Date : 20211201
Dossier : T-2015-18
Citation : 2021 CF 1331
ENTRE :
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VALENTINA HRISTOVA
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demanderesse
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et
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CMA CGM (CANADA) INC.
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défenderesse
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MOTIFS DE TAXATION
ORELIE DI MAVINDI, officier taxateur
[1]
Les présents motifs portent sur la taxation des dépens conformément au jugement et aux motifs dans lesquels la Cour, le 17 décembre 2019, a rejeté la demande de contrôle judiciaire de la demanderesse, avec dépens.
[2]
Le 27 février 2020, la défenderesse a déposé son mémoire de frais. J’ai été saisie du dossier le 17 juin 2020; le 27 juillet 2020, j’ai émis des directives pour faire savoir aux parties que la taxation des dépens se ferait par écrit et pour indiquer les délais applicables concernant les observations.
[3]
Par la suite, la demanderesse a déposé des observations sur les dépens en réplique le 11 septembre 2020 et la défenderesse a déposé des observations sur les dépens en réponse le 19 octobre 2020.
I.
Services taxables
[4]
Le mémoire de frais de la défenderesse sera évalué en application de l’article 407 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles), qui prévoit que sauf ordonnance contraire de la Cour, les dépens partie-partie sont taxés en conformité avec la colonne III du tarif B des Règles.
[5]
La défenderesse a réclamé 6 825 $ au titre des services taxables.
A.
Article 2 – Préparation et dépôt de toutes les défenses, réponses, demandes reconventionnelles ou dossiers et documents des intimés, et article 15 – Préparation et dépôt d’un plaidoyer écrit, à la demande ou avec la permission de la Cour
[6]
La défenderesse a réclamé séparément sept unités (trois à sept unités étant permises), au titre de l’article 15 (Préparation et dépôt d’un plaidoyer écrit, à la demande ou avec la permission de la Cour) pour la préparation et le dépôt de son mémoire des faits et du droit. La demanderesse et la défenderesse se sont longuement penchées sur la question de savoir si le mémoire des faits et du droit de la défenderesse au titre de l’article 15 devrait être intégré dans la réclamation au titre de l’article 13 (préparation de l’instruction ou de l’audience, qu’elles aient lieu ou non, y compris la correspondance, la préparation des témoins, la délivrance de subpoena et autres services non spécifiés dans le présent tarif). La demanderesse, au paragraphe 30 des observations sur les dépens qu’elle a présentées en réplique, a fait valoir que « […] la préparation du mémoire des faits et du droit fait partie de la préparation de l’audience au titre de l’article 13 et ne devrait pas donner lieu à une indemnisation »
, citant la décision Air Canada c Canada, [2000] ACF no 101 (CanLII 14743 (CF)), au paragraphe 13, à l’appui de cette position. La défenderesse a indiqué, aux paragraphes 20 à 23 des observations sur les dépens qu’elle a présentées en réponse, que le seul critère à satisfaire pour accorder des unités au titre de l’article 15 est que les observations écrites soient soumises à la demande de la Cour ou avec l’autorisation de celle-ci. Autrement dit, pour accueillir une demande au titre de l’article 15, il serait suffisant que la Cour demande les observations écrites ou en permette le dépôt. La défenderesse s’est appuyée sur les décisions Canada (Procureur général) c Sam Lévy et Associés inc, 2008 CF 980, Tourki c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2010 CF 821, et Bayer Inc c Apotex Inc, 2016 CF 1013, afin d’établir que les réclamations faites au titre de l’article 13 et celles faites au titre de l’article 15 peuvent être maintenues séparément.
[7]
Bien que la défenderesse n’ait pas précisé quel mémoire des faits et du droit était en cause, je n’ai trouvé aucune directive ou ordonnance dans laquelle la Cour demandait la préparation ou le dépôt d’observations écrites supplémentaires. Ainsi, d’après un examen du contexte et du dossier de la Cour, le document en cause se trouvait apparemment dans le dossier en deux volumes de la défenderesse déposé le 15 avril 2019, en application de l’alinéa 310(2)f) des Règles. Voici ce qu’on peut lire dans un dossier de la défenderesse déposé conformément à l’article 310 des Règles :
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Le dossier de la défenderesse, y compris le mémoire des faits et du droit contenu dans le document, est déjà indemnisé selon l’article 2 (Préparation et dépôt de toutes les défenses, réponses, demandes reconventionnelles ou dossiers et documents des intimés) et se distingue d’une demande formulée par la Cour afin d’obtenir des observations supplémentaires au titre de l’article 15. Au paragraphe 27 de la décision Biovail Pharmaceuticals Canada c Canada, 2009 FC 665 (Biovail Pharmaceuticals) (O.T.), l’officier taxateur a analysé cette distinction :
27 L’article 15 (plaidoyer écrit, à la demande ou avec la permission de la Cour) figure dans la sous-rubrique E. Instruction ou audience. Un tel plaidoyer écrit est généralement demandé peu après une audience, mais il est déjà arrivé qu’il soit demandé peu avant une audience. Il ne s’agit pas du mémoire des faits et du droit inclus dans les documents de la défenderesse au titre de l’article 2. La Cour n’ayant pas demandé un tel plaidoyer écrit, je rejette la réclamation suivant l’article 15 dans chacun des dossiers [Non souligné dans l’original].
[9]
De même, dans la décision Ligue des droits de la personne de B’Nai Brith c Canada, 2012 CF 234 (Ligue des droits de la personne de B’Nai Brith) (OT), au paragraphe 21, l’officier taxateur a tiré une conclusion semblable :
21 L’avocate de M. Odynsky a réclamé sept unités sous l’article 15 (préparation et dépôt d’un plaidoyer écrit, à la demande ou avec la permission de la Cour). L’examen du dossier révèle que la réclamation présentée sous l’article 15 a trait à la signification et au dépôt du mémoire des faits et du droit. Si tel est bien le cas, la réclamation ne peut être accueillie, car les réclamations visant le mémoire des faits et du droit ne sont accordées que sous l’article 2, au titre du dossier de l’intimé. De plus, même si j’ai été en mesure de retrouver deux directives du protonotaire demandant un plaidoyer écrit, ces deux directives ont trait à la requête en radiation de M. Odynsky, pour laquelle aucuns dépens n’ont été adjugés par la Cour. Même s’il existe une troisième directive du 8 août 2007 exigeant une réponse à la lettre de la demanderesse du 31 juillet 2007, je n’estime pas qu’il s’agisse d’une demande de plaidoyer écrit visée par l’article 15 du tarif B. Il n’y a au dossier aucune autre directive demandant un plaidoyer écrit. J’ai décidé à de nombreuses occasions qu’en l’absence d’une directive ou d’une demande de la Cour, l’article 15 ne peut pas être accordé. (Voir Moglica c. Procureur général du Canada, 2011 FC 466, Laboucan c. Loonskin, 2009 FC 194, Bartkus c. Société canadienne des postes, 2009 FC 404, et Moodie c. La Reine, 2009 FC 608) Par conséquent, comme il n’existe au dossier aucune demande de la Cour pour un plaidoyer écrit qui donnerait droit à des dépens en faveur de M. Odynsky, la réclamation sous l’article 15 n’est pas accordée.
[Non souligné dans l’original.]
[10]
Par conséquent, ayant examiné le dossier de la Cour, les observations des parties, les affidavits de Tamara Nahorniak et l’affidavit de Valentina Hristova, souscrit le 4 février 2019, les Règles des Cours fédérales ainsi que les décisions Biovail Pharmaceuticals et Ligue des droits de la personne de B’Nai Brith Canada, j’accorde sept unités pour le dossier de la défenderesse, qui comprend l’affidavit de Johanne Boivin, l’affidavit de Tamara Nahorniak ainsi que le mémoire des faits et du droit.
B.
Article 7 – Communication de documents, y compris l’établissement de la liste, l’affidavit et leur examen
[11]
La défenderesse a formulé deux réclamations au titre de l’article 7 (Communication de documents, y compris l’établissement de la liste, l’affidavit et leur examen) à raison de trois unités, deux à cinq étant permises. La première concernait une lettre visant à modifier l’intitulé de la cause. La deuxième concernait une lettre dans laquelle la défenderesse a indiqué qu’elle ne s’opposait pas au dépôt tardif du dossier du tribunal. Je n’ai pas compétence pour accueillir l’une ou l’autre des réclamations au titre de l’article 7 puisqu’elles ne concernent pas la communication de documents, y compris l’établissement de la liste, l’affidavit et leur examen. Il était par ailleurs indiqué, dans l’ordonnance rendue par la Cour le 22 janvier 2019 relativement à la modification de l’intitulé de la cause, que la question serait tranchée sans dépens. Comme je l’ai conclu dans d’autres décisions, un officier taxateur peut fixer le montant des dépens admissible compte tenu de la jurisprudence, des Règles et du tarif B, mais ne peut pas modifier une décision sous-jacente de la Cour de ne pas adjuger de dépens (Kreutzweiser c Canada (Procureur général), 2020 CF 1143, Brace c Canada, 2021 CAF 136). Le consentement à une prorogation du délai pour déposer le dossier du tribunal en application de l’article 7 des Règles ne donne pas droit aux dépens à lui seul, particulièrement selon le cadre de l’article 7. Comme l’a expliqué la demanderesse, ni l’une ni l’autre des parties n’a soulevé d’objection formelle concernant les délais; je ne peux donc pas par la suite réexaminer la question dans le cadre de la taxation de dépens. Il était loisible à la défenderesse de contester officiellement la prorogation du délai par voie de requête en fixation des dépens ou, par la suite, par voie de requête sollicitant des directives de la Cour à l’intention de l’officier taxateur en vue d’adjuger des dépens en lien avec cette transaction conformément au paragraphe 403(1) des Règles afin de permettre une taxation des dépens. Les réclamations de la défenderesse au titre de l’article 7 sont refusées.
C.
Article 10 – Préparation à la conférence préparatoire, y compris le mémoire, et article 11 – Présence à la conférence préparatoire, pour chaque heure
[12]
La défenderesse a réclamé cinq unités (trois à six étant permises) pour l’article 10 (Préparation à la conférence préparatoire, y compris le mémoire) et deux unités (une à trois étant permises) pour 0,25 heure conformément à l’article 11 (Présence à la conférence préparatoire, pour chaque heure). Le point en litige est une conférence préparatoire à l’audience qui était prévue le 17 juillet 2019 et a eu lieu à cette date; cette conférence de 17 minutes visait à décider si les parties pouvaient conclure une entente de règlement.
[13]
La demanderesse a contesté les cinq unités réclamées au titre de l’article 10, faisant valoir que la conférence était brève et qu’aucune préparation n’était requise. Elle a affirmé que si l’on établissait ou concluait que la conférence préparatoire à l’audience nécessitait une préparation, on ne devrait pas attribuer plus de trois unités. La défenderesse a répondu que même si la conférence préparatoire à l’audience était brève, la préparation était tout aussi importante compte tenu de l’objectif d’une éventuelle entente. Elle a ajouté que des discussions avec le client avaient été nécessaires pour expliquer les objectifs de la conférence préparatoire à l’audience, pour obtenir des directives et pour expliquer les effets et les conséquences d’une éventuelle entente de règlement. Au sujet de l’article 11 relativement à la conférence préparatoire à l’audience, la demanderesse a affirmé que la conférence n’avait duré que quelques minutes afin de voir si les parties pouvaient conclure une entente, et s’en est remise à l’officier taxateur quant à cet article. La défenderesse a soutenu que les unités réclamées prenaient bien en compte le temps consacré et la pertinence de la conférence préparatoire à l’audience.
[14]
J’ai examiné le dossier de la Cour, les observations des parties au sujet des articles 10 et 11, ainsi que le procès-verbal de la conférence préparatoire à l’audience, et j’accepte la thèse de la défenderesse selon laquelle la conférence préparatoire à l’audience, malgré sa brièveté, concernait un sujet important. Je juge que les cinq unités réclamées sont justifiées par les mesures prises pour se préparer à la conférence préparatoire à l’audience, plus précisément les discussions avec le client pour expliquer les objectifs de la conférence préparatoire à l’audience, pour obtenir des directives et pour expliquer les effets et les conséquences d’une éventuelle entente de règlement. En ce qui concerne l’article 11, j’estime qu’il convient d’accorder deux unités selon le milieu de la fourchette prévue à la colonne III du tarif B étant donné que la conférence préparatoire à l’audience concernait le règlement et que la date de l’audience relative au contrôle judiciaire avait déjà été fixée. La brièveté de la conférence préparatoire à l’audience, ainsi que l’a expliqué la demanderesse, est prise en considération dans l’attribution de 0,25 h. J’accueille les articles 10 et 11 tels que les a réclamés la défenderesse.
D.
Alinéa 13a) – Préparation de l’instruction ou de l’audience, qu’elles aient lieu ou non, y compris la correspondance, la préparation des témoins, la délivrance de subpoena et autres services non spécifiés dans le présent tarif
[15]
La défenderesse a réclamé cinq unités (deux à cinq étant permises) pour la préparation à l’audience relative au contrôle judiciaire le 21 octobre 2019. La demanderesse a indiqué, aux paragraphes 26 et 27 des observations sur les dépens qu’elle a présentées en réplique, qu’il est impossible d’évaluer la préparation fournie par la défenderesse pour l’audience relative au contrôle judiciaire. La défenderesse, au paragraphe 18 de ses observations présentées en réponse, a indiqué que la préparation à l’audience était longue et complexe compte tenu du nombre d’arguments soulevés par la demanderesse, affirmant en outre qu’il est raisonnable, dans ces circonstances, de réclamer cinq unités (onze étant permises) pour la préparation de l’audience. Après un examen du dossier de la Cour et des observations des parties, je suis portée à convenir que le milieu de la fourchette prévue à la colonne III serait approprié en l’espèce, compte tenu de la complexité moyenne du dossier. Cependant, le chiffre de 11 unités représente la limite supérieure de la colonne 5 et, comme je l’ai déjà indiqué, le mémoire de frais de la défenderesse est taxé conformément à l’article 407 des Règles, qui prévoit que sauf ordonnance contraire de la Cour, les dépens partie-partie sont taxés en conformité avec la colonne III du tableau du tarif B. Par conséquent, sur les deux à cinq unités susceptibles d’être accordées pour la préparation de la défenderesse en vue de l’audience relative au contrôle judiciaire, quatre unités sont accordées selon le milieu de la colonne III.
E.
Alinéa 14a) – Honoraires d’avocat : pour le premier avocat, pour chaque heure de présence à la Cour
[16]
La défenderesse a réclamé trois heures à trois unités (deux à trois étant permises) pour la présence à l’audience relative au contrôle judiciaire le 21 octobre 2019. La demanderesse a fait valoir que la comparution devant la Cour avait été claire et formée d’observations orales fondées sur les dossiers déposés respectivement par les parties avant l’audience; elle a cependant ajouté qu’elle s’en remettrait au pouvoir décisionnaire de l’officier taxateur. En réponse, la défenderesse a indiqué qu’elle avait également l’intention de s’en remettre au pouvoir décisionnaire de l’officier taxateur. Un examen du dossier de la Cour indique que l’audience du 21 octobre 2019 a duré 2 heures et 30 minutes. Les officiers taxateurs bénéficient couramment de temps supplémentaire avant l’audience afin de s’assurer que les avocats sont prêts à commencer l’audience. On accorde également du temps au personnel du greffe pour s’assurer qu’il n’y a pas de problèmes techniques ou de questions administratives en suspens avant le début de l’audience (Halford c Seed Hawk Inc. 2006 CF 422, Estensen Estate c Canada (Attorney General), 2009 FC 152, Double Diamond Distribution Ltd c Crocs Canada, Inc, 2021 FCA 47, Nova-Biorubber Green Technologies, Inc c Technologies du développement durable Canada, 2021 CF 102). La réclamation de trois heures pour l’audience me semble donc raisonnable. Sur le plan de la valeur unitaire appropriée pour l’article 14, j’ai examiné le dossier de la Cour, les documents déposés et, plus précisément, le jugement et les motifs du 17 décembre 2019 rejetant la demande de contrôle judiciaire présentée par la demanderesse; compte tenu de la complexité moyenne du dossier, j’accueille la réclamation de trois unités telle qu’elle a été présentée. J’accorde donc trois heures à trois unités pour la présence à l’audience relative au contrôle judiciaire.
F.
Article 26 – Taxation des frais
[17]
La défenderesse a réclamé six unités au titre de la taxation des frais. En réponse, aux paragraphes 31 et 32 de ses observations sur les dépens, la demanderesse affirme qu’il est « impossible d’établir le temps consacré par la défenderesse à la préparation du mémoire de frais ou à l’évaluation des frais en question »
et indique qu’elle s’en remettra à l’officier taxateur pour cet article. Au paragraphe 24 de ses observations présentées en réponse, la défenderesse a indiqué qu’elle avait également l’intention de s’appuyer sur le règlement de la question par l’officier taxateur.
[18]
Sur les deux à six unités permises pour la taxation des frais, le chiffre de six unités est le plus élevé pour l’article 26 dans la colonne III du tarif B. Il me semble excessif de réclamer six unités compte tenu du contexte de cette taxation des frais. La taxation des frais était simple, n’a pas nécessité que les parties produisent de nombreux documents ou subissent des contre-interrogatoires, et s’est faite par écrit, plutôt que de recourir à une audience orale. Les questions soulevées lors de la taxation des frais n’étaient ni nouvelles ni particulièrement complexes. Néanmoins, il ne serait pas approprié d’accorder le nombre minimal d’unités pour la taxation des frais, étant donné les éléments de preuve contenus dans les affidavits, les observations écrites et la jurisprudence fournies; par conséquent, j’accorde quatre unités pour l’article 26.
II.
Débours
A.
Factures justificatives
[19]
La défenderesse a réclamé 2 267,23 $ de débours pour les frais suivants : frais d’huissier (52,23 $), frais de messagerie (45 $), télécopies (80 $), photocopies (708 $), recherches juridiques (86,38 $), taxis (7,73 $), impression (1 068,45 $), reliure (150 $), numérisation (57,90 $) et frais de coursier (11,54 $). En réponse, la demanderesse a déclaré que les débours réclamés par la défenderesse n’étaient appuyés que par l’affidavit souscrit par Jane Chong le 26 février 2020 (« affidavit de Jane Chong »
), qu’aucune facture justificative n’était incluse et qu’il était donc difficile de prouver le caractère raisonnable et nécessaire des réclamations. La demanderesse a ensuite affirmé que « presque tous les débours réclamés par la défenderesse semblaient faire partie des frais généraux »
et devraient être retirés ou réduits en raison d’un manque de factures justificatives. La défenderesse, dans les observations sur les dépens qu’elle a présentées en réponse, a fait valoir que la feuille Excel fournie à la pièce A de l’affidavit de Jane Chong aurait dû être suffisante pour justifier les débours réclamés. La défenderesse a maintenu que les documents fournis étaient suffisants, mais a accepté de fournir les factures demandées en tant que justification additionnelle. Ces factures ont été fournies à la pièce SM-1 de l’affidavit souscrit par Sandrine Mainville le 16 octobre 2020 (« affidavit de Sandrine Mainville »
).
[20]
Il aurait été préférable de fournir les factures de l’affidavit de Sandrine Mainville au moment du dépôt du mémoire de frais de la défenderesse et de l’affidavit de Jane Chong qui l’accompagnait. Cependant, comme l’a indiqué l’officier taxateur dans la décision Abbott Laboratories c Canada (Santé), 2008 CF 693, au paragraphe 71, j’estime que la feuille Excel initiale, le dossier de la Cour et les observations des parties me fournissent suffisamment d’éléments pour appuyer plusieurs des débours réclamés; une taxation des dépens à zéro ne serait pas convenable en l’espèce :
71 Certaines observations contenues dans la preuve qui sont citées au paragraphe 31 de la décision Almecon Industries Ltd. c. Anchortek Ltd., [2003] A.C.F. no 1649 (O.T.), concernant la réalité d’une multitude de débours essentiels dont le coût de la preuve pourrait dépasser ou dépasserait le montant, me paraissent pragmatiques et sensées malgré leur caractère intéressé. Je ne veux cependant pas dire que les plaideurs peuvent s’en tirer sans produire aucun élément de preuve, en se fiant à l’appréciation et à l’expérience de l’officier taxateur. La preuve dans la présente espèce n’a rien d’absolu, mais je pense que les dossiers respectifs de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale contiennent suffisamment d’éléments pour me permettre d’évaluer les efforts et les frais qu’il fallait pour plaider raisonnablement et suffisamment la cause d’Apotex. Le manque de renseignements détaillés rend difficile d’établir avec certitude si l’approche la plus efficiente a en fait été suivie ou s’il n’a pas été donné d’instructions erronées exigeant un travail correctif, comme c’était par exemple le cas dans Halford. L’insuffisance de la preuve des faits relatifs à chacun des éléments de dépenses rend difficile pour le défendeur à la taxation et l’officier taxateur de se convaincre de la nécessité raisonnable de chacun de ces éléments. Moins il y a d’éléments de preuve accessibles, plus la partie qui fait l’objet de l’évaluation doit s’en remettre à l’officier taxateur, dont les interventions doivent être conservatrices et refléter une certaine austérité visant à limiter les frais et à éviter un préjudice à la partie qui doit régler les frais. Cependant, la conduite d’un litige exige de réelles dépenses : la taxation des dépens à zéro dollar serait absurde.
[21]
En fin de compte, l’évaluation des débours réclamés se fera en fonction du jugement, de la jurisprudence, des Règles, du dossier de la Cour et des documents fournis par les parties relativement aux frais. Tout élément sur lequel la défenderesse a été imprécise ou qui n’a pas été explicitement contesté par la demanderesse sera abordé à la lumière des commentaires formulés par l’officier taxateur dans la décision Dahl c Canada, 2007 CF 192, au paragraphe 2 (Dahl) :
2 Effectivement, l’absence d’observations utiles présentées au nom du demandeur, observations qui auraient pu m’aider à définir les points litigieux et à rendre une décision, fait que le mémoire de dépens ne se heurte à aucune opposition. Mon opinion, souvent exprimée dans des cas semblables, c’est que les Règles des Cours fédérales ne prévoient pas qu’un plaideur puisse compter sur le fait qu’un officier taxateur abandonne sa position de neutralité pour devenir le défenseur du plaideur dans la contestation de certains postes d’un mémoire de frais. Cependant, l’officier taxateur ne peut certifier d’éléments illicites, c’est-à-dire des postes qui dépassent ce qu’autorisent le jugement et le tarif. J’ai examiné chaque élément réclamé dans le mémoire de dépens, ainsi que les pièces justificatives, en fonction de ces paramètres. Certains éléments requièrent mon intervention, compte tenu des paramètres évoqués ci-dessus et vu qu’il semble y avoir une opposition générale à ce mémoire de dépens.
B.
Télécopies et photocopies
[22]
Aux paragraphes 37 et 39 des observations sur les dépens qu’elle a présentées en réplique, la demanderesse a jugé excessives les sommes demandées pour les télécopies et les photocopies, citant la décision Forestex Management Corp c Lloyd’s de Londres, 2005 CF 263 (Forestex).
[23]
La demanderesse a maintenu que les 80 $ réclamés par la défenderesse pour des débours liés aux télécopies étaient « totalement exagérés et déraisonnables »
puisque cela revenait à 2 $ par page et qu’un taux de 0,35 $ avait été jugé excessif au paragraphe 5 de la décision Forestex. En réponse à la contestation, par la demanderesse, des débours réclamés quant aux télécopies, la défenderesse s’en est remise à l’officier taxateur. En fin de compte, je juge que la défenderesse ne m’a pas fourni assez de renseignements pour m’aider à décider si un taux de 2 $ par page est convenable pour ce qui est des débours liés aux télécopies. On ne m’a soumis aucune information précisant comment et pourquoi ce taux a été choisi et indiquant si des déductions ont été effectuées pour des frais généraux qui ne sont pas directement liés au présent dossier. Dans ces conditions et faute de ces éléments de preuve complémentaires, je conclus qu’il était exagéré que la demanderesse s’appuie sur la décision Forestex pour fixer le taux à 2 $ par page et j’accorde la somme réduite de 12 $ pour les télécopies.
[24]
Au sujet des photocopies, la demanderesse a indiqué qu’il était difficile d’établir la pertinence, la nécessité ou le caractère raisonnable des débours réclamés en la matière. La défenderesse a ajouté que le taux de 0,30 $ par page pour les photocopies était supérieur au
« taux habituel de 0,25 $ par page admis dans le passé »
, citant la décision Forestex, au paragraphe 4, où la Cour a indiqué ce qui suit :
4 En ce qui concerne les photocopies, l’avocat des demanderesses a signalé qu’il est possible d’en faire à 0,10 $ la page : ce chiffre est peut-être exact pour les machines dont on se sert soi-même dans les dépanneurs, et pour les grosses commandes faites aux entreprises de photocopie externes. Cependant, je conviens que le coût des photocopies faites dans les cabinets d’avocats, qui sont parfois situés dans des locaux donnant lieu à des frais généraux élevés, peut être plus élevé. En outre, le taux de 0,25 $ la page est non seulement celui qui est facturé par la Cour fédérale pour la photocopie de ses dossiers, mais semble aussi constituer la norme pour la taxation des dépens en Cour fédérale. Je ne suis pas disposé à réduire ce taux.
[25]
En réponse à l’objection de la demanderesse concernant les débours réclamés pour les photocopies, à 0,30 $ par page, la défenderesse a contesté ce calcul et a affirmé que le montant réclamé représentait 0,18 $ par page. Voici ce qu’a écrit la défenderesse aux paragraphes 28 et 29 de ses observations présentées en réponse :
28 Quant aux frais de photocopie, le procureur de la Demanderesse cite une décision à l’effet que des frais raisonnables sont normalement de 0,25 $ par page.
29 À cet effet, la Défenderesse tient à souligner que les frais chargés (voir la colonne « Montant facturé » à la Pièce « A » de l’Affidavit de Jane Chong en date du 25 février 2020) sont en moyenne de 0,18 $ par page (708,00 $ pour 3 995 pages). Ce montant est donc raisonnable et ne devrait pas être ajusté à la baisse.
[26]
Un examen de la feuille de calcul Excel à la pièce A de l’affidavit de Jane Chong, comme l’a indiqué la défenderesse, montre que la somme de 708 $ a été réclamée pour 3 995 photocopies par Amelie Rioux du 26 novembre 2018 au 15 avril 2019 dans la présente instance, ce qui revenait à environ 0,18 $ par page. Ayant effectué des recoupements entre les photocopies réclamées et les documents liés à l’espèce dans le dossier de la Cour, je conclus que la somme réclamée était à la fois raisonnable et nécessaire pour faire avancer l’instance. Les débours liés aux photocopies sont accueillis tels qu’ils ont été demandés.
C.
Recherches juridiques (SOQUIJ et Quicklaw)
[27]
La défenderesse a réclamé 86,38 $ pour les recherches juridiques. Les éléments de preuve à l’appui des débours liés aux recherches juridiques dans les bases de données de la SOQUIJ (Société québécoise d’information juridique) et dans Quicklaw se trouvent sur les factures 697673965, 697700130 et 697713674, à la pièce SM-1 de l’affidavit de Sandrine Mainville. Les recherches juridiques sont couramment acceptées en tant que débours; cependant, comme l’a souligné la demanderesse, il est difficile d’établir, dans ces circonstances, si la somme réclamée par la défenderesse faisait partie des frais généraux, comme les frais mensuels d’utilisation des services, et les factures fournies n’attestaient pas la pertinence, le caractère raisonnable et la nécessité de ces recherches. Comme l’a indiqué l’officier taxateur dans la décision Lundbeck Canada inc c Canada (Santé), 2014 CF 1049 (Lundbeck), au paragraphe 77, il m’est impossible d’évaluer le caractère raisonnable de cette réclamation sans précisions supplémentaires :
77 Comme l’indique l’avocat de Lundbeck dans ses observations écrites en réponse, il est « bien établi en droit que des débours raisonnables, associés à des recherches assistées par ordinateur, sont admissibles ». Cependant, comme il est dit dans la décision Cameco Corp. c « MCP Altona » (Navire) 2013 CF 1263 (Cameco), au paragraphe 54, ainsi que dans la décision Truehope (récitée), de nos jours, où bien des cabinets d’avocats paient des frais mensuels fixes pour les recherches en ligne, il est nécessaire de justifier clairement la pertinence et la nécessité de ces recherches car l’officier taxateur doit être convaincu du caractère raisonnable des débours, comme il est indiqué au paragraphe 1(4) du tarif B des Règles. La présente affaire présentait une certaine complexité et a certes été vivement débattue, mais les seuls éléments de preuve soumis font état de dates, de taux, de noms de fournisseurs ainsi que de séries de chiffres qui ne sont pas corroborés par le numéro de dossier interne indiqué dans l’affidavit de M. Leblanc. Comme il a été mentionné dans la décision Truehope : « [i]l incombe alors à l’officier taxateur de tirer une conclusion sur la pertinence et le caractère nécessaire des recherches selon les dates des recherches ». Selon moi, Lundbeck n’a pas fourni les preuves nécessaires pour justifier le montant réclamé, ni le lien entre les recherches menées et la présente affaire. Comme dans les décisions Cameco et Truehope, il m’est difficile d’évaluer le caractère raisonnable du montant réclamé en raison du peu d’éléments de preuve fournis. Le montant réclamé au titre des recherches en ligne sera donc rejeté.
[28]
Par conséquent, comme l’a soutenu la demanderesse et conformément à la décision Lundbeck, je refuse la réclamation de 86,38 $ faite par la défenderesse pour des recherches juridiques.
D.
Taxis
[29]
La défenderesse a réclamé des frais de taxi s’élevant à 7,73 $. Cependant, j’ai consulté la feuille de calcul Excel à la pièce A de l’affidavit de Jane Chong ainsi que les factures à la pièce SM-1 et l’affidavit de Sandrine Mainville et j’accepte la thèse de la demanderesse selon laquelle l’information n’est pas suffisante pour décider du caractère raisonnable et de la nécessité de la réclamation puisqu’aucun renseignement contextuel n’a été fourni. Il aurait été utile de connaître la date et l’objet des frais de taxi réclamés; sans ces renseignements additionnels, je ne peux pas accueillir la réclamation liée aux taxis.
E.
Dépenses diverses
[30]
Les dépenses diverses restantes réclamées par la défenderesse et en cause en l’espèce sont les suivantes : 52,23 $ de frais d’huissier, 45 $ de frais de messagerie, 11,54 $ de frais de coursier, 1 068,45 $ de frais d’impression, 150 $ de frais de reliure et 57,90 $ de frais de numérisation. La contestation, par la demanderesse, de la réclamation de ces débours s’inscrit dans le débat plus large quant au fait que la totalité des débours n’était appuyée que par l’affidavit de Jane Chong et n’était pas étayée par des factures, et qu’il était donc difficile d’évaluer le caractère raisonnable et nécessaire des réclamations. J’ai effectué des recoupements entre le contenu du dossier de la Cour et de la feuille de calcul Excel à la pièce A de l’affidavit de Jane Chong ainsi qu’entre les factures supplémentaires à la pièce SM-1 et l’affidavit de Sandrine Mainville, et je conclus que les débours réclamés sont raisonnables, étaient nécessaires pour faire avancer l’instance et étaient suffisamment étayés conformément aux exigences du paragraphe 1(4) du tarif B.
[31]
Pour les motifs qui précèdent, le mémoire de frais de la défenderesse est taxé et la somme de 7 335,54 $ est accordée. Un certificat de taxation sera émis.
« Orelie Di Mavindi »
Officier taxateur
Toronto (Ontario)
Le 1er décembre 2021
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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T-2015-18
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INTITULÉ :
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VALENTINA HRISTOVA c CMA CGM (CANADA) INC.
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AFFAIRE EXAMINÉE À TORONTO (ONTARIO) SANS COMPARUTION DES PARTIES
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MOTIFS DE TAXATION :
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ORELIE DI MAVINDI, officier taxateur
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DATE DES MOTIFS :
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LE 1er DÉCEMBRE 2021
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OBSERVATIONS ÉCRITES :
Seyed-Farhad Shayegh
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Pour la demanderesse
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André Royer
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Pour la défenderesse
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Melançon Marceau Grenier & Sciortino, société en nom collectif
Montréal (Québec)
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POUR LA DEMANDERESSE
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Borden Ladner Gervais
Montréal (Québec)
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POUR LA DÉFENDERESSE
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