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Date : 20041022

Dossier : IMM-10120-03

Référence : 2004 CF 1471

Montréal (Québec), le 22 octobre 2004

Présente :      Madame le juge Danièle Tremblay-Lamer

ENTRE :

                                                            BILAL MARCHOUD

                                                                                                                    partie demanderesse

                                                                            et

                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                        ET DE L'IMMIGRATION

                                                                             

                                                                                                                       partie défenderesse

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire à l'encontre d'une décision rendue par la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (le « tribunal » ) selon laquelle le demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention.

[2]                Le demandeur est né au Liban où il a vécu jusqu'à l'âge de 4 ans (1975-1979). De 5 à 23 ans (1980-1998), il a vécu un an au Yémen puis aux Émirats Arabes Unis ( « ÉAU » ). Entre 1998-2001, il était étudiant universitaire en Caroline du Nord aux États-Unis.

[3]                Le demandeur est arrivé au Canada le 3 novembre 2001. Il a revendiqué le statut de réfugié le 4 novembre 2001.

[4]                Le tribunal a conclu que seul les ÉAU était le pays de résidence habituelle du demandeur. Pour cette raison, il n'avait pas à évaluer la crainte du demandeur envers le Liban.

[5]                Le demandeur avait expliqué au tribunal qu'il aurait un statut économique précaire s'il retournait aux ÉAU puisqu'il aurait besoin d'un parrain pour y travailler et que celui-ci pourrait exiger un pourcentage de son salaire. Le tribunal a déterminé que le fait qu'il y ait des restrictions sur le marché du travail aux ÉAU constituait de la discrimination et non de la persécution.

[6]                De plus, le tribunal a noté que le demandeur a quitté volontairement son pays de résidence pour étudier aux États-Unis. Cet apatride, de l'avis du tribunal, ne se trouve pas hors du pays de sa résidence habituelle pour des raisons indiquées dans la définition de la Convention.


[7]                Le tribunal a donc conclu que le demandeur n'avait pas la qualité de « réfugié au sens de la Convention » ni celle de « personne à protéger » , tel que définis par les dispositions des articles 96 et 97 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. (2001), ch. 27 ( « Loi » ).

[8]                Le demandeur soutient que le Liban et non seulement les ÉAU constitue un pays de résidence habituelle et qu'il aurait dû être désigné ainsi par le tribunal.

[9]                Le demandeur a vécu aux ÉAU pendant 18 ans, faisant toutes ses études primaires et secondaires dans ce pays. Pendant cette période, il a visité le Liban seulement une fois, pour une semaine en 1994. Comme dans l'affaire Kadoura c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F. no 1328 (QL), les documents de voyage émanant des autorités libanaises ne sont pas concluants. Même s'il détient un droit de résidence au Liban, il n'y a pas résidé depuis l'âge de 4 ans.

[10]            La détermination du pays de résidence habituelle d'un demandeur d'asile est une question de nature factuelle (Kruchkov c. Canada (Solliciteur général), [1994] A.C.F. no 1264 (QL)).


[11]            Compte tenu du fait que le demandeur a passé la majorité de sa vie en dehors du Liban, où il n'est retourné qu'une fois pour une semaine, je suis satisfaite que la conclusion du tribunal à l'effet que le Liban n'était pas un pays de résidence habituelle n'est pas manifestement déraisonnable.

[12]            Le demandeur soutient que le tribunal doit étudier la crainte de persécution dans l'éventualité d'un retour dans chacun des pays évoqués par le demandeur d'asile. Le demandeur s'appuie sur la décision Elbarbari c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 157 F.T.R. 111 pour supporter cet argument.

[13]            Or, dans ce dossier, l'Égypte, les États-Unis et l'Irak étaient désignés comme pays de résidence habituelle. La Cour a déterminé que le tribunal devait se prononcer sur le risque de persécution dans tous les pays où le demandeur avait eu une résidence habituelle, ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisque les ÉAU est le seul pays de résidence habituelle du demandeur. Le Liban n'étant pas un pays de résidence habituelle, le tribunal n'avait pas à se prononcer sur le risque de persécution dans ce pays. C'est d'ailleurs ce que nous enseigne la Cour d'appel dans la décision Thabet c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'immigration), [1998] 4 C.F. 21 (C.A.) au paragraphe 30 :

Pour se voir reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention, une personne apatride doit démontrer, selon la probabilité la plus forte, qu'elle serait persécutée dans l'un ou l'autre des pays où elle a eu sa résidence habituelle et qu'elle ne peut retourner dans aucun d'eux. (Je souligne).


[14]            Le demandeur prétend que s'il retournait aux ÉAU, il devrait se trouver un parrain, ce qui lui causerait un préjudice économique appréciable. Le tribunal a conclu que bien que cette situation pouvait être considérée comme de la discrimination, il ne s'agissait pas de persécution au sens de la Convention.

[15]            Je considère cette conclusion raisonnable, et conséquemment, cette Cour doit faire preuve de retenue judiciaire à son égard (Al-Mahamud c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2003), 30 Imm. L.R. (3d) 315 (C.F.)).

[16]            Le demandeur soutient également que le tribunal a erré en concluant qu'il pouvait retourner aux ÉAU sans évaluer la possibilité d'un refoulement par les ÉAU au Liban.

[17]            Je suis d'avis que le tribunal n'avait pas en vertu des paragraphes 96(b) et 97(1)a) de la Loi à se livrer à cet examen puisqu'il y est clairement édicté que les termes « réfugié » et « personne à protéger » concernent notamment une personne qui n'a pas de nationalité et se trouve dans un pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle. De plus, une telle analyse serait purement théorique puisque le risque devrait s'évaluer au jour de l'audition et non pas au moment où un tel refoulement par les ÉAU pourrait éventuellement avoir lieu.

[18]            Pour tous ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[19]            Le procureur du demandeur a demandé que la question suivante soit certifiée :

Lorsque le tribunal détermine le pays de résidence habituelle d'un demandeur du statut de réfugié apatride, doit-il évaluer les protections offertes au demandeur par ledit pays, dans le cas où ce dernier n'y aurait qu'un statut précaire, et risque d'être refoulé par ce pays de résidence habituelle vers un autre pays où le demandeur a le droit de résider et où il craint d'être persécuté ?

[20]            La Cour n'est pas satisfaite que la question proposée transcende les intérêts des parties au litige et qu'elle est de portée générale. Il n'y aura pas de question certifiée.

                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

            « Danièle Tremblay-Lamer »          

                                juge                               


                                     COUR FÉDÉRALE

                     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                     

DOSSIER :               IMM-10120-03

INTITULÉ:               BILAL MARCHOUD

                                                                    partie demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                     

                                                                       partie défenderesse

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                            le 19 octobre 2004

MOTIFSDE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE :

LE JUGE TREMBLAY LAMER

DATE DES MOTIFS :                                   le 22 octobre 2004

COMPARUTIONS:

Jacques Beauchemin                              POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Daniel Latulippe                                     POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Beauchemin, Paquin, Jobin, Brisson, Philbot       POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Montréal (Québec)

Morris Rosenberg                                  POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE


Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)


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