Date : 20010409
Dossier : T-2061-99
Référence neutre : 2001 CFPI 303
Entre :
ABBOTT LABORATORIES
et ABBOTT LABORATORIES, LIMITED,
demanderesses,
- et -
LIFESCAN CANADA LTD., LIFESCAN, INC.
et SELFCARE, INC.,
défenderesses.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
Le juge Muldoon
[1] Il s'agit d'une requête déposée par les demanderesses, Abbott Laboratories et Abbott Laboratories, Limited, en vue d'autoriser un appel à l'encontre de l'ordonnance du protonotaire adjoint Giles, datée du 27 septembre 2000, et d'autoriser la radiation de certains paragraphes de la défense et demande reconventionnelle des défenderesses LifeScan Canada Ltd. et LifeScan, Inc. (LifeScan) ainsi que de la défense et demande reconventionnelle de Selfcare Inc. (Selfcare). Les demanderesses cherchent à obtenir :
...
2. [TRADUCTION] Une ordonnance de radiation des paragraphes 11, 12, 13 et 14 a)(2) et 14 b) (dans la mesure où il vise les produits de Bayer et Boehringer) de la défense et demande reconventionnelle modifiée de nouveau de Selfcare Inc., datée du 7 avril 2000 (la défense de Selfcare d'avril);
...
3. Une ordonnance de radiation du paragraphe 40 d) de la défense et demande reconventionnelle modifiée de nouveau de LifeScan Canada Ltd. et LifeScan, Inc., datée du 10 avril 2000 (la défense de LifeScan d'avril).
1. Les faits
L'action principale
[2] Les demanderesses ont intenté une action contre les défenderesses le 23 novembre 1999, alléguant la contrefaçon du brevet canadien n º 1226036 visant des lecteurs et appareils permettant la détection, la mesure et la surveillance des taux de glycémie. LifeScan et Selfcare ont contesté l'action, soutenant que le brevet n º 1226036 est invalide ou que leur produit n'en est pas une contrefaçon. Les défenderesses ont également présenté une défense d'acquiescement, de manque de diligence et de retard.
Les actes de procédure précédents
LifeScan
[3] La défense et demande reconventionnelle de LifeScan a été déposée le 21 février 2000. Elle a été modifiée une première fois en vertu de la règle 200 de la Cour en date du 3 mars 2000, et une seconde fois le 20 mars 2000.
[4] Par voie de requête datée du 22 mars 2000, les demanderesses ont cherché à faire radier les paragraphes 37, 38, 39 et des parties du paragraphe 40 de la défense et demande reconventionnelle modifiée à deux reprises de LifeScan, datée du 20 mars 2000. Les demanderesses ont en effet cherché à faire radier les moyens de défense de manque de diligence, de retard et de fin de non-recevoir pour acquiescement. La requête portait sur les paragraphes suivants :
[TRADUCTION] MANQUE DE DILIGENCE, RETARD ET FIN DE NON-RECEVOIR
36. LifeScan Canada vend au Canada le système de surveillance de la glycémie FastTake depuis au moins avril 1998. Les demanderesses ont eu connaissance de ces ventes à compter de cette date.
37. Bayer Inc. vend ses bandelettes de surveillance de la glycémie Glucometer Elite (les bandelettes Glucometer) au Canada depuis au moins 1993 et à l'étranger par l'entremise de sociétés liées depuis au moins 1992. Les bandelettes Glucometer fonctionnent électrochimiquement et servent à la détection, à la mesure et à la surveillance sélectives de la glycémie dans un échantillon de sang. Les demanderesses ont eu connaissance de ces ventes à compter de cette date.
38. Boehringer Mannheim Canada Ltd. (maintenant Hoffmann-La Roche Limitée) vend ses bandelettes de surveillance de la glycémie Accuchek Advantage (les bandelettes Accuchek) au Canada et à l'étranger par l'entremise de sociétés liées depuis au moins 1994. Les bandelettes Accuchek fonctionnent électrochimiquement et servent à la détection, à la mesure et à la surveillance sélectives de la glycémie dans un échantillon de sang. Les demanderesses ont eu connaissance de ces ventes à compter de cette date.
39. Les demanderesses n'ont pas intenté d'action en contrefaçon du brevet 036 contre Bayer Inc. ni contre Boehringer Mannheim Canada Ltd. (maintenant Hoffmann-La Roche Limitée) au Canada, ni intenté d'action en contrefaçon à l'égard de tout brevet étranger correspondant au brevet 036 dans un autre pays.
40. À titre subsidiaire, les défenderesses LifeScan déclarent que les demanderesses sont empêchées par une fin de non-recevoir d'alléguer de prétendus droits de brevet, d'intenter la présente action ou, à titre subsidiaire, de réclamer des dommages-intérêts ou les profits de la vente au Canada du système de surveillance de la glycémie FastTake ou, à titre plus subsidiaire encore, n'ont pas le droit ou qu'on devrait leur refuser le droit d'intenter une poursuite pour obtenir la restitution équitable des profits réalisés et une injonction permanente, pour des raisons de manque de diligence et de fin de non-recevoir pour acquiescement, manque de diligence ou retard imputables :
a) à la connaissance par les demanderesses (et à la connaissance par les prédécesseurs en titre des demanderesses) des activités de contrefaçon alléguées des défenderesses LifeScan;
b) aux observations des demanderesses (et de leurs prédécesseurs en titre) à Selfcare, Inc. indiquant qu'elles ne considéraient pas les bandelettes de test FastTake, Glucometer ou Accuchek comme des contrefaçons du brevet 036, sur lesquelles elles se sont appuyées, et au fait que les demanderesses (et leurs prédécesseurs en titre) ont autorisé les défenderesses LifeScan à poursuivre les activités de contrefaçon alléguées, tous faits portant préjudice aux défenderesses LifeScan;
c) au retard et à l'acquiescement dont ont fait preuve les demanderesses, et leurs prédécesseurs en titre, avant d'engager la présente action;
d) au fait que ni les demanderesses ni leur prédécesseurs en titre n'ont intenté d'action pour contrefaçon du brevet 036 contre Bayer Inc. ou contre Boehringer Mannheim Canada Ltd. (maintenant Hoffmann-La Roche Limitée) ou, dans d'autres pays, contre leurs sociétés liées respectives.
[5] Le 27 mars 2000, le protonotaire Lafrenière a radié les paragraphes 37 et 38 de la défense et demande reconventionnelle modifiée à deux reprises de LifeScan, en date du 20 mars 2000, accordant l'autorisation de modification suivante :
1 [TRADUCTION] Les paragraphes 37 et 38 de la défense et demande reconventionnelle modifiée à deux reprises de LifeScan Canada Ltd. et LifeScan, Inc. sont radiés et LifeScan Canada Ltd. et LifeScan, Inc. sont autorisées à les modifier.
2. Les défenderesses LifeScan Canada Ltd. et LifeScan, Inc. doivent déposer et signifier une nouvelle défense et demande reconventionnelle modifiée, le cas échéant, au plus tard le 10 avril 2000.
3. Les demanderesses doivent déposer et signifier une réponse et défense reconventionnelle, le cas échéant, au plus tard le 25 avril 2000.
4. Dépens à suivre.
[6] Les demanderesses n'ont pas interjeté appel à l'encontre de l'ordonnance et, le 10 avril 2000, LifeScan a modifié sa défense et demande reconventionnelle comme suit :
[TRADUCTION] MANQUE DE DILIGENCE, RETARD ET FIN DE NON-RECEVOIR
36. LifeScan Canada vend au Canada les bandelettes de test FastTake pour usage dans un système de surveillance de la glycémie vendu sous la marque de commerce Système de surveillance de la glycémie FastTake depuis au moins avril 1998. Les demanderesses ont eu connaissance de ces ventes à compter de cette date.
37. Bayer Inc. vend ses bandelettes de surveillance de la glycémie Glucometer Elite (les bandelettes Glucometer) au Canada depuis au moins 1993 et à l'étranger par l'entremise de sociétés liées depuis au moins 1992. Les bandelettes Glucometer sont des lecteurs électrochimiques servant à la détection, à la mesure et à la surveillance sélectives de la glycémie dans un échantillon de sang. Les demanderesses ont eu connaissance de ces ventes à compter de cette date.
38. Boehringer Mannheim Canada Ltd. (maintenant Hoffmann-La Roche Limitée) vend ses bandelettes de surveillance de la glycémie Accuchek Advantage (les bandelettes Accuchek) au Canada et à l'étranger par l'entremise de sociétés liées depuis au moins 1994. Les bandelettes Accuchek sont des lecteurs électrochimiques servant à la détection, à la mesure et à la surveillance sélectives de la glycémie dans un échantillon de sang. Les demanderesses ont eu connaissance de ces ventes à compter de cette date.
39. Les demanderesses n'ont pas intenté d'action en contrefaçon du brevet 036 contre Bayer Inc. ni contre Boehringer Mannheim Canada Ltd. (maintenant Hoffmann-La Roche Limitée) au Canada, ni intenté d'action en contrefaçon à l'égard de tout brevet étranger correspondant au brevet 036 dans un autre pays.
40. À titre subsidiaire, les défenderesses LifeScan déclarent que les demanderesses sont empêchées par une fin de non-recevoir d'alléguer de prétendus droits de brevet, d'intenter la présente action ou, à titre subsidiaire, de réclamer des dommages-intérêts ou les profits de la vente au Canada du Système de surveillance de la glycémie FastTake ou, à titre plus subsidiaire encore, n'ont pas le droit ou qu'on devrait leur refuser le droit d'intenter une poursuite pour obtenir la restitution équitable des profits réalisés et une injonction permanente, pour des raisons de manque de diligence et de fin de non-recevoir pour acquiescement, manque de diligence et retard imputables :
a) à la connaissance par les demanderesses (et à la connaissance par les prédécesseurs en titre des demanderesses) des activités de contrefaçon alléguées des défenderesses LifeScan;
b) aux observations des demanderesses (et de leurs prédécesseurs en titre) à Selfcare, Inc. indiquant qu'elles ne considéraient pas les bandelettes de test FastTake, Glucometer ou Accuchek comme des contrefaçons du brevet 036, sur lesquelles elles se sont appuyées, et au fait que les demanderesses (et leurs prédécesseurs en titre) ont autorisé les défenderesses LifeScan à poursuivre les activités de contrefaçon alléguées, tous faits portant préjudice aux défenderesses LifeScan;
c) au retard et à l'acquiescement dont ont fait preuve les demanderesses, et leurs prédécesseurs en titre, avant d'engager la présente action;
d) au fait que ni les demanderesses ni leur prédécesseurs en titre n'ont intenté d'action pour contrefaçon du brevet 036 contre Bayer Inc. ou contre Boehringer Mannheim Canada Ltd. (maintenant Hoffmann-La Roche Limitée) ou, dans d'autres pays, contre leurs sociétés liées respectives.
Selfcare
[7] La défense et demande reconventionnelle de Selfcare a été déposée le 10 février 2000. Elle a été modifiée en vertu de la règle 200 le 10 mars 2000.
[8] Par voie de requête, en date du 22 mars 2000, les demanderesses ont cherché à faire radier les paragraphes 11, 12, 13 et 14 de la défense et demande reconventionnelle modifiée de Selfcare, datée du 10 mars 2000. Comme pour LifeScan, les demanderesses ont cherché à faire radier les moyens de défense du manque de diligence, du retard et de la fin de non-recevoir pour acquiescement. La requête visait les paragraphes suivants :
[TRADUCTION] Manque de diligence et acquiescement
10. Lifescan Canada vend les bandelettes FastTake au Canada depuis au moins janvier 1998. Les demanderesses ont eu connaissance de ces ventes à compter de cette date.
11. Bayer Inc. (Bayer) vend ses bandelettes de surveillance de la glycémie Glucometer Elite au Canada depuis au moins 1990. Les demanderesses ont eu connaissance de ces ventes à compter de cette date. Les bandelettes de surveillance de la glycémie Glucometer Elite de Bayer sont des lecteurs électrochimiques servant à la détection, à la mesure ou à la surveillance sélectives de la glycémie dans un échantillon de sang.
12. Boehringer Mannheim (Boehringer) vend ses bandelettes de surveillance de la glycémie Accu-Chek au Canada depuis au moins le début des années 90. Les demanderesses ont eu connaissance de ces ventes à compter de cette date. Les bandelettes de surveillance de la glycémie Accu-Chek de Boehringer sont des lecteurs électrochimiques servant à la détection, à la mesure ou à la surveillance sélectives de la glycémie dans un échantillon de sang.
13. Les demanderesses n'ont pas intenté d'action en contrefaçon du brevet 036 contre Bayer ni contre Boehringer.
14. Selfcare déclare que les demanderesses sont empêchées par une fin de non-recevoir de faire valoir des droits allégués contre Selfcare, en raison du retard et de l'acquiescement des demanderesses, notamment le retard et l'acquiescement des prédécesseurs en titre des demanderesses avant d'engager la présente action contre Selfcare, et par le fait que ni les demanderesses ni leurs prédécesseurs en titre n'ont intenté d'action en contrefaçon du brevet 036 contre Bayer ou Boehringer. Les demanderesses et leurs prédécesseurs en titre ont fait valoir qu'ils ne considéraient pas le produit des défenderesses ni les produits de Bayer et Boehringer mentionnés précédemment comme des contrefaçons à l'égard des droits allégués du brevet 036. Selfcare a fait valoir le préjudice que ces observations lui avaient causé dans ses activités commerciales et, en particulier, dans ses activités de recherche et de développement ainsi que dans la création et le développement d'un marché pour les systèmes et les bandelettes de surveillance de la glycémie FastTake.
