, le fonctionnaire renonce à tout droit d'être renommé en priorité.
[35] Le paragraphe 35(1) du Règlement sur l'emploi dans la fonction publique [REFP] prévoit la nomination d'un employé excédentaire:
35. (1) Sous réserve du paragraphe (2) et de l'article 40, tout fonctionnaire excédentaire a le droit, pendant la période durant laquelle il est excédentaire, d'être nommé sans concours et, sous réserve des articles 29, 30 et 39 de la Loi, en priorité absolue à un poste de la fonction publique pour lequel la Commission le juge qualifié.
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35. (1) Subject to subsection (2) and section 40, a surplus employee is entitled, during the surplus period, to be appointed without competition and, subject to sections 29, 30 and 39 of the Act, in priority to all other persons, to a position in the Public Service for which, in the opinion of the Commission, the surplus employee is qualified. |
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[36] Le paragraphe 35(2) du REFP prévoit la perte de ce droit dans certaines circonstances:
(2) Le fonctionnaire excédentaire perd le droit de nomination conféré par le paragraphe (1) s'il est nommé ou muté pour une période indéterminée, s'il refuse une offre raisonnable d'emploi ou est mis en disponibilité.
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(2) A surplus employee who is appointed or deployed for an indeterminate period, who refuses a reasonable job offer or who is laid off ceases to be entitled to be appointed to a position under subsection (1). |
[37] Le paragraphe 29(1) de la LEFP permet la mise en disponibilité des fonctionnaires:
29. (1) L'administrateur général peut, en conformité avec les règlements de la Commission, mettre en disponibilité le fonctionnaire dont les services ne sont plus nécessaires faute de travail, par suite de la suppression d'une fonction ou à cause de la cession du travail ou de la fonction à l'extérieur de la fonction publique, sauf si le fonctionnaire a été licencié dans les circonstances prévues à l'alinéa 11(2)g.1) de la Loi sur la gestion des finances publiques.
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29. (1) Where the services of an employee are no longer required by reason of lack of work, the discontinuance of a function or the transfer of work or a function outside the Public Service, otherwise than where the employment of the employee is terminated in the circumstances referred to in paragraph 11(2)(g.1) of the Financial Administration Act, the deputy head, in accordance with the regulations of the Commission, may lay off the employee. |
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[38] Le paragraphe 32(1) du REFP précise que l'administrateur général doit évaluer les fonctionnaires selon l'ordre inverse de mérite afin de déterminer qui peut être mis en disponibilité:
32. (1) Lorsque les services d'un ou de plusieurs fonctionnaires d'un secteur de l'organisation ne sont plus nécessaires aux termes de l'article 29 de la Loi, l'administrateur général compétent évalue le mérite des fonctionnaires qui occupent des postes semblables des mêmes groupe et niveau professionnels dans ce secteur et désigne les fonctionnaires qui peuvent être déclarés excédentaires et mis en disponibilité par ordre inverse du mérite.
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32. (1) If the services of one or more employees of a part of an organization are no longer required in accordance with section 29 of the Act, the appropriate deputy head shall assess the merit of the employees employed in similar positions in the same occupational group and level within that part of the organization, and identify the employees who may be declared surplus and laid off in reverse order of merit. |
[39] Le paragraphe 92(1) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique [LRTFP] prévoit les circonstances dans lesquelles un fonctionnaire peut renvoyer un grief à l'arbitrage:
92. (1) Après l'avoir porté jusqu'au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, un fonctionnaire peut renvoyer à l'arbitrage tout grief portant sur_: a) l'interprétation ou l'application, à son endroit, d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale; b) dans le cas d'un fonctionnaire d'un ministère ou secteur de l'administration publique fédérale spécifié à la partie I de l'annexe I ou désigné par décret pris au titre du paragraphe (4), soit une mesure disciplinaire entraînant la suspension ou une sanction pécuniaire, soit un licenciement ou une rétrogradation visé aux alinéas 11(2)f) ou g) de la Loi sur la gestion des finances publiques; c) dans les autres cas, une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la suspension ou une sanction pécuniaire.
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92. (1) Where an employee has presented a grievance, up to and including the final level in the grievance process, with respect to (a) the interpretation or application in respect of the employee of a provision of a collective agreement or an arbitral award, (b) in the case of an employee in a department or other portion of the public service of Canada specified in Part I of Schedule I or designated pursuant to subsection (4), (i) disciplinary action resulting in suspension or a financial penalty, or (ii) termination of employment or demotion pursuant to paragraph 11(2)(f) or (g) of the Financial Administration Act, or (c) in the case of an employee not described in paragraph (b), disciplinary action resulting in termination of employment, suspension or a financial penalty, |
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- Le paragraphe 92(3) de la LRTFP interdit le renvoi d'un grief portant sur un licenciement prévu sous le régime de la LEFP:
(3) Le paragraphe (1) n'a pas pour effet de permettre le renvoi à l'arbitrage d'un grief portant sur le licenciement prévu sous le régime de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique.
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3) Nothing in subsection (1) shall be construed or applied as permitting the referral to adjudication of a grievance with respect to any termination of employment under the Public Service Employment Act. |
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ANALYSE
L'arbitre de grief a-t-il commis une erreur de droit ou de faits justifiant l'intervention de cette Cour?
[41] L'arbitre de grief a entendu les prétentions des parties quant à sa compétence pour entendre le grief. Il a d'abord décidé qu'il avait « compétence pour entendre l'ensemble de la preuve de manière à évaluer si la fin d'emploi est une mesure disciplinaire déguisée » (paragraphe 6 de la décision).
[42] Aux paragraphes 57 et 58, il a pris « sous réserve » l'objection préliminaire en regard de sa compétence et a finalement décidé:
[57] ...la cessation d'emploi du demandeur ne constitue pas un licenciement disciplinaire déguisé et constitue une décision administrative prise de bonne foi et suivant le paragraphe 29(1) de la Loi sur l'Emploi dans la fonction publique.
[58] Par conséquent, le grief de M. Fortin est couvert par l'exclusion prévue au paragraphe 92.(3) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et ne saurait relever de ma compétence, le grief est donc rejeté.
[43] Tel que je l'ai indiqué à l'audience, bien que le demandeur ait relevé certaines incohérences entre les faits du litige et certaines affirmations de l'arbitre de grief dans sa décision, ces incohérences ne sont pas majeures et ne justifieraient pas par elles-mêmes l'intervention de la Cour.
[44] Cependant, afin de déterminer s'il avait la compétence pour entendre la cause, l'arbitre de grief a conclu qu'il devait examiner et analyser l'ensemble de la preuve et de la procédure. Suite à cela, il a conclu que l'employeur avait agi de bonne foi.
[45] Cette analyse a également été faite dans le cadre de la plainte devant la Commission, mais cette dernière a été rejetée (voir paragraphe 20 de la présente ordonnance). Je rappelle en passant que la procureure du défendeur prétend que cette analyse n'avait pas à être faite par l'arbitre de grief qui n'avait pas juridiction.
[46] Cependant, c'est l'arbitre de grief lui-même qui a décidé d'analyser ces éléments de preuve et de conclure que la procédure n'était pas entachée d'un vice quelconque.
[47] Puisque l'arbitre tire des conclusions de faits et de droit sur la façon dont l'évaluation a été menée, il est tout à fait légitime pour le demandeur de soulever à nouveau le fait que la participation de monsieur Shaw lors du processus d'évaluation viciait irrémédiablement la procédure.
[48] Qu'en est-il de la participation de monsieur Shaw?
[49] Selon le demandeur, cette participation lors du processus d'évaluation ne pouvait lui être que préjudiciable. Durant la période de supervision, soit de 1982 à 1994, divers incidents démontrent, toujours selon le demandeur, que monsieur Shaw tentait constamment de le prendre en défaut. Cette relation difficile remonterait à mars 1981, lorsque le superviseur n'aurait pas apprécié que la décision d'assigner le demandeur au poste d'Edmunston soit prise sans sa consultation. Selon le demandeur, monsieur Shaw aurait préféré assigner un autre employé.
