Dossier : IMM-1797-05
Toronto (Ontario), le 9 novembre 2005
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE VON FINCKENSTEIN
ENTRE :
Wei Ting XU
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
(Prononcés à l'audience et subséquemment consignés par écrit pour plus de clarté et de précision)
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire qui vise la décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a statué, le 2 mars 2005, que le demandeur n'est ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger.
[2] Le demandeur, Wei Ting Xu, est arrivé au Canada depuis la République populaire de Chine (RPC) le 14 janvier 2004. Il soutient qu'il est devenu un adepte du Falun Gong en octobre 2002, tout en sachant que la pratique de cette religion était interdite dans la RPC.
[3] Avant la tenue de l'audience, la Commission a averti le demandeur qu'elle devait s'assurer de son identité et elle lui a demandé de transmettre l'original de sa carte d'identité de résident chinois, ce que le demandeur a fait. L'agent de protection des réfugiés a examiné la carte d'identité du demandeur et a consigné, sur une photocopie, les mots suivants : [Traduction] « Carte (originale) vérifiée, OK. Retournée au demandeur[1] » . L'agent de protection des réfugiés a ensuite retourné l'original au demandeur.
[4] La Commission a rejeté la demande d'asile du demandeur après avoir conclu que la preuve comportait des contradictions et des invraisemblances au sujet des éléments suivants :
a) la date de naissance de la mère du demandeur;
b) le hukou du demandeur (il s'agit d'un certificat de résidence obligatoire pour les citoyens chinois);
c) l'historique d'emploi du demandeur.
[5] La Commission a jugé que les questions essentielles dans cette demande d'asile étaient l'identité du demandeur et la crédibilité des événements allégués. À la lumière des contradictions qu'elle a relevées dans les trois éléments de preuve mentionnés ci-dessus et compte tenu de la preuve documentaire selon laquelle [Traduction] « il est possible de se procurer des fausses cartes et des cartes authentiques obtenues frauduleusement, et de tels documents circulent[2] » , la Commission a statué que la carte d'identité de résident chinois du demandeur était fausse ou avait été obtenue de manière frauduleuse.
[6] Les parties ne contestent pas que la norme de contrôle applicable à l'évaluation des pièces d'identité soit celle de la décision manifestement déraisonnable. (Voir Adar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1997), 132 F.T.R. 35).
[7] Au cours de l'audience, la Commission n'a jamais fait état des réserves qu'elle avait quant à la date de naissance de la mère, au hukou ou à l'historique d'emploi du demandeur. Elle n'a pas non plus abordé la question de l'authenticité de la carte d'identité de résident chinois.
[8] Il est bien établi qu'au cours d'une audience portant sur une demande d'asile, le demandeur doit avoir l'occasion d'expliquer les contradictions. (Voir Husein c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 726, au paragraphe 9.) La Commission n'a manifestement pas offert cette possibilité au demandeur en l'espèce.
[9] De surcroît, la Commission a demandé et reçu l'original de la carte d'identité de résident chinois. Elle n'a procédé à aucune expertise de ce document, et l'agent de protection des réfugiés a inscrit sur la photocopie de la carte : [Traduction] « Carte (originale) vérifiée, OK. Retournée au demandeur » . À l'audience, la Commission n'a pas abordé la question de l'authenticité de la carte d'identité, se limitant à ce bref commentaire : [traduction] « Il y est écrit " OK. Retournée au demandeur ". Rien n'indique si le document est conforme ou non. » [3] Étant donné que la Commission n'a jamais mis en cause l'authenticité de la carte d'identité ni demandé d'expertise à son égard, elle ne peut affirmer que le document est faux ou a été obtenu frauduleusement. Il n'y a pas de lien logique entre les conclusions de la Commission en ce qui concerne la date de naissance de la mère, le hukou ou l'historique d'emploi du demandeur et l'authenticité de sa carte d'identité de résident chinois.
[10] En conséquence, je conclus que la Commission a enfreint les règles d'équité procédurale en ce qu'elle a n'a pas donné au demandeur l'occasion d'expliquer les contradictions; je conclus également qu'elle a établi un lien manifestement déraisonnable entre l'authenticité de la carte d'identité de résident chinois et les contradictions concernant la date de naissance de la mère du demandeur, le hukou de ce dernier et son historique d'emploi.
[11] La présente demande sera donc accueillie.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE que la décision de la CISR en date du 2 mars 2005 soit annulée et que l'affaire soit renvoyée à un tribunal différemment constitué pour réexamen.
« K. von Finckenstein »
Juge
Traduction certifiée conforme
Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
INTITULÉ : Wei Ting XU
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 8 NOVEMBRE 2005
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LE JUGE VON FINCKENSTEIN
DATE DES MOTIFS : LE 9 NOVEMBRE 2005
COMPARUTIONS :
Shelley Levine POUR LE DEMANDEUR
Sally Thomas
John Pro POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Levine Associates
Toronto (Ontario) POUR LE DEMANDEUR
John H. Sims, c.r.
Sous-procureur général du Canada POUR LE DÉFENDEUR