Date : 20040227
Dossier : IMM-6321-02
Référence : 2004 CF 298
Vancouver (Colombie-Britannique), le vendredi 27 février 2004
EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SNIDER
ENTRE :
ABBAS NAMJOO
demandeur
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] M. Abbas Namjoo, un citoyen d'Iran, a formulé une demande de résidence permanente au Canada en 1998. Il a été interrogé par un agent des visas à l'ambassade canadienne de Damas le 22 septembre 2002. Sa demande a été rejetée par une lettre datée du 23 octobre 2002.
[2] Voici le fondement de la décision de l'agent des visas :
[traduction]
Vous ne répondez pas à la définition d'entrepreneur parce que je ne suis pas convaincu que vous avez la capacité à établir au Canada une entreprise qui contribuerait de manière significative à la vie économique ou que vous avez la capacité de participer activement et régulièrement à la gestion de cette entreprise. En me basant sur une combinaison de facteurs, je ne suis pas convaincu que vous possédez l'expérience pertinente ou la capacité de gérer avec succès une entreprise au Canada.
[3] M. Namjoo vise à obtenir le contrôle judiciaire de cette décision.
Les questions en litige
[4] Dans la présente demande, M. Namjoo soulève les questions suivantes :
1. L'agent des visas a-t-il correctement apprécié M. Namjoo dans la catégorie des « entrepreneurs » ou a-t-il omis de tenir compte des éléments de preuve dont il disposait, ou encore les a-t-il mal interprétés?
2. Le défaut de l'agent des visas d'apprécier M. Namjoo en tant que travailleur autonome constitue-t-il une erreur susceptible de révision?
Analyse
Question no 1 : Le défendeur a-t-il manqué à son obligation d'apprécier le demandeur en tant qu' « entrepreneur » ?
a) « Simulacre » d'entrevue par un agent des visas inexpérimenté
[5] M. Namjoo allègue que son entrevue avec l'agent des visas était [traduction] « un simulacre » et qu'elle a été menée de mauvaise foi. À l'appui de cette affirmation, M. Namjoo invoque le contre-interrogatoire de l'agent des visas, dans lequel on a appris que celui-ci ne travaillait dans le domaine de la sélection relative à l'immigration des gens d'affaires que depuis huit semaines et qu'il n'avait reçu que cinq jours de formation.
[6] Bien que l'agent des visas ne soit en aucune façon aguerri dans le domaine, cela ne me convainc pas du fait qu'il ne serait pas qualifié pour exécuter son travail ou qu'il aurait agi de mauvaise foi. Il faut mettre l'accent sur la décision elle-même et non sur l'expérience de l'agent des visas. La question que doit trancher la Cour est de savoir si, selon la preuve, l'agent des visas pouvait raisonnablement prendre la décision qu'il a prise. La question de savoir si l'agent des visas avait un ou vingt jours d'expérience n'est pas pertinente, à mon avis, pour décider s'il a commis une erreur susceptible de révision.
[7] Un examen attentif des notes du Système de traitement informatisé des dossiers d'immigration (le STIDI) m'amène à conclure que l'agent des visas s'est penché sur les bonnes questions. En l'absence de preuve contraire, il faut présumer que l'agent des visas a agi de bonne foi.
b) Défaut d'effectuer une appréciation complète
[8] La deuxième erreur alléguée est que l'agent des visas a fait défaut d'apprécier M. Nanjoo, non seulement pour sa capacité à établir une entreprise ou un commerce, mais également pour sa capacité d'acheter une entreprise ou un commerce, ou d'y investir une somme importante (Mak c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] A.C.F. no 375 (1re inst.) (QL)).
[9] Le paragraphe 2(1) de l'ancien Règlement sur l'immigration de 1978 (le Règlement) définit « entrepreneur » comme suit :
a) qui a l'intention et qui est en mesure d'établir ou d'acheter au Canada une entreprise ou un commerce, ou d'y investir une somme importante, de façon à contribuer de manière significative à la vie économique et à permettre à au moins un citoyen canadien ou résident permanent, à part l'entrepreneur et les personnes à sa charge, d'obtenir ou de conserver un emploi, et |
(a) a n immigrant who intends and has the ability to establish, purchase or make a substantial investment in a business or commercial venture in Canada that will make a significant contribution to the economy and whereby employment opportunities will be created or continued in Canada for one or more Canadian citizens or permanent residents, other than the entrepreneur and his dependents, and |
b) qui a l'intention et est en mesure de participer activement et régulièrement à la gestion de cette entreprise ou de ce commerce; |
(b) who intends and has the ability to provide active and on-going participation in the management of the business or commercial venture; |
[10] Celui qui demande la résidence permanente a le fardeau de prouver qu'il répond à la définition d' « entrepreneur » prévue par le Règlement (Saadat c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.F. no 39 (1re inst.) (QL)). Selon la décision de l'agent des visas et les notes du STIDI, M. Namjoo n'a tout simplement pas démontré qu'il avait une grande expérience des affaires lui permettant d'établir avec succès une entreprise économiquement viable au Canada. L'agent des visas a émis des réserves au sujet du niveau d'instruction limité du demandeur, de son manque d'expérience transférable en affaires, du fait qu'il a omis d'effectuer une étude de marché, du manque de détails dans son plan d'affaires, de l'absence de vérification effectuée par un tiers relativement au capital dont il disposait et de son aisance limitée à s'exprimer en anglais. Ce sont toutes des considérations valables. Les notes du STIDI mentionnent que l'agent des visas a posé les questions appropriées et qu'il a tenu compte de tous les éléments de preuve dont il disposait. Pour ces motifs, j'estime que l'agent des visas a, en fait, correctement apprécié le demandeur dans la catégorie des « entrepreneurs » .