[50] Également, monsieur Shaw aurait tenu le demandeur responsable d'une enquête administrative menée contre lui en 1992. Monsieur Shaw aurait alors été transféré hors du bureau d'Edmunston pour une période de deux ans. À la page 2 de son mémoire, le demandeur attribue ce transfert aux griefs qu'il aurait déposés relatifs à la conduite de monsieur Shaw.
[51] En outre, dans la décision de l'arbitre de grief, il est fait référence à certains courriels entre monsieur Shaw et le demandeur relatifs à divers dossiers (pièce G-4). Par le dépôt de ces pièces, le demandeur tentait de démontrer des exemples d'harcèlement subi aux mains du superviseur.
[52] De plus, le 26 août 1994, une suspension de deux jours sans paye a été imposée au demandeur pour avoir poussé monsieur Shaw lors d'un incident survenu le 18 avril 1994 (pièce G-3, onglet 2). Une dénonciation pour voies de fait a été inscrite devant la Cour provinciale du Nouveau-Brunswick en regard du même événement. Le demandeur a obtenu une libération conditionnelle sur déclaration de culpabilité (pièce G-3, onglets 3 et 4). À la page 2 de son mémoire, le demandeur décrit cet événement ainsi: « [...] j'ai pris la direction de ce même dossier nous nous [avons] croisés et mon épaule est [entré] en contact avec la sienne » . Il considère donc cette dénonciation disproportionnée.
[53] Selon le demandeur, ces incidents illustrent que la participation de monsieur Shaw à la procédure d'évaluation aux fins de la réduction des effectifs ne pouvait donc mener à une classification impartiale.
[54] Au paragraphe 11 de la décision sous la section « les faits » , l'arbitre de grief affirme que bien que le comité d'évaluation ait été composé de trois membres, on a donné préséance à l'opinion de monsieur Shaw :
[...] Mme Alain connaissait peu M. Fortin, qu'elle ne supervisait que depuis deux ans (de 1994 à 1996), et elle désirait profiter des connaissances plus approfondies de M. Shaw. [...] De plus, le fonctionnaire s'estimant lésé a des relations « correctes » avec Raymond Bélanger (ce dernier aurait communiqué avec M. Fortin le samedi précédent l'audition au présent dossier).
[55] Il m'est difficile d'apprécier comment une évaluation en l'espèce peut être empreinte d'objectivité, ou du moins, ne pas être teintée de subjectivité.
[56] Au paragraphe 56, l'arbitre de grief mentionne que le « demandeur n'a pas démontré que la procédure suivie par le ministre pour le déclarer excédentaire n'était qu'une ruse pour déguiser un renvoi pour motif disciplinaire en un licenciement administratif » . Bien que je ne suis pas d'avis que la procédure suivie par le ministre ait été une ruse afin de cacher un licenciement administratif, il m'apparaît toutefois évident qu'une apparence de partialité émanait de ladite procédure.
[57] Le principe d'impartialité, consacré par la règle nemo judex in proprio causa, tire son fondement des principes généraux du droit en plus d'être reconnu parmi les principes de justice fondamentale de l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés. L'exigence de l'impartialité tend à assurer à toute personne susceptible d'être affectée dans ses droits que la décision sera prise par une ou des personnes qui présentent des garanties élémentaires de neutralité à son égard. Dans Nicholson c. Haldimand-Norfolk Regional Board of Commissioners of Police, [1979] 1 R.C.S. 311, la Cour suprême et la Cour d'appel fédérale ont affirmé que l'équité comprend l'obligation pour tous les organismes administratifs d'être impartiaux.
[58] Un des aspects de ce principe de justice naturelle est la garantie procédurale que toute personne ait le droit de paraître devant un tribunal impartial. Le test objectif qui nous permet de déterminer si cette garantie a été respectée est celui de l'appréhension raisonnable de préjudice. Ce test a également été utilisé dans Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817.
[59] Il est fondamental qu'un tribunal soit impartial; et tout aussi fondamental qu'il le soit en apparence.
[60] En effet, comme le soulignent les professeurs Pépin et Ouellette, [G. Pépin et Y. Ouellette, Principes de contentieux administratifs, Montréal, Les Éditions Yvon Blais Inc., 2e éd., 1982, p. 252] bien que ce soit dans un contexte quasi judiciaire:
La justice naturelle exige qu'un organisme exerçant des fonctions quasi judiciaires agisse avec impartialité, indépendance et désintéressement et cela, non seulement en réalité, mais même en apparence.
[nos italiques]
[61] À la lumière des circonstances de cette présente demande, il est évident que la participation de monsieur Shaw ne laissait pas transparaître une apparence d'impartialité ou d'objectivité à l'égard du demandeur.
[62] Le fait que le demandeur ait soulevé cet argument dès le début de la procédure de sélection contribue à la légitimité de ses prétentions.
[63] Je suis d'avis que l'arbitre de grief, en appliquant des critères étrangers au principe d'impartialité, a commis une erreur de droit.
[64] Il apparaît clair de la preuve, qu'une histoire marquée par une profonde mésentente sur une période de plus de 10 ans existait entre le demandeur et monsieur Shaw. Il est difficile de croire comment monsieur Shaw aurait pu donner l'apparence qu'il pourrait faire abstraction de cette histoire lors de l'évaluation du demandeur.
[65] Je n'ai donc aucune hésitation à conclure que l'intervention de la Cour, dans ces circonstances, est tout à fait justifiée.
[66] Par ailleurs, je demeure perplexe quant aux conséquences de la présente ordonnance. Je n'ai d'autre choix que de retourner le dossier à un nouvel arbitre de grief pour une nouvelle audition. Cependant, le dommage causé par la participation de M. Shaw au comité d'évaluation ayant été jugée acceptable, conclusion que je considère inopportune, demeure.
[67] Lors de l'audience, et bien qu'elle soit hors délai, j'ai fortement suggéré au demandeur de présenter une demande de contrôle judiciaire à l'encontre de la décision de la Commission en date du 2 janvier 1997 rejetant sa plainte (voir paragraphe 20 de la présente ordonnance). Sans vouloir présumer du résultat, je suis d'avis que le demandeur aurait intérêt à soulever la question de la légitimité de la participation de monsieur Shaw au comité d'évaluation.
[68] À mon avis, la question fondamentale qui aura été identifiée par la présente ordonnance est que, vu la participation de M. Shaw au comité de sélection, ce dernier ayant un historique de plus de 10 ans de controverse sérieuse avec le demandeur, il n'y a pas eu apparence d'impartialité dans le travail du comité.
[69] Il n'était pas nécessaire, comme le suggérait la procureure du défendeur, de démontrer qu'une faute particulière avait été commise par le comité d'évaluation afin de rendre sa décision inacceptable; tout comme il n'est pas nécessaire de démontrer une erreur flagrante dans un dossier où le décideur serait en conflit d'intérêts avec l'une des parties. En effet, la simple démonstration du conflit d'intérêts est suffisante pour entacher la décision d'un vice fatal.
[70] Lorsque madame Alain a décidé de faire appel à M. Shaw et qu'elle a constaté l'opposition ferme du demandeur, vu les circonstances et l'historique des relations entre les deux personnes, elle aurait été bien avisée de se chercher un autre conseiller.
[71] Malheureusement, je ne crois pas qu'une nouvelle audition par un autre arbitre de grief réussisse à corriger le vice de procédure antérieur ainsi que le préjudice causé au demandeur depuis.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE que la décision de l'arbitre de grief soit annulée à toute fin que de droit, et que le dossier soit retourné devant un nouvel arbitre de grief pour être reconsidéré en tenant compte des commentaires et conclusions de la présente décision.
« Pierre Blais »
J.C.F.C.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-4-02
INTITULÉ : CARMEL FORTIN et PROCUREUR GÉNÉRAL DU
CANADA
LIEU DE L'AUDIENCE : FREDERICTON
DATE DE L'AUDIENCE : LE 8 JANVIER 2003
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE DU JUGE BLAIS
DATE : LE 23 JANVIER 2003
COMPARUTIONS :
CARMEL FORTIN POUR LE DEMANDEUR AGISSANT POUR SON PROPRE CHEF
RENÉE ROY POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
MORRIS ROSENBERG, POUR LE DÉFENDEUR
SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA