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Date : 20060331

Dossier : IMM-3477-05

Référence : 2006 CF 423

Ottawa (Ontario), le 31 mars 2006

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE TREMBLAY-LAMER

 

 

ENTRE :

JAVIER ARMAS AUSTRIA

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), en vue d’obtenir le contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu que le demandeur n’était ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger en vertu des articles 96 et 97 de la Loi, respectivement.

 

[2]               Un mois avant la première date fixée pour l’audience, le demandeur a signé une confirmation indiquant qu’il était prêt et disponible pour l’audition de sa demande d’asile prévue le 2 mars 2005. Un jour avant l’audience, l’avocat du demandeur, spécialisé en droit des réfugiés, a avisé la Commission que son client n’avait pas communiqué avec lui et qu’il se retirait en tant qu’avocat inscrit au dossier. À l’audience, le demandeur a comparu seul et a demandé un délai supplémentaire pour pouvoir retenir les services d’un nouvel avocat. La Commission a ajourné l’audience pour une période d’un mois et demi et elle a avisé le demandeur que l’audience aurait impérativement lieu à la nouvelle date fixée, qu’un avocat soit présent ou non. Lorsque le demandeur a comparu le 20 avril 2005, il n’était toujours pas accompagné d’un avocat. L’échange suivant a eu lieu entre le président de l’audience et le demandeur :

[Traduction]

Président de l’audience : Bonjour. L’audience est commencée; mon nom est Bing Wong (phonétique), membre du tribunal à la CISR. Je crois avoir rencontré le demandeur le 2 mars 2005.

 

Demandeur : Oui, c’est exact.

 

Président de l’audience : Et vous m’avez dit à cette date-là que votre avocat s’était retiré.

 

Demandeur : Oui.

 

Président de l’audience : Et vous n’étiez pas disposé à poursuivre sans avocat.

 

Demandeur : C’est exact.

 

Président de l’audience : J’ai donc indiqué que l’audience aurait lieu aujourd’hui et que nous allons procéder avec ou sans votre avocat. Vous deviez trouver un nouvel avocat à temps pour le 20 avril 2005, à 13 h 30.

 

Demandeur : C’est exact.

 

Président de l’audience : Très bien. Ou procéder sans avocat. Donc, êtes-vous prêt à poursuivre?

 

Demandeur : Oui.

 

[3]               L’unique question dont la Cour est saisie est celle de savoir si la Commission a contrevenu aux principes de justice naturelle et d’équité procédurale en n’ajournant pas l’audience lorsqu’elle a constaté que le demandeur n’avait pas d’avocat.

 

[4]               Le demandeur fait valoir que, comme l’a indiqué la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Nouveau-Brunswick (Ministre de la Santé et des Services communautaires) c. G.(J.), [1999] 3 R.C.S. 46, il existe un droit absolu de bénéficier des services d’un avocat à une audience sur le statut de réfugié.

 

[5]               Dans l’arrêt G.(J.), précité, il s’agissait de déterminer si lorsqu’il tente de retirer un enfant de la garde de ses parents, l’État est tenu de fournir une aide juridique aux parents. Le juge en chef Lamer a dit, au paragraphe 107, qu’« […] il ne faut pas interpréter l’art. 7 comme prévoyant un droit absolu à ces services dans toutes les audiences où la vie, la liberté et la sécurité d’une personne sont en jeu et que la personne n’a pas les moyens de se payer un avocat […] ». Le juge en chef a ensuite exposé la procédure qu’il convient de suivre lorsqu’un parent non représenté dans une affaire de demande de garde sollicite les services d’un avocat rémunéré par l’État. Une fois qu’il est convaincu qu’un parent a épuisé toutes les possibilités en vue d’obtenir une aide juridique rémunérée par l’État, le juge doit déterminer si le parent peut faire l’objet d’une audience équitable compte tenu des trois facteurs suivants : la gravité des intérêts en jeu, la complexité de l’instance et les capacités du parent. S’il estime que le parent n’aura pas une audience équitable, le juge doit ordonner au gouvernement de fournir au parent les services d’un avocat rémunéré par l’État.

 

[6]               Comme l’indique clairement cet arrêt, qui précise qu’une aide juridique rémunérée par l’État ne s’impose en vertu de la Constitution que dans certains cas, le droit aux services d’un avocat n’est pas absolu. En matière d’immigration plus précisément, la Cour fédérale a statué à maintes reprises que ce droit n’est pas absolu : Mervilus c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1206, [2004] A.C.F. no 1460 (C.F.) (QL), aux paragraphes 17 à 25, où le juge Sean Harrington examine les règles de droit applicables au droit à un avocat. Ce qui est absolu, toutefois, c’est le droit à une audience équitable. Pour qu’une audience se déroule équitablement, le demandeur doit être capable de « participer utilement » à l’instance : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Fast, 2001 CFPI 1269, [2002] 3 C.F. 373 (C.F.), aux paragraphes 46 et 47.

 

[7]               C’est donc dire que, dans certaines circonstances, l’absence d’avocat peut donner lieu à une telle inéquité au cours de l’audience qu’il est justifié que la Cour intervienne. Je ne suis toutefois pas convaincue que ce soit le cas en l’espèce. Je crois que le demandeur a eu effectivement une audience équitable.

 

[8]               Je signale tout d’abord qu’il ressort clairement des notes sténographiques que le demandeur a indiqué sans l’ombre d’un doute qu’il était prêt à procéder sans avocat à l’audience du 20 avril 2005. Par ailleurs, aucun ajournement n’a été demandé et, contrairement à ce que laisse entendre le demandeur, rien n’indique qu’il a subi des pressions quelconques pour procéder. Il ne peut pas se plaindre maintenant de son choix, alors qu’il a eu toutes les chances possibles de le faire à l’audience.

 

[9]               J’estime en outre que la Commission a pris les précautions nécessaires pour que le demandeur puisse participer utilement à l’instance et que l’audience s’est déroulée équitablement. En effet, un interprète était présent. Le président de l’audience a expliqué en termes fort simples et directs la manière de procéder, le fardeau de la preuve, les cinq motifs prévus par la Convention et la définition d’une personne à protéger, de même que l’importance de la crédibilité. À l’audience, la Commission a pris le temps qu’il fallait pour s’assurer que le demandeur comprenait les documents, comme son formulaire de renseignements personnels. La Commission a pris note des éléments de preuve que l’avocat précédent du demandeur avait soumis antérieurement. Elle a également donné au demandeur la possibilité d’introduire ses propres preuves documentaires. Enfin, à plus d’une occasion, elle a demandé au demandeur s’il comprenait ce qu’on lui demandait, ce à quoi il a systématiquement répondu par l’affirmative.

[Traduction]

Président de l’audience : […] Avez-vous donc des questions en ce qui concerne le statut de réfugié ou la personne à protéger?

 

Demandeur : Je ne crois pas.

 

Président de l’audience : […] Êtes-vous donc prêt à procéder?

 

Demandeur : Oui.

 

Président de l’audience : Comprenez‑vous bien ce que vous avez à faire aujourd’hui?

 

Demandeur : Oui.

 

[…]

 

Président de l’audience : Très bien. Dans ce cas, vous sentez-vous à l’aise pour procéder?

 

Demandeur : Oui.

 

 

[10]           En résumé, les notes sténographiques montrent que l’on a veillé spécialement à ce que le demandeur comprenne bien les questions en jeu et que, en tant que demandeur non représenté, il a eu une audience équitable.

 

[11]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

JUGEMENT

            La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

« Danièle Tremblay-Lamer »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-3477-05

 

INTITULÉ :                                                   JAVIER ARMAS AUSTRIA

 

                                                            c.

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 29 MARS 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LA JUGE TREMBLAY-LAMER

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 31 MARS 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

George J. Kubes

 

POUR LE DEMANDEUR

David Cranton

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

George J. Kubes

Toronto (Ontario)

 

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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