Date : 20211215
Dossier : IMM-2701-17
Référence : 2021 CF 1421
[TRADUCTION FRANÇAISE]
St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador), le 15 décembre 2021
En présence de madame la juge Heneghan
ENTRE :
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NGAWANG LODOE
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demandeur
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
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défendeur
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MOTIFS ET JUGEMENT
[1] Monsieur Ngawang Lodoe (le demandeur) sollicite le contrôle judiciaire de la décision de la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié datée du 23 mai 2017. Dans sa décision, la SPR a conclu que le demandeur n’a ni la qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger aux termes de l’article 96 et du paragraphe 97(1), respectivement, de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi).
[2] Le demandeur est né en Inde en 1968 de parents tibétains (chinois). Il a vécu en Inde toute sa vie.
[3] En 2013, le demandeur a quitté l’Inde et s’est rendu aux États-Unis d’Amérique. Après y avoir fait un séjour de neuf mois, il est entré au Canada et a présenté une demande d’asile à titre de réfugié au sens de la Convention, conformément à l’article 159.5 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227.
[4] Le demandeur a présenté une demande d’asile au Canada sur le fondement de ses croyances religieuses et de ses activités politiques; il est un adepte de Sa Sainteté le dalaï-lama.
[5] La SPR a conclu, en se fondant sur la décision Tretsetsang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 398 D.L.R. (4e) 685, que le demandeur n’avait pas démontré qu’il avait pris des mesures raisonnables pour exercer les droits de citoyenneté en Inde dont peuvent se prévaloir les ressortissants tibétains.
[6] Dans la décision Tretsetsang, précitée, la Cour fédérale a adopté le critère du « contrôle »
énoncé au paragraphe 429 de la décision Williams c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] 3 RCF 429 :
[S]’il est en son pouvoir d’obtenir la citoyenneté d’un pays pour lequel il n’a aucune crainte fondée d’être persécuté, la qualité de réfugié sera refusée au demandeur.
[7] Le demandeur reconnaît que la Loi sur la citoyenneté de l’Inde prévoit que les Tibétains nés en Inde entre janvier 1950 et juillet 1987 ont droit à la citoyenneté par la naissance, mais il fait valoir que l’exercice de ce droit ne dépend pas de lui.
[8] Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le défendeur) soutient que la SPR n’a commis aucune erreur susceptible de contrôle.
[9] La décision de la SPR est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable.
[10] Selon la décision rendue dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 441 DLR (4e) 1 (CSC) au paragraphe 99, pour l’application de cette norme, la Cour doit se demander si la décision « possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle-ci »
.
[11] La SPR a mentionné les efforts limités déployés par le demandeur pour exercer son droit à la citoyenneté indienne. Elle a reconnu qu’il avait consulté des instructions sur la façon de demander la citoyenneté et que, quatre jours avant l’audience devant la SPR, il avait demandé à un ami en Inde de consulter un avocat pour savoir comment obtenir un certificat de naissance indien.
[12] La décision de la SPR, à la lumière de la décision Tretsetsang, précitée, est raisonnable. Dans cette dernière décision, la Cour fédérale a déclaré ce qui suit :
…
c) Si le droit à la citoyenneté est conféré en droit, mais que des éléments de preuve démontrent, selon la prépondérance des probabilités, que l’État ou ses fonctionnaires exercent — par dérogation à la loi — un pouvoir administratif par lequel ils refusent à leur discrétion la reconnaissance de ce droit (Dolma, Tashi et Sangmo), alors l’obtention de la citoyenneté échappe au contrôle du demandeur. Il peut s’agir d’une situation où le demandeur pourrait devoir intenter une action pour obtenir le respect de la loi. Il incombe alors au demandeur d’établir que des pratiques administratives le privent de son droit à la citoyenneté reconnu en principe par la loi.
d) Par conséquent, un demandeur sera généralement tenu de prendre des mesures raisonnables pour faire reconnaître son droit à la citoyenneté. Il est loisible à la Commission de tirer des inférences raisonnables s’il ne l’a pas fait. Lorsque le demandeur invoque des obstacles administratifs, il convient d’évaluer une telle déclaration, car elle constitue un élément substantiel et pertinent lorsqu’il s’agit de trancher la question relative au contrôle.
[13] S’appuyant sur la décision Cepeda-Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 1 CF 53, le demandeur fait valoir que la SPR a commis une erreur en omettant de tenir compte de la preuve documentaire contradictoire sur la question de savoir si les autorités indiennes reconnaissent les droits de citoyenneté des Tibétains nés en Inde. À mon avis, le traitement de la preuve documentaire contradictoire n’est pas la principale question soulevée dans la présente demande de contrôle judiciaire.
[14] La question essentielle est de savoir si le demandeur a pris des mesures raisonnables pour exercer son droit à la citoyenneté indienne, conformément à la décision Tretsetsang, précitée.
[15] À la lumière de la preuve contenue dans le dossier certifié du tribunal et des observations écrites et orales des parties, je suis convaincue que la décision de la SPR est raisonnable. La demande de contrôle judiciaire sera rejetée et il n’y a aucune question à certifier.
JUGEMENT dans le dossier IMM-2701-17
LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. L’affaire ne soulève aucune question à certifier.
« E. Heneghan »
Juge
Traduction certifiée conforme
Claude Leclerc
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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IMM-2701-17
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INTITULÉ :
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NGAWANG LODOE c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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PAR VIDÉOCONFÉRENCE ENTRE TORONTO (ONTARIO) ET ST. JOHN’S (TERRE-NEUVE-ET-LABRADOR)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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LE 7 DÉCEMBRE 2021
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MOTIFS ET JUGEMENT :
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LA JUGE HENEGHAN
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DATE DES MOTIFS :
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LE 15 DÉCEMBRE 2021
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COMPARUTIONS :
Richard Wazana
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POUR LE DEMANDEUR
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Stephen Jarvis
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POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Wazana Law
Avocats
Toronto (Ontario)
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POUR LE DEMANDEUR
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Procureur général du Canada
Toronto (Ontario)
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POUR LE DÉFENDEUR
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