Dossier : T‑1542‑12
Référence : 2021 CF 1020
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Vancouver (Colombie‑Britannique), le 10 novembre 2021
En présence de madame la juge McDonald
ENTRE :
|
|
|
|
LE CHEF SHANE GOTTFRIEDSON, EN SON PROPRE NOM ET AU NOM DE TOUS LES MEMBRES DE LA BANDE INDIENNE TK’EMLÚPS TE SECWÉPEMC ET LA BANDE INDIENNE TK’EMLÚPS TE SECWÉPEMC, LE CHEF GARRY FESCHUK, EN SON PROPRE NOM ET AU NOM DE TOUS LES MEMBRES DE LA BANDE INDIENNE DE SECHELT ET LA BANDE INDIENNE DE SECHELT, VIOLET CATHERINE GOTTFRIEDSON, DOREEN LOUISE SEYMOUR, CHARLOTTE ANNE VICTORINE GILBERT, VICTOR FRASER, DIENA MARIE JULES, AMANDA DEANNE BIG SORREL HORSE, DARLENE MATILDA BULPIT, FREDERICK JOHNSON, ABIGAIL MARGARET AUGUST, SHELLY NADINE HOEHNE, DAPHNE PAUL, AARON JOE ET RITA POULSEN
|
|
demandeurs
|
|
et
|
|
SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA
|
|
défenderesse
|
ORDONNANCE ET MOTIFS PUBLICS
(L’ordonnance et les motifs confidentiels ont été rendus le 1er octobre 2021, et aucun caviardage n’est nécessaire)
[1] La Cour expose ci‑après les motifs à l’appui de son approbation de la convention d’honoraires intervenue le 4 juin 2021 à l’égard du règlement partiel du présent recours collectif.
[2] Au moyen d’une ordonnance et de motifs distincts publiés sous la référence 2021 CF 988 le 24 septembre 2021, la Cour a approuvé la convention de règlement pour les réclamations liées au groupe des survivants et au groupe des descendants.
[3] La convention d’honoraires est distincte de la convention de règlement.
[4] La présente requête a été entendue à Vancouver le 8 septembre 2021 à la suite de la requête visant à faire approuver la convention de règlement.
[5] Pour les motifs qui suivent, la convention d’honoraires est approuvée dans la forme soumise.
Ordonnance de mise sous scellés
[6] Certains des renseignements à l’appui de la présente requête ont été déposés sous scellés parce que les réclamations liées au groupe des bandes n’ont pas été réglées et que cette partie du recours collectif se poursuit. À la demande des parties, la Cour a délivré, le 27 août 2021, une ordonnance de mise sous scellés pour protéger les renseignements relatifs aux mandats de représentation et aux accords de financement conclus par les demandeurs, car ces renseignements sont protégés par le secret professionnel de l’avocat. De plus, certains des affidavits déposés à l’appui de la présente requête ont également été caviardés ou mis sous scellés.
[7] Afin de préserver la confidentialité de ces renseignements, les avocats représentant le Canada qui continueront de travailler sur le dossier des réclamations du groupe des bandes n’ont participé ni à la négociation de la convention d’honoraires ni à la présente requête.
Le contexte
[8] Le contexte factuel du présent recours collectif et les détails de la convention de règlement pour le groupe des survivants et le groupe des descendants sont expliqués plus amplement dans l’ordonnance et les motifs approuvant la convention de règlement qui ont été publiés sous la référence 2021 CF 988.
[9] Les affidavits suivants ont été déposés à l’appui de la présente requête visant à faire approuver la convention d’honoraires par la Cour :
un affidavit de Shane Gottfriedson, représentant demandeur et ancien chef élu de la bande Tk’emlúps te Secwépemc (aussi connue sous le nom de Bande indienne de Kamloops), souscrit le 23 août 2021;
un affidavit de Garry Feschuk, représentant demandeur et ancien chef élu de la Nation shíshálh (aussi connue sous le nom de Bande indienne de Sechelt), souscrit le 23 août 2021;
un affidavit de Peter Grant, l’un des avocats des demandeurs, souscrit le 25 août 2021;
un affidavit de Jasmine Paul, gestionnaire de la division de l’intendance et de la gestion des terres territoriales pour la Nation shíshálh, souscrit le 26 août 2021;
un affidavit de Travis Anderson, directeur financier autochtone agréé et directeur général des finances pour la bande Tk’emlúps te Secwépemc, souscrit le 23 août 2021;
un affidavit de Bill Namagoose, directeur exécutif du Gouvernement de la Nation crie et du Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee), souscrit le 23 août 2021;
un affidavit de Charlotte Anne Victorine Gilbert, représentante demanderesse du groupe des survivants, souscrit le 23 août 2021;
un affidavit de Diena Marie Jules, représentante demanderesse du groupe des survivants, souscrit le 23 août 2021;
un affidavit de Daphne Paul, représentante demanderesse du groupe des survivants, souscrit le 23 août 2021;
un affidavit de Darlene Matilda Bulpit, représentante demanderesse du groupe des survivants, souscrit le 23 août 2021;
un affidavit de Rita Poulsen, représentante demanderesse du groupe des descendants, souscrit le 23 août 2021;
un affidavit d’Amanda Deanne Big Sorrel Horse, représentante demanderesse du groupe des descendants, souscrit le 23 août 2021.
Les principales modalités de la convention d’honoraires
[10] Les principales modalités de la convention d’honoraires sont les suivantes :
L’article 3 prévoit que le Canada versera aux avocats du recours collectif la somme de 8 392 619,11 $ en fiducie pour les honoraires d’avocat, les débours et les taxes applicables pour les services rendus lors de l’introduction et de la poursuite du recours collectif entre 2012 et le 28 février 2021 (les honoraires antérieurs).
L’article 4 prévoit que le Canada versera aux avocats du recours collectif, en guise d’honoraires pour la négociation et la mise en œuvre, la somme de 1 200 000,00 $ en fiducie pour les honoraires d’avocat, les débours et les taxes applicables pour les services rendus pendant la négociation et la mise en œuvre de la convention de règlement entre le 1er mars 2021 et la date de mise en œuvre. Ce versement doit être approuvé par la Cour; de plus, toute somme versée par le Canada aux avocats du recours collectif en guise d’honoraires pour la négociation et la mise en œuvre, y compris les intérêts courus, qui reste en fiducie après le paiement de ces honoraires, débours et taxes sera transférée au Fonds de revitalisation destiné aux anciens élèves externes.
L’article 5 prévoit que le Canada versera aux avocats du recours collectif, en guise d’honoraires pour le réexamen, la somme de 2 500 000,00 $ en fiducie pour les honoraires d’avocat, les débours et les taxes applicables pour les services juridiques rendus relativement aux demandes de réexamen des demandes d’indemnisation liée à la fréquentation d’externat qui ont été rejetées. Ce versement doit être approuvé par la Cour; de plus, toute somme inutilisée restant en fiducie sera transférée au Fonds de revitalisation destiné aux anciens élèves externes.
L’article 6 prévoit le versement d’une rétribution de 15 000,00 $ à chacun des huit représentants demandeurs désignés pour les groupes des survivants et des descendants, lesquelles sommes seront versées en fiducie aux avocats du recours collectif par le Canada. Les rétributions de Violet Catherine Gottfriedson et Frederick Johnson –tous deux décédés – seront remises aux membres de leur famille, suivant les conseils des représentants demandeurs qui leur sont apparentés.
[11] La convention d’honoraires tient également compte de toutes les sommes qui ont déjà été versées par le Canada dans le cadre du présent recours collectif.
Les questions en litige
[12] Les questions à trancher dans la présente requête sont les suivantes :
l’approbation de la convention d’honoraires;
l’approbation des rétributions à verser aux représentants demandeurs.
Analyse
1.
L’approbation de la convention d’honoraires
Les principes généraux
[13] Aux termes de l’article 334.4 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, tous les honoraires d’avocat engagés dans le cadre d’un recours collectif doivent être approuvés par la Cour.
[14] Le critère appliqué par la Cour lors de l’examen d’une requête visant à faire approuver les honoraires d’avocat consiste à déterminer si les honoraires d’avocat sont « justes et raisonnables »
dans les circonstances (McLean c Canada, 2019 CF 1077 au para 2 [McLean]).
