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Date : 19990823


Dossier : IMM-6828-98


Ottawa (Ontario), le 23 août 1999


EN PRÉSENCE DE : MONSIEUR LE JUGE PELLETIER


ENTRE



TIANMING WANG,


demandeur,


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,


défendeur.



MOTIFS DE L"ORDONNANCE et ORDONNANCE


[1]      M. Wang n"a pas réussi à obtenir un visa. Il demande l"aide de la Cour aux fins du réexamen de sa demande.

[2]      M. Wang a obtenu un diplôme en informatique de l"Institut de technologie de Beijing en 1984. De 1984 à 1996, il a travaillé dans ce domaine à l"usine de fabrication de machines de Qiqihar, à Qiqihar (République populaire de Chine), sauf pour une période de deux ans pendant laquelle il a travaillé pour Keytech Computer Corporation, à Beijing. M. Wang a demandé un visa à titre de programmeur d"ordinateurs. Cela l"obligeait à démontrer qu"il avait de l"expérience à titre de programmeur d"ordinateurs comme le prévoit la CNP. Les autorités de l"Immigration ont demandé à M. Wang de soumettre une preuve de son expérience professionnelle au moyen d"une preuve documentaire fournie par ses anciens employeurs, à laquelle devait être jointe une traduction certifiée conforme si l"original n"était pas rédigé en anglais ou en français. Pour des raisons qui ne sont pas claires, M. Wang a demandé à un ami de traduire la lettre que l"usine de fabrication de machines de Qiqihar avait fournie. L"ami n"a pas pu certifier la traduction; de plus, il a commis une erreur en désignant l"employeur comme étant l"usine de fabrication de machines Harbin Peace. Étant donné que la demande de M. Wang ne montrait pas qu"il avait travaillé à l"usine de fabrication de machines Harbin Peace, la lettre n"était pas utile.

[3]      Il existe des éléments de preuve contradictoires au sujet de la conduite de l"entrevue, qui a eu lieu à New York, où M. Wang réside à l"heure actuelle. M. Wang allègue ne pas avoir été bien traité; l"agente des visas affirme avoir traité M. Wang de la même façon que les autres demandeurs. Ces allégations ne sont pertinentes que dans la mesure où elles servent à replacer dans son contexte la partie de l"affidavit dans laquelle M. Wang traite de la façon dont l"agente des visas a évalué son expérience professionnelle :

[TRADUCTION]
Lorsque nous sommes arrivés à la section de l'expérience professionnelle, elle m"a demandé les documents. J"ai dit que j"avais soumis l"original avec la traduction. Elle a trouvé l"original et la traduction. Elle m"a montré la traduction et elle a dit : " La traduction n"est pas acceptable, elle n"est pas légalisée. " J"ai répondu ceci : " Je peux la faire légaliser et la soumettre après l"entrevue, " ce sur quoi elle a dit : " Non, vous ne pouvez pas la soumettre plus tard; vous devez la soumettre avant ou pendant l"entrevue; de plus, l"attestation relative à l"expérience devrait être signée, comme le certificat de naissance, par le notaire public, en Chine. Je ne peux pas vous attribuer de points à l"égard de ce facteur. " J"ai de nouveau demandé de soumettre le document plus tard. Elle a encore refusé. Elle m'a finalement dit : " Monsieur, votre demande est refusée. Après avoir terminé vos études supérieures et une fois que vous aurez amélioré votre anglais, vous pourrez présenter une nouvelle demande. " Elle a alors mis fin à l'entrevue.

[4]      De son côté, l"agente des visas Sara Trillo a présenté l"affidavit suivant, dont les parties essentielles se lisent comme suit :

[TRADUCTION]
10.      Comme preuve de son expérience professionnelle, le demandeur a soumis des références rédigées en chinois qu"il avait fait traduire en anglais par un ami qui n"était pas traducteur agréé. J"ai informé le demandeur que ses références n"étaient pas acceptables parce que, comme je lui ai fait savoir dans la lettre d"entrevue, une traduction certifiée conforme doit être jointe à tout document qui n"est pas rédigé en anglais ou en français. J"ai néanmoins examiné la lettre de référence fournie par le demandeur.
11.      Selon la traduction, la lettre provenait de l"usine de fabrication de machines Harbin Peace; le demandeur avait travaillé au centre de traitement de l"information; il était chargé d"élaborer des logiciels d"application, il avait pris part à l"élaboration de logiciels d"application à maintes reprises ou il en avait été responsable; en 1985, le demandeur avait reçu à deux reprises le prix d"excellence décerné aux travailleurs; en 1987, il avait dirigé les travaux de conception et d"organisation; en 1990, il avait exploité un appareil à moteur et le système d"information de gestion pour le grand magasin de Harbin et en 1995, il avait été nommé directeur adjoint du centre de traitement de l"information. Selon la traduction, la lettre était datée du 15 septembre 1997.
12.      J"ai comparé le contenu de la lettre de référence et la section de la demande intitulée " Emplois exercés au cours des dix dernières années ". Dans cette section, le demandeur ne dit nulle part qu"il a travaillé à l"usine de fabrication de machines Harbin Peace.
13.      Étant donné que le demandeur n"a pas fourni de preuve digne de foi au sujet de son expérience professionnelle, j"estimais qu"il n"avait pas d"expérience professionnelle dans la profession envisagée; j"ai conclu qu"il n"avait pas au moins une année d"expérience à plein temps dans la profession envisagée et je ne lui ai pas attribué d'unités d'évaluation à l"égard du facteur " expérience " visé à l"annexe I du Règlement .
14.      Pendant l"entrevue, je me suis rendu compte que le demandeur avait de la difficulté à parler l"anglais. Je lui ai posé des questions au sujet de sa demande, de son expérience professionnelle et de ses qualifications; il n"a pas pu ou il n"a pas voulu répondre à mes questions. Je lui ai demandé de lire la déclaration qui figure à l'article 32 du formulaire avant de la signer; il a pu lire et comprendre ce qu"il lisait. J"ai dicté l"alinéa 29a) de la demande. Le demandeur écrivait bien l"anglais. Il parlait mal l"anglais, mais je lui ai attribué six unités d'évaluation pour la connaissance de l"anglais, même si l"entrevue avait été difficile parce qu"il avait une connaissance restreinte de l"anglais parlé ou parce qu"il ne voulait pas répondre à mes questions. Je n"ai pas attribué d'unités d'évaluation au demandeur à l"égard du français puisqu"il a déclaré qu"il ne connaissait pas cette langue.
15.      J"ai lu les affirmations figurant au paragraphe 4 de l"affidavit que le demandeur a signé le 14 janvier 1999, où il déclare que l"agente d"immigration s"est montrée impolie envers lui, qu"elle l"a interrompu à maintes reprises, qu"elle parlait beaucoup plus vite que normalement, et ce, à dessein, et qu"elle l"a embrouillé. Je n"ai pas été impolie envers le demandeur. Je l"ai traité avec la politesse dont je fais preuve à l"égard de tous les demandeurs. Je ne l"ai pas interrompu et je n"ai pas parlé plus vite que normalement, à dessein, de façon à l"embrouiller. Je lui ai pleinement donné la possibilité de répondre à mes questions et de me faire part de ses qualifications et de son expérience [...]

[5]      À la suite de l"entrevue, Mme Trillo a fait parvenir à M. Wang une lettre dans laquelle elle rejetait sa demande pour les motifs suivants : [TRADUCTION] " [...] vous ne possédez pas les qualifications et vous n"avez pas l"année d"expérience minimale exigée à l"égard de la profession envisagée, du moins selon les normes canadiennes. " M. Wang n"a pas obtenu de points à l"égard de l"expérience dans la grille d"évaluation établie à l"annexe I du Règlement sur l"immigration de 1978, de sorte qu"il s"est vu refuser un visa puisque le paragraphe 11(1) du Règlement prévoit qu"aucun visa n"est délivré à la personne qui n"obtient pas de points à l"égard du troisième élément, à savoir l"expérience.

[6]      M. Wang a présenté une demande de contrôle judiciaire, par suite de laquelle les notes que l"agente des visas avait inscrites dans le système informatique (les notes CAIPS) immédiatement après l"entrevue lui ont été communiquées. Le passage pertinent de ces notes est ainsi libellé :

[TRADUCTION]
LES LETTRES FIGURANT AU DOSSIER NE SONT PAS ACCEPTABLES. LES ORIGINAUX SONT RÉDIGÉS EN CHINOIS; IL DIT QUE LA TRADUCTION A ÉTÉ EFFECTUÉE PAR UN AMI; IL NE S"AGIT PAS D"UNE TRADUCTION OFFICIELLE COMME NOUS LE LUI AVIONS DEMANDÉ. CELA N"EST PAS ACCEPTABLE. IL N"Y A QU"UNE LETTRE DE RÉFÉRENCE DANS LE DOSSIER. IL DIT QU"ELLE VIENT DE L"USINE DE FABRICATION DE MACHINES DE QIQIHAR. SELON LA TRADUCTION QUE L"AMI A EFFECTUÉE, IL TRAVAILLAIT AU CENTRE DE TRAITEMENT DE L"INFORMATION ET IL ÉTAIT CHARGÉ D"ÉLABORER DES LOGICIELS D"APPLICATION. IL A ÉLABORÉ DES LOGICIELS D"APPLICATION À MAINTES REPRISES. EN 1985, IL A OBTENU LE PRIX D"EXCELLENCE DÉCERNÉ AUX TRAVAILLEURS ET EN 1987 IL A DIRIGÉ LES TRAVAUX DE CONCEPTION ET D"ORGANISATION.
LETTRE DE L"USINE DE FABRICATION DE MACHINES HARBIN PEACE.
IL N"EXISTE AUCUNE PREUVE DE L"EXPÉRIENCE PROFESSIONNELLE -- AUCUN POINT N"EST ATTRIBUÉ À L"ÉGARD DE L"EXPÉRIENCE.
IL NE SATISFAIT PAS AUX EXIGENCES. IL N"A PAS FOURNI DE PREUVE VALIDE MONTRANT QU"IL A DE L"EXPÉRIENCE DANS CETTE PROFESSION. IL N"A PAS RÉUSSI À ME CONVAINCRE QU"IL A L"EXPÉRIENCE VOULUE DANS LA PROFESSION ENVISAGÉE. JE L"AI INFORMÉ DE LA CHOSE ET JE LUI AI DONNÉ LES MOTIFS DU REFUS; JE LUI AI DIT QUE JE CONFIRMERAIS LA CHOSE PAR ÉCRIT LE PLUS TÔT POSSIBLE. IL A BEAUCOUP DE DIFFICULTÉ À COMPRENDRE L"ANGLAIS. IL PEUT LIRE ET ÉCRIRE L"ANGLAIS, MAIS LORSQU"ON LUI POSE DES QUESTIONS, IL A L"AIR VAGUE ET IL NE RÉPOND PAS. JE NE CROIS PAS QU"IL AIT L"EXPÉRIENCE NÉCESSAIRE. JE L"AI INFORMÉ QUE JE CONFIRMERAIS MA DÉCISION PAR ÉCRIT LE PLUS TÔT POSSIBLE; PUISQUE LE DROIT EXIGÉ POUR L"ÉTABLISSEMENT N"A PAS ÉTÉ PAYÉ, AUCUN REMBOURSEMENT N"EST DÛ.

[7]      La demande est fondée sur l"allégation selon laquelle l"agente des visas aurait dû permettre à M. Wang de produire une traduction certifiée conforme de la lettre attestant qu"il avait l"expérience voulue et qu"elle aurait dû attirer son attention sur le fait que l"employeur désigné dans la lettre et les employeurs désignés dans le formulaire de demande n"étaient pas les mêmes, de façon qu"il puisse donner des explications.

