Date : 20030923
Dossier : IMM-2443-02
Référence : 2003 CF 1067
Entre :
Kafil Ud Din SAIF
Halima Gul KAFIL
Fatima KAFIL
Haiqa KAFIL
Abdul Rahman KAFIL
demandeurs
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE PINARD
[1] Les demandeurs demandent le contrôle judiciaire de la décision que la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a rendue le 7 mai 2002, savoir que les demandeurs ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention aux termes du paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2.
[2] Le demandeur principal, son épouse et leurs trois enfants sont citoyens du Pakistan. Ils allèguent craindre avec raison d'être persécutés du fait de leurs opinions politiques. Les revendications de l'épouse et des enfants sont fondées sur celle du demandeur principal.
[3] Les demandeurs contestent la conclusion que la Commission a tirée quant à leur crédibilité. Sur les questions de crédibilité, la Cour ne peut pas substituer son opinion à celle de la Commission à moins que le demandeur démontre que la Commission a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée qu'elle a tirée de façon abusive ou sans tenir compte de la preuve dont elle disposait (paragraphe 18.1(4) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. 1985, ch. F-7). La Commission est un tribunal spécialisé capable d'apprécier la vraisemblance et la crédibilité des témoignages et elle peut le faire dans la mesure où les conclusions qu'elle en tire ne sont pas déraisonnables (Aguebor c. M.E.I. (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.)) et que ses motifs sont clairs et compréhensibles (Hilo c. M.E.I. (1991), 130 N.R. 236 (C.A.F.)). Comme la Cour d'appel fédérale l'a établi dans l'arrêt Sheikh c. Canada (M.E.I.), [1990] 3 C.F. 238, à la page 244, la perception du tribunal qu'un revendicateur n'est pas crédible sur un point important de sa revendication du statut de réfugié peut effectivement entraîner la conclusion que la revendication n'a aucun fondement crédible.
[4] En l'espèce, la Commission a été très claire dans ses motifs quant aux doutes qu'elle entretenait sur la crédibilité des demandeurs et elle n'a commis aucune erreur manifeste en arrivant à sa conclusion.
[5] Les demandeurs allèguent que la Commission aurait dû prendre connaissance d'office des déclarations faites par les médias après le 11 septembre 2001 quant au relâchement dont on avait fait preuve aux États-Unis dans l'application des procédures d'immigration et qu'elle aurait dû les prendre en considération avant de rejeter leur témoignage. Les demandeurs n'ont présenté aucun élément de preuve étayant leur allégation selon laquelle les visas délivrés à leurs noms avaient été, ou auraient pu être utilisés par des tiers, ou établissant que les services d'immigration et de naturalisation des États-Unis (les SIN des Étas-Unis) avaient fait dans le passé les erreurs qu'ils leur reprochent. Quoi qu'il en soit, il faut présumer que la Commission a pris en considération toute la preuve pertinente pour rendre sa décision (Taher c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (7 septembre 2000), IMM-5255-99).
[6] Les demandeurs contestent le fait que la Commission se soit fiée aux documents des États-Unis, qui, disent-ils, affichent un nom légèrement différent de celui du demandeur principal. Cependant, les documents en question, reproduits dans la copie certifiée du dossier du tribunal aux pages 263 et 265 à 268, affichent des noms qui sont identiques à ceux de tous les membres de la famille, à l'exception d'une lettre erronée figurant dans le nom de la revendicatrice principale. Il est loisible à la Commission de choisir de se fier à la preuve documentaire, en l'espèce les documents des SIN des États-Unis, plutôt qu'aux témoignages des demandeurs (Zhou c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (18 juillet 1994), A-492-91 (C.A.F.)), dans la mesure où elle expose des motifs clairs pour ce faire (Okyere-Akosah c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (6 mai 1992), A-92-91 (C.A.F.)). Je suis convaincu que la Commission a correctement expliqué pourquoi elle avait plutôt choisi de se fier aux documents des États-Unis et ne peux pas conclure qu'elle a commis une erreur en s'appuyant sur un rapport officiel préparé par le gouvernement des États-Unis qui avait trait directement à la revendication des demandeurs.
[7] Les demandeurs soutiennent que, de la même façon qu'ils ont emprunté l'identité d'autres personnes pour quitter le Pakistan, un tiers avait pu aussi emprunter l'identité du demandeur principal à l'époque. Il s'agit là d'une pure conjecture, et cela ne suffit pas pour écarter la preuve sur laquelle la Commission a fondé sa décision.
[8] Les demandeurs soutiennent en outre qu'ils étaient présents au Canada et qu'ils ont déposé leur Formulaire de renseignements personnels le 16 octobre 2001, et que, donc, il ne pouvaient pas le 3 novembre 2001 se trouver dans un aéroport aux États-Unis avec l'intention de quitter le pays. Comme le défendeur le laisse entendre, le fait que la Commission a reçu leurs demandes en octobre 2001 ne prouve pas qu'ils étaient physiquement présents au Canada à cette date-là ou qu'ils ne pouvaient pas se rendre aux États-Unis grâce à un visa validement délivré par les États-Unis au cours de cette période. Il appartenait aux demandeurs de prouver leurs affirmations.
[9] Les demandeurs n'ont pas réussi à établir que la Commission a commis une erreur susceptible de contrôle judiciaire dans la décision qu'elle a rendue les concernant. La demande de contrôle judiciaire sera par conséquent rejetée.
« Yvon Pinard »
Juge
OTTAWA (ONTARIO)
le 23 septembre 2003
Traduction certifiée conforme
Jacques Deschênes
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-2443-02
INTITULÉ : Kafil Ud Din SAIF, Halima Gul KAFIL, Fatima KAFIL, Haiqa KAFIL, Abdul Rahman KAFIL c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE L'AUDIENCE : 13 août 2003
MOTIFS DE L'ORDONNANCE: LE JUGE PINARD
DATE : 23 septembre 2003
ONT COMPARU :
Eleanor K. Comeau POUR LES DEMANDEURS
Christine Bernard POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Eleanor K. Comeau POUR LES DEMANDEURS
Montréal (Québec)
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada
Ottawa (Ontario)