Dossier : IMM-4046-20
Référence : 2021 CF 1275
Ottawa (Ontario), le 22 novembre 2021
En présence de madame la juge Roussel
ENTRE :
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ZAHEER ALI
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demandeur
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET L’IMMIGRATION
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
[1] Le demandeur, Zaheer Ali, est un citoyen pakistanais qui a demandé l’asile en raison de sa crainte d’être persécuté par le Lashkar-e-Jhangvi [le LeJ], un groupe sunnite militant au Pakistan. Il affirme que des membres du LeJ l’ont agressé à maintes reprises parce qu’il parlait ouvertement de sa foi. Après avoir reçu des menaces de mort, il a fui au Royaume-Uni en août 2011, muni d’un visa d’étudiant. Lorsque son visa a expiré en décembre 2013, il a continué à y vivre sans statut. En janvier 2017, il est arrivé au Canada avec l’aide d’un passeur et a demandé l’asile.
[2] La Section de la protection des réfugiés [la SPR] a instruit la demande d’asile présentée par le demandeur et l’a rejetée. La SPR a conclu qu’il n’était pas crédible.
[3] Le demandeur a porté la décision de la SPR en appel devant la Section d’appel des réfugiés [la SAR], et a produit de nouveaux documents pour répondre aux préoccupations soulevées par la SPR. Le 10 août 2020, la SAR a rejeté l’appel au motif que le demandeur n’était pas crédible. La SAR a admis la plupart des nouveaux éléments de preuve présentés par le demandeur, et a reconnu que la SPR avait commis des erreurs dans son évaluation de la demande d’asile, mais elle a néanmoins relevé des incohérences dans la preuve présentée par le demandeur et a conclu que certains des documents corroborants qu’il avait produits n’étaient pas authentiques. En outre, selon la SAR, l’omission du demandeur de demander l’asile au Royaume-Uni, bien qu’il y ait vécu pendant six (6) ans, démontrait qu’il n’éprouvait pas de crainte subjective et minait sa crédibilité. La SAR a conclu que le demandeur n’avait pas établi de manière crédible qu’il avait été agressé ou qu’il était recherché par le LeJ.
[4] Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision de la SAR. Il fait valoir que le refus par la SAR d’admettre les affidavits souscrits par son frère et sa sœur à titre de nouveaux éléments de preuve est déraisonnable. Il conteste également la conclusion de la SAR quant à son défaut de demander l’asile au Royaume-Uni, ainsi que l’évaluation des éléments de preuve corroborants qu’elle a effectuée.
[5] La norme de contrôle applicable aux décisions de la SAR portant sur la crédibilité et l’évaluation de la preuve est celle de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 aux para 10, 16-17 [Vavilov]; Huruglica c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CAF 93 au para 35).
[6] La cour de justice qui applique la norme du caractère raisonnable cherche à savoir « si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‑ci »
(Vavilov, au para 99). Elle doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle (Vavilov, au para 85). Il incombe à la partie qui conteste la décision d’en démontrer le caractère déraisonnable, et la cour de justice « doit […] être convaincue que la lacune ou la déficience qu’invoque la partie contestant la décision est suffisamment capitale ou importante pour rendre cette dernière déraisonnable »
(Vavilov, au para 100).
[7] Après avoir pris en considération les observations écrites et orales du demandeur et examiné les éléments de preuve contenus dans le dossier certifié du tribunal, je suis d’avis que la SAR n’a commis aucune erreur susceptible de contrôle en rejetant l’appel du demandeur.
[8] La SAR a examiné tous les arguments avancés par le demandeur, puis a expliqué pourquoi elle les a rejetés dans des motifs détaillés. Elle a raisonnablement conclu que les éléments de preuve présentés par le demandeur après l’audition de sa demande d’asile n’étaient pas crédibles, car les événements qui y étaient relatés n’étaient pas plausibles et ne permettaient pas d’établir ses allégations. En outre, contrairement aux prétentions du demandeur, la SAR n’a pas considéré le fait que le demandeur n’ait pas sollicité l’asile au Royaume-Uni comme ayant une incidence déterminante sur l’issue de sa demande d’asile au Canada. La SAR a expressément déclaré que le défaut du demandeur de solliciter l’asile au Royaume-Uni n’était pas déterminant, mais elle a raisonnablement conclu qu’il s’agissait néanmoins d’une considération qui démontrait qu’il n’éprouvait pas de crainte subjective et minait sa crédibilité. De même, la SAR a tiré une conclusion raisonnable en jugeant que les explications fournies par le demandeur au sujet des conseils qu’il aurait reçus de son avocat n’étaient ni crédibles ni étayées par des preuves corroborantes. Il était également loisible à la SAR de rejeter les raisons invoquées par le demandeur pour justifier qu’il n’ait pas mentionné sa crainte d’être persécuté par le LeJ dans sa demande d’autorisation de demeurer au Royaume-Uni, alors qu’il y a explicitement indiqué avoir reçu des menaces de mort. Enfin, la SAR a fourni des motifs détaillés et rationnels pour expliquer le rejet des documents corroborants présentés par le demandeur. Ce dernier ne m’a pas convaincue que l’évaluation de la SAR est déraisonnable.
[9] Il convient de souligner que les conclusions concernant la crédibilité d’un demandeur et l’évaluation de la preuve appellent une grande retenue de la part de la Cour. Bien que le demandeur puisse ne pas être d’accord avec les conclusions de la SAR, il n’appartient pas à la Cour de réévaluer ou de soupeser à nouveau les éléments de preuve afin de tirer une conclusion qui serait favorable au demandeur (Vavilov, au para 125; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12 au para 59).
[10] En conclusion, je suis convaincue que la décision de la SAR, interprétée de façon globale et contextuelle, satisfait à la norme du caractère raisonnable énoncée dans l’arrêt Vavilov.
[11] En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question d’importance générale n’a été proposée aux fins de certification, et je conviens que l’affaire n’en soulève aucune.
JUGEMENT dans le dossier IMM-4046-20
LA COUR STATUE que :
la demande de contrôle judiciaire est rejetée;
aucune question de portée générale n’est certifiée.
« Sylvie E. Roussel »
Juge
Traduction certifiée conforme
Sandra de Azevedo, LL.B
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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IMM-4046-20
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INTITULÉ :
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ZAHEER ALI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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audience TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE
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DATE DE L’AUDIENCE :
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LE 18 novembre 2021
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MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :
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LA JUGE ROUSSEL
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DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :
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le 20 OCTOBRE 2021
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COMPARUTIONS :
John Savaglio
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POUR LE DEMANDEUR
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Idorenyin Udoh-Orok
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POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
John Savaglio
Avocat
Pickering (Ontario)
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POUR LE DEMANDEUR
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Procureur général du Canada
Toronto (Ontario)
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POUR LE DÉFENDEUR
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