15. Selfcare déclare que les demanderesses sont empêchées par une fin de non-recevoir d'engager la présente action, ou, à titre subsidiaire, d'obtenir une réparation pour l'importation ou la vente des bandelettes FastTake, pour manque de diligence et acquiescement.
[9] Le 27 mars 2000, le protonotaire Lafrenière a radié les paragraphes 11, 12 et 14 de la défense et demande reconventionnelle modifiée de Selfcare, autorisant la modification suivante :
1. Les paragraphes 11, 12 et 14 de la défense et demande reconventionnelle modifiée de Selfcare, Inc. sont radiés et Selfcare, Inc. est autorisée à les modifier.
2. La défenderesse Selfcare, Inc. doit déposer et signifier une nouvelle défense et demande reconventionnelle modifiée, le cas échéant, au plus tard le 10 avril 2000.
3. Les demanderesses doivent déposer et signifier une réponse et défense reconventionnelle, le cas échéant, au plus tard le 25 avril 2000.
4. Dépens à suivre.
[10] Les demanderesses n'ont pas interjeté appel à l'encontre de l'ordonnance et, le 7 avril 2000, Selfcare a de nouveau modifié sa défense et demande reconventionnelle :
[TRADUCTION] Manque de diligence et acquiescement
10. Lifescan Canada vend au Canada les bandelettes de surveillance de la glycémie FastTake depuis au moins janvier 1998. Les demanderesses ont eu connaissance de ces ventes à compter de cette date. Les bandelettes de surveillance de la glycémie FastTake de Lifescan Canada sont des lecteurs électrochimiques servant à la détection, à la mesure ou à la surveillance de la glycémie dans un échantillon de sang.
11. Bayer Inc. (Bayer) vend ses bandelettes de surveillance de la glycémie Glucometer Elite au Canada depuis au moins le début des années 90. Les demanderesses ont eu connaissance de ces ventes à compter de cette date. Les bandelettes de surveillance de la glycémie Glucometer Elite de Bayer sont des lecteurs électrochimiques servant à la détection, à la mesure ou à la surveillance sélectives de la glycémie dans un échantillon de sang.
12. Boehringer Mannheim (Boehringer) vend ses bandelettes de surveillance de la glycémie Accu-Chek au Canada depuis au moins le début des années 90. Les demanderesses ont eu connaissance de ces ventes à compter de cette date. Les bandelettes de surveillance de la glycémie Accu-Chek de Boehringer sont des lecteurs électrochimiques servant à la détection, à la mesure ou à la surveillance sélectives de la glycémie dans un échantillon de sang.
13. Les demanderesses n'ont pas intenté d'action en contrefaçon du brevet 036 contre Bayer ni contre Boehringer.
14.a) Au vu des faits plaidés aux paragraphes 10 à 13, les demanderesses sont empêchées par une fin de non-recevoir de faire valoir tout droit allégué contre Selfcare, en raison du retard et de l'acquiescement des demanderesses,
1) notamment du retard indu et de l'acquiescement des prédécesseurs en titre des demanderesses eu égard à l'introduction de l'action contre Selfcare;
2) et du fait que ni les demanderesses ni leurs prédécesseurs en titre n'ont intenté d'action en contrefaçon du brevet 036 contre Bayer et Boehringer.
b) Les demanderesses et leurs prédécesseurs en titre, en raison du retard et de l'acquiescement mentionnés ci-dessus, ont indiqué à Selfcare qu'ils ne considéraient pas le produit des défenderesses ni les produits de Bayer et Boehringer mentionnés précédemment comme des contrefaçons à l'égard des droits allégués du brevet 036. Selfcare a fait valoir le préjudice que ces observations lui avaient causé dans ses activités commerciales et, en particulier, dans ses activités de recherche et de développement ainsi que dans la création et le développement d'un marché pour les systèmes et les bandelettes de surveillance de la glycémie FastTake. Par conséquent, les demanderesses sont empêchées par une fin de non-recevoir d'obtenir toute réparation des défenderesses.
c) À titre subsidiaire aux alinéas a) et b) ci-dessus, en raison des faits allégués, les demanderesses n'ont droit à aucune réparation équitable de la part des défenderesses, notamment à une réparation par voie d'injonction, de remise ou de restitution des profits .
