Date : 20011122
Dossier : IMM-2631-01
Référence neutre : 2001 CFPI 1284
Toronto (Ontario), le 22 novembre 2001
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O'KEEFE
ENTRE :
NILUFAR HASAN, NANTY HASAN,
DANA HASAN
demanderesses
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Il s'agit d'une demande de sursis de la mesure de renvoi qui a ordonné le renvoi de Nilufar Hasan, Nanty Hasan et Dana Hasan (les demanderesses) du Canada vers le Bangladesh le 29 novembre 2001.
[2] Le 16 septembre 1997, les demanderesses sont arrivées au Canada en provenance du Bangladesh pour revendiquer le statut de réfugiées, revendication qui a été refusée de même que la demande d'autorisation et de contrôle judiciaire, rejetée le 29 octobre 1999.
[3] La demanderesse Nilufar Hasan déclare avoir fait une demande fondée sur des considérations d'ordre humanitaire (demande CH) le 25 septembre 2000. Elle affirme que la demande a été envoyée au Centre de traitement des demandes de Vegreville (Alberta).
[4] La demanderesse Nilufar Hasan s'est rapportée le 28 mars 2001 au Centre d'exécution de la loi du Grand Toronto, où l'agent d'immigration l'a informée qu'il ferait une demande de document de voyage vers le Bangladesh en son nom.
[5] Le 23 mai 2001, l'avocat des demanderesses, M. Kleiman, a téléphoné à l'agent d'immigration et lui a demandé de suspendre le renvoi jusqu'à ce qu'il soit statué sur la demande CH. L'agent a dit à l'avocat qu'il ne suspendrait pas le renvoi malgré la demande CH en cours.
[6] Une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire de la décision du 23 mai 2001 de l'agent d'immigration a été déposée le 28 mai 2001.
[7] Dans son affidavit, la demanderesse Nilufar Hasan a déclaré qu'elle s'était présentée au Centre d'exécution de la loi du Grand Toronto le 9 octobre 2001, où l'agent d'immigration lui aurait dit qu'il suspendrait son renvoi jusqu'à ce qu'il soit statué sur sa demande CH. Par la suite, soit le 7 novembre 2001, lorsqu'elle s'est présentée au Centre d'exécution de la loi, l'agent lui a ordonnée de se rapporter le 29 novembre 2001 pour être renvoyée vers le Bangladesh. Elle lui a demandé pourquoi il avait changé d'idée, ce à quoi il a répondu qu'il n'avait pas changé d'idée et qu'aucune décision n'avait été rendue quant à sa demande CH.
[8] L'agent d'immigration prétend avoir dit à la demanderesse Nilufar Hasan le 9 octobre 2001 que le renvoi aurait lieu à moins qu'elle ne reçoive une décision favorable quant à la demande CH avant la date de renvoi fixée.
[9] Selon les dossiers du défendeur, l'agent d'immigration a vérifié à l'ordinateur le 11 avril 2001 et a découvert qu'aucune demande CH n'avait été déposée.
[10] L'agent d'immigration n'a pas fait part de ce renseignement à la demanderesse, à son avocat ou à quelqu'autre personne, et il a décidé de ne pas suspendre le renvoi dans l'attente de la décision relative à la demande CH.
[11] Le 16 novembre 2001, l'agent d'immigration a inscrit dans sa déclaration solennelle qu'il avait constaté le 11 avril 2001 qu'aucune demande CH n'avait été déposée auprès du défendeur.
[12] Jusqu'au 16 novembre 2001, la demanderesse croyait que sa demande CH était en cours d'évaluation.
[13] La partie demanderesse Nanty Hasan est née le 9 février 1987 au Bangladesh et étudie actuellement en 8e année à Hamilton (Ontario).
[14] La demanderesse Dana Hasan est née le 4 décembre 1990 au Bangladesh et étudie actuellement en 5e année à Hamilton (Ontario).
[15] La troisième enfant, Hanifa Hasan, est née le 3 octobre 1997 au Canada et devait commencer la maternelle en septembre 2001.
[16] La question en litige
Devrait-il y avoir sursis de la mesure de renvoi prise contre la demanderesse?
[17] Analyse et décision
Il est maintenant établi qu'un agent de renvoi jouit d'un certain pouvoir discrétionnaire et peut, dans certains cas, surseoir au renvoi d'un demandeur (voir Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) [2001] A.C.F. no 295 (C.F. 1re inst.)).
[18] Pour obtenir un sursis, les demanderesses doivent satisfaire aux exigences exposées dans l'arrêt Toth c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1988), 86 N.R. 302 (C.A.F.), à la page 305 :
Notre Cour, tout comme d'autres tribunaux d'appel, a adopté le critère relatif à une injonction provisoire et énoncé par la Chambre des lords dans l'arrêt American Cyanamid Co. v. Ethicon Ltd., [1975] A.C. 396 [3e note de bas de page annexée au jugement]. Ainsi que l'a déclaré le juge d'appel Kerans dans l'affaire Black, précitée :
Le critère à triple volet énoncé dans Cyanamid exige que, pour qu'une telle ordonnance soit accordée, le requérant prouve premièrement qu'il a soulevé une question sérieuse à trancher; deuxièmement qu'il subirait un préjudice irréparable si l'ordonnance n'était pas accordée; et troisièmement que la balance des inconvénients, compte tenu de la situation globale des deux parties, favorise l'octroi de l'ordonnance.
Les demanderesses sont tenues de respecter les trois volets du critère.
[19] La question sérieuse
En l'espèce, les demanderesses se sont rendues au stade du renvoi sans que l'intérêt de l'enfant née au Canada, Hanifa Hasan, ne soit évalué. L'agent d'immigration savait depuis le 11 avril 2001 qu'aucune demande CH ne se trouvait au dossier, mais il n'en a pas informé la demanderesse, se prononçant plutôt sur la demande de suspension de la mesure de renvoi dans l'attente de la décision relative à la demande CH tout en sachant que le dossier ne contenait pas une telle demande. Je suis d'avis que les faits susmentionnés soulèvent une question sérieuse à trancher et que cette question est de savoir si, dans les circonstances, l'agent d'immigration a violé une obligation d'équité envers les demanderesses.
[20] Le préjudice irréparable
En l'espèce, les demanderesses seraient renvoyées du Canada et les enfants seraient retirés de l'école et ne pourraient pas terminer leur année scolaire. Si la demanderesse avait connu l'absence de demande CH du dossier, elle aurait pu déposer une demande de remplacement et l'intérêt de l'enfant née au Canada aurait fort bien pu être en voie d'évaluation. Je conclus que, dans les circonstances de la présente affaire, les demanderesses subiraient un préjudice irréparable si l'ordonnance n'était pas octroyée.
[21] La prépondérance des inconvénients
Je suis d'avis que la prépondérance des inconvénients favorise les demanderesses. Le ministre peut toujours exercer les fonctions dont le charge la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2, une fois le processus terminé.
[22] Il y a sursis de la mesure de renvoi prise par l'agent d'immigration jusqu'à ce que la Cour se prononce sur la demande d'autorisation et de contrôle judiciaire de la décision du 23 mai 2001 et, si elle accorde l'autorisation, jusqu'à ce qu'elle statue définitivement sur la demande de contrôle judiciaire.
ORDONNANCE
[23] LA COUR ORDONNE le sursis de la mesure de renvoi prise par l'agent d'immigration jusqu'à ce que la Cour se prononce sur la demande d'autorisation et de contrôle judiciaire de la
décision du 23 mai 2001 et, si elle accorde l'autorisation, jusqu'à ce qu'elle statue définitivement sur la demande de contrôle judiciaire.
« John A. O'Keefe »
Juge
Toronto (Ontario)
Le 22 novembre 2001
Traduction certifiée conforme
Pierre St-Laurent, LL.M., Trad. a.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-2631-01
INTITULÉ : NILUFAR HASAN, NANTY HASAN, DANA HASAN
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE LUNDI 19 NOVEMBRE 2001
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LE JUGE O'KEEFE
EN DATE DU : JEUDI 22 NOVEMBRE 2001
ONT COMPARU :
M. Daniel Kleiman
Pour les demanderesses
M. Ian Hicks
Pour le défendeur
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Daniel Kleiman
Barrister & Solicitor
637, rue College
Suite 203
Toronto (Ontario)
M6G 1B5
Pour les demanderesses
Morris Rosenberg
Sous-procureur général du Canada
Pour le défendeur
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
Date : 20011122
Dossier : IMM-2631-01
ENTRE :
NILUFAR HASAN, NANTY HASAN,
DANA HASAN
demanderesses
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE