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Date : 20211213

Dossier : IMM‑733‑21

Référence : 2021 CF 1403

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 13 décembre 2021

En présence de madame la juge Go

ENTRE :

SEYED FARSHID HOMAUONI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu


[1] M. Seyed Farshid Homauoni [le demandeur] a présenté une demande d’asile au motif qu’il craignait d’être victime de persécution religieuse en République islamique d’Iran en raison de sa conversion au christianisme. La Section de la protection des réfugiés [la SPR] a rejeté sa demande d’asile, et la Section d’appel des réfugiés [la SAR] a confirmé ce rejet dans une décision rendue le 11 janvier 2021 [la décision de la SAR].

[2] La SAR a refusé d’admettre en preuve les nouveaux éléments présentés par le demandeur et a confirmé la décision de la SPR selon laquelle le demandeur n’était ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger sous le régime de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR].

[3] J’accueille la présente demande de contrôle judiciaire, parce qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale à l’encontre du demandeur relativement à son appel devant la SAR. Une conclusion défavorable en matière de crédibilité, qui avait trait à une nouvelle question à laquelle le demandeur n’a pas eu l’occasion de répondre, a influé sur la décision de la SAR. De plus, la décision de la SAR de refuser d’admettre les nouveaux éléments de preuve est déraisonnable.

II. Contexte

A. Le contexte factuel

[4] Le demandeur est un citoyen de l’Iran. Dans l’exposé circonstancié contenu dans son formulaire Fondement de la demande d’asile [le formulaire FDA], le demandeur a affirmé qu’il était né au sein d’une famille musulmane, mais qu’il s’intéressait depuis longtemps à d’autres religions. En 2016, sa femme et lui se sont liés d’amitié avec N, une chrétienne. Par l’intermédiaire de N, le demandeur a été baptisé et s’est converti au christianisme à la maison‑église de N, vers décembre 2016. Au début de 2017, un ami du demandeur, S, traversait une période difficile. Sans en avoir eu l’intention, le demandeur a facilité la conversion au christianisme de S, qui a été baptisé plus tard en 2017. S et N se sont mariés en 2018.

[5] Le demandeur a quitté l’Iran le 10 novembre 2018 à destination du Canada pour rendre visite à son cousin. Environ deux semaines après son arrivée, il a été informé par N que S n’avait pas été vu depuis des jours. Quelques jours plus tard, le demandeur a reçu un appel de sa femme qui l’a informé qu’elle avait été détenue et que des agents du ministère du Renseignement avaient fouillé leur domicile et saisi leurs appareils électroniques. Elle avait été remise en liberté après qu’elle eut nié être chrétienne et qu’elle eut fourni la preuve qu’elle était musulmane. Le domicile de N avait aussi été fouillé, et cette dernière avait été relâchée. Mais personne n’avait de nouvelles de S. Les autorités avaient questionné N et la femme du demandeur pour savoir où se trouvait le demandeur.

[6] Le demandeur craint avoir été désigné par S comme étant celui qui l’avait converti au christianisme. Le demandeur dit qu’il ne peut pas demander la protection du gouvernement, puisque c’est le gouvernement qui le recherche, et qu’il n’y a nulle part en Iran où il peut fuir le ministère du Renseignement.

B. La décision de la SPR

[7] La SPR a entendu le demandeur le 11 décembre 2019. Dans la décision rendue le 5 février 2020, la SPR a jugé que le demandeur n’était pas crédible, parce que ce dernier avait été incapable de se souvenir de certaines dates, comme la date du calendrier persan où il avait été baptisé, la date où sa femme l’avait appelé pour l’informer de son arrestation et de la perquisition, ou la date où il avait décidé de demeurer au Canada. La SPR a également jugé que le témoignage du demandeur était incohérent en ce qui avait trait au moment où il s’était senti chrétien, car il avait d’abord dit qu’il s’était senti tel avant son baptême, et ensuite que c’était après son baptême. La SPR a aussi indiqué que le demandeur n’avait visité une église que deux mois après son arrivée au Canada, soit après avoir présenté sa demande d’asile.

[8] La SPR a mentionné que le demandeur avait expliqué qu’il ne pouvait se souvenir des dates exactes parce qu’il était en état de choc, mais elle a néanmoins tiré une inférence défavorable en matière de crédibilité, car le demandeur n’avait fourni aucune preuve médicale d’un trouble cognitif lié à sa mémoire.

[9] La SPR a accepté la lettre d’appui de l’Église du demandeur datée du 17 septembre 2019, qui indiquait qu’il la fréquentait depuis le mois de janvier 2019, mais elle a indiqué que les églises au Canada étaient des institutions publiques que n’importe qui pouvait fréquenter. Malgré le constat que le demandeur possédait une certaine connaissance du christianisme, la SPR a conclu que ce facteur et celui de sa fréquentation de l’Église ne l’emportaient pas sur les réserves en matière de crédibilité mentionnées ci‑dessus.

C. La décision à l’examen

[10] Devant la SAR, le demandeur a voulu faire admettre en preuve un rapport psychologique [le rapport psychologique] daté du 23 février 2020. Celui‑ci avait été rédigé par un psychologue et un psychothérapeute ayant évalué le demandeur à deux occasions au début de 2020, avant le 21 février. Le demandeur avait aussi bénéficié de services de counselling auprès du psychothérapeute à deux occasions en décembre 2019. Le rapport psychologique faisait état des problèmes de sommeil, des cauchemars, de l’anxiété, de la dépression et du déclin cognitif du demandeur, ainsi que de sa difficulté à se souvenir des dates. Il indiquait également que le demandeur s’était senti somnolent, confus et anxieux le jour de son audience, et qu’il prenait du lorazépam et de la sertraline, des médicaments prescrits par son médecin de famille pour traiter son anxiété et sa dépression. La SAR n’a pas jugé le rapport psychologique crédible parce qu’il ne comportait aucune mention des documents accessibles lors de l’évaluation, qu’il se basait sur les déclarations faites par le demandeur lui‑même et qu’il présentait des incohérences internes. En particulier, la SAR reprochait aux auteurs du rapport psychologique leur utilisation des questionnaires Inventaire de dépression de Beck I et II [ensemble, les questionnaires IDB], car il s’agit de [traduction] « questionnaires d’autodéclaration ».

[11] Le demandeur a également produit une lettre datée du 9 mars 2020 et rédigée par le pasteur de la deuxième Église qu’il avait fréquentée au Canada [la lettre de l’Église]. Celle‑ci indiquait que le demandeur en était un membre actif depuis le mois de décembre 2019 et qu’il était un chrétien authentique et sincère. La SAR a conclu que la plupart des renseignements figurant dans la lettre de l’Église étaient antérieurs à la décision défavorable de la SPR et qu’il s’agissait d’une tentative de corriger un aspect de l’audience devant la SPR dont le demandeur n’était pas satisfait. La SAR a donc rejeté la lettre de l’Église.

[12] Le demandeur a également demandé une audience, que la SAR n’a pas jugé justifiée après avoir conclu que la nouvelle preuve, dont le rapport psychologique, n’était pas crédible ni pertinente. Comme le demandeur avait fondé son appel uniquement sur l’admission en preuve de nouveaux éléments, dans l’espoir d’établir que [traduction] « le témoignage était entièrement erroné » en raison de ses problèmes de santé mentale qu’il n’avait pas déclarés auparavant, la SAR, après avoir refusé d’admettre les nouveaux éléments, a souscrit aux conclusions de la SPR en matière de crédibilité.

III. Les questions en litige

[13] Les questions en litige que soulève la présente demande sont les suivantes :

a) La SPR a‑t‑elle manqué à l’équité procédurale?

b) La décision de la SAR de ne pas admettre en preuve le rapport psychologique était‑elle déraisonnable?

c) La décision de la SAR de ne pas admettre en preuve la lettre de l’Église était‑elle déraisonnable?

d) La SAR a‑t‑elle rendu une décision déraisonnable du fait qu’elle n’a pas examiné la possibilité d’une demande d’asile sur place?


IV. La norme de contrôle

[14] Lorsqu’il s’agit d’examiner une décision administrative sur le fond, la norme de contrôle présumée s’appliquer est celle de la décision raisonnable : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] au para 25. Une décision raisonnable « doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Vavilov au para 85). Il incombe au demandeur de démontrer que la décision de la SAR est déraisonnable. Pour infirmer la décision pour ce motif, « la cour de révision doit être convaincue qu’elle souffre de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence » (Vavilov au para 100).

[15] Le défendeur affirme que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable en ce qui a trait à l’appréciation par la SAR des nouveaux éléments de preuve et la décision de celle‑ci de ne pas tenir une audience (Hamid c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 100 [Hamid] au para 18; Hundal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 72 au para 16). Quant à la question de l’équité procédurale, le défendeur affirme que la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte (Zidan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 170 au para 20, citant Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69). Le demandeur n’a présenté aucune observation au sujet de la norme de contrôle.

[16] Lors de l’examen de la décision de la SAR d’admettre ou non une nouvelle preuve ou de tenir ou non une audience, la cour de révision applique généralement la norme de la décision raisonnable; il s’agit alors pour elle de se demander si la SAR a raisonnablement appliqué les critères prévus aux paragraphes 110(4) et 110(6) de la LIPR (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Singh, 2016 CAF 96 [Singh] aux para 22‑29; voir également la jurisprudence récente, postérieure à l’arrêt Vavilov, de la Cour fédérale, comme Awonusi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 385 au para 10; Bakare c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 967 au para 8; Hamid au para 18).

[17] Néanmoins, la Cour a parfois aussi appliqué la norme de la décision correcte lors de l’examen de questions d’équité procédurale, même si elles étaient liées à l’application des critères prévus aux paragraphes 110(4) et 110(6) de la LIPR (Zidan aux para 20, 31‑39). Dans la décision Mohamed c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 1145 [Mohamed] au para 9, le juge McHaffie a conclu que, bien que l’interprétation et l’application des paragraphes 110(4) et 110(6) de la LIPR soient généralement assujetties à la norme de la décision raisonnable, la question de savoir s’il était inéquitable de la part de la SAR de ne pas tenir une audience avant de se prononcer sur les allégations du demandeur contre son ancien conseil était une question d’équité procédurale.

[18] J’ai donc examiné séparément, d’une part, les questions d’équité procédurale soulevées par le demandeur selon la norme de la décision correcte et, d’autre part, les éléments de fond de la décision de la SAR selon la norme de la décision raisonnable.

V. Le cadre juridique

[19] L’admission de nouveaux éléments de preuve par la SAR est régie à la fois par des dispositions législatives et par la jurisprudence. Le paragraphe 110(4) de la LIPR établit des exigences chronologiques visant les éléments de preuve :

110(4) Dans le cadre de l’appel, la personne en cause ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet de sa demande ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’elle n’aurait pas normalement présentés, dans les circonstances, au moment du rejet.

110(4) On appeal, the person who is the subject of the appeal may present only evidence that arose after the rejection of their claim or that was not reasonably available, or that the person could not reasonably have been expected in the circumstances to have presented, at the time of the rejection.

[20] Et dans l’arrêt Singh, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’en plus de se demander si les nouveaux éléments de preuve satisfont aux exigences chronologiques établies au paragraphe 110(4) de la LIPR, la SAR devait aussi considérer les facteurs pertinents établis dans l’arrêt Raza c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CAF 385 [Raza], dont la nouveauté, la pertinence et la crédibilité des éléments de preuve.

[21] La décision de la SAR de tenir ou non une audience est régie par le paragraphe 110(6) de la LIPR, qui est ainsi libellé :

110(6) La section peut tenir une audience si elle estime qu’il existe des éléments de preuve documentaire visés au paragraphe (3) qui, à la fois :

a) soulèvent une question importante en ce qui concerne la crédibilité de la personne en cause;

b) sont essentiels pour la prise de la décision relative à la demande d’asile;

c) à supposer qu’ils soient admis, justifieraient que la demande d’asile soit accordée ou refusée, selon le cas.

110(6) The Refugee Appeal Division may hold a hearing if, in its opinion, there is documentary evidence referred to in subsection (3)

(a) that raises a serious issue with respect to the credibility of the person who is the subject of the appeal;

(b) that is central to the decision with respect to the refugee protection claim; and

(c) that, if accepted, would justify allowing or rejecting the refugee protection claim.

VI. Analyse

a) La SPR a‑t‑elle manqué à l’équité procédurale?

[22] Le demandeur affirme que la SAR a manqué à l’équité procédurale parce qu’elle ne l’a pas informé de ses doutes concernant la fiabilité du rapport psychologique et qu’elle ne lui a pas donné l’occasion d’y répondre en présentant des observations ou des éléments de preuve supplémentaires. Il soutient, renvoyant au paragraphe 25 de l’arrêt Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817 [Baker], que les exigences en matière d’équité sont plus élevées lorsque les répercussions de la décision sur la vie de la personne concernée seront grandes.

[23] Le défendeur rétorque que la SAR n’était pas tenue de faire part au demandeur de ses réserves concernant le rapport psychologique, la jurisprudence établissant clairement que « les règles de l’équité procédurale n’exigent pas que les demandeurs d’asile soient confrontés à des renseignements qu’ils connaissaient et qu’ils ont, par surcroit [sic], eux‑mêmes fournis » : Moïse c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 93 au para 9 [Moïse], citée dans Akanniolu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 311 au para 46; voir aussi Gu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 543 au para 29 [Gu], Qiu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 166 au para 28 [Qiu].

[24] Au paragraphe 23 de la décision Daodu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 316 [Daodu], le juge Southcott a conclu, après examen des différents précédents, qu’il n’existait aucune divergence entre les principes jurisprudentiels, mais qu’il y avait seulement une « application des principes fondamentaux d’équité procédurale à des contextes factuels différents » (citant Kwakwa c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 600 au para 25; Ching c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 725 [Ching]). Le juge Southcott, revenant au paragraphe 74 de la décision de la juge Kane dans l’affaire Ching, a jugé que les questions véritablement nouvelles étaient différentes, sur les plans juridique et factuel, des moyens d’appel soulevés par les parties (Daodu au para 24). Dans la décision Canada (Citoyenneté et Immigration) c Alazar, 2021 CF 637 [Alazar], le juge Norris est arrivé à une conclusion semblable.

[25] Dans une décision publiée récemment, Lopez Santos c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 1281, le juge Norris a résumé ce critère de la façon suivante :

[…] bien qu’il soit loisible à la SAR de tirer des conclusions qui vont au‑delà de celles de la SPR, l’équité procédurale exige, lorsque ces conclusions ne découlent pas raisonnablement des questions soulevées en appel, que l’appelant en soit avisé et qu’on lui donne la possibilité d’être entendu. En d’autres termes, la SAR ne peut pas « tir[er] des conclusions supplémentaires au sujet d’éléments que le demandeur ignorait » (Kwakwa au para 24).

[26] En appliquant ces principes en l’espèce, je conclus que le rejet du rapport psychologique par la SAR pour des raisons de fiabilité est « une nouvelle question en ce sens qu’il s’agit d’une question différente, sur le plan juridique et factuel, des moyens d’appel invoqués et qu’on ne peut raisonnablement dire qu’elle découle des questions formulées en appel par les parties » (Alazar au para 77). Je conclus également que la SAR a tiré des conclusions supplémentaires ou effectué des analyses supplémentaires concernant des questions que le demandeur ignorait.

[27] Le fait que le rapport psychologique avait été fourni par le demandeur lui‑même ne signifie pas nécessairement que les questions que la SAR a soulevées concernant sa fiabilité n’étaient pas nouvelles. Comme je l’ai mentionné ci‑dessus, la SAR a vu d’un mauvais œil que deux professionnels de la santé avaient utilisé des questionnaires IDB, qu’elle a décrits comme des [traduction] « questionnaires d’autodéclaration », et elle a conclu que l’évaluation [traduction] « ne représentait pas une confirmation objective des troubles de santé mentale allégués, mais [qu’]elle n’était plutôt qu’un prolongement du rapport reposant dans la même large mesure que celui‑ci sur les déclarations faites par le demandeur lui‑même ». Ces réserves se rapportent précisément aux outils de diagnostic choisis par les professionnels de la santé et sont distinctes de toute réserve que pourrait avoir eue la SAR concernant les renseignements fournis par le demandeur lui‑même.

[28] Chose plus importante, la décision d’inclure (ou de ne pas inclure) les documents sur lesquels se fondait le rapport psychologique appartenait aux deux professionnels de la santé, et non au demandeur. Pourtant, la SAR a souligné l’absence de renvois à [traduction] « des revues, des publications ou d’autres outils de diagnostic professionnels utilisés » par les professionnels de la santé pour parvenir à leurs conclusions, avant de tirer [traduction] « l’inévitable conclusion qu’aucun document pertinent n’avait été consulté et que tout renvoi à un tel document dans le rapport était superflu ou standard et qu’il en minait la fiabilité ». Par cette conclusion, elle semble laisser entendre que les deux auteurs ont fait une présentation erronée des faits dans leur rapport psychologique en indiquant avoir consulté des documents quand, en réalité, ils ne l’avaient pas fait.

[29] Conclure, comme l’a fait la SAR, que le rapport psychologique n’était pas fiable parce qu’il comportait des renseignements qui ne concordaient pas avec ceux que le demandeur avait lui‑même fournis ou parce qu’il contenait des affirmations intrinsèquement incompatibles, c’est une chose. Toutefois, remettre en question la fiabilité du rapport psychologique en raison de l’éthique professionnelle de ses auteurs, c’est une tout autre chose. Il aurait fallu que le demandeur et son conseil fassent preuve d’une prodigieuse prévoyance pour conclure que les questions énoncées dans l’appel que le demandeur avait interjeté auprès de la SAR soulèveraient une telle réserve.

[30] À mon avis, la présente affaire diffère de celles citées par le défendeur, comme les décisions Gu et Qiu, dans lesquelles des réserves en matière de fiabilité découlaient de la question de l’authenticité des documents fournis par les demandeurs. En l’espèce, personne ne remet en cause l’authenticité du rapport psychologique : la SAR n’a pas remis en question le fait que les deux auteurs avaient rédigé le rapport psychologique. De plus, celui‑ci n’a pas été rejeté en raison du fait que les renseignements qu’il contenait étaient incompatibles avec d’autres éléments de preuve produits par le demandeur, comme cela avait été le cas dans l’affaire Moïse. Au contraire, il a été rejeté parce que la SAR a conclu qu’il était fondé sur la preuve du demandeur, ainsi qu’en raison des réserves de la SAR concernant ses auteurs.

[31] Je n’ignore pas la mise en garde du juge Annis, dans la décision Czesak c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 1149 [Czesak], selon laquelle la prudence est de mise en ce qui a trait au recours à une preuve d’expert obtenue « aux fins du litige ». Il a déclaré qu’« à moins qu’il ne soit possible de garantir la neutralité ou l’absence d’intérêt personnel de l’expert dans le cadre du litige, il convient généralement [d’accorder] peu de poids » aux rapports d’experts (au para 40). Cependant, faire preuve de prudence afin de ne pas accorder trop de poids aux rapports d’experts ne permet pas aux tribunaux, lorsqu’ils soulèvent de nouvelles questions qui ne découlent pas de l’appel, de se soustraire à leur obligation d’équité procédurale.

[32] Le défendeur affirme que la SAR devait apprécier la fiabilité du rapport psychologique conformément au cadre établi dans l’arrêt Raza, et qu’il aurait été illogique de juger le rapport psychologique fiable et de lui accorder ensuite peu de poids. Il est fort possible que ce soit vrai. Cependant, en remettant en question le rapport psychologique en raison des actes de ses auteurs, plutôt que de ceux du demandeur, la SAR ne s’est clairement pas limitée à la question en litige dans l’appel, soit celle de savoir si le demandeur souffrait, lors de l’audience devant la SPR, d’un trouble cognitif pouvant avoir affecté son témoignage.

[33] La SAR, en rejetant le rapport psychologique au motif qu’il n’était pas fiable sans avoir préalablement donné l’occasion au demandeur de dissiper ses réserves à propos du professionnalisme des auteurs, a manqué à son obligation d’équité procédurale.

[34] Le demandeur affirme également que la SAR a manqué à son obligation d’équité procédurale en ne tenant pas d’audience à propos de la fiabilité du rapport psychologique au titre du paragraphe 110(6) de la LIPR. Le demandeur, citant le juge Shore au paragraphe 1 de la décision Hassankiadeh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CF 1284, affirme que l’enjeu en l’espèce est extrêmement élevé, car, en Iran, les personnes qui se convertissent au christianisme « risquent d’être victimes de persécution de la part des autorités, et elles encourent même la peine de mort ».

[35] Le défendeur, renvoyant au paragraphe 17 de la décision AB c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 61, et au paragraphe 44 de la décision Sunday c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 266, soutient que les audiences devant la SAR ont pour objet d’apprécier non pas la fiabilité de la preuve, mais la crédibilité du demandeur après l’admission de la nouvelle preuve.

[36] Le défendeur soutient également que le rapport psychologique n’aurait pas été un élément déterminant dans l’examen de la demande d’asile du demandeur, parce que ce dernier a plaidé devant la SAR que son [traduction] « témoignage était entièrement erroné en raison de ses problèmes de santé mentale ». D’après le défendeur, si le demandeur n’était pas en mesure de présenter un témoignage crédible en raison de troubles cognitifs, il s’ensuit qu’aucune preuve ne permettait d’accueillir la demande d’asile et que le rapport psychologique ne pouvait être un élément déterminant dans l’examen de la demande. Même si le rapport psychologique avait été accepté, poursuit le défendeur, il n’aurait pas pu justifier que la demande d’asile soit accueillie.

[37] À mon avis, le défendeur exagère le sens de la déclaration mal formulée du demandeur selon laquelle son [traduction] « témoignage était entièrement erroné ». Il est évident que le demandeur ne cherchait à modifier ou à retirer aucune de ses allégations concernant sa conversion au christianisme, la disparition de son ami S ou tout autre enjeu connexe dont il avait témoigné à l’audience devant la SPR. Même le rapport psychologique sur lequel s’appuie le demandeur n’indique pas que ce dernier n’avait pas la capacité de présenter un témoignage crédible à l’audience devant la SPR; il fait plutôt état du fait que le demandeur était incapable de se souvenir des dates, ce sur quoi se fonde la conclusion de la SPR en matière de crédibilité et à quoi la déclaration peut raisonnablement être rattachée.

[38] Cela dit, je conviens avec le défendeur que la SAR ne pouvait tenir une audience qu’après avoir décidé d’admettre une nouvelle preuve. Dans la décision Mohamed, la Cour a conclu qu’il n’était possible de tenir une audience qu’après l’admission d’une nouvelle preuve (au para 21). Elle y a également souligné que le paragraphe 110(6) était la seule disposition légale qui permettait à la SAR de tenir une audience, et que, sauf contestation constitutionnelle des dispositions légales, l’obligation d’équité procédurale imposée par la common law ne supplantait pas les exigences légales (au para 22).

[39] À la lumière de cette jurisprudence, je conviens avec le défendeur que la SAR ne pouvait tenir une audience sur la question de savoir si la nouvelle preuve devait être admise : la SAR devait avoir admis la nouvelle preuve pour disposer du pouvoir légal de tenir une audience.

[40] En conclusion sur cette question, je juge que la SAR a manqué à l’équité procédurale en ne permettant pas au demandeur de répondre à ses doutes concernant la fiabilité du rapport psychologique. La question liée à la tenue d’une audience devrait être renvoyée à un tribunal nouvellement constitué afin qu’il rende une décision concernant l’admission en preuve du rapport psychologique.

b) La décision de la SAR de ne pas admettre en preuve le rapport psychologique était‑elle déraisonnable?

[41] Le demandeur, voulant faire admettre le rapport psychologique à titre de nouvel élément de preuve, a soutenu que ses troubles de santé mentale avaient nui à sa capacité de témoigner devant la SPR, ce qui a donné lieu à la conclusion défavorable de la SPR en matière de crédibilité. L’ancien conseil du demandeur a affirmé qu’il n’était pas au courant des problèmes psychologiques du demandeur avant ou pendant l’audience devant la SPR.

[42] La SAR a reconnu que, conformément au paragraphe 110(4) de la LIPR, le rapport psychologique n’était pas raisonnablement accessible avant le rejet de la demande d’asile par la SPR. Cependant, elle a refusé de l’admettre à titre de nouvelle preuve, car elle ne le jugeait pas fiable pour les motifs mentionnés ci‑dessus : l’absence de documents objectifs, l’utilisation de l’autodéclaration lors de l’entretien clinique et l’absence de mesures objectives.

[43] Le demandeur, renvoyant au paragraphe 49 de l’arrêt Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61, soutient qu’un rapport psychologique comporte nécessairement une part de ouï‑dire et ne doit pas être rejeté pour cette raison.

[44] Le demandeur soutient également que le commissaire de la SAR s’est appuyé sur son opinion non fondée lorsqu’il a conclu que le rapport de deux professionnels de la psychologie diplômés et expérimentés n’était pas fiable. Il affirme que la SAR ne disposait d’aucun élément de preuve démontrant que la méthodologie sur laquelle s’appuie le rapport psychologique n’était pas fiable ou contredisant le contenu du rapport psychologique, et il ajoute que le commissaire n’avait aucune formation en psychologie.

[45] Le demandeur invoque également les Directives numéro 8 intitulées Procédures concernant les personnes vulnérables qui comparaissent devant la CISR [les Directives numéro 8] à l’appui de sa position. Il renvoie en particulier à l’article 8.1 de celles‑ci, où il est écrit que les rapports d’experts doivent être examinés.

[46] Le défendeur rétorque que, suivant l’article 7.4 des Directives numéro 8, on ne peut s’appuyer sur celles‑ci sans avoir au préalable présenté une demande. Je souligne toutefois qu’au même article, il est écrit que la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [la CISR] peut « agir de sa propre initiative » pour l’application des directives.

[47] Le défendeur soutient que la prudence est de mise avant de s’appuyer sur un rapport d’expert dans une instance administrative, où il n’existe pas de procédure d’évaluation ou de validation définies : Czesak aux para 37‑40. J’attire toutefois l’attention sur la précision du juge Annis au paragraphe 40 de cette même décision : « Il ne s’ensuit pas que tout rapport d’expert rédigé aux fins du litige doive être rejeté au motif qu’il n’aurait pas beaucoup de poids, sinon aucun. » D’ailleurs, le juge Annis a conclu que deux des rapports d’expert produits par la demanderesse dans l’affaire Czesak étaient fiables.

[48] Le défendeur affirme également qu’un « rapport psychologique fondé sur un récit qui a perdu toute crédibilité ne peut la lui restituer » : Al‑Sarhan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1438 au para 34. Toutefois, en l’espèce, il ne s’agissait pas de faire admettre le rapport psychologique pour restituer la crédibilité du demandeur, mais pour faire connaître le contexte dans lequel le demandeur avait été incapable de se souvenir des dates en raison de troubles psychologiques, un problème que la SPR avait reconnu, mais qui n’avait pas été pris en compte faute d’une preuve documentaire médicale.

[49] Le défendeur, renvoyant à un passage souvent cité au paragraphe 16 de la décision Saha c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 304, soutient également que « [l]a SPR a le pouvoir discrétionnaire d’écarter la preuve psychologique lorsque le docteur ne fait que reprendre ce que le patient lui a dit quant aux motifs expliquant son stress, et qu’il en tire ensuite une conclusion médicale selon laquelle le patient souffre de stress en raison de ces motifs ». J’attire toutefois l’attention sur la dernière phrase de ce même paragraphe auquel renvoie le défendeur : « il n’y a eu aucun examen médical indépendant étayant l’évaluation psychologique et aucun autre fondement médical ne corrobore le diagnostic ». En l’espèce, le demandeur peut faire valoir qu’une évaluation psychométrique a été effectuée au moyen des questionnaires IDB et, chose plus importante encore, que le diagnostic a un fondement médical, soit la prescription par son médecin de famille de médicaments pour traiter sa dépression et son anxiété.

[50] En outre, dans chaque affaire à laquelle renvoie le défendeur, un rapport psychologique a été utilisé pour apprécier la crédibilité d’un demandeur d’asile, et non pas pour traiter de l’admissibilité d’une nouvelle preuve en fonction de la fiabilité du rapport. Affirmer qu’un rapport psychologique ne dissipe pas les réserves à l’égard de la crédibilité d’un demandeur d’asile est une chose; affirmer que le rapport lui‑même n’est pas fiable et donc inadmissible en preuve en est une autre.

[51] En outre, des précédents établissent que des troubles psychologiques peuvent être des facteurs à considérer lors de l’évaluation de la crédibilité. Au paragraphe 4 de la décision Cooper c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 118, la Cour a rappelé certains des « principes qui régissent l’évaluation de la crédibilité », dont l’un est de prendre en compte « l’âge, la culture, l’origine et les antécédents sociaux du témoin, ainsi que son manque de cohérence lorsque des éléments de preuve médicale établissent qu’il souffre d’un problème psychologique ».

[52] Je souligne également qu’à l’article 1.3 des Directives 8, on reconnaît que les personnes vulnérables sont susceptibles de trouver qu’une comparution est une expérience difficile, car leur capacité de présenter leur cas peut être « grandement diminuée à cause de leur fragilité sur le plan physique ou psychologique », et il est fait état de « l’engagement continu de la CISR à prendre des mesures d’adaptation d’ordre procédural » pour les personnes vulnérables. Suivant l’article 2.1, « personne vulnérable » s’entend de « la personne dont la capacité de présenter son cas devant la CISR est grandement diminuée », par exemple si elle est « atteinte d’une maladie mentale ». De plus, à l’article 4.1, on reconnaît que la vulnérabilité d’une personne peut « affecter sa mémoire et son comportement, de même que sa capacité de relater des événements pertinents ».

[53] Bien que les Directives du président ne soient pas contraignantes, elles indiquent le type de considérations que la CISR peut prendre en compte lorsqu’elle est saisie de cas de personnes vulnérables. À ce propos, l’article 5.3 des Directives 8 est à mon avis particulièrement éclairant :

5.3 De façon similaire, les éléments de preuve utilisés au départ pour identifier la personne vulnérable et en tenir compte sur le plan procédural n’ont peut‑être pas été évalués sur le plan de la crédibilité ou par d’autres moyens. Si ces éléments de preuve sont ensuite utilisés pour établir le bien‑fondé du cas, le commissaire veille à ce que les parties aient la possibilité de les commenter, en regard du bien‑fondé du cas. Cela signifie qu’il est possible de présenter des observations concernant la pertinence des éléments de preuve, et ces derniers peuvent être évalués au moyen d’un interrogatoire mené par les parties et le commissaire, ou par d’autres moyens. Le commissaire peut ensuite évaluer la crédibilité et la valeur probante des éléments de preuve, même si la CISR les a déjà acceptés pour établir la vulnérabilité de la personne et prendre des mesures d’adaptation sur le plan procédural.

[54] En l’espèce, la SAR aurait dû savoir qu’à l’audience devant la SPR, le demandeur avait déclaré qu’il ne pouvait se souvenir des dates parce qu’il était « en état de choc ». En outre, l’ancien conseil du demandeur avait affirmé qu’il n’était pas au courant que le demandeur souffrait de troubles de santé mentale au moment de l’audience devant la SPR. Il est à souligner qu’aucun de ces deux faits n’est mentionné dans la décision de la SAR.

[55] La SAR, plutôt que de simplement refuser d’admettre en preuve le rapport psychologique en raison de ses doutes concernant la fiabilité de celui‑ci, aurait pu donner l’occasion au demandeur de présenter des observations à cet égard, et ce rapport aurait pu être évalué par l’intermédiaire de tels moyens dans le cadre d’un interrogatoire ou avec d’autres méthodes. L’admission en preuve de ce rapport n’aurait pas signifié que la SAR reconnaissait la fiabilité de toutes les déclarations faites par le demandeur lui‑même contenues dans ce rapport, mais simplement qu’elle l’avait utilisé dans son appréciation de la décision de la SPR.

[56] En outre, bien que la SAR affirme qu’elle a indépendamment apprécié l’ensemble de la preuve lors de l’examen de la conclusion de la SPR en matière de crédibilité, son analyse à cet égard est négligeable. Elle s’est seulement déclarée d’accord avec la SPR. Cette conclusion de la SAR résulte d’un raisonnement tautologique, en contradiction avec le paragraphe 104 de l’arrêt Vavilov. Elle a rejeté le rapport psychologique parce qu’il était fondé sur ce que le demandeur avait lui‑même déclaré, ce qui implique qu’elle avait supposé que ce qu’il avait lui‑même déclaré n’était pas crédible, et ce, sans se demander si, à la lumière de la preuve à sa disposition, dont le rapport psychologique, les troubles cognitifs du demandeur pouvaient avoir affecté son témoignage à l’audience devant la SPR. Compte tenu de tout ce qui précède, je conclus que la décision de la SAR de ne pas admettre le rapport psychologique est déraisonnable.

c) La décision de la SAR de ne pas admettre en preuve la lettre de l’Église était‑elle déraisonnable?

[57] Le demandeur affirme que c’est en réponse au rejet par la SPR de la lettre de la première Église qu’il avait fréquentée qu’il a présenté la lettre de l’Église, celle‑ci attestant sa participation active aux activités de l’Église ainsi que la sincérité et l’authenticité de sa foi chrétienne.

[58] Le demandeur s’appuie sur le paragraphe 23 de la décision Chen c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 334, où le juge Norris a conclu que la lettre indiquant que le demandeur était demeuré un membre actif de l’Église était nouvelle parce qu’elle se rapportait à des faits survenus après l’audition de la demande d’asile.

[59] Le demandeur soutient également que la SAR a adopté une approche trop rigide en ce qui a trait aux exigences chronologiques énoncées au paragraphe 110(4) de la LIPR. Il avait commencé à fréquenter la deuxième Église en décembre 2019, mais, lorsque la SPR a rendu sa décision, en février 2020, il ne la fréquentait pas depuis suffisamment longtemps pour que le pasteur le connaisse bien au point de pouvoir rédiger une lettre à son sujet.

[60] Comme le défendeur le souligne à juste titre, « le caractère nouveau ou non d’une preuve documentaire ne saurait dépendre uniquement de la date à laquelle le document a été établi »; « [c]e qui importe, c’est le fait ou les circonstances que l’on cherche à établir par la preuve documentaire » : Raza au para 15. La plupart des renseignements contenus dans la lettre de l’Église sont antérieurs à la date de la décision de la SPR.

[61] En outre, la SAR a considéré que la lettre de l’Église était une [traduction] « tentative de corriger un aspect de l’audience dont le demandeur était insatisfait ». À mon avis, cette conclusion était raisonnable, car la lettre de l’Église débute par l’affirmation que le demandeur en voulait à son ancien pasteur et se sentait trahi par lui parce qu’il n’avait pas mentionné la sincérité de sa foi dans sa [traduction] « lettre au tribunal ». Comme le souligne le défendeur, l’objet d’un appel auprès de la SAR n’est pas de fournir l’occasion de combler les lacunes du dossier de preuve dont disposait la SPR (voir, par exemple, Eshetie c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1036 au para 33).

[62] Le défendeur affirme également que la lettre de l’Église ne relate pas un nouveau fait, mais relate de nouveau un fait déjà connu, et il cite à cet égard le paragraphe 13 de l’arrêt Raza, où il est écrit que les preuves peuvent être considérées comme « nouvelles » si elles sont aptes à établir un fait qui n’était pas connu du demandeur d’asile au moment de l’audience devant la SPR. Je souligne cependant que le paragraphe 13 énonce d’autres cas dans lesquels des éléments peuvent être considérés comme une nouvelle preuve, par exemple celui où ils sont aptes « à réfuter une conclusion de fait tirée par la SPR (y compris une conclusion touchant la crédibilité) ».

[63] Le demandeur semble avoir présenté la lettre de l’Église afin de répondre à la conclusion de la SPR en matière de crédibilité selon laquelle la fréquentation d’une église n’établit pas la sincérité de la foi. Toutefois, il s’agit également de la part du demandeur d’une tentative de corriger les lacunes du dossier de preuve dont disposait la SPR.

[64] En dernière analyse, étant donné que les faits relatés dans la lettre de l’Église étaient connus du demandeur et que cette lettre a été produite en partie pour corriger un aspect de la conclusion de la SPR, je ne peux conclure que la décision de la SAR de ne pas admettre la lettre de l’Église était déraisonnable.

d) La SAR a‑t‑elle rendu une décision déraisonnable du fait qu’elle n’a pas examiné la possibilité d’une demande d’asile sur place?

[65] Puisque j’ai décidé de renvoyer l’affaire pour qu’une nouvelle décision soit rendue, je ne traiterai pas des observations du demandeur concernant la demande d’asile sur place.

VII. Certification

[66] La Cour a demandé aux avocats des deux parties s’il y avait des questions à certifier. Chacun a affirmé qu’il n’y avait pas de questions à certifier, et je suis d’accord avec eux.

VIII. Conclusion

[67] La demande de contrôle judiciaire est accueillie.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑733‑21

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie;

  2. La décision examinée est annulée, et l’affaire est renvoyée pour qu’un décideur différent rende une nouvelle décision;

  3. Il n’y a pas de question à certifier.

« Avvy Yao‑Yao Go »

Juge

Traduction certifiée conforme

[M. Deslippes]


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑733‑21

 

INTITULÉ :

SEYED FARSHID HOMAUONI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 29 novembre 2021

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LA JUGE GO

 

DATE DES MOTIFS :

Le 13 décembre 2021

 

COMPARUTIONS :

Mark Rosenblatt

POUR LE DEMANDEUR

 

David Knapp

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mark Rosenblatt

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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