15. Selfcare déclare que les demanderesses sont empêchées par une fin de non-recevoir d'engager la présente action, ou, à titre subsidiaire, d'obtenir une réparation pour l'importation ou la vente des bandelettes FastTake, pour manque de diligence et acquiescement.
Le présent appel
[11] Par la voie d'une requête en date du 25 avril 2000, les demanderesses ont cherché à obtenir la radiation des paragraphes 37, 38, 39 et des alinéas 40b) et 40d) de la défense et demande reconventionnelle modifiée de Lifescan, datée du 10 avril 2000. Les demanderesses ont également présenté une requête visant la radiation des paragraphes 11, 12, 13 et 14 de la défense et demande reconventionnelle modifiée de nouveau de Selfcare, datée du 7 avril 2000.
[12] Le 27 septembre 2000, le protonotaire adjoint Giles a prononcé les motifs qui suivent :
[TRADUCTION]
[l] Il s'agit de deux requêtes visant la radiation de paragraphes de deux défenses qui ne sont pas tout à fait identiques. Les paragraphes comportent des allégations au soutien de défenses de manque de diligence et d'acquiescement fondées sur la longue tolérance alléguée de la contrefaçon alléguée. Les requêtes en radiation ont été entendues à l'origine par le protonotaire Lafrenière qui a prononcé la radiation avec autorisation de modification, indiquant par là qu'une défense de manque de diligence ou d'acquiescement correctement plaidée devait être autorisée. Cette décision n'a pas été portée en appel, de sorte qu'il ne m'est pas loisible de considérer si ces défenses peuvent être plaidées avec succès.
[2] À la lecture des paragraphes alléguant les faits qui pourraient fonder la défense de manque de diligence ou d'acquiescement, il est manifeste qu'une similarité devrait être alléguée entre les produits des défenderesses et ceux des autres sociétés mentionnées qui ne sont pas des parties (Bayer Inc. (Bayer) and Boehringer Mannheim (Boehringer)). Il est également manifeste qu'il faut alléguer une relation quelconque entre le retard ou l'acquiescement et la conduite des défenderesses.
[3] La défense modifiée de Selfcare Inc., à mon avis, a satisfait au besoin d'alléguer la similarité entre ses bandelettes et celles de Bayer et Boehringer en décrivant les bandelettes au moyen des mêmes termes. En outre, les indications alléguées qui auraient été données à Selfcare Inc. et auxquelles Selfcare se serait fiée à son détriment sont exposées à l'alinéa 14b). La requête à l'égard de Selfcare est rejetée.
[4] En ce qui concerne la défense modifiée de Lifescan Canada Ltd. et de Lifescan, Inc., la description donnée au paragraphe 36 des bandelettes vendues par Lifescan Canada Ltd. n'est pas identique à celle des bandelettes qui auraient été vendues par Bayer et Boehringer, aux paragraphes 37 et 38.
[5] Donc, l'acte de procédure ne comporte pas de précisions suffisantes en ce qui concerne la relation entre les bandelettes de Bayer et Boehringer, d'une part, et les bandelettes de Lifescan Canada Ltd., d'autre part. Les paragraphes 37 et 38 seront radiés, les mots « intenté d'action en contrefaçon du brevet 036 contre Bayer Inc. ni contre Boehringer Mannheim Canada Ltd. (maintenant Hoffmann-La Roche Limitée) au Canada, ni » sont radiés au paragraphe 39 et les mots « Glucometer ou Accuchek » seront radiés à l'alinéa 40b).
ORDONNANCE
[6] La requête à l'endroit de Selfcare Inc. est rejetée. Les paragraphes 37 et 38, les mots « « intenté d'action en contrefaçon du brevet 036 contre Bayer Inc. ni contre Boehringer Mannheim Canada Ltd. (maintenant Hoffmann-La Roche Limitée) au Canada, ni » sont radiés au paragraphe 39 et les mots « Glucometer ou Accuchek » seront radiés à l'alinéa 40b) de la défense de Lifescan Canada Ltd. et Lifescan, Inc. Les défenderesses Lifescan paieront la moitié des dépens de la journée aux demanderesses et les demanderesses paieront la moitié des dépens de la journée à Selfcare Inc. Dépens à suivre dans l'un et l'autre cas.
2. Arguments
Les demanderesses
[13] Les demanderesses font valoir que le protonotaire adjoint Giles a commis une erreur de droit en jugeant qu'une défense de manque de diligence et d'acquiescement fondée sur la vente de produits par des tiers au litige peut être appuyée sur l'allégation d'une similarité entre les produits des défenderesses et ceux des tiers, et par la démonstration de quelque relation entre le retard et l'acquiescement à l'égard de ces tiers et la conduite des défenderesses.
[14] Les demanderesses ont concédé, au cours de la requête, qu'un défendeur nommément désigné peut plaider une défense de manque de diligence et d'acquiescement fondée sur le retard à l'égard d'un tiers au litige, mais seulement si le défendeur nommément désigné plaide des faits qui, s'ils sont établis, le placent dans la même position en equity que le tiers.
[15] Donc, pour plaider la défense de manque de diligence et d'acquiescement en l'espèce, les défenderesses doivent alléguer :
a) soit que le produit des défenderesses est identique aux produits des tiers ou sans différence importante (à la lumière des revendications du brevet);
b) soit que le produit des tiers contrevient au brevet faisant l'objet du litige.
[16] Les demanderesses soutiennent que les défenderesses n'ont pas indiqué, dans leurs actes de procédure, que leur produit est identique ou même similaire pour l'essentiel aux produits des tiers, et n'allèguent pas non plus que les produits des tiers entrent dans la portée du brevet faisant l'objet du litige. Les défenderesses se trouvent donc à ne pas avoir plaidé de faits leur permettant d'invoquer le retard et l'acquiescement à l'endroit des tiers qu'ils ont allégués. Puisque les défenderesses ont omis de plaider une relation entre leur produit et ceux des tiers, les allégations de manque de diligence et d'acquiescement devraient être radiées.
[17] Subsidiairement, les demanderesses plaident que le protonotaire adjoint Giles a commis une erreur en droit en jugeant qu'on satisfaisait à l'exigence de similarité en décrivant les produits en termes généraux. Il n'est possible de satisfaire à une exigence de similarité qu'en décrivant tous les produits à la lumière des revendications du brevet qui fait l'objet du litige.
Les défenderesses
[18] Les demanderesses ont concédé, en vue de la requête, que les défenderesses peuvent s'appuyer sur le retard ou l'inaction des demanderesses à l'endroit de tiers comme fondement d'une défense de manque de diligence et d'acquiescement. De plus, le protonotaire Lafrenière a jugé que les défenderesses pouvaient invoquer ces moyens de défense. Donc, la seule question dont était saisi le protonotaire adjoint Giles portait sur le point de savoir si les défenses et demandes reconventionnelles respectives des défenderesses comportaient suffisamment de précisions. Son ordonnance était discrétionnaire et ne devrait pas être modifiée en appel.
[19] Dans l'arrêt Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd.[1], la Cour d'appel fédérale a statué que l'ordonnance discrétionnaire du protonotaire ne devait pas être modifiée en appel à moins qu'elle ne soit entachée d'une erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir en vertu d'un mauvais principe ou d'une mauvaise appréciation des faits, ou qu'elle ne porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue de l'affaire. Dans l'affaire 1029894 Ontario Inc. c. Dolomite Svenska[2], Madame le juge Sharlow a statué que l'ordonnance du protonotaire visant le dépôt de précisions n'est pas une question ayant une influence déterminante sur l'issue de l'affaire et qu'il n'y a pas lieu d'intervenir en appel à moins qu'elle ne soit fondée sur une erreur de fait ou de droit.
[20] Dans l'arrêt Canada (P.G.) c. Inuit Tapirisat of Canada[3], la Cour suprême du Canada a statué que les actes de procédure ne doivent être radiés que dans les cas évidents et manifestes et lorsqu'il est au-delà de tout doute qu'ils sont voués à l'échec. Ce critère a été confirmé dans l'arrêt Hunt c. Carey Canada Inc.[4]
[21] Selfcare soutient que le protonotaire adjoint Giles n'a pas commis d'erreur en rejetant la requête introduite contre elle. Quoi qu'il en soit, Selfcare fait valoir que sa description du produit des défenderesses et des produits des tiers est suffisante parce qu'elle emploie les mêmes termes que les demanderesses à l'alinéa 13a) de leur déclaration :
[TRADUCTION]
13. Depuis au moins les premiers mois de 1998, les défenderesses ont importé et vendu au Canada des bandelettes électrodes pour usage dans un système de surveillance de la glycémie vendu sous le nom Système de surveillance de la glycémie FastTake. Ces bandelettes :
a) servent à la détection, à la mesure ou à la surveillance sélectives de la glycémie dans un échantillon de sang; ...
[22] LifeScan s'est engagée, pendant les débats, à modifier sa défense et demande reconventionnelle pour se conformer à l'ordonnance prononcée par le protonotaire adjoint Giles. Dans l'affaire Larden c. Canada[5], le protonotaire Hargrave a jugé qu'il faut autoriser une modification dans le cas où, la modification apportée, il se peut qu'une demande soit accueillie. La Cour ne peut refuser une modification que dans le cas où il n'y a pas le moindre soupçon de cause d'action. LifeScan propose la modification suivante pour se conformer à l'ordonnance du protonotaire adjoint Giles :
[TRADUCTION]
MANQUE DE DILIGENCE, RETARD ET FIN DE NON-RECEVOIR
36. Lifescan Canada vend au Canada les bandelettes de test FastTake pour usage dans un système de surveillance de la glycémie vendu sous la marque de commerce Système de surveillance de la glycémie FastTake depuis au moins avril 1998. Les bandelettes de test FastTake sont des lecteurs électrochimiques servant à la détection, à la mesure et à la surveillance sélectives de la glycémie dans un échantillon de sang. Les demanderesses ont eu connaissance de ces ventes à compter de cette date.
37. Bayer Inc. vend ses bandelettes de surveillance de la glycémie Glucometer Elite (les bandelettes Glucometer) au Canada depuis au moins 1993 et à l'étranger par l'entremise de sociétés liées depuis au moins 1992. Les bandelettes Glucometer sont des lecteurs électrochimiques servant à la détection, à la mesure et à la surveillance sélectives de la glycémie dans un échantillon de sang. Les demanderesses ont eu connaissance de ces ventes à compter de cette date.
38. Boehringer Mannheim Canada Ltd. (maintenant Hoffmann-La Roche Limitée) vend ses bandelettes de surveillance de la glycémie Accuchek Advantage (les bandelettes Accuchek) au Canada et à l'étranger par l'entremise de sociétés liées depuis au moins 1994. Les bandelettes Accuchek sont des lecteurs électrochimiques servant à la détection, à la mesure et à la surveillance sélectives de la glycémie dans un échantillon de sang. Les demanderesses ont eu connaissance de ces ventes à compter de cette date.
39. Les demanderesses n'ont pas intenté d'action en contrefaçon du brevet 036 contre Bayer Inc. ni contre Boehringer Mannheim Canada Ltd. (maintenant Hoffmann-La Roche Limitée) au Canada, ni intenté d'action en contrefaçon à l'égard de tout brevet étranger correspondant au brevet 036 dans un autre pays.
40. À titre subsidiaire, les défenderesses Lifescan déclarent que les demanderesses sont empêchées par une fin de non-recevoir d'alléguer de prétendus droits de brevet, d'intenter la présente action ou, à titre subsidiaire, de réclamer des dommages-intérêts ou les profits de la vente au Canada du Système de surveillance de la glycémie FastTake ou, à titre plus subsidiaire encore, n'ont pas le droit ou qu'on devrait leur refuser le droit d'intenter une poursuite pour obtenir la restitution équitable des profits réalisés et une injonction permanente, pour des raisons de manque de diligence et de fin de non-recevoir pour acquiescement, manque de diligence et retard imputables :
a) à la connaissance par les demanderesses (et à la connaissance par les prédécesseurs en titre des demanderesses) des activités de contrefaçon alléguées des défenderesses Lifescan;
b) aux observations des demanderesses (et de leurs prédécesseurs en titre) à Selfcare, Inc. indiquant qu'elles ne considéraient pas les bandelettes de test FastTake, Glucometer ou Accuchek comme des contrefaçons du brevet 036, sur lesquelles elles se sont appuyées, et au fait que les demanderesses (et leurs prédécesseurs en titre) ont autorisé les défenderesses Lifescan à poursuivre les activités de contrefaçon alléguées, tous faits portant préjudice aux défenderesses Lifescan;
c) au retard et à l'acquiescement dont ont fait preuve les demanderesses, et leurs prédécesseurs en titre, avant d'engager la présente action;
d) au fait que ni les demanderesses ni leur prédécesseurs en titre n'ont intenté d'action pour contrefaçon du brevet 036 contre Bayer Inc. ou contre Boehringer Mannheim Canada Ltd. (maintenant Hoffmann-La Roche Limitée) ou, dans d'autres pays, contre leurs sociétés liées respectives.
3. Décision
[23] La Cour donne raison aux défenderesses. Le critère qui s'applique aux demanderesses en l'espèce est celui qui a été formulé dans l'arrêt Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd. Les questions soulevées devant le protonotaire adjoint Giles n'avaient pas une influence déterminante sur l'issue de l'affaire et le protonotaire n'a pas exercé son pouvoir en vertu d'une mauvaise appréciation des faits. Mais, plaident les demanderesses, le protonotaire a exercé son pouvoir en vertu d'un mauvais principe, et elles proposent d'autres principes (voir le paragraphe 15 ci-dessus), sur le fondement desquels la Cour pourrait infirmer son ordonnance. Toutefois, ces arguments ont pour résultat de priver d'effet la décision du protonotaire Lafrenière. La requête dont était saisi le protonotaire adjoint Giles était fondamentalement une demande de précisions. Pour cette raison, sa décision appelle la retenue.
[24] L'appel est rejeté. L'ordonnance du protonotaire adjoint Giles rejetant la requête formée contre Selfcare est maintenue. Il est ordonné à Lifescan de modifier sa défense et demande reconventionnelle modifiée, datée du 10 avril 2000, conformément à l'engagement pris au cours des débats devant la Cour, au plus tard à la fermeture des bureaux le vendredi 27 avril 2001.
[25] Les dépens seront payés par les demanderesses aux défenderesses Lifescan conjointement et à Selfcare, Inc., quelle que soit l'issue de la cause, ou les parties peuvent s'entendre sur les dépens.
Juge
OTTAWA (Ontario)
le 9 avril 2001
Traduction certifiée conforme
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Richard Jacques, LL. L.
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
N º DU GREFFE : T-2061-99
INTITULÉ DE LA CAUSE : ABBOTT LABORATORIES ET AL. c.
LIFESCAN CANADA LTD. ET AL.
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO
DATE DE L'AUDIENCE : LE 4 DÉCEMBRE 2000
MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE MULDOON
EN DATE DU : 9 AVRIL 2001
ONT COMPARU :
DAVID M. REIVE POUR LES DEMANDERESSES
MICHAEL D. CRINSON
L.E. TRENT HORNE POUR LA DÉFENDERESSE
SELFCARE, INC.
R. SCOTT MacKENDRICK POUR LES DÉFENDERESSES
LIFESCAN CANADA LTD.
ET LIFESCAN, INC.
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
DIMOCK STRATTON CLARIZIO POUR LES DEMANDERESSES
TORONTO
SIM, HUGHES, ASHTON & McKAY POUR LA DÉFENDERESSE
TORONTO SELFCARE, INC.
AIRD & BERLIS POUR LES DÉFENDERESSES
TORONTO LIFESCAN CANADA LTD.
ET LIFESCAN, INC.
Date : 20010409
Dossier : T-2061-99
Référence neutre : 2001 CFPI 303
Ottawa (Ontario), le 9 avril 2001
En présence de Monsieur le juge Muldoon
Entre :
ABBOTT LABORATORIES et
ABBOTT LABORATORIES, LIMITED,
demanderesses,
- et -
LIFESCAN CANADA LTD., LIFESCAN, INC.
et SELFCARE, INC.,
défenderesses.
O R D O N N A N C E
Le juge Muldoon
Sur les appels ayant fait l'objet d'une audience à Toronto, le 4 décembre 2000,
[26i LA COUR ORDONNE que l'appel interjeté contre l'ordonnance du protonotaire adjoint datée du 27 septembre 2000 soit rejeté avec dépens.
[27i LA COUR ORDONNE EN OUTRE que la défenderesse LifeScan modifie sa défense et sa demande reconventionnelle modifiée, datée du 10 avril 2000, conformément aux engagements pris par l'avocat au cours de l'audience, au paragraphe 36 précité, au plus tard à la fermeture des bureaux le vendredi 27 avril 2001.
[28i LA COUR ORDONNE EN OUTRE que les dépens ci-dessus mentionnés soient payés par les demanderesses aux défenderesses LifeScan conjointement et à Selfcare, Inc., sans égard à l'issue de la cause, ou selon entente entre les parties.
Juge
Traduction certifiée conforme
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Richard Jacques, LL. L.