Dossier : IMM-386-21
Référence : 2021 CF 1409
[TRADUCTION FRANÇAISE RÉVISÉE PAR L’AUTEUR]
Ottawa (Ontario), le 13 décembre 2021
En présence de monsieur le juge Sébastien Grammond
ENTRE :
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QUANGEN ZHANG
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demandeur
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET L’IMMIGRATION
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
(Prononcés à l’audience à Ottawa (Ontario), le 13 décembre 2021)
[1] M. Zhang sollicite le contrôle judiciaire du rejet de sa demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. Pour les motifs exposés ci-dessous, j’accueille la demande de contrôle judiciaire.
[2] M. Zhang et son épouse, Mme Yuan, sont des citoyens de la Chine. Ils ont une fille unique, Mme Zhang, qui a épousé un résident permanent du Canada et qui a elle-même obtenu la résidence permanente. En novembre 2012, Mme Zhang a donné naissance à un fils, qui est citoyen canadien.
[3] En janvier 2015, le mari de Mme Zhang est tombé malade du cancer du poumon. M. Zhang et Mme Yuan, qui s’étaient vu délivrer des visas à entrées multiples pour le Canada, ont effectué plusieurs visites pour apporter leur aide à la famille pendant que leur fille prenait soin de son mari, qui, malheureusement, est décédé en septembre 2018. M. Zhang et Mme Yuan sont restés au Canada depuis 2018 et ont présenté une demande de dispense pour motifs d’ordre humanitaire.
[4] Dans sa demande, M. Zhang a indiqué que son épouse et lui s’étaient occupés de leur petit‑fils pendant que leur fille veillait sur son mari. Depuis le décès de ce dernier, ils ont continué à s’occuper de leur petit-fils, par exemple, en l’accompagnant à pied à l’école et en participant à la préparation des repas et aux tâches ménagères. M. Zhang a également précisé que sa fille avait recommencé à travailler à plein temps et qu’elle gagnait un salaire horaire de 14 dollars.
[5] L’article 25 de Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés exige des agents chargés de l’examen des motifs d’ordre humanitaire qu’ils tiennent compte de l’intérêt supérieur de tout enfant directement touché par leur décision. Il est bien établi que leur analyse doit être empreinte d’empathie. Comme l’a indiqué le juge Campbell dans la décision Damte c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1212 au paragraphe 34 :
Pour être empathique, le décideur doit se mettre dans la peau du demandeur d’asile et se poser la question suivante : comment me sentirais-je si j’étais à sa place? Le décideur doit formuler sa réponse en écoutant son cœur aussi bien que son esprit analytique.
[6] En l’espèce, la preuve à l’appui de la demande était peut-être mince, mais je ne puis déceler le moindre élan d’empathie dans la décision. L’agent a simplement déclaré qu’il était dans l’intérêt supérieur de l’enfant qu’il vive auprès de sa mère au Canada. Bien que l’agent ait reconnu que la présence des grands-parents était bénéfique pour l’enfant, il a déclaré que [traduction] « l’intérêt supérieur de [ce dernier] continuerait probablement d’être assuré par sa mère si les demandeurs devaient quitter le Canada »
.
[7] Cependant, l’agent n’a tenu compte d’aucun des facteurs suivants : l’enfant avait perdu son père en bas âge; la présence quotidienne de M. Zhang et de Mme Yuan auprès de leur petit‑fils pendant une importante partie de sa vie; la situation dans laquelle se trouverait Mme Zhang, mère de famille monoparentale rémunérée au salaire minimum, si elle était privée du soutien de ses parents; Mme Zhang et son fils n’ont aucune famille au Canada; M. Zhang et Mme Yuan ne semblent disposer d’aucune autre possibilité d’immigrer au Canada, étant donné le faible revenu de leur fille. En somme, l’agent n’a pas cherché à comprendre les répercussions sur l’enfant du retour de ses grands‑parents en Chine.
[8] À bien des égards, la présente affaire ressemble à celle qui a donné lieu à la décision Motrichko c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 516. Certes, l’intérêt supérieur des enfants ne requiert pas systématiquement que leurs grands-parents se voient accorder une dispense pour motifs d’ordre humanitaire, mais, en l’espèce, l’agent n’a pas été réceptif, attentif et sensible aux circonstances particulières auxquelles était confrontée la famille. Sa décision est déraisonnable et la demande de contrôle judiciaire sera accueillie.
JUGEMENT dans le dossier IMM-386-21
LA COUR STATUE QUE :
1. la demande de contrôle judiciaire est accueillie;
2. l’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvel examen;
3. aucune question n’est certifiée.
« Sébastien Grammond »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
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DOSSIER :
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IMM-386-21
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INTITULÉ :
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QUANGEN ZHANG c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET L’IMMIGRATION
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE
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DATE DE L’AUDIENCE :
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LE 13 décemBRE 2021
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JUGEMENT ET MOTIFS :
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LE JUGE GRAMMOND
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DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :
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LE 13 décembre 2021
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COMPARUTIONS :
Anna Davtyan
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POUR LE DEMANDEur
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Hillary Adams
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POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Eme Professional Corporation
Thornhill (Ontario)
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POUR Le DEMANDEur
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Procureur général du Canada
Toronto (Ontario)
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POUR LE DÉFENDEUR
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