[8]      L"examen des documents montre que le fondement du refus de l"agente des visas n"est pas clair. Les paragraphes 11, 12 et 13 de l"affidavit de l"agente des visas montrent que cette dernière n"a pas tenu compte de la lettre parce que ce n"était pas une [TRADUCTION] " preuve digne de foi au sujet de son expérience professionnelle ". Dans les notes figurant dans le CAIPS, il est également fait mention de l"absence de preuve relative à l"expérience professionnelle, mais l"agente dit ensuite que le demandeur n"a pas réussi à la convaincre qu' [TRADUCTION] " il a l"expérience voulue dans la profession envisagée ". Il faut interpréter cette déclaration dans le contexte des remarques que l"agente des visas a faites au paragraphe 14 de son affidavit au sujet du fait que le demandeur avait de la difficulté en anglais. Enfin, l"agente des visas fait la remarque suivante : [TRADUCTION] " Je ne crois pas qu"il ait l"expérience nécessaire. "

[9]      Pour quel motif la demande de M. Wang a-t-elle été rejetée? A-t-elle été rejetée parce que l"agente des visas n"a pas tenu compte du contenu de la lettre attestant qu"il avait l"expérience voulue pour le motif de forme qu"elle n"était pas certifiée de la façon régulière (aucune preuve digne de foi), ou parce que ni la lettre ni les réponses que M. Wang a données à l"entrevue, à leur face même, n'ont pas convaincu l"agente des visas que M. Wang satisfaisait aux exigences de la CNP ([TRADUCTION] : " Il n"a pas réussi à me convaincre [...] "), ou encore a-t-elle été rejetée en raison d'une combinaison non précisée des deux motifs?

[10]      M. Wang met l"accent sur la première explication possible et dit que l"agente des visas était tenue de lui permettre de produire une traduction certifiée conforme et d"expliquer la contradiction qui existait entre la lettre et la demande. M. Wang se fonde sur un certain nombre d"arrêts dans lesquels il a été statué que l"agent des visas doit donner au demandeur la possibilité d"apaiser les préoccupations qu"il a au sujet de la demande.

[11]      Dans l"arrêt Pangli c. Ministre de l"Emploi et de l"Immigration (1987), 4 Imm. L.R. (2d) 266, la Cour d"appel fédérale a statué que lorsqu"il existait de la confusion au sujet de l"intention du demandeur parce que deux documents se contredisent, la justice naturelle exigeait que le demandeur ait une entrevue de façon à pouvoir éliminer toute confusion ou contradiction. Le demandeur avait présenté une demande de résidence permanente et, le même jour, au consulat du Canada, à New Delhi, il avait fait une déclaration solennelle dans laquelle il affirmait qu"il avait l"intention de venir au Canada pour une période d"un an seulement afin de visiter sa fille. Cette intention soustrayait le demandeur de la définition d'" immigrant ", de sorte qu"il n"était pas admissible à un visa. La Cour a souligné qu"eu égard aux circonstances particulières de l"affaire, il fallait accorder une entrevue au demandeur. Eu égard aux circonstances particulières, le problème était sans doute dans un certain sens attribuable aux fonctionnaires de l"Immigration qui avaient aidé le demandeur à choisir des solutions de rechange incompatibles sans l"interroger pour voir ce qu"il voulait réellement faire. Cet élément est absent dans ce cas-ci. Le demandeur a soumis les documents en question dans le cadre de la présentation de la demande. La contradiction était attribuable à une personne dont le demandeur, et non pas le défendeur, était responsable.

[12]      Le demandeur se fonde sur la décision Chou c. Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration [1998] A.C.F. no 819, à l"appui de la thèse selon laquelle l"agent des visas doit demander des renseignements supplémentaires s"il existe des éléments de preuve contradictoires. Fait intéressant, dans la décision Chou , le juge Teitelbaum mentionne les motifs qu"il a prononcés dans la décision Ali c. Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration, [1998] A.C.F. no 468, où il traite d"une façon passablement détaillée de l"obligation d"équité :

Je suis convaincu que l'obligation de l'agent des visas d'informer le requérant de ses préoccupations est limitée. Étant donné qu'il doit établir, pour être admis au Canada, qu'il répond à certains critères, le requérant peut supposer que les préoccupations de l'agent des visas découleront directement de la Loi ou du Règlement. Cela ne veut pas dire que l'agent des visas doit garder le silence pendant l'entrevue alors que le requérant présente sa demande. L'agent des visas doit diriger l'entrevue et tenter d'obtenir les renseignements pertinents en ce qui concerne la demande. Cela veut dire, par exemple, que si le demandeur de visa de visiteur a présenté une preuve non concluante au soutien de sa prétention selon laquelle il entretient avec son pays d'origine des liens suffisamment forts pour garantir qu'il y retournera, l'agent des visas n'a pas à s'en ouvrir à lui. Une telle préoccupation découle directement de la Loi et du Règlement. Il serait peut-être souhaitable que l'agent des visas en fasse part au requérant mais, en ne le faisant pas, il n'enfreint aucunement l'obligation d'équité qui lui incombe.
Par ailleurs, le meilleur exemple d'un cas où l'agent des visas doit informer le requérant de ses préoccupations est lorsque l'agent des visas dispose d'éléments de preuve extrinsèques. En pareille circonstance, le requérant devrait avoir la possibilité de désabuser l'agent des préoccupations que pourraient susciter chez lui de tels éléments de preuve.
Bref, lorsqu'il convient d'interviewer un requérant pour évaluer sa demande, l'équité exige que l'agent des visas interroge le requérant de manière exhaustive sur les facteurs pertinents de la demande, et qu'il donne au requérant l'occasion de répondre aux allégations ou aux hypothèses dont il ne saurait, raisonnablement, avoir connaissance.

[13]      Compte tenu de ce passage, le fait que l"agente des visas n"a pas expressément attiré l"attention de M. Wang sur la contradiction existant entre la lettre et la demande ne serait pas fatal parce que la lettre ne constitue pas un renseignement extrinsèque. Il s"agit d"un renseignement que le demandeur a fourni dans le cadre de la présentation de sa demande. Il ne s"agit pas " d"allégations ou d"hypothèses dont il ne saurait, raisonnablement, avoir connaissance " et ce, d"autant plus que l"erreur est une erreur de traduction et que le demandeur doit avoir une connaissance pratique de l"anglais ou du français. Le demandeur était en mesure de connaître l"existence de l"erreur et de la corriger avant même de soumettre le document aux fonctionnaires de l"Immigration.

[14]      Dans la décision Dhesi c. Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration [1997] A.C.F. no 59, le demandeur, qui avait 19 ans, avait donné des réponses contradictoires pendant l"entrevue. De plus, certaines réponses contredisaient la preuve documentaire déjà soumise par le demandeur. Le juge Dubé a statué que l"agent des visas devait prendre en considération l"ensemble de la preuve et examiner les contradictions existant entre la preuve testimoniale et la preuve documentaire fournie antérieurement. Dans la présente affaire, il existe une contradiction entre deux éléments de preuve documentaire fournis par le demandeur, dont l"un est présenté en preuve du contenu de l"autre.

[15]      Dans la décision Huang c. Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration (1998) 41 Imm. L.R. (2d) 247 (C.F. 1re inst.), l"agente des visas avait reçu des renseignements extrinsèques qui l"avaient amenée à conclure que le demandeur avait obtenu d"une façon irrégulière les titres de compétences qu"il invoquait. Le juge Heald a statué que l"agent des visas qui croyait que le demandeur est coupable d"une irrégularité grave devait donner à celui-ci la possibilité de donner des explications. La présente affaire appartient à la catégorie des affaires se rapportant à la preuve extrinsèque.

[16]      La décision Hossain c. Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration (1998), A.C.F. no 486, sur laquelle le demandeur se fonde également, étaye la thèse ci-après énoncée :

Il appartient à l"agente des visas, avant de rejeter une demande, de prévenir le demandeur et de fournir à celui-ci une occasion juste et raisonnable de répondre aux faits retenus contre lui.

[17]      En l"espèce, l"agente des visas a informé le demandeur, à l"entrevue, des préoccupations qu"elle avait au sujet de son expérience professionnelle. Elle ne l"a pas informé de la contradiction qui existait dans les documents qui avaient été produits, mais la question fondamentale se rapportait à l"expérience professionnelle.

[18]      En fin de compte, cette affaire se réduit à la question du caractère adéquat des documents fournis par le demandeur. M. Wang a produit à l"appui de sa demande un document qui ne satisfaisait pas aux critères du ministère de l"Immigration. Il ne s"agissait pas d"une traduction certifiée conforme. Le fait que, dans ce cas-ci, la traduction renfermait une erreur qui n"aidait pas le demandeur montre bien qu"il est sage pour le ministère d"insister pour avoir des traductions certifiées conformes. L"agente des visas avait le droit de rejeter le document sur-le-champ. Cependant, elle l"a examiné et a découvert une contradiction entre la lettre et la demande. Cela n'a fait qu'ajouter un motif additionnel justifiant le rejet du document. En examinant le document, l"agente des visas n"a pas perdu le droit de le rejeter. Statuer le contraire serait dissuader les agents de visas d"examiner les documents non conformes alors que pareil examen ne pourrait qu'aider les demandeurs. Je conclus que le fait que l"agente des visas a omis d"attirer l"attention de M. Wang sur la contradiction existant entre la lettre et la demande ne constituait pas un déni de justice naturelle parce que l"agente des visas avait le droit de rejeter la lettre en l"absence d"une traduction certifiée conforme. Le fait que l"agente des visas pouvait rejeter la demande pour un autre motif n'a rien changé à la position du demandeur.

[19]      M. Wang se plaint également qu"il n"a pas eu la possibilité de fournir une traduction certifiée conforme. L"agente des visas nie l"allégation selon laquelle M. Wang a offert de fournir une traduction certifiée conforme. Il incombe au demandeur de fournir les documents nécessaires pour convaincre l"agent des visas. En l'espèce, l'erreur contenue dans le document aurait dû être évidente pour M. Wang puisque, dans sa demande, il avait affirmé écrire l"anglais couramment. Étant donné qu"il ne s"agissait pas d"un renseignement extrinsèque que le demandeur n"aurait pas pu connaître, je conclus que l"agente des visas n"était pas tenue de fournir à M. Wang la possibilité de produire les documents appropriés, même s"il l"avait demandé.

[20]      L"argument fondé sur l"absence de preuve relative à l"expérience est donc réglé. Toutefois, si on soutient qu"il existait une preuve de l"expérience que l"agente des visas a omis d"examiner (" je ne suis pas convaincue "), le résultat est le même. L"affidavit de l"agente des visas ainsi que les notes figurant dans le CAIPS montrent clairement que M. Wang a eu la possibilité de parler de son expérience à cette dernière. Le paragraphe 14 de l"affidavit de l"agente des visas traite de cette question. L"agente des visas a eu l"avantage de rencontrer M. Wang; à la fin de l"entrevue elle a estimé que M. Wang n"avait pas l"expérience qu"il affirmait avoir. Il s"agit d"une question de crédibilité à l"égard de laquelle je ne suis pas prêt à intervenir.

[21]      Pour ces motifs, la demande d'annulation de la décision que Sara Trillo a communiquée au demandeur dans sa lettre du 25 novembre est rejetée.


O R D O N N A N C E

     La demande d'annulation de la décision que Sara Trillo a communiquée au demandeur dans sa lettre du 25 novembre est rejetée.



                         J.D. Denis Pelletier

                                         Juge


Traduction certifiée conforme


Pierre St-Laurent, LL.M.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :      IMM-6828-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      TIANMING WANG c. MCI

LIEU DE L"AUDIENCE :      TORONTO

DATE DE L"AUDIENCE :      LE 18 AOÛT 1999

MOTIFS DE L"ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE PELLETIER

EN DATE DU :      23 AOÛT 1999

ONT COMPARU

M. Nkunda I. Kabateraine      POUR LE DEMANDEUR
M. Toby Hoffmann      POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Nkunda I. Kabateraine      POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général

du Canada

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