Date : 20040702
Dossier : IMM-3106-03
Référence : 2004 CF 927
ENTRE :
Ejaz AKRAM
Partie demanderesse
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
Partie défenderesse
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE PINARD
[1] La demande de contrôle judiciaire vise une décision rendue le 7 avril 2003 par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la CISR) statuant que le demandeur n'est ni un « réfugié » au sens de la Convention, ni une « personne à protéger » suivant les définitions données aux articles 96 et 97 respectivement de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27.
[2] Ejaz Akram (le demandeur) est un citoyen du Pakistan qui allègue avoir une crainte bien fondée de persécution dans son pays en raison de ses opinions politiques réelles et imputées. Plus particulièrement, il allègue craindre en raison de son appartenance au Pakistan Muslim League et au Pakistan Muslim League Nawaz Sharif . Le demandeur allègue aussi être une personne à protéger.
[3] La CISR a conclu que le demandeur n'était pas crédible en raison des nombreuses incohérences et invraisemblances dans son récit, et aussi parce que son comportement était incompatible avec sa crainte alléguée.
[4] Le demandeur soumet que la CISR a erré en rejetant d'un bloc toute la preuve qu'il lui a présentée; il soumet en outre que la déclaration de la CISR à l'effet qu'il est facile d'obtenir de faux documents au Pakistan a créé une apparence de partialité. À la fin de sa décision, la CISR indique que l'effet cumulatif de ses conclusions au sujet du manque de crédibilité du demandeur l'amène à n'accorder aucune valeur probante aux pièces P-5, P-6, P-9, P-10 et P-11. La preuve ainsi rejetée par la CISR comporte le Premier rapport d'information (PRI), le mandat d'arrestation émis contre le demandeur et quelques lettres appuyant les allégations de ce dernier. Je suis d'avis que la CISR a erré en rejetant toutes ces pièces sans plus d'explications. Il importe de remarquer que la pièce P-9 est une lettre datée du 17 décembre 2002 d'un avocat qui appuie les allégations du demandeur au sujet du PRI et du mandat d'arrestation émis contre lui. La pièce P-10 est le PRI lui-même et la pièce P-11 est le mandat d'arrestation. Puisque la CISR a conclu que le demandeur n'était pas crédible en regard de son allégation qu'un PRI et un mandat d'arrestation avaient été émis contre lui, la CISR se devait d'expliquer comment elle réconciliait cette conclusion avec les pièces P-9, P-10 et P-11. La CISR a justifié son rejet des pièces concernées par l'existence de la pièce A-3 qui, selon elle, indique qu'il est facile d'obtenir des documents frauduleux au Pakistan. Toutefois, il est impossible de vérifier le contenu de la pièce A-3, celle-ci n'étant qu'un index de documents dans le dossier du tribunal (Aliaj c. Canada (M.C.I.), [2003] CF 1356). Par conséquent, compte tenu des circonstances particulières du présent cas, je suis d'avis qu'en rejetant en bloc la preuve soumise par le demandeur et qu'en manquant à son devoir d'inclure dans le dossier du tribunal toute la preuve sur laquelle elle s'est expressément référée pour rendre sa décision, la CISR a commis de sérieuses erreurs.
[5] Par ailleurs, la CISR a conclu à un manque de crainte subjective parce que le demandeur a attendu presque un mois avant de quitter le Pakistan. Il est vrai que si ce dernier continuait à vivre sa vie de tous les jours dans son village, un délai d'un mois pourrait porter atteinte à la crédibilité de sa crainte subjective. Cependant, il importe de remarquer que pour la durée de ce mois, le demandeur vivait en clandestinité à Islamabad en attendant que son agent organise son départ. La CISR a aussi noté que le demandeur n'a pas revendiqué le statut de réfugié immédiatement lors de son arrivée au Canada le 22 novembre 2001, mais qu'il n'a fait connaître son intention de revendiquer le statut de réfugié que le 6 décembre 2001. Le délai à revendiquer le statut de réfugié est parfois un indice significatif du manque de fondement de la crainte de persécution alléguée; en l'espèce, toutefois, je suis d'avis que les courts délais reprochés au demandeur sont insignifiants et qu'ils ne peuvent miner la crédibilité de sa crainte subjective.
[6] Toutes ces erreurs sont suffisantes, à mon sens, pour justifier l'intervention de cette Cour. La décision en cause est donc annulée et l'affaire, renvoyée devant la CISR différemment constituée pour reconsidération.
JUGE
OTTAWA (ONTARIO)
Le 2 juillet 2004
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-3106-03
INTITULÉ : Ejaz AKRAM c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L'AUDIENCE : Le 22 juin 2004
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : Le juge Pinard
DATE DES MOTIFS : Le 2 juillet 2004
COMPARUTIONS :
Me Eveline Fiset POUR LA PARTIE DEMANDERESSE
Me Ian Demers POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Eveline Fiset POUR LA PARTIE DEMANDERESSE
Montréal (Québec)
Morris Rosenberg POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE
Sous-procureur général du Canada
Ottawa (Ontario)