[11] M. Namjoo a formulé une objection additionnelle selon laquelle, dans le cadre de la catégorie des « entrepreneurs » , l'agent des visas a commis une erreur en ne tenant compte que de sa capacité à établir une entreprise au Canada, et non de celle d'acheter une entreprise existante ou d'y investir une somme importante.
[12] Bien que dans la décision Mak, précitée, le juge Campbell ait décidé que l'obligation d'équité procédurale envers un demandeur exige d'un agent des visas qu'il examine non seulement la question de savoir si le demandeur pouvait établir une entreprise, mais aussi celle de savoir s'il pouvait acheter une entreprise existante ou y investir une somme importante, j'ai noté deux décisions subséquentes de la Cour qui en ont décidé autrement. Dans la décision Bakhshaee c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 1002 (1re inst.) (QL), le juge Décary a défini la question non pas comme se rapportant à l'équité, mais plutôt comme concernant les exigences prévues par le Règlement. Le juge Décary a décidé que, puisque le demandeur avait choisi de fonder sa demande de résidence permanente sur la capacité à établir une entreprise et rien d'autre, l'agent des visas n'était pas tenu d'examiner à fond les autres options dans la catégorie des « entrepreneurs » lors de l'entrevue. La décision Bakhshaee, précitée, a été suivie par le juge Lutfy dans l'affaire Majeed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 742 (1re inst.) (QL)).
[13] Le raisonnement du juge Décary dans la décision Bakhshaee, précitée, est compatible avec le fardeau imposé au demandeur de prouver qu'il répond à la définition d' « entrepreneur » prévue par le Règlement. En l'absence d'une preuve démontrant l'intention ou la capacité d'acheter au Canada une entreprise existante ou d'y contribuer, je ne peux pas voir comment l'obligation d'équité procédurale exigerait que l'agent des visas demande des renseignements qui iraient au-delà de la portée de la preuve présentée par M. Namjoo.
Question no 2 : Le défendeur a-t-il manqué à son obligation d'apprécier le demandeur en tant que « travailleur autonome » ?
[14] Il y a trois catégories distinctes de gens d'affaires immigrants, à savoir les investisseurs, les entrepreneurs et les travailleurs autonomes. Ces catégories sont définies séparément dans le Règlement (paragraphe 2(1)). M. Namjoo fait valoir qu'il a demandé d'être apprécié comme « entrepreneur » et comme « travailleur autonome » et que l'agent des visas a commis une erreur en n'examinant pas sa demande dans la catégorie des travailleurs autonomes en plus de celle des entrepreneurs.
[15] Bien que certains éléments de preuve indiquent que M. Namjoo avait l'intention de faire sa demande dans les deux catégories, je crois que la preuve étaye la conclusion que l'agent des visas n'a pas commis d'erreur en ne l'appréciant que dans la catégorie des entrepreneurs.
[16] Dans le formulaire « Résumé relatif au demandeur » de M. Namjoo, il a mentionné qu'il désirait être apprécié dans les deux catégories. Dans la demande elle-même, cependant, il n'a mentionné son intérêt que pour la catégorie des entrepreneurs. Selon les notes du STIDI, au début de l'entrevue, l'agent des visas a lu à M. Namjoo la définition d' « entrepreneur » prévue par le Règlement et il a confirmé que celui-ci (1) comprenait la définition et (2) voulait être apprécié dans cette catégorie. Au cours du contre-interrogatoire sur son affidavit, l'agent des visas a déclaré que M. Namjoo n'avait pas demandé à être apprécié dans les deux catégories mais il a convenu avec l'avocat de M. Namjoo que les deux catégories avaient été mentionnées dans une lettre d'accompagnement, datée du 8 juillet 1998, qui avait été envoyée à l'ambassade du Canada avec la demande du demandeur.
[17] À mon avis, l'agent des visas a agi de façon raisonnable en concluant que M. Namjoo n'avait pas formulé sa demande dans les deux catégories. Je m'appuie principalement sur la demande elle-même et sur la déclaration de l'agent des visas selon laquelle M. Namjoo n'avait pas demandé à être apprécié dans les deux. La lettre accompagnant la demande, écrite par le consultant en immigration de M. Namjoo, n'est d'aucune utilité du fait qu'elle indique que M. Namjoo présente une demande en tant qu'entrepreneur ou en tant que travailleur autonome. L'utilisation du mot « ou » donne à penser que le consultant en immigration avait l'intention d'utiliser indifféremment ces termes et cela n'indiquait pas, par conséquent, que M. Namjoo avait l'intention de présenter sa demande dans les deux catégories.
[18] Tout bien considéré, puisque je suis convaincue que la demande de M. Namjoo n'a été présentée que dans la catégorie des entrepreneurs, l'agent des visas n'était pas tenu d'examiner la catégorie des travailleurs autonomes (Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.F. no 677 (1re inst.) (QL)).
Conclusion
[19] Pour ces motifs, la demande est rejetée.
[20] Aucune des parties n'ayant proposé de question pour la certification, aucune question ne sera certifiée.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE :
1. La demande est rejetée.
2. Aucune question n'est certifiée.
_ Judith A. Snider _
Juge
Traduction certifiée conforme
Christian Laroche, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-6321-02
INTITULÉ : ABBAS NAMJOO
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 26 FÉVRIER 2004
MOTIFS DE L'ORDOINNANCE
ET ORDONNANCE : LA JUGE SNIDER
DATE DES MOTIFS : LE 27 FÉVRIER 2004
COMPARUTIONS :
Richard Kurland POUR LE DEMANDEUR
Keith Reimer POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Kurland Tobe POUR LE DEMANDEUR
Vancouver (Colombie Britannique)
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada