Date : 20031211
Dossier : IMM-1784-02
Ottawa (Ontario), le 11 décembre 2003
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JAMES RUSSELL
ENTRE :
THUSHARA DHAMENDRA MADURASINGHE
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire visant la décision (la décision) de l'agent des visas Mark Giralt (l'agent des visas), prise en date du 20 février 2002, de rejeter la demande de résidence permanente de Thushara Dhamendra Madurasinghe (le demandeur).
CONTEXTE
[2] Le demandeur a présenté une demande de visa d'immigrant au Canada à titre de membre de la catégorie des travailleurs qualifiés/immigrants indépendants. Le Haut-commissariat du Canada à Colombo, au Sri Lanka, a reçu sa demande le 10 avril 2001. Le demandeur a rencontré l'agent des visas le 19 février 2002. Sa demande a été rejetée le lendemain. Dans sa décision, l'agent des visas a conclu que le demandeur ne pouvait pas se voir attribuer le nombre de points d'appréciation suffisant pour pouvoir immigrer au Canada dans la profession qu'il envisageait d'exercer.
[3] Le demandeur avait demandé d'être évalué pour la profession de « conseiller en agriculture » qui est décrite dans la Classification nationale des professions (la CNP). Il prétendait travailler comme conseiller en agriculture au Sri Lanka depuis juillet 1998. Il affirme qu'au moment de son entrevue, le 19 février 2002, il avait accumulé plus de trois ans et demi d'expérience dans cette profession.
[4] L'agent des visas a attribué au demandeur 69 points d'appréciation au total, dont deux points pour son expérience en tant que conseiller en agriculture. Pour en arriver à ces deux points, l'agent des visas a considéré que, comme il avait exercé les fonctions principales d'un conseiller en agriculture décrites dans la CNP pendant 273 jours de travail depuis juillet 1998, le demandeur possédait seulement une année d'expérience dans cette profession.
[5] Le nombre de 273 jours de travail s'explique par le fait que le demandeur a exercé des fonctions sur le terrain trois demi-journées par semaine pendant trois ans et demi depuis juillet 1998. L'agent des visas a considéré que le demandeur avait exercé les fonctions d'un conseiller en agriculture uniquement lorsqu'il avait fait du travail sur le terrain, par exemple des visites aux sites de culture de son employeur.
TEXTE PERTINENT
[6] Les fonctions d'un « conseiller en agriculture » décrites dans la CNP sont les suivantes :
a) conseiller et renseigner les exploitants agricoles sur la fertilisation et les méthodes de culture, les récoltes, les soins des animaux et de la volaille, la prévention des maladies, la gestion agricole, le financement des exploitations agricoles, la commercialisation et autres sujets reliés à l'agriculture;
b) préparer et diriger des séances consultatives d'information et des exposés à l'intention des exploitants agricoles et autres groupes;
c) faire des recherches, analyser les données agricoles et rédiger des rapports de recherche;
d) consulter des chercheurs, des agents d'éducation et des dirigeants gouvernementaux et d'entreprise sur les problèmes du domaine de l'exploitation agricole et de l'agriculture;
e) tenir des registres des services fournis et des résultats obtenus à la suite de la prestation des services consultatifs.
QUESTIONS EN LITIGE
[7] Le demandeur soulève les questions suivantes :
L'agent des visas a-t-il tiré une conclusion de fait abusive ou omis de prendre en considération des éléments de preuve pertinents lorsqu'il a conclu que le demandeur possédait seulement une année d'expérience à titre de conseiller en agriculture?
L'agent des visas a-t-il entravé l'exercice de son pouvoir discrétionnaire en interprétant de manière trop restrictive les fonctions principales d'un conseiller en agriculture?
L'agent des visas a-t-il manqué à son obligation d'équité à l'égard du demandeur en ne donnant pas à ce dernier la possibilité de répondre à ses préoccupations concernant son expérience à titre de conseiller en agriculture?
PRÉTENTIONS
Conclusions de fait abusives et éléments de preuve omis
[8] Le demandeur prétend que la description des fonctions d'un conseiller en agriculture qui figure dans la CNP inclut d'autres activités que celles effectuées sur le terrain et qu'il a exercé d'autres fonctions qui sont comprises dans cette description. Ainsi, une lettre écrite par son employeur (Lassana Flora (Pvt) Limited) le 10 janvier 2001 confirme qu'il était notamment chargé [traduction] « de l'enregistrement de données et de la rédaction de rapports sur des activités menées sur le terrain, au moyen d'analyses statistiques » . Le demandeur fait valoir que ces activités sont incluses dans les fonctions principales décrites dans la CNP, en particulier dans celles faisant l'objet des alinéas c) et e).
[9] Le demandeur prétend également que la même lettre de recommandation confirme qu'il était également chargé [traduction] « de la réalisation d'études de faisabilité sur les possibilités d'investissement dans les industries de la culture et du bétail et dans le secteur horticole et de la rédaction de rapports d'évaluation de projets à cet égard » . Selon lui, ces activités sont comprises dans les fonctions décrites à l'alinéa c) de la CNP.
[10] Le demandeur souligne que la lettre de recommandation confirme également qu'il [traduction] « transmet toutes les recommandations » au conseil d'administration de la compagnie, après qu'il a visité les sites de culture, et qu'il devait [traduction] « faire rapport au conseil d'administration au sujet de toutes les recommandations et mesures devant être mises en oeuvre relativement à de nouvelles acquisitions de matières premières, de pièces d'équipement et d'outils » . Selon lui, comme le conseil d'administration peut être considéré comme des « dirigeants d'entreprise » et que la compagnie se livre à la culture de produits agricoles (fleurs), ces activités sont incluses dans celles décrites à l'alinéa d) de la CNP.
[11] Selon les notes versées dans le STIDI, le demandeur a confirmé, lors de son entrevue, qu'il exerçait ces fonctions :
[traduction] « Retourne à son bureau à Rajagiriya et rédige un rapport exposant les détails de sa visite. »
« Effectue des études de faisabilité des projets éventuels. Rédige un rapport d'évaluation. »
Effectue des « études de marché concernant la production et des questions connexes à l'aide de données provenant de sources officielles » .
[12] Le demandeur conclut que l'agent des visas n'a pas, lorsqu'il a apprécié son expérience en tant que conseiller en agriculture, tenu compte de ces fonctions additionnelles qui, toutes, sont incluses dans les fonctions principales d'un conseiller en agriculture décrites dans la CNP.
Entrave inacceptable de l'exercice du pouvoir discrétionnaire
[13] Le demandeur prétend qu'il est bien établi qu'un agent des visas commet une erreur susceptible de contrôle s'il entrave indûment l'exercice de son pouvoir discrétionnaire.
[14] Le demandeur fait valoir que l'agent des visas a commis une erreur susceptible de contrôle en ne tenant pas compte des autres fonctions que celles exercées sur le terrain qui sont incluses dans les fonctions principales d'un conseiller en agriculture décrites dans la CNP et qu'il a entravé indûment l'exercice de son pouvoir discrétionnaire en décidant que seules les activités effectuées sur le terrain peuvent constituer de l'expérience suivant la description des fonctions d'un conseiller en agriculture contenue dans la CNP.
Interprétation trop restrictive des lignes directrices de la CNP
[15] Le demandeur prétend que l'agent des visas a interprété l'étendue des fonctions d'un conseiller en agriculture de manière plus restrictive que ce qu'exige la description de la CNP, laquelle sert à évaluer les demandeurs indépendants, et qu'il lui a, en conséquence, attribué moins de points d'appréciation pour l'expérience professionnelle qu'il aurait dû, de sorte qu'il ne l'a pas traité de manière équitable.
Manquement à l'obligation d'agir équitablement
[16] Le demandeur soutient finalement que l'obligation d'équité exige, dans certaines circonstances, que l'agent des visas fasse part de ses préoccupations au demandeur et qu'il lui donne la possibilité d'y répondre (Fong c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1990] 3 C.F. 705 (1re inst.); Basco c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1991] A.C.F. no 406, 43 F.T.R. 233, 14 Imm. L.R. (2d) 21 (Q.L.) (1re inst.); Yang c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1989] A.C.F. no 218).
[17] Le demandeur rappelle que la Cour d'appel fédérale a indiqué, dans l'arrêt Muliadi c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1986] 2 C.F. 205, à la page 215, que, « avant de statuer sur la demande et de prendre la décision à laquelle il était légalement tenu, l'agent [des visas] aurait dû informer l'appelant de l'appréciation négative et lui donner la possibilité de la corriger ou de la réfuter » .
[18] Le demandeur allègue qu'il a informé son conseil des préoccupations de l'agent des visas immédiatement après son entrevue au Haut-commissariat du Canada le 19 février 2002. Son conseil a répondu à ces préoccupations dans une lettre transmise à l'agent des visas par télécopieur le 20 février 2002. Or, l'agent des visas avait déjà rendu sa décision à ce moment. Le demandeur soutient que, comme l'agent des visas savait qu'il était représenté par un conseil, il devait lui donner suffisamment de temps pour qu'il puisse le consulter et pour que son conseil puisse répondre aux préoccupations exprimées. Le demandeur fait valoir qu'en ne le faisant pas l'agent des visas n'a pas agi de manière équitable à son endroit.
ANALYSE
Norme de contrôle
[19] Dans la décision Hao c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 296, la juge Reed a appliqué la méthode pragmatique et fonctionnelle établie dans l'arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, pour déterminer la norme de contrôle applicable aux décisions des agents des visas. Elle a alors conclu qu'étant donné qu'il n'y avait pas de clause privative et qu'un droit d'appel était prévu par la loi la balance penchait du côté de la décision raisonnable simpliciter.
[20] Dans la décision Yin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.F. no 985 (1re inst.), le juge O'Keefe a analysé la norme de contrôle applicable aux décisions des agents des visas en utilisant l'approche pragmatique ou fonctionnelle (au paragraphe 20) :
1. Il n'y a pas de clause privative et il n'est pas nécessaire d'obtenir une autorisation avant de pouvoir présenter une demande de contrôle judiciaire [...]. Ces faits tendent à indiquer que la Cour doit faire preuve d'une moins grande retenue à l'égard de la décision de l'agent des visas.
2. En l'espèce, l'auteur de la décision est un agent d'immigration qui a été désigné par le ministre en vertu du paragraphe 109(2) de la Loi. Comme l'agent d'immigration est, dans le cas qui nous occupe, postée à l'extérieur du Canada, elle est désignée sous l'appellation d'agent des visas. Les agents des visas examinent régulièrement des demandes de visa et possèdent de vastes connaissances spécialisées dans ce domaine. Ces facteurs tendent eux aussi à indiquer que la Cour doit faire preuve d'une plus grande retenue à l'égard de la décision de l'agent des visas.
3. Aux termes de l'article 11 et de l'annexe I du Règlement sur l'immigration de 1978, l'agent des visas doit décider si le demandeur remplit les conditions requises pour obtenir un visa pour entrer au Canada. L'agent des visas dispose d'un large pouvoir discrétionnaire, mais il doit se guider sur l'annexe I. Il s'ensuit selon moi que la décision de l'agent des visas a droit à une plus grande retenue de la part de la Cour, mais pas à une retenue totale.
4. Le débat en l'espèce porte sur la constatation des faits et sur l'application de ces faits aux balises proposées par le Règlement. Ainsi, la question est une question mixte de droit et de fait et, pour cette raison, le degré de retenue judiciaire qu'il convient d'appliquer est celui du caractère raisonnable simpliciter.
[21] Le juge O'Keefe a donc décidé que la norme de contrôle qui s'applique à la décision prise par un agent des visas à l'égard d'une demande de résidence permanente est celle de la décision raisonnable simpliciter.
[22] Il existe toutefois un autre type de raisonnement suivant lequel il faut appliquer la norme de contrôle beaucoup plus rigoureuse établie dans l'arrêt Maple Lodge Farms c. Canada, [1982] 2 R.C.S. 2. Dans la décision Kalia c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] A.C.F. no 998 (1re inst.), le juge MacKay a appliqué l'arrêt Maple Lodge Farms, précité. Il a écrit ce qui suit au paragraphe 8 :
À mon avis, la norme de contrôle applicable à la décision discrétionnaire d'un agent des visas appelé à évaluer l'expérience d'un immigrant éventuel au regard d'une profession en particulier est bien établie. Ainsi que la Cour suprême du Canada l'a statué dans l'arrêt Maple Lodge Farms Ltd. c. Canada, [1982] 2 R.C.S. 2, une cour ne s'ingérera pas dans l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire conféré par la loi simplement parce qu'elle aurait exercé ce pouvoir différemment si la responsabilité lui en avait incombé. Lorsque le pouvoir discrétionnaire a été exercé de bonne foi et sans que l'on se fonde sur des considérations inappropriées ou étrangères, les cours ne devraient pas modifier la décision. En outre, la décision rendue dans cette affaire est essentiellement une décision de fait (voir l'arrêt rendu au nom de la Cour d'appel par M. le juge Mahoney dans Lim c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1991), 121 N.R. 241, 12 Imm. L.R. (2d) 161, [1991] A.C.F. no 8 (QL) (C.A.)). Lorsque la décision en question est une décision de fait, la Cour n'interviendra que si elle conclut que la décision est manifestement déraisonnable ou, en d'autres mots, comme le prévoit l'alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, et ses modifications, si la décision est fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire (voir les propos de M. le juge McKeown dans Sharma c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 1131, [2001] A.C.F. no 1562 (1re inst.) (QL)).
[23] La Cour d'appel fédérale a également considéré que l'arrêt Maple Lodge Farms, précité, établissait la norme de contrôle à appliquer aux décisions prises par les agents de visas. Dans l'arrêt To c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1996] A.C.F. no 696, elle a écrit ce qui suit au paragraphe 3 :
En l'espèce, l'agente d'immigration n'était pas convaincue que l'appelant avait soit le sens des affaires soit les ressources pécuniaires personnelles nécessaires pour établir une entreprise au pays. Nous sommes d'accord avec le juge en chef adjoint Jerome qu'il n'est pas justifié que la Cour intervienne. Dans l'arrêt Maple Lodge Farms Limited c. Gouvernement du Canada et al., [1982] 2 R.C.S. 2, aux pages 7 et 8, le juge McIntyre déclare ce qui suit au nom de la Cour :
C'est aussi une règle bien établie que les cours ne doivent pas s'ingérer dans l'exercice qu'un organisme désigné par la loi fait d'un pouvoir discrétionnaire simplement parce que la Cour aurait exercé ce pouvoir différemment si la responsabilité lui en avait incombé. Lorsque le pouvoir discrétionnaire accordé par la loi a été exercé de bonne foi et, si nécessaire, conformément aux principes de justice naturelle, si on ne s'est pas fondé sur des considérations inappropriées ou étrangères à l'objet de la loi, les cours ne devraient pas intervenir.
[24] Un autre facteur important dont il faut tenir compte pour déterminer la norme de contrôle applicable est la nature de la question dont la Cour est saisie. En l'espèce, on demande à la Cour de décider si l'agent des visas a appliqué correctement la description contenue dans la CNP. À mon avis, il s'agit d'une question de fait et de droit. Le juge Muldoon a examiné ce point au paragraphe 20 de la décision Lu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 1907 (1re inst.) :
Le fait qu'on doive utiliser une définition ou recourir au sens nous indique que la décision ne porte pas simplement sur une question de fait, mais qu'elle porte sur l'application des faits à la législation. Dans Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748, le juge Iacobucci déclare ceci :
En résumé, les questions de droit concernent la détermination du critère juridique applicable; les questions de fait portent sur ce qui s'est réellement passé entre les parties; et, enfin, les questions de droit et de fait consistent à déterminer si les faits satisfont au critère juridique.
[25] Je suis d'avis que, même si j'appliquais la norme de contrôle moins rigoureuse de la décision raisonnable simpliciter, la Cour ne devrait pas intervenir en l'espèce.
Fond du litige
[26] La thèse du demandeur porte essentiellement sur le fait que l'agent des visas a commis une erreur en ne lui attribuant que deux points d'appréciation pour l'expérience et sur le fait que l'agent des visas a calculé de manière trop restrictive la période de temps pendant laquelle il a exercé les fonctions principales décrites dans la CNP.
[27] L'agent des visas a déterminé que le demandeur avait exercé les fonctions principales d'un conseiller en agriculture une journée et demie par semaine (ou trois demi-journées par semaine) pendant trois ans et demi, ce qui équivaut à 273 jours de travail, soit une année de travail à temps plein. De plus, comme l'agent des visas le déclare dans son affidavit, le demandeur a confirmé qu'il n'a exercé les fonctions principales d'un conseiller en agriculture que pendant des visites sur le terrain. Il ressort des notes du STIDI que le demandeur a bien compris, lors de l'entrevue, l'explication donnée par l'agent des visas au sujet de la manière dont cette évaluation avait été faite et qu'il l'a acceptée.
[28] Le demandeur estime maintenant qu'il n'aurait pas dû le faire et que la lettre de son employeur du 10 janvier 2001 pourrait démontrer qu'il a exercé pendant plus longtemps les fonctions principales d'un conseiller en agriculture.
[29] La décision et les notes du STIDI indiquent clairement cependant que ces points ont été bien examinés avec le demandeur et que celui-ci a admis que ce n'est que lors de visites sur le terrain qu'il exerçait pleinement les fonctions d'un conseiller en agriculture. Il ressort clairement aussi des notes du STIDI que l'agent des visas a examiné les autres fonctions indiquées dans la lettre de l'employeur.
[30] En conséquence, il n'était pas déraisonnable que l'agent des visas arrive aux conclusions qu'il a tirées en ce qui concerne le nombre de points d'appréciation devant être attribués au demandeur pour son expérience. Il se peut bien que, de manière rétrospective, le demandeur estime qu'il aurait pu mieux démontrer son expérience (en particulier s'il a reçu 69 des 70 points requis). Cela ne fait cependant pas de la décision de l'agent des visas une décision susceptible de contrôle. La preuve n'indique pas que l'agent des visas a omis de prendre en considération des éléments de preuve pertinents, qu'il a interprété de manière trop restrictive la description contenue dans la CNP ou qu'il a entravé indûment l'exercice de son pouvoir discrétionnaire.
[31] Pendant l'entrevue, l'agent des visas a examiné à fond l'expérience du demandeur et a déterminé que ce dernier n'exerçait les fonctions principales décrites dans la CNP que lorsqu'il effectuait des visites sur le terrain. Il pouvait raisonnablement arriver à cette conclusion. L'agent des visas s'est intéressé aux autres fonctions principales, mais il a conclu, en se fondant sur les renseignements fournis par le demandeur, que celui-ci ne les avait pas exercées.
[32] En ce qui concerne l'obligation d'équité, l'agent des visas a fait part de ses préoccupations au demandeur et lui a donné la possibilité d'y répondre. Les notes du STIDI indiquent que ces préoccupations ont été discutées avec le demandeur :
[traduction] ai expliqué les raisons de l'appréciation à l'intéressé. Il les comprend et les accepte. Je lui accorde deux points pour une année d'expérience. [...] Ai informé le demandeur de mes préoccupations concernant son expérience dans la profession qu'il envisage d'exercer au Canada. Compte tenu de ses réponses et des renseignements contenus dans le dossier, je suis convaincu que le demandeur a exercé les fonctions principales de cette profession pendant un an. Le demandeur a répondu qu'un plus grand nombre de points devrait lui être accordé car le nombre de jours de travail au Sri Lanka est inférieur à celui existant au Canada. Je suis convaincu que le calcul de 273 jours correspond à une année d'expérience professionnelle.
Notes du STIDI, aux pages 6 et 7
[33] L'agent des visas confirme dans son affidavit que les notes du STIDI reflètent fidèlement son souvenir des événements et les facteurs dont il a tenu compte pour prendre sa décision, et que le calcul des points a été passé en revue avec le demandeur. Ce dernier aurait répondu qu'un plus grand nombre de points devrait lui être attribué car il y a moins de jours de travail au Sri Lanka.
[34] Il ne fait aucun doute à mes yeux que l'agent des visas a fait part de ses préoccupations au demandeur et qu'il lui a expliqué les raisons de son appréciation. Le demandeur a indiqué qu'il comprenait et qu'il acceptait ces raisons. La seule chose qu'il a dite au cours de l'entrevue, c'est qu'un plus grand nombre de points devrait lui être attribué parce que les jours de travail sont moins nombreux au Sri Lanka qu'au Canada. L'agent des visas a tenu compte de ce commentaire, mais a conclu, comme il lui était raisonnable de le faire, que, selon son évaluation, le demandeur ne possédait qu'une année d'expérience.
[35] Il n'incombait pas à l'agent des visas de permettre au conseil du demandeur de répondre à ses préoccupations, en particulier lorsque la preuve versée au dossier n'indique pas qu'une telle demande a été faite par le demandeur. En l'espèce, le demandeur a eu la possibilité de répondre aux préoccupations de l'agent des visas, mais ses réponses n'ont pas convaincu ce dernier. Laisser entendre que l'agent de visas doit alors laisser au demandeur un délai suffisant pour lui permettre de consulter son conseil - alors qu'une telle consultation n'a même pas été demandée - imposerait à l'agent des visas une obligation que la Cour n'a pas reconnue jusqu'ici.
[36] Comme le juge Rothstein l'a indiqué dans la décision Dhillon c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 574 (1re inst.) :
3. ... Un agent des visas peut offrir de l'aide, donner des conseils ou obtenir des éclaircissements. Toutefois, la loi n'impose nullement aux agents des visas l'obligation de le faire. L'agent des visas n'était nullement tenu de donner à la demanderesse une autre possibilité de clarifier ou d'expliquer la preuve qui avait été produite.
4. Je conclus que l'agent des visas n'a pas eu tort de n'avoir pas accordé à la demanderesse la possibilité de donner d'autres éclaircissements. La demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.
[37] Pour ces motifs, je conclus que l'agent des visas n'a pas manqué à l'obligation d'équité en l'espèce en rendant sa décision avant que le conseil du demandeur ait répondu aux préoccupations exprimées lors de l'entrevue.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE :
1. La demande est rejetée.
2. Aucune question n'est certifiée.
« James Russell » Juge
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-1784-02
INTITULÉ : THUSHARA DHAMENDRA MADURASINGHE
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE LUNDI 27 OCTOBRE 2003
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE RUSSELL
DATE DES MOTIFS : LE 11 DÉCEMBRE 2003
COMPARUTIONS :
Michael Korman POUR LE DEMANDEUR
Angela Marinos POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Otis & Korman POUR LE DEMANDEUR
Avocats
Toronto (Ontario)
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada