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Date : 20050909

Dossier : IMM-10132-04

Référence : 2005 CF 1230

Vancouver (Colombie-Britannique), le vendredi 9 septembre 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE ROULEAU

ENTRE :

                                                            RABAH BEDJAOUI,

                                            SAMIRA ZENATI et SLIM BEDJAOUI

                                                                                                                                        demandeurs

                                                                          - et -

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), visant la décision du 28 octobre 2004 par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a statué que les demandeurs n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger au terme des articles 96 et 97 de la LIPR. La Commission a conclu que les demandeurs n'avaient pas raison de craindre d'être persécutés en Algérie ni n'y couraient un risque, et elle a également conclu que le fondement objectif de leur crainte ne suffisait pas pour étayer leur demande d'asile.

[2]                Le demandeur principal (le demandeur), Rabah Bedjaoui, est un citoyen de l'Algérie. Son épouse, Samira Zenati, et son fils, Slim Bedjaoui, sont également des citoyens algériens et ils sont les deux autres demandeurs dans le cadre de la présente demande.

[3]                Le demandeur prétend craindre avec raison d'être persécuté en Algérie parce qu'il est berbère et qu'il est athée. Son épouse et son fils mineur allèguent la même crainte, ce dernier requérant en outre la protection en raison de sa crainte d'avoir à faire son service militaire en Algérie.

[4]                Le demandeur souligne aussi brièvement qu'il est berbère, et qu'il a été humilié, qu'on l'a traité incorrectement et que les intégristes sont intolérants à son endroit. Il soutient craindre d'être persécuté parce qu'il est berbère.

[5]                Le fils du demandeur prétend pour sa part craindre d'être persécuté parce qu'il refusera de faire son service militaire en Algérie lorsqu'il atteindra l'âge de la majorité. Il soutient qu'en raison de ce refus, il sera poursuivi pour désertion. Selon son témoignage, les extrémistes religieux le prendraient pour cible s'il devait joindre les rangs de l'armée.

[6]                La Commission a instruit la demande d'asile des demandeurs le 28 octobre 2004 et rendu sa décision oralement à l'audience. Les motifs ont ensuite été donnés par écrit le 16 novembre 2004. La Commission a conclu que les demandeurs n'étaient ni des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger.

[7]                La Commission a conclu que les demandeurs adultes n'avaient pas une crainte subjective ni une crainte bien fondée de persécution en Algérie.

[8]                La Commission a statué que le demandeur n'avait pas démontré l'existence d'un lien entre son origine berbère et la persécution. Selon la Commission, il se peut que le demandeur ait subi de la discrimination dans le passé mais, a-t-elle conclu, cette discrimination ne constitue pas un motif suffisant de protection.

[9]                En ce qui concerne les craintes du demandeur d'être persécuté parce qu'il est athée, la Commission a conclu que presque tous les problèmes des demandeurs étaient en rapport avec leur ancienne maison à Khrecia (ou Khraicia), qui se trouve à environ trente kilomètres d'Alger. Or, la famille avait déménagé à Alger et ne vivait plus à Khrecia depuis 1996. Elle y a cependant gardé officiellement résidence, ce qui constitue là la source de ses problèmes. La Commission a conclu que le demandeur aurait pu éviter « presque tous ces problèmes » en disposant de sa maison à Khrecia. La Commission était convaincue que les demandeurs auraient pu éviter les problèmes en quittant Khrecia, surtout qu'ils sont venus au Canada pour résoudre le problème.

[10]            La Commission a ensuite porté son attention sur les craintes objectives des demandeurs. Elle a fait remarquer que les demandeurs avaient vécu à Alger durant les sept ou huit dernières années sans y rencontrer de problèmes avant de venir au Canada. La Commission a toutefois concédé qu'il y avait toujours de la violence en Algérie, même s'il y avait davantage de sécurité dans les villes. Elle a conclu que, selon la prépondérance des probabilités, les demandeurs n'avaient pas été pris pour cibles personnellement, sauf à Khrecia, avec laquelle ils auraient pu rompre tout lien à n'importe quel moment après 1996.

[11]            En ce qui concerne le climat de violence en Algérie, la Commission signale également que le demandeur et son épouse ont travaillés dans la fonction publique en qualité de professionnels pendant 20 ans et qu'ils n'ont pas été pris pour cible de ce fait, pas plus qu'ils ne l'ont été a Alger depuis 1996.

[12]            Enfin, la Commission traite de l'éventuelle conscription du fils mineur du demandeur. Elle a conclu que la loi qui régit par la conscription est une loi d'application générale et que la Cour s'était inclinée devant de telles lois d'application générale, y compris des lois sur la conscription. La Commission a toutefois relevé deux exceptions, soit (i) si l'intéressé est un véritable objecteur de conscience, ou (ii) s'il refuse d'aller au combat pour participer à des actes qui ont été condamnés par la communauté internationale parce que contraires au droit international. Toutefois, ni l'une ni l'autre situation ne s'appliquait en l'espèce et la peine imposée actuellement à ceux qui refusent de faire leur service militaire ne constitue pas de la persécution et ne peut étayer une demande d'asile.


[13]            La Commission termine en concluant que les demandeurs ne sont ni des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger.

[14]            L'avocat des demandeurs a concédé d'entrée de jeu que ne serait pas contestée la conclusion de la Commission défavorable aux demandeurs adultes. La seule question soulevée par les demandeurs concerne l'absence d'analyse au sujet de l'éventuelle conscription de leur fils lorsqu'il atteindra l'âge de la majorité. La Commission a décidé que la Cour s'était inclinée dans le passé devant les lois d'application générale telles que celles sur la conscription. Dans la décision Moskvitchev c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1995] A.C.F. no 1744, le juge Dubé a examiné l'argument selon lequel un agent de révision des revendications refusées avait commis une erreur en concluant qu'une peine d'une durée de six mois à cinq ans n'était ni inhumaine ni excessive. Le juge Dubé a conclu que l'agent n'avait pas commis d'erreur. Les demandeurs laissent entendre qu'on aurait dû procéder à une analyse plus fouillée des craintes subjective et objective du fils mineur.

[15]            Le défendeur soutient pour sa part que le demandeur mineur et ses parents n'ont produit aucun élément de preuve rendant nécessaires des commentaires additionnels de la Commission.

[16]            La Commission a rejeté la prétention d'infiltration de l'armée par des extrémistes parce qu'aucun témoignage oral ni aucune preuve documentaire ne l'étayait. La Commission a conclu que cette question était purement spéculative.


[17]            Lorsqu'il a témoigné devant la Commission, le jeune homme, alors âgé de seize ans, a convenu que dans le passé sa famille était retournée en Algérie, après des visites faites en Allemagne, et qu'il [traduction] « n'avait pas eu peur » . [traduction] « Je ne veux pas faire mon service militaire, c'est tout. » En réponse à d'autres questions, il a aussi déclaré : [traduction] « Je voulais continuer d'aller à l'université et je voulais entrer dans l'armée ici, mais pas dans mon pays. »

[18]            Enfin, au moment où le commissaire allait terminer d'interroger le demandeur mineur, celui-ci a lancé : [traduction] « Je voulais seulement continuer d'étudier ici. »

[19]            Aucun élément de preuve quelconque n'a été présenté qui justifie une analyse complémentaire ou plus détaillée de la crainte subjective ou objective du demandeur mineur. Il est manifeste que celui-ci, d'après son propre témoignage, préférait demeurer au Canada pour y poursuivre ses études. Même si le demandeur mineur devait servir dans l'armée algérienne, la peine pouvant être imposée, comme l'a écrit le juge Dubé dans la décision Moskvitchev c. Canada, précitée, ne serait ni excessive ni inhumaine. La preuve documentaire révèle que les conscrits réfractaires se voient infliger des peines plus légères et, dans certains cas, ne font l'objet d'aucune poursuite. La présente demande de contrôle judiciaire est sans fondement et elle est par les présentes rejetée.

                                                                ORDONNANCE


LA COUR ORDONNE que la présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

                                                                                                                                      « P. Rouleau »                      

                                                                                                                                                     Juge                            

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        IMM-10132-04

INTITULÉ :                                       RABAH BEDJAOUI et al.

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L'AUDIENCE :               LE 7 SEPTEMBRE 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                      LE JUGE ROULEAU

DATE DES MOTIFS :                     LE 9 SEPTEMBRE 2005

COMPARUTIONS :

D. Blake Hobson                                                       POUR LES DEMANDEURS

Peter Bell                                                                  POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Hobson and Company                                               POUR LES DEMANDEURS

Surrey (C.-B.)

John H. Sims, c.r.                                                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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