[15] Dans un certain nombre de décisions, notamment Manuge c Canada, 2013 CF 341 au para 28, Condon c Canada, 2018 CF 522 au para 82, Merlo c Canada, 2017 CF 533 aux para 78‑98, la Cour a mentionné les facteurs qui doivent être pris en compte dans l’évaluation du caractère raisonnable des honoraires. Ces facteurs sont les suivants :
a) le risque pris;
b) les résultats obtenus;
c) le temps consacré;
d) la complexité des questions en litige;
e) l’importance de l’affaire pour les demandeurs;
f) les qualités et les compétences des avocats;
g) les attentes ou les points de vue du groupe;
h) l’existence d’une convention d’honoraires;
i) la capacité du groupe à payer;
j) les honoraires versés dans des cas semblables.
[16] En l’espèce, la convention d’honoraires a été négociée indépendamment de la convention de règlement. Cette méthode de négociation permettait de garantir la mise en œuvre de la convention de règlement (si elle est approuvée) dans l’éventualité où la convention d’honoraires ne serait pas approuvée. Les deux conventions sont également financées de façon indépendante par le Canada.
[17] Pour l’examen des facteurs susmentionnés, il est important de souligner que, contrairement aux avocats dans de nombreux autres recours collectifs, les avocats dans la présente affaire n’ont pas fourni leurs services sur la base d’honoraires conditionnels. Ils ont plutôt travaillé moyennant des honoraires à l’heure pour les services rendus et ont produit des comptes d’honoraires (à des taux réduits) au fur et à mesure que l’instance progressait. L’absence d’une convention d’honoraires conditionnels est une caractéristique distinctive importante lorsqu’il faut prendre en compte et soupeser les facteurs mentionnés précédemment. Cependant, je suis d’avis qu’il demeure nécessaire de prendre en compte ces facteurs par rapport aux honoraires dont l’approbation est demandée.
a)
Le risque pris
[18] En général, le principal risque pris par les avocats d’un recours collectif qui agissent sur la base d’honoraires conditionnels est le risque de non‑paiement si les demandeurs sont déboutés. Ce risque a été quelque peu atténué dans la présente affaire. Cependant, les avocats du recours collectif ont tout de même pris le risque de toucher des honoraires réduits si les demandeurs n’obtenaient pas gain de cause. Les avocats affirment avoir ainsi consenti à partager les risques.
[19] Le présent recours collectif comportait des risques et la réussite était loin d’être assurée, car les demandeurs ont présenté de nouvelles réclamations afin d’obtenir des dommages‑intérêts pour la perte de langue et de culture. Le Canada a opposé une défense vigoureuse au présent recours collectif et a soulevé un certain nombre de moyens de défense, comme ceux relatifs à la prescription. Il a également invoqué les quittances au titre de la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens (la CRRPI) et a fait valoir qu’il n’avait pas d’obligation de diligence.
[20] Le fait qu’aucune autre réclamation n’a été présentée au Canada au nom des élèves externes et le fait que ce groupe a été exclu de la CRRPI met en lumière l’incertitude qui entourait ces réclamations et les risques qu’ont pris les avocats en consacrant, pendant des années, du temps et des ressources à la poursuite du recours collectif.
b)
Les résultats obtenus
[21] Les objectifs des représentants demandeurs en ce qui concerne le règlement du recours collectif étaient les suivants : aucun élève ne devait être laissé pour compte; le processus de réclamation devait être simple, rationalisé et rapide; il ne devait y avoir aucune limite quant au montant du règlement global; les quittances au titre de la CRRPI ne pouvaient pas être invoquées; et le règlement ne devait pas porter atteinte aux droits du groupe des bandes dans le cadre du litige en cours.
[22] La convention de règlement pour les réclamations liées aux groupes des survivants et des descendants a dépassé ces objectifs. En plus du versement d’une indemnité liée à la fréquentation d’externat de 10 000,00 $ à chacun des membres admissibles, le règlement comprend également le Fonds de revitalisation destiné aux anciens élèves externes, d’une somme de 50 000 000 $. Ce fonds prévoit des projets dirigés par les Autochtones pour financer des activités destinées aux membres des groupes des survivants et des descendants afin de soutenir la guérison, le mieux‑être, l’éducation, la langue, la culture, le patrimoine et la commémoration.
c)
Le temps consacré
[23] Le présent litige dure depuis près d’une décennie. Les questions juridiques étaient complexes et la réussite n’était pas assurée.
[24] La convention de règlement a été conclue quelques mois avant le début prévu du procès de septembre 2021 sur les questions communes. Beaucoup de travail a été entrepris afin de préparer ce dossier pour le procès, et les honoraires réclamés sont fondés sur le temps consacré à ce dossier selon le régime de la rémunération des services. Les avocats du recours collectif ont présenté un affidavit détaillé où est décrit le travail qu’ils ont accompli et ils y ont annexé des copies de relevés de temps où figure la répartition des tâches exécutées, les noms des personnes qui les ont effectuées et le temps qui y a été consacré.
[25] À ce jour, les avocats ont consacré des milliers d’heures au présent recours collectif. Ils continueront également d’offrir du soutien juridique durant la mise en œuvre de la convention de règlement et le réexamen des demandes d’indemnisation liée à la fréquentation d’externat qui ont été rejetées.
[26] D’après les relevés de temps, les honoraires dont l’approbation est demandée représentent les heures effectivement travaillées au plein tarif, plus une prime de 1 600 000 $. Compte tenu des risques et des obligations assumés par les avocats du recours collectif et du règlement obtenu pour les groupes des survivants et des descendants, je conviens que les avocats méritent une prime supérieure au montant des honoraires pour les heures consignées dans leurs relevés de temps.
d)
La complexité des questions en litige
[27] La complexité du présent recours collectif ne peut être surestimée. Elle est décrite plus en détail dans l’ordonnance d’approbation du règlement. Les réclamations présentées étaient nouvelles et n’avaient pas été vérifiées. Les éléments de preuve étaient historiques et volumineux.
[28] Dans le cadre du recours collectif, un certain nombre de requêtes interlocutoires ont été déposées, dont une requête en suspension des procédures présentée par le Canada et une requête en autorisation qui a été contestée par le Canada. Dans les mois qui ont précédé le règlement, les avocats ont travaillé activement à la préparation du procès, qui devait durer 74 jours.
e)
L’importance de l’affaire pour les demandeurs
[29] L’exclusion des élèves externes de la CRRPI était blessante et les personnes qui ont subi des préjudices dans les pensionnats indiens avaient le sentiment que leurs expériences étaient passées sous silence. Les affidavits des représentants demandeurs attestent de l’importance du présent recours collectif. Même les personnes qui se sont opposées au règlement ont parlé des préjudices subis et du manque de reconnaissance à cet égard dans les règlements antérieurs.
[30] Le présent recours collectif a eu d’importantes répercussions sur les représentants demandeurs, qui, dans le cadre de cette action, ont dû revivre des expériences traumatisantes sur la place publique. Dans leurs affidavits, les représentants demandeurs décrivent non seulement les effets qu’ont eus les expériences vécues par les élèves externes sur les élèves eux‑mêmes et les membres de leur famille, mais aussi le traumatisme intergénérationnel qui en a découlé et qui perdure.
[31] Même si aucune somme ne pourra jamais compenser les préjudices que les survivants ou leurs descendants ont subis et continuent de subir, le présent règlement est une étape clé vers la guérison et la réconciliation.
f)
Les qualités et les compétences des avocats
[32] Les avocats du recours collectif sont une équipe d’avocats chevronnés en recours collectif et en droit autochtone. Trois des avocats principaux ont participé au processus ayant mené à la CRRPI et ont été spécifiquement sollicités pour agir dans la présente affaire en raison de leur expertise.
[33] Les avocats du recours collectif étaient clairement engagés dans le recours et ont poursuivi celui‑ci avec diligence malgré d’importants obstacles procéduraux et juridiques. Au bout du compte, après de nombreuses années, les avocats du recours collectif ont réussi à obtenir un règlement qui dépassait les objectifs des membres des groupes des survivants et des descendants. Les avocats continueront de fournir des services juridiques dans le cadre des processus de réclamation et de réexamen. De plus, l’audition du dossier du groupe des bandes est prévue en septembre 2022.
g)
Les attentes ou les points de vue du groupe
[34] Dans leurs affidavits, les représentants demandeurs affirment être en faveur de l’approbation de la convention d’honoraires et confirment que celle‑ci reflète leur compréhension de la façon dont les honoraires devaient être payés si l’action se soldait par un règlement favorable. Ils confirment également que les honoraires sont, à leur avis, justes et raisonnables.
[35] Aucune objection n’a été soulevée à l’égard de la convention d’honoraires lors de la requête. Toutefois, dans le cadre de la requête visant à faire approuver le règlement, l’un des membres du groupe qui s’opposaient au règlement a affirmé que la somme à verser aux membres du groupe est minime si on la compare aux [traduction] « salaires »
des avocats. Ce commentaire n’est d’aucune utilité pour apprécier le caractère juste et raisonnable des honoraires d’avocat dans ces circonstances.
h)
L’existence d’une convention d’honoraires
[36] Comme je l’ai déjà mentionné, les avocats du recours collectif ont agi moyennant des honoraires pour services rendus et non pas des honoraires conditionnels. L’affidavit de l’un des avocats du recours collectif et les affidavits des représentants demandeurs renferment des renseignements sur les mandats de représentation et les accords de financement conclus par les demandeurs. La Cour est convaincue que le présent recours collectif n’aurait pas été intenté si ce n’avait pas été de ces ententes.
i)
La capacité du groupe à payer
[37] Dans leurs affidavits, les représentants demandeurs soutiennent qu’ils n’avaient pas la capacité de financer eux‑mêmes le présent litige, et rien ne prouve que de telles allégations ont été soulevées.
j)
Les honoraires versés dans des cas semblables
[38] La valeur totale du règlement dans le présent recours collectif est d’environ 154 000 000 $. Les honoraires d’avocat dont l’approbation est demandée sont des honoraires antérieurs d’un montant de 8 392 619,11 $ qui sont répartis comme suit :
a.
|
Honoraires facturés par les avocats du recours collectif
|
4 055 765,66 $
|
---|---|---|
b.
|
Prime des avocats du recours collectif
|
1 600 000,00 $
|
c.
|
Débours judiciaires des avocats du recours collectif
|
973 729,67 $
|
d.
|
Dépenses des demandeurs
|
1 763 123,78 $
|
[39] La prime des avocats du recours collectif de 1 600 000,00 $ est le seul montant réclamé pour des honoraires d’avocat antérieurs qui est supérieur au montant des honoraires pour le temps consacré au dossier. Comme je l’ai déjà mentionné, cette prime est bien méritée.
[40] Selon la convention d’honoraires, les honoraires d’avocat pour la négociation et la mise en œuvre de la convention de règlement (1 200 000 $) et pour le réexamen des demandes d’indemnisation (2 500 000 $) n’ont pas encore été engagés et doivent également être approuvés par la Cour.
[41] Par conséquent, comme la valeur totale du règlement est d’environ 154 000 000 $, des honoraires d’avocat de 8 300 000 $ sont modestes.
[42] En comparaison, dans l’affaire McLean, la valeur du règlement était d’environ 2 000 000 000 $ et les honoraires d’avocat approuvés s’élevaient à 55 000 000 $, auxquels s’ajoutaient 7 000 000 $ à titre d’honoraires d’avocat pour les services juridiques rendus sur une période de quatre ans après la date de mise en œuvre. Dans l’affaire Riddle c Canada, 2018 CF 641 [Riddle], le montant du règlement était de 750 000 000 $ et des honoraires d’avocat de 75 000 000 $ ont été approuvés.
[43] Récemment, dans l’affaire MacDonald et al v BMO Trust Company et al, 2021 ONSC 3726 aux para 21‑22 [MacDonald], le juge Belobaba a qualifié de [traduction] « mégafonds »
le montant d’un règlement qui s’élève à plus de 100 000 000 $ et a déclaré que les honoraires d’avocat associés à ce type de règlement nécessitent un examen judiciaire plus approfondi. Cette déclaration a été faite dans le contexte du calcul linéaire du pourcentage convenu des honoraires conditionnels par rapport au montant du règlement. D’après le juge Belobaba, ce calcul peut donner lieu à un [traduction] « avantage non mérité »
dans le cadre d’un recours collectif. Dans l’affaire MacDonald, le montant du règlement s’élevait à 100 000 000 $ et les avocats du recours collectif réclamaient des honoraires de 25 000 000 $.
[44] Le règlement dans la présente affaire entrerait certes dans la catégorie des mégafonds définie dans l’affaire MacDonald, mais les honoraires dont l’approbation est demandée ne sont pas fondés sur un calcul des honoraires conditionnels, car les avocats du recours collectif n’ont pas agi suivant une convention d’honoraires conditionnels. En effet, le montant des honoraires d’avocat dont on demande l’approbation en l’espèce a été calculé en fonction des heures qu’ont effectivement consacrées les avocats à la présente action. La Cour a donc l’avantage de pouvoir s’appuyer sur l’information détaillée concernant les heures consacrées à la présente affaire, ce qui lui fournit un point de référence utile pour apprécier le caractère raisonnable des honoraires d’avocat proposés. De plus, comme je l’ai mentionné précédemment, je suis d’avis que la prime demandée par les avocats était bien méritée et était raisonnable compte tenu des résultats obtenus.
[45] Dans l’ensemble, je suis convaincue que la convention d’honoraires en l’espèce est juste et raisonnable.
2. L’approbation des rétributions à verser aux représentants demandeurs
[46] Notre Cour a fait remarquer qu’il est approprié d’indemniser le représentant demandeur dans les situations où les services fournis par le demandeur vont au‑delà des obligations habituelles d’un représentant demandeur (Merlo au para 73).
[47] Les facteurs à prendre en considération au moment de décider si le ou les représentants demandeurs devraient recevoir une rétribution incluent : les difficultés personnelles importantes liées à la poursuite du litige; la participation active au lancement de l’instance et au choix d’un avocat; le temps consacré à l’instance et les activités entreprises dans le cadre de celle‑ci; les communications et les interactions avec les autres membres du groupe; et la participation aux diverses étapes de l’instance (Merlo au para 72; Toth c Canada, 2019 CF 125 au para 96).
[48] Le litige a demandé des efforts exceptionnels de la part des représentants demandeurs, qui, pendant neuf ans, ont dû revivre les souvenirs douloureux de leurs expériences personnelles relativement aux pensionnats indiens et les préjudices qu’ils ont subis tout au long de leur vie. Ils ont fourni des affidavits dans lesquels ils décrivent leurs expériences. Ils ont été soumis à des contre‑interrogatoires et étaient prêts à témoigner ouvertement au procès. Ce faisant, ils ont souffert d’un nouveau traumatisme au prix de grands sacrifices, mais ils l’ont fait dans l’intérêt collectif des membres du groupe. En fait, le fardeau à porter était si douloureux et si lourd que deux des représentants demandeurs proposés se sont retirés du dossier lorsqu’ils ont été incapables de continuer à s’acquitter de leur rôle.
[49] Les représentants ont investi beaucoup de temps pour se rendre à des réunions, rassembler et examiner des documents, assister aux interrogatoires et aux audiences, et examiner la documentation afin de se tenir informés de l’état d’avancement du dossier. Les représentants demandeurs ont rencontré régulièrement les avocats afin d’obtenir des mises à jour et de fournir des directives aux autres demandeurs.
[50] Les représentants demandeurs ont également participé à des entrevues avec les médias et ont déployé de vastes efforts pour communiquer avec les membres du groupe par téléphone, par courriel et par diverses plateformes de médias sociaux.
[51] Durant les procédures liées au présent recours collectif, deux représentants demandeurs — Frederick Johnson et Violet Gottfriedson — sont décédés, mais non sans avoir démontré leur engagement envers la poursuite du recours.
[52] Dans les circonstances, je conclus sans aucune difficulté qu’il convient en l’espèce de reconnaître les efforts exceptionnels des représentants demandeurs et j’approuve la rétribution de 15 000,00 $ à verser à chacun des représentants demandeurs.
Conclusion
[53] Pour les motifs qui précèdent, j’approuve la convention d’honoraires, y compris les rétributions à verser aux représentants demandeurs.
ORDONNANCE DANS LE DOSSIER T‑1542‑12
LA COUR ORDONNE :
La convention d’honoraires est juste et raisonnable et va dans l’intérêt supérieur des groupes des survivants et des descendants, et elle est par les présentes approuvé, au titre de l’article 334.4 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, et doit être mise en œuvre conformément à ses modalités;
La somme globale de 8 392 619,11 $ que doit verser la défenderesse aux avocats du recours collectif en fiducie pour les honoraires d’avocat, les débours et les taxes applicables pour les services rendus lors de l’introduction et de la poursuite du présent recours collectif dès qu’il a été intenté en 2012 jusqu’au 28 février 2021, tel qu’il est mentionné dans la convention d’honoraires, est approuvée et doit être versée en fiducie par la défenderesse aux avocats du recours collectif dans les 30 jours suivant la date de mise en œuvre (comme le prévoit la convention de règlement datée du 4 juin 2021);
La somme de 1 200 000,00 $ que doit verser la défenderesse aux avocats du recours collectif en fiducie pour les honoraires d’avocat, les débours et les taxes applicables pour les services rendus pendant la négociation et la mise en œuvre de la convention de règlement entre le 1er mars 2021 et la date de mise en œuvre, tel qu’il est mentionné dans la convention d’honoraires (les honoraires pour la négociation et la mise en œuvre), est approuvée et doit être versée en fiducie par la défenderesse aux avocats du recours collectif dans les 30 jours suivant la date de mise en œuvre;
Aucune des sommes que doit verser la défenderesse aux avocats du recours collectif en fiducie au titre des honoraires pour la négociation et la mise en œuvre ne peut être payée à même les fonds de la fiducie tant que les avocats du recours collectif n’ont pas fourni leurs comptes d’honoraires au Canada et n’ont pas demandé et reçu l’approbation de la Cour;
Toute somme, y compris les intérêts, restant en fiducie après le paiement de tous les honoraires pour la négociation et la mise en œuvre approuvés doit être transférée par les avocats du recours collectif à la Société de revitalisation pour les élèves externes et être utilisée aux fins de la mission de cette société;
La somme de 2 500 000,00 $ que doit verser la défenderesse aux avocats du recours collectif en fiducie pour les honoraires d’avocat, les débours et les taxes applicables pour les services juridiques rendus relativement aux demandes de réexamen des demandes d’indemnisation liée à la fréquentation d’externat qui ont été rejetées, tel qu’il est mentionné dans la convention d’honoraires (les honoraires pour le réexamen), est approuvée et doit être versée en fiducie par la défenderesse aux avocats du recours collectif dans les 30 jours suivant la date de mise en œuvre;
Aucune des sommes que doit verser la défenderesse aux avocats du recours collectif en fiducie au titre des honoraires pour le réexamen ne peut être payée à même les fonds de la fiducie tant que les avocats du recours collectif n’ont pas fourni leurs comptes d’honoraires au Canada et n’ont pas demandé et reçu l’approbation de la Cour;
Toute somme, y compris les intérêts, restant en fiducie après le paiement de tous les honoraires pour le réexamen approuvés doit être transférée par les avocats du recours collectif à la Société de revitalisation pour les élèves externes et être utilisée aux fins de la mission de cette société;
La rétribution de 15 000,00 $ que doit verser la défenderesse à chacun des huit représentants demandeurs désignés pour les groupes des survivants et des descendants est approuvée et doit être versée en fiducie par le Canada aux avocats du recours collectif dans les 30 jours suivant la date de mise en œuvre;
Les rétributions de Violet Catherine Gottfriedson et Frederick Johnson doivent être remises aux membres de la famille de ces représentants demandeurs décédés par les avocats du recours collectifs, suivant les conseils des représentants demandeurs qui leur sont apparentés;
Aucuns dépens ne seront adjugés à l’égard de la présente requête.
« Ann Marie McDonald »
Juge
Traduction certifiée conforme
Manon Pouliot
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
|
T‑1542‑12
|
INTITULÉ :
|
CHEF SHANE GOTTFRIEDSON ET AUTRES c SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA
|
LIEU DE L’AUDIENCE :
|
VANCOUVER (COLOMBIE‑BRITANNIQUE)
|
DATE DE L’AUDIENCE :
|
LE 8 SEPTEMBRE 2021
|
ORDONNANCE ET MOTIFS :
|
LA JUGE MCDONALD
|
DATE DE L’ORDONNANCE ET DES MOTIFS CONFIDENTIELS :
|
LE 1ER OCTOBRE 2021
|
DATE DE L’ORDONNANCE ET DES MOTIFS PUBLICS :
|
LE 10 NOVEMBRE 2021
|
COMPARUTIONS :
Peter Grant
Diane Soroka
John Kingman Phillips
W. Cory Wanless
Tina Q. Yang
|
POUR LES DEMANDEURS
|
Travis Henderson
|
POUR LA DÉFENDERESSE
|
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Peter Grant Law
Avocats
Vancouver (Colombie‑Britannique)
|
POUR LES DEMANDEURS
|
Diane Soroka
Avocate, Barrister & Solicitor, Inc.
Westmount (Québec)
|
|
Waddell Phillips
Professional Corporation
Toronto (Ontario)
|
|
Procureur général du Canada
Ministère de la Justice
Vancouver (Colombie‑Britannique)
|
POUR LA DÉFENDERESSE
|