Dossier : T-1694-21
Référence : 2021 CF 1232
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 13 novembre 2021
En présence de monsieur le juge McHaffie
ENTRE :
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David LAVERGNE-POITRAS
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demandeur
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et
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LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA (Ministre des Services publics et de l’APPROVISIONNEMENT) ET PMG TECHNOLOGIES INC.
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défendeurs
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ORDONNANCE ET MOTIFS
I.
Vue d’ensemble
[1]
David Lavergne-Poitras sollicite une injonction interlocutoire sursoyant à la mise en œuvre de l’« exigence relative à la vaccination des fournisseurs contre la COVID-19 »
du gouvernement du Canada (le Canada) jusqu’à ce que sa contestation soit instruite sur le fond. La politique de vaccination des fournisseurs, comme je vais l’appeler, exige que tous les employés des fournisseurs du gouvernement du Canada soient entièrement vaccinés pour avoir accès aux lieux de travail du gouvernement fédéral où se trouvent des employés du gouvernement fédéral. Elle exige également que les fournisseurs attestent que leurs employés qui ont accès à des lieux de travail du gouvernement fédéral où ils peuvent entrer en contact avec des fonctionnaires fédéraux sont entièrement vaccinés. Si elle n’est pas suspendue par la Cour, la politique de vaccination des fournisseurs entrera en vigueur lundi prochain, le 15 novembre 2021.
[2]
M. Lavergne-Poitras est un employé de la défenderesse PMG Technologies Inc, qui est un fournisseur du gouvernement fédéral. Il n’est pas vacciné contre la COVID-19 et il ne souhaite pas l’être. En tant qu’homme de 35 ans en bonne santé ayant des antécédents familiaux de maladie cardiaque, il est préoccupé par les complications, les effets secondaires et les risques associés aux vaccins contre la COVID-19 qui sont disponibles. PMG a fourni au Canada l’attestation requise par la politique de vaccination des fournisseurs. PMG a informé M. Lavergne-Poitras qu’en raison de cette politique, elle le mettra à pied ou le licenciera, lui et les autres personnes non vaccinées, à compter du 15 novembre 2021, à moins que leur statut vaccinal ne change.
[3]
M. Lavergne-Poitras affirme que la politique de vaccination des fournisseurs n’a pas été adoptée validement et qu’elle viole son droit à la liberté et à la sécurité de sa personne garanti par l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés. Il affirme que cette politique ne repose pas sur des preuves et qu’elle est arbitraire, qu’elle a une portée excessive et qu’elle a des conséquences totalement disproportionnées compte tenu de l’objectif visé. Ses arguments sur ces questions seront tranchés à une date ultérieure lors de l’instruction de sa demande principale. Dans la présente requête, M. Lavergne-Poitras affirme qu’il a soulevé une question sérieuse relativement à sa contestation, qu’il subira un préjudice irréparable si la politique de vaccination des fournisseurs n’est pas suspendue et que la prépondérance des inconvénients joue en faveur du prononcé d’une injonction afin que, d’ici l’instruction sur le fond, ses droits garantis par la Charte et ceux des autres employés non vaccinés des fournisseurs du gouvernement ne soient pas violés.
[4]
Pour les motifs ci-après exposés, je rejette la requête en injonction interlocutoire. Voici un résumé des motifs de ma décision.
[5]
Question sérieuse (pouvoir) — M. Lavergne-Poitras n’a pas démontré que le Canada n’a pas le pouvoir d’adopter et de mettre en œuvre la politique de vaccination des fournisseurs. Les conditions que la politique impose aux fournisseurs du gouvernement du Canada sont de nature contractuelle. M. Lavergne-Poitras admet que le Canada a le pouvoir d’assortir de conditions ses appels d’offres pour les contrats à venir. En ce qui concerne les contrats existants, le Canada peut chercher à mettre en œuvre des conditions contractuelles avec ses cocontractants. En tant que cocontractant, PMG a fourni l’attestation requise pour son contrat existant. Aucune question sérieuse ne se pose en ce qui a trait au pouvoir légal du gouvernement d’adopter cette politique. Je conviens également qu’en tant que tierce partie au contrat entre le Canada et PMG, M. Lavergne‑Poitras n’a pas qualité pour soulever un argument au sujet du pouvoir du Canada d’imposer des conditions contractuelles.
[6]
Question sérieuse (article 7 de la Charte) — Contrairement à ce que prétend le Canada, j’estime que la qualité de M. Lavergne-Poitras pour soulever des arguments fondés sur la Charte dans le contexte du contrat conclu entre le Canada et PMG n’est pas évidente au point où sa requête devrait être rejetée pour ce motif. M. Lavergne-Poitras a soulevé une question sérieuse à trancher quant à savoir s’il était porté atteinte à son droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Il n’a toutefois pas, selon la preuve déposée à l’appui de sa requête, soulevé une question sérieuse quant à savoir si cette atteinte va à l’encontre des principes de justice fondamentale. Par conséquent, il n’a pas démontré qu’il y avait une question sérieuse à trancher au sujet de la violation des droits que lui garantit l’article 7 de la Charte. Je n’ai pas à décider si cette violation serait justifiée au regard de l’article premier de la Charte.
[7]
Préjudice irréparable — Même si j’avais conclu que M. Lavergne-Poitras a démontré l’existence d’une question sérieuse à trancher, j’estime qu’il n’a pas établi que si l’injonction n’est pas prononcée, il subira un préjudice irréparable d’ici l’instruction de sa demande sur le fond. M. Lavergne-Poitras a confirmé qu’il n’a pas l’intention de se faire vacciner. Le préjudice auquel il fait face est la perte de son emploi. Bien qu’il s’agisse d’une conséquence sérieuse et non négligeable, les tribunaux canadiens ont confirmé que la perte d’un emploi peut être compensée par des dommages-intérêts et qu’elle ne constitue donc pas le « préjudice irréparable »
nécessaire pour pouvoir obtenir une injonction.
[8]
Prépondérance des inconvénients — Je conclus également que la prépondérance des inconvénients ne joue pas en faveur de la suspension de la politique. Le préjudice que causerait à M. Lavergne-Poitras la perte de son emploi doit être mis en balance avec les risques de préjudice que courent les employés du gouvernement fédéral en raison de l’existence d’un risque accru de transmission du virus SARS-CoV-2 qui cause la COVID-19, y compris ses variants. Le gouvernement du Canada a adopté une approche mesurée pour protéger ses employés, notamment en réduisant les risques de transmission en exigeant que les employés des fournisseurs susceptibles d’entrer en contact avec des fonctionnaires du gouvernement fédéral, et seulement les employés en question, soient vaccinés. Un préjudice important serait causé à l’intérêt public si l’injonction demandée était prononcée, tant en raison des risques accrus pour la santé auxquels seraient exposés les employés fédéraux qu’à cause de l’atteinte qui serait portée à une politique réfléchie adoptée par le gouvernement fédéral en tant qu’employeur. Ces préjudices l’emportent largement sur ceux qu’invoque M. Lavergne-Poitras dans la présente requête.
[9]
Réparation subsidiaire — J’ai également examiné la réparation subsidiaire sollicitée par M. Lavergne-Poitras sous forme d’une injonction plus limitée qui suspendrait l’application de la politique de vaccination des fournisseurs uniquement à l’égard de son lieu de travail ou de lui-même. Les conclusions que j’ai formulées s’appliquent aussi à cette demande de réparation, et je suis d’accord avec le procureur général pour dire qu’il n’y a aucune raison de dispenser en particulier M. Lavergne‑Poitras ou son lieu de travail de l’application de la politique de vaccination des fournisseurs.
[10]
La demande d’injonction interlocutoire est par conséquent rejetée. Le procureur général a confirmé qu’il ne demanderait pas de dépens.
II.
Questions en litige et cadre analytique
[11]
L’injonction que sollicite M. Lavergne-Poitras est une injonction temporaire qui serait en vigueur jusqu’à ce que la demande par laquelle il conteste la politique de vaccination des fournisseurs puisse être instruite sur le fond.
[12]
Il est bien établi que, pour obtenir une telle injonction interlocutoire, le requérant doit démontrer trois choses : (1) qu’il y a une question sérieuse à trancher lors de l’instruction de la demande principale; (2) qu’il subira un préjudice irréparable si l’injonction ne lui est pas accordée jusqu’à l’instruction; (3) que la « prépondérance des inconvénients »
joue en faveur de l’octroi de l’injonction (RJR‑MacDonald Inc c Canada (procureur général), [1994] 1 RCS 311 à la p 334).
[13]
Chacun de trois volets de ce critère doit être respecté. Ils ne doivent toutefois pas être considérés en vase clos, en ce sens qu’une conclusion ferme sur l’un ou l’autre des volets de ce critère peut entraîner l’application d’une norme moins exigeante pour les autres volets (Bell Media Inc c GoldTV.Biz, 2019 CF 1432 au para 56). Pour l’application de ce critère à trois volets, « [i]l s’agit essentiellement de savoir si l’octroi d’une injonction est juste et équitable eu égard à l’ensemble des circonstances de l’affaire »
(Google Inc c Equustek Solutions Inc, 2017 CSC 34 aux para 1, 25).
[14]
La requête en injonction interlocutoire de M. Lavergne-Poitras soulève donc les questions suivantes :
Y a-t-il une question sérieuse à trancher lors de l’instruction de sa demande, et plus particulièrement :
(1) Y a-t-il une question sérieuse à trancher quant à la validité de la politique de vaccination des fournisseurs?
(2) Y a-t-il une question sérieuse à trancher quant à savoir si la politique de vaccination des fournisseurs est inconstitutionnelle en ce sens qu’elle prive M. Lavergne-Poitras de son droit à la liberté et à la sécurité de sa personne d’une manière non conforme aux principes de justice fondamentale, contrairement à l’article 7 de la Charte?
M. Lavergne-Poitras subira-t-il un préjudice irréparable d’ici l’instruction de sa demande si l’injonction qu’il sollicite ne lui est pas accordée?
La prépondérance des inconvénients joue-t-elle en faveur de l’octroi ou du refus de l’injonction?
À titre subsidiaire, la Cour devrait-elle déclarer que la politique de vaccination des fournisseurs ne s’applique pas à l’établissement où travaille M. Lavergne-Poitras?
[15]
M. Lavergne-Poitras demande également d’être dispensé de l’exigence habituelle de payer les dommages-intérêts qui pourraient découler de l’injonction s’il est finalement jugé qu’elle n’aurait pas dû être accordée. Le procureur général ne s’est pas opposé à cette demande.
[16]
Je vais aborder ces questions après avoir examiné la politique de vaccination des fournisseurs et la situation particulière de M. Lavergne-Poitras.
III.
Contexte factuel
A.
La pandémie de COVID-19 et les vaccins contre la COVID-19
[17]
Les répercussions de la pandémie de COVID-19 sur la santé et la société sont bien connues. Elles sont exposées dans la preuve présentée à la Cour et dans l’affidavit souscrit au nom du procureur général par Mme Celia Lourenco, chercheuse principale à Santé Canada et chargée d’autoriser les vaccins contre la COVID-19 offerts aux Canada. Dans son affidavit, Mme Lourenco traite des répercussions sur la santé de la pandémie de COVID‑19, des connaissances et des données scientifiques les plus récentes sur le virus du SARS-CoV-2 et la COVID-19, et donne des renseignements concernant l’élaboration, l’homologation et la surveillance des vaccins.
[18]
En date du 9 novembre 2021, on avait recensé au Canada un total de plus de 1,7 million de cas diagnostiqués de COVID-19, ayant causé 29 217 décès, ce qui représente environ 1,7 % de toutes les infections. En plus d’être potentiellement mortelle, la COVID-19 peut entraîner des maladies graves et l’hospitalisation. Si la plupart des personnes qui se rétablissent ne signalent aucun effet durable, certaines souffrent de ce qu’on appelle la « COVID longue »,
qui se caractérise par des symptômes persistants. Les taux d’infection, d’hospitalisation et de mortalité varient en fonction de l’âge, mais le risque de maladie grave ou de décès lié à la COVID-19 n’épargne aucun groupe d’âge.
[19]
Selon le témoignage de Mme Lourenco, la COVID-19 se transmet principalement par les gouttelettes respiratoires et les aérosols. Elle peut être transmise à d’autres personnes par des gens qui présentent peu ou pas de symptômes et qui peuvent donc ignorer qu’ils sont infectés.
[20]
Dans son affidavit, Mme Lourenco explique en détail le processus d’homologation des vaccins au Canada, et plus particulièrement le processus et l’examen qui ont mené à l’homologation des vaccins contre la COVID-19 au Canada. À ce jour, quatre vaccins ont été homologués. Deux d’entre eux sont des vaccins à acide ribonucléique messager (vaccins à ARN messager), tandis que les deux autres sont des vaccins à vecteur viral. Il n’est pas nécessaire, pour trancher la présente requête, d’exposer la plupart des données scientifiques détaillées présentées dans l’affidavit de Mme Lourenco concernant le fondement de l’homologation ou les antécédents d’innocuité et d’efficacité des vaccins contre la COVID-19. Il suffit de dire que la preuve démontre qu’avant d’être homologués, les vaccins contre la COVID-19 font l’objet, par des fonctionnaires de Santé Canada, d’un examen scientifique rigoureux au sujet de leur innocuité et de leur efficacité, et ce, sans la participation d’aucun élu. La preuve établit aussi que les vaccins contre la COVID-19 réduisent à la fois le risque et les conséquences de l’infection et que la vaccination est un élément clé des mesures prises par le Canada pour lutter contre la COVID-19.
[21]
Est particulièrement pertinente l’affirmation catégorique de Mme Lourenco suivant laquelle les personnes qui sont entièrement vaccinées avec un vaccin à ARN messager ou un vaccin à vecteur viral sont moins susceptibles de transmettre la COVID‑19 à d’autres personnes. Même s’il ne l’admet pas formellement, M. Lavergne-Poitras ne nie pas cette affirmation et il n’a pas présenté de preuve contraire. Il importe également de reconnaître que les personnes qui sont pleinement vaccinées contre la COVID-19 peuvent quand même contracter la COVID-19. Bien que cela ne représente qu’un faible pourcentage de la population vaccinée, cela signifie que les fonctionnaires fédéraux qui sont vaccinés risquent malgré tout de contracter la COVID‑19 et qu’ils courent un plus grand risque d’exposition et d’infection de la part de personnes non vaccinées que de personnes vaccinées.
[22]
L’affidavit de Mme Lourenco et l’affidavit de M. Lavergne-Poitras renferment tous les deux des renseignements sur les risques associés aux vaccins contre la COVID‑19. Ils fournissent les mêmes données sur les effets indésirables signalés après la vaccination. En date du 29 octobre 2021, plus de 58 millions de doses de vaccin avaient été administrées au Canada. Au total, 22 231 cas d’effets indésirables ont été signalés, dont 5 653 cas graves. Les effets secondaires indésirables graves représentent donc environ une dose sur 10 000 bien que, comme dans le cas de la COVID-19, la proportion de cas graves signalés varie selon le groupe d’âge. Mme Lourenco souligne que ces cas concernent des effets indésirables survenus après la vaccination, mais qu’ils ne signifient pas nécessairement qu’il y a un lien avec le vaccin.
B.
La politique de vaccination des fournisseurs
[23]
Le 6 octobre 2021, le Canada a adopté la « Politique sur la vaccination contre la COVID-19 applicable à l’administration publique centrale, y compris à la Gendarmerie royale du Canada ».
Aux termes de cette politique de vaccination de la fonction publique, les employés fédéraux à qui aucune mesure d’adaptation n’a été accordée en raison d’une contre‑indication médicale certifiée, de motifs d’ordre religieux ou d’autres motifs de distinction illicite, et qui refusent d’être complètement vaccinés ou de divulguer leur statut vaccinal seront placés en congé sans solde le 15 novembre 2021.
[24]
La présente décision ne traite pas de la politique de vaccination de la fonction publique et ne tire aucune conclusion à cet égard.
[25]
Le 6 octobre 2021, Services publics et Approvisionnement Canada (SPAC) a également annoncé sur le site Internet « achatsetventes.gc.ca » (l’endroit où la Direction générale des approvisionnements de SPAC gère une grande partie de son processus d’appel d’offres) que, conformément à la politique de vaccination de la fonction publique, la politique de vaccination des fournisseurs entrerait en vigueur le 15 novembre 2021.
[26]
Par souci d’exhaustivité, j’ai joint aux présents motifs le texte intégral de la version française et de la version anglaise de la politique de vaccination des fournisseurs à titre d’annexe A. Je reproduis ici quelques‑uns des passages pertinents de la version française :
À compter du 15 novembre 2021, tous les employés des fournisseurs du gouvernement du Canada devront être entièrement vaccinés pour avoir accès aux lieux de travail du gouvernement fédéral. Les fournisseurs devront présenter une attestation à cet effet à leur autorité contractante.
[…]
Exigence relative à la vaccination des employés des fournisseurs
À compter du 15 novembre 2021, les employés des fournisseurs qui doivent avoir accès à des lieux de travail du gouvernement fédéral doivent être entièrement vaccinés. Par « lieux de travail du gouvernement fédéral », on entend tous les locaux dont le gouvernement du Canada est responsable et où se trouvent des employés du gouvernement fédéral.
[…]
Contrats et entrepreneurs existants
L’exigence relative à la vaccination s’applique aux employés des entrepreneurs titulaires de contrats existants qui doivent avoir accès aux lieux de travail du gouvernement fédéral pour réaliser des travaux.
Satisfaction de l’exigence relative à la vaccination
Une personne est considérée pleinement vaccinée si elle a reçu :
-
• toutes les doses requises d’un vaccin approuvé contre la COVID-19 ou une combinaison de vaccins approuvés, c’est-à-dire :
◦ 2 doses combinant les vaccins Spikevax de Moderna, Comirnaty de Pfizer-BioNTech ou Vaxzevria d’AstraZeneca (y compris celui produit par CoviShield)
◦ 1 dose du vaccin Janssen (Johnson & Johnson)
[…]
Processus de certification
Les fournisseurs devront présenter un formulaire d’attestation avant le 29 octobre 2021, qui démontre que leurs employés nécessitant un accès aux lieux de travail du gouvernement fédéral seront entièrement vaccinés en date du 15 novembre 2021. Les fournisseurs qui ne soumettent pas cette attestation pourront faire l’objet de mesures pouvant aller jusqu’à la résiliation de leur contrat.
[…]
Contrats futurs
À compter du 15 octobre 2021, les fournisseurs désirant soumissionner à un contrat qui exige l’accès de leurs employés à des lieux de travail du gouvernement fédéral devront présenter, à titre de condition de leur soumission, une attestation prouvant qu’ils satisfont à l’exigence relative à la vaccination. Les soumissions qui ne comprennent pas l’attestation seront ignorées. Le formulaire d’attestation figurera dans les demandes de propositions concernées.
[En gras dans l’original; j’ai mis les titres de rubriques en italiques par souci de clarté.]
[27]
L’attestation mentionnée dans la politique se trouve dans un document distinct. Elle oblige le fournisseur à attester que tout le personnel qu’il fournira dans le cadre du contrat applicable et qui accédera aux lieux de travail du gouvernement fédéral où il peut entrer en contact avec des fonctionnaires : a) sera entièrement vacciné contre la COVID‑19, ou b) dans le cas du personnel qui ne peut être vacciné en raison d’une contre‑indication médicale certifiée, de motifs d’autres religieux ou d’autres motifs de distinction illicite, fera l’objet de mesures d’adaptation et d’atténuation.
C.
Le demandeur et son emploi
[28]
M. Lavergne-Poitras a choisi de ne pas se faire vacciner contre la COVID-19. Il expose dans son affidavit ses craintes quant aux risques et effets secondaires associés aux vaccins contre la COVID-19 qui ont été homologués par Santé Canada, y compris les vaccins à ARN messager et les vaccins traditionnels à vecteur viral. Il craint de subir des complications cardiaques, d’autant plus que son père est mort jeune d’une crise cardiaque.
[29]
M. Lavergne-Poitras est employé depuis juillet 2019 par PMG comme technologue aux essais. Son travail consiste à effectuer des essais sur les systèmes de sécurité automobile existants et nouveaux, tels que les systèmes de guidage routier. Il met en œuvre des protocoles d’essais et de recherche, installe et étalonne des équipements, effectue des essais et recueille et analyse des données d’essai. C’est un travail qu’il aime beaucoup et c’est l’emploi le plus satisfaisant qu’il ait occupé.
[30]
M. Lavergne-Poitras travaille dans un établissement qui est situé à Blainville, au Québec, et qui appartient au gouvernement du Canada. L’établissement en question (le centre d’essais de Blainville) dispose de pistes d’essais routiers extérieures, d’un bâtiment administratif et de deux laboratoires. PMG fournit ses services au gouvernement du Canada à son centre d’essais de Blainville en vertu d’un contrat signé avec Transports Canada. Au total, 89 personnes travaillent au centre d’essais de Blainville, dont cinq sont des employés du gouvernement fédéral. Selon M. Lavergne-Poitras, sur ces cinq personnes, trois travaillent dans des bâtiments différents du sien et ont peu ou pas d’interactions avec lui, tandis que les deux autres travaillent à domicile. Les essais auxquels procède M. Lavergne-Poitras sont principalement effectués sur des pistes d’essais routiers extérieures et il passe « la majeure partie »
de son temps de travail seul, sans avoir besoin d’être en présence d’autres personnes.
[31]
PMG a mis en place des mesures de protection sanitaire au centre d’essais de Blainville, notamment le lavage des mains, la désinfection des postes de travail, la distanciation sociale et le port du masque lorsque ses employés travaillent à proximité les uns des autres. M. Lavergne-Poitras et d’autres employés du centre d’essais de Blainville respectent ces protocoles.
[32]
En tant que fournisseur du gouvernement fédéral, PMG est assujettie à la politique de vaccination des fournisseurs. Dans un affidavit déposé par le procureur général, M. Ricardo Seoane, un haut fonctionnaire de SPAC, a confirmé que PMG avait soumis une attestation conformément à la politique de vaccination des fournisseurs.
[33]
De plus, PMG en est à la dernière année de son contrat actuel avec Transports Canada. Transports Canada a publié des documents d’appel d’offres relativement à un nouveau contrat, pour lequel PMG s’attend à être le seul soumissionnaire, étant donné qu’elle est la seule entreprise au Canada dans le domaine des essais de systèmes de sécurité automobile. En octobre 2021, Transports Canada a publié une modification à ses documents d’appel d’offres pour exiger que les soumissionnaires fournissent avec leur offre une attestation conforme à la politique de vaccination des fournisseurs.
[34]
Après la publication de la politique de vaccination des fournisseurs, le président de PMG a informé M. Lavergne-Poitras de son intention de mettre à pied ou de licencier pour une période indéterminée tout employé non vacciné, y compris M. Lavergne-Poitras, le 15 novembre 2021. À ce moment-là, il y avait cinq employés non vaccinés. M. Lavergne-Poitras croit comprendre que trois d’entre eux ont accepté de se faire vacciner alors que lui et un autre employé le refusent toujours.
[traduction]
En raison de ce que je connais de ces possibles effets secondaires et de ces complications éventuelles et de mes craintes à ce sujet, je suis très anxieux à l’idée de me faire vacciner contre la COVID-19, au point où, si je devais choisir entre me faire vacciner pour continuer à travailler pour PMG ou perdre mon emploi et éviter la vaccination, je choisirais probablement la seconde option […]
[36]
Il convient de noter à ce stade que M. Lavergne-Poitras explique en détail dans son affidavit les motifs de ses craintes, notamment la nature des vaccins à ARN messager, le processus d’homologation, l’existence d’essais cliniques en cours et l’absence de données sur l’innocuité à long terme, sans oublier les effets secondaires documentés. Il va jusqu’à citer le Code de Nuremberg sur le consentement éclairé préalable à la conduite de recherches mettant en jeu des sujets humains. Comme le procureur général l’admet, la présente affaire ne porte pas sur le caractère raisonnable ou opportun des craintes de M. Lavergne-Poitras. Ce qui importe, c’est le fait que M. Lavergne-Poitras a choisi de ne pas se faire vacciner. Aucun décret imposant la vaccination obligatoire contre la COVID‑19 n’a été pris au Canada, au niveau fédéral ou provincial. Le procureur général admet que M. Lavergne-Poitras a le droit de décider de ne pas se faire vacciner et que ni le Canada ni la Cour ne devrait remettre en question cette décision. La présente requête porte sur les conséquences qu’entraîne cette décision en raison de l’adoption de la politique de vaccination des fournisseurs et sur la question de savoir si ces conséquences devraient être temporairement suspendues jusqu’à ce que M. Lavergne-Poitras puisse en contester la légalité.
[37]
Après ce résumé des questions en litige et des enjeux auxquels est confronté M. Lavergne-Poitras, j’en viens aux arguments avancés en faveur de l’injonction demandée.
IV.
Analyse
A.
Question sérieuse
[38]
Le premier volet du critère relatif à l’injonction interlocutoire reconnaît qu’une requête en injonction n’est pas une occasion de statuer sur le fond de la demande principale. Le requérant n’a qu’à démontrer que les questions qu’il soulève sont des questions sérieuses qui devront être tranchées lors de l’instruction de la demande sur le fond. Ce critère préliminaire de la « question sérieuse à trancher »
est peu exigeant en ce qu’oblige seulement le demandeur à démontrer que la demande n’est « ni futile ni vexatoire »
(RJR‑MacDonald, aux p 335, 337; R c Société Radio-Canada, 2018 CSC 5 au para 12). Pour déterminer s’il y a une question sérieuse à trancher, le tribunal doit « faire un examen préliminaire du fond de l’affaire »
, à la lumière des éléments de preuve présentés à l’appui de la requête (RJR-MacDonald, à la p 337).
[39]
Dans le cas qui nous occupe, la demande principale est celle que présente M. Lavergne-Poitras en vue d’obtenir un jugement déclaratoire et une injonction relativement à la politique de vaccination des fournisseurs. Dans sa demande, M. Lavergne-Poitras formule trois allégations principales. Il soutient que la politique de vaccination des fournisseurs est inconstitutionnelle parce qu’elle ne s’appuie sur aucun pouvoir ou texte de loi habilitant. Il affirme qu’elle viole les droits que lui garantit l’article 7 de la Charte. Et il soutient qu’elle viole le droit à la sécurité de sa personne que lui garantit l’alinéa 1a) de la Déclaration canadienne des droits, SC 1960, c 44. M. Lavergne-Poitras n’a pas repris ce moyen tiré de la Déclaration des droits dans la présente requête, s’en tenant exclusivement à ses arguments d’inconstitutionnalité et à ses moyens fondés sur la Charte.
(1)
Il n’y a pas de question sérieuse à trancher quant au pouvoir d’adopter la politique de vaccination des fournisseurs
[40]
Dans son mémoire des faits et du droit, M. Lavergne-Poitras affirme que la politique de vaccination des fournisseurs [traduction] « ne semble être étayée par aucune loi »
et que l’avocat n’a cité aucune disposition législative qui conférerait au gouvernement du Canada le pouvoir [traduction] « de rendre obligatoire la vaccination des citoyens »
. Il soutient que la mise en œuvre de la politique de vaccination des fournisseurs en l’absence d’une telle disposition législative va à l’encontre des principes fondamentaux de la primauté du droit.
[41]
La politique de vaccination des fournisseurs ne rend pas obligatoire la vaccination des citoyens. Elle impose des sanctions contractuelles aux fournisseurs qui n’attestent pas que leurs employés qui se trouvent dans des lieux de travail du gouvernement fédéral où il y a des fonctionnaires sont entièrement vaccinés. Bien qu’elle impose indirectement une conséquence aux employés des fournisseurs qui choisissent de ne pas être vaccinés, elle ne rend pas la vaccination obligatoire. Cette distinction est importante. La politique doit être évaluée en fonction de son libellé et de la façon dont elle encourage et favorise la vaccination. Cette distinction rend notamment non pertinent l’argument de M. Lavergne-Poitras suivant lequel le Québec n’a pas exercé le pouvoir que lui confère l’article 123 de la Loi sur la santé publique, RLRQ, c S-2.2 d’« ordonner la vaccination obligatoire de toute la population ou d’une certaine partie de celle-ci contre […] une autre maladie contagieuse menaçant gravement la santé de la population »
.
[42]
Pour justifier la politique de vaccination des fournisseurs, le procureur général invoque « le pouvoir inhérent »
de SPAC de formuler des politiques relativement à ses projets de marchés publics. À l’appui de cet argument, le procureur général s’est tout d’abord contenté de citer une déclaration de M. Seoane suivant laquelle SPAC possède ce pouvoir inhérent. Toutefois, le procureur général a fourni des explications plus détaillées à l’audience, en invoquant le pouvoir du Canada de conclure des contrats et le pouvoir qui en découle en tant que partie contractante de définir les modalités de ces contrats.
[43]
Comme le fait remarquer le procureur général, les articles 20 et 21 de la Loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux, LC 1996, c 16, confère au ministre des Services publics et des Approvisionnements le pouvoir de passer des marchés et d’en fixer les modalités. Je suis d’accord avec le procureur général pour dire qu’en tant que partie contractante, SPAC n’a pas besoin de pouvoir légal supplémentaire pour adopter une politique fixant les modalités des marchés qu’elle passe. Cela ne veut pas dire qu’une telle politique ne peut pas être contestée pour d’autres motifs. Cela veut simplement dire qu’il n’est pas nécessaire qu’une politique sur la passation de marchés soit fondée sur une disposition législative distincte qui en précise la teneur.
[44]
Lors de l’audition de la présente requête, M. Lavergne-Poitras a admis que SPAC pouvait exiger une attestation du statut vaccinal comme condition d’un marché futur, comme le prévoient effectivement les documents d’appel d’offres pour lesquels PMG va vraisemblablement présenter une soumission dans un proche avenir. Il affirme toutefois que le Canada ne pourrait unilatéralement imposer des conditions à l’égard des marchés existants. Il insiste sur l’importance du caractère contraignant des contrats et sur le fait qu’une partie au contrat n’a pas le droit général d’en modifier unilatéralement les conditions.
[45]
Le Canada répond en citant certaines dispositions des Clauses et conditions uniformisées d’achat et certaines dispositions de l’entente qu’il a conclue avec PMG. Il n’est pas nécessaire que je tranche ces questions, car je conviens avec le Canada que, dans la mesure où le Canada peut affirmer qu’il peut obliger PMG à fournir une attestation relativement à son entente actuelle, la réponse à cette question relève des modalités contractuelles convenues entre PMG et le Canada. PMG, dont l’avocat était présent à l’audience, mais qui n’a déposé aucune preuve et n’a formulé aucune observation, a fourni l’attestation en question et n’a apparemment pas contesté l’applicabilité de cette disposition contractuelle à son contrat actuel. M. Lavergne-Poitras n’est pas partie au contrat. En tant que tiers au contrat conclu entre PMG et le Canada, M. Lavergne-Poitras ne peut prétendre que le droit des contrats empêche le Canada d’imposer unilatéralement une nouvelle condition au contrat.
[46]
Je conclus que M. Lavergne-Poitras n’a pas soulevé de question sérieuse en ce qui concerne le pouvoir légal ou contractuel de SPAC d’adopter la politique de vaccination des fournisseurs.
(2)
Il n’y a pas de question sérieuse quant à savoir si la politique de vaccination des fournisseurs viole les droits que l’article 7 de la Charte garantit à M. Lavergne-Poitras
[47]
La décision de M. Lavergne-Poitras de ne pas se faire vacciner contre la COVID‑19 n’est pas fondée sur ses convictions religieuses ou sur un problème de santé particulier. Il ne prétend pas que son droit à l’égalité protégé par l’article 15 de la Charte a été violé. Il affirme plutôt que la politique de vaccination des fournisseurs viole les droits que lui garantit l’article 7 de la Charte, qui est ainsi libellé :
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[48]
La Cour suprême du Canada a récemment confirmé que, pour prouver qu’il y a violation de l’article 7, il faut établir deux éléments. Premièrement, il faut que la loi ou mesure de l’État contestée prive le demandeur du droit à la vie, à la liberté ou à la sécurité de sa personne. En d’autres termes, le droit du demandeur à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne doit être « en jeu »
. Deuxièmement, il faut que la privation en cause soit contraire aux principes de justice fondamentale (R c CP, 2021 CSC 19 au para 125, citant Carter c Canada (procureur général), 2015 CSC 5 au para 55).
[49]
Pour les motifs qui suivent, je conclus que M. Lavergne-Poitras a démontré qu’il existe une question sérieuse à trancher en ce qui concerne le premier volet de ce critère, en l’occurrence que son droit à la liberté et à la sécurité de sa personne est en jeu. J’estime toutefois qu’il n’a pas soulevé de question sérieuse à trancher en ce qui a trait à la présumée violation des principes de justice fondamentale.
[50]
Avant de me pencher sur ces questions, j’examinerai l’argument du procureur général suivant lequel M. Lavergne-Poitras n’a pas qualité pour soulever les moyens qu’il tire de la Charte en ce qui concerne la politique de vaccination des fournisseurs.
(a)
Qualité pour agir
[51]
Pour des motifs analogues à ceux que je viens d’exposer, le procureur général soutient que M. Lavergne-Poitras n’a pas qualité pour contester la politique de vaccination des fournisseurs en invoquant la Charte, étant donné que la présente affaire porte sur un contrat intervenu entre le Canada et ses fournisseurs. Je conclus qu’il y a une question suffisamment sérieuse à trancher en ce qui concerne la qualité pour agir pour ne pas rejeter la présente requête pour ce motif.
[52]
Bien que la politique de vaccination des fournisseurs soit mise en œuvre au moyen de dispositions contractuelles et d’éventuelles sanctions contractuelles, il est évident que cette politique peut avoir des répercussions sur des parties non contractantes. Même si ces répercussions ne donnent peut-être pas qualité pour contester la politique pour des motifs d’ordre contractuel, il est beaucoup moins clair qu’elles rendent également irrecevable une contestation fondée sur la Charte.
[53]
La Charte exige que non seulement les lois, mais aussi toutes les mesures prises par le gouvernement respectent les droits protégés des Canadiens. Si les personnes dont les droits consacrés par la Charte sont touchés par une politique gouvernementale ne pouvaient pas contester cette politique en invoquant le fait qu’elle n’a été mise en œuvre que par le biais de dispositions contractuelles liant des tiers, une mesure gouvernementale pourrait violer un droit consacré par la Charte sans qu’il existe de recours utile, ce qui irait à l’encontre du principe général suivant lequel il doit exister une réparation complète, efficace et utile pour sanctionner les violations de la Charte (Doucet-Boudreau c Nouvelle-Écosse (Ministre de l’Éducation), 2003 CSC 62 au para 25).
[54]
Selon l’argument du procureur général, le gouvernement du Canada pourrait adopter une politique qui obligerait les fournisseurs du gouvernement à n’embaucher que des personnes appartenant, par exemple, à une race ou à une ethnie particulière. Le procureur général soutient qu’en dépit des effets discriminatoires évidents d’une telle politique, ces personnes ne pourraient faire valoir leur droit à l’égalité garanti par l’article 15 de la Charte en raison du principe de l’effet relatif des contrats. Selon le procureur général, il incomberait plutôt à l’employeur seul de contester la politique en invoquant les droits de ses employés consacrés par la Charte. Le procureur général soutient que les employés dont l’employeur se serait conformé à la politique gouvernementale n’auraient de recours que contre leur employeur, peut-être en vertu de la législation applicable en matière de droits de la personne. Dans le même ordre d’idées, le procureur général soutient qu’en l’espèce, seule PMG peut contester la politique de vaccination des fournisseurs en invoquant le droit de M. Lavergne-Poitras à la liberté et à la sécurité de sa personne garanti par l’article 7.
[55]
Il n’est pas nécessaire que je me prononce sur ces arguments, bien que je doute de leur bien‑fondé. Le procureur général n’a pas cité de jurisprudence établissant clairement qu’une personne dont les droits garantis par la Charte ont été violés par une politique gouvernementale en matière de marchés ne peut pas, en raison du principe de l’effet relatif des contrats, demander réparation pour cette violation. Je conclus qu’il y a une question sérieuse à trancher quant à la qualité de M. Lavergne-Poitras pour solliciter une injonction visant à empêcher la mise en œuvre de la politique de vaccination des fournisseurs pour cause de présumée violation des droits que lui garantit l’article 7 de la Charte.
(b)
Atteinte à la liberté ou à la sécurité de la personne
[56]
Dans l’arrêt Carter, la Cour suprême du Canada résume comme suit en quoi consistent les droits à la liberté et à la sécurité de la personne :
Le souci de protéger l’autonomie et la dignité de la personne sous‑tend ces deux droits. La liberté protège « le droit de faire des choix personnels fondamentaux sans intervention de l’État ». La sécurité de la personne englobe « une notion d’autonomie personnelle qui comprend [. . .] la maîtrise de l’intégrité de sa personne sans aucune intervention de l’État » et elle est mise en jeu par l’atteinte de l’État à l’intégrité physique ou psychologique d’une personne, y compris toute mesure prise par l’État qui cause des souffrances physiques ou de graves souffrances psychologiques.
[Renvois omis; Carter, au para 64.]
[57]
M. Lavergne-Poitras affirme que la politique de vaccination des fournisseurs impose effectivement la vaccination comme condition à remplir pour demeurer à l’emploi de PMG. Il soutient que le fait d’imposer un traitement médical contre la volonté d’une personne viole son droit à la sécurité de sa personne, alors que le fait d’imposer la vaccination comme condition pour continuer à travailler dans le domaine de son choix viole le droit à la liberté de la personne.
[58]
Le procureur général admet qu’un traitement médical imposé, y compris la vaccination obligatoire, fait entrer en jeu les droits à la liberté et à la sécurité de la personne que garantit l’article 7 de la Charte. Le procureur général fait toutefois valoir que la politique de vaccination des fournisseurs ne rend pas la vaccination obligatoire et que l’article 7 ne protège pas les intérêts purement économiques, y compris le droit d’une personne d’exercer la profession de son choix, citant à cet égard les arrêts Siemens c Manitoba (Procureur général), 2003 CSC 3 aux para 45 et 46 et Tanase c College of Dental Hygienists of Ontario, 2021 ONCA 482 aux para 35 à 45.
[59]
M. Lavergne-Poitras renvoie à l’arrêt Godbout c Longueuil (Ville), [1997] 3 RCS 844, dans lequel la Cour suprême du Canada a invalidé une résolution municipale exigeant que tous les nouveaux employés permanents soient domiciliés dans les limites de la ville. La Cour suprême a conclu à l’unanimité que la résolution portait atteinte au droit au respect de la vie privée protégé par l’article 5 de la Charte des droits et libertés québécoise, RLRQ, c C-12. Trois des neuf juges ont également conclu que la résolution constituait une violation des droits garantis à Mme Godbout par l’article 7 de la Charte canadienne.
[60]
Ces mêmes juges ont conclu que le droit à la liberté garanti par l’article 7 englobait le droit de choisir le lieu où établir sa demeure (Godbout, au para 66). Ils ont notamment estimé qu’il y avait eu atteinte à ce droit non pas en raison d’une obligation légale expresse suivant laquelle Mme Godbout devait vivre dans la ville en question, mais en raison de la disposition qui l’obligeait à y habiter si elle souhaitait continuer à travailler pour cette ville (Godbout, aux para 58–61). Ainsi, les juges ont considéré qu’il y avait eu atteinte au droit à la liberté de Mme Godbout non seulement par l’imposition d’une obligation expresse, mais aussi par l’imposition d’une obligation comme condition d’emploi, et ce, même si Mme Godbout avait signé la déclaration de résidence exigée par la municipalité (Godbout, au para 70). Même si Mme Godbout pouvait choisir de ne pas travailler pour la ville ou choisir de vivre dans la ville, son droit à la liberté était mis en jeu en raison de l’exigence de la municipalité qu’elle réside dans la ville pour pouvoir y travailler.
[61]
Comme je l’ai mentionné, seuls trois juges ont adopté les conclusions de l’arrêt Godbout au sujet de l’article 7 (voir Alberta (Affaires autochtones et Développement du Nord) c. Cunningham, 2011 CSC 37 au para 93). Cet arrêt permet toutefois d’affirmer que le fait d’imposer une condition d’emploi qui touche au droit à la liberté ou à la sécurité de la personne peut constituer une atteinte à ce droit aux fins de l’analyse de l’article 7. Les arguments contraires invoqués par le procureur général sur le fondement des arrêts Siemens et Tanase peuvent, en fin de compte, être retenus ou non. Pour les besoins de la présente requête, j’estime que l’argument de M. Lavergne-Poitras suivant lequel la politique qui exige effectivement qu’il soit vacciné pour travailler pour PMG met en jeu son droit à la liberté et à la sécurité de sa personne n’est ni futile ni vexatoire. Cet argument satisfait au critère préliminaire de la question sérieuse à trancher.
(c)
Principes de justice fondamentale
[62]
Ce ne sont pas toutes les atteintes à la liberté ou à la sécurité de la personne qui sont contraires à l’article 7 de la Charte. L’article 7 ne protège que contre les atteintes qui violent les principes de justice fondamentale (Carter, au para 71). Pour qu’un principe soit considéré comme un principe de justice fondamentale, il faut qu’il s’agisse d’un principe juridique à l’égard duquel il existe un consensus substantiel dans la société sur le fait qu’il est essentiel au bon fonctionnement du système de justice, et il doit être suffisamment précis pour constituer une norme fonctionnelle permettant d’évaluer l’atteinte en question (Canada (Procureur général) c Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada, 2015 CSC 7, 2015 CSC 7 au para 87, citant R c Malmo-Levine, 2003 CSC 74 au para 113).
[63]
Dans l’arrêt Carter, la Cour suprême mentionne trois principes fondamentaux qui se sont dégagés de la jurisprudence relative à l’article 7 : « les lois qui portent atteinte à la vie, à la liberté ou à la sécurité de la personne ne doivent pas être arbitraires, avoir une portée excessive ou entraîner des conséquences totalement disproportionnées à leur objet »
[non souligné dans l’original] (Carter, au para 72). Selon M. Lavergne-Poitras, la politique de vaccination des fournisseurs viole chacun de ces trois principes, soit l’arbitraire, la portée excessive et la disproportion totale.
[64]
Chacun de ces principes suppose une comparaison avec l’objet de la loi contestée (Carter, au para 73). Il y a donc lieu de commencer par cerner l’objet de la mesure gouvernementale contestée.
[65]
M. Lavergne-Poitras avance l’idée que l’objet de la politique de vaccination des fournisseurs est [traduction] « sans doute de protéger les personnes à risque de la propagation de la COVID-19 ».
Il axe ensuite ses arguments sur les personnes « à risque »
. Toutefois, ni le libellé de la politique ni le contexte dans lequel elle a été adoptée ne permettent de penser qu’elle vise à protéger les personnes « à risque »
en particulier. D’ailleurs, comme le montre clairement le témoignage de Mme Lourenco, tout le monde peut être considéré comme étant plus ou moins « à risque »
de contracter la COVID‑19.
[66]
L’objectif de la politique de vaccination des fournisseurs est en fait exposé dans l’annonce de la politique faite le 6 octobre 2021 par SPAC, en l’occurrence « assurer la sécurité des milieux de travail fédéraux […] ainsi que la protection de tout le personnel qui y travaille ».
Cet objectif de protection de la santé et de la sécurité des employés du gouvernement fédéral sur les lieux de travail fédéraux ressort clairement de la portée de la politique. La politique ne s’applique qu’aux lieux de travail fédéraux « où se trouvent des employés du gouvernement fédéral »
. Elle ne s’applique pas aux contrats de fourniture de biens, pas plus qu’elle ne s’applique aux services fournis uniquement dans des lieux de travail non fédéraux. Les fournisseurs doivent attester que leurs employés seront vaccinés s’ils accèdent à des lieux de travail fédéraux où ils peuvent être en contact avec des fonctionnaires. L’accent est mis sur la santé et la sécurité des employés du gouvernement fédéral, et en particulier sur la réduction du risque de transmission du virus du SARS-CoV-2 et de ses variants aux employés en question par des employés des fournisseurs du gouvernement fédéral qui sont en contact avec eux.
[67]
C’est à la lumière de cet objectif de protection de la santé que les allégations de M. Lavergne-Poitras quant à au caractère arbitraire, à la portée excessive et à la disproportion totale des conséquences de la politique doivent être évaluées.
(i)
Caractère arbitraire
[68]
Une loi ou une mesure gouvernementale est considérée comme contraire aux principes de justice fondamentale au motif qu’elle est arbitraire s’il n’y a « aucun lien rationnel entre l’objet de la loi et la limite qu’elle impose à la vie, à la liberté ou à la sécurité de la personne »
(Carter, au para 83). Pour qu’on puisse conclure qu’une loi n’est pas arbitraire, son effet sur l’intéressé doit avoir « un certain rapport »
avec son objet (Canada (Procureur général) c Bedford, 2013 CSC 72 au para 111).
[69]
Bien que M. Lavergne-Poitras affirme dans son mémoire des faits et du droit que la politique de vaccination des fournisseurs est arbitraire, son avocat a admis lors de la plaidoirie qu’il existe « un certain rapport »
entre, d’une part, la politique et son effet sur M. Lavergne-Poitras et, d’autre part, l’objectif de protéger la santé et la sécurité des fonctionnaires. À mon avis, ce lien est incontestable. Il a été prouvé que le fait d’être pleinement vacciné réduit les risques de transmettre le virus à autrui. Il existe un lien rationnel évident entre le fait d’exiger qu’une personne soit pleinement vaccinée comme condition pour pouvoir travailler dans un lieu de travail fédéral où se trouvent des employés fédéraux et l’objectif de cette politique qui est de protéger la santé des employés. M. Lavergne-Poitras n’a soulevé aucune question sérieuse quant au caractère arbitraire de la politique de vaccination des fournisseurs.
[70]
À ce propos, il importe de signaler, comme l’a fait récemment le juge en chef lors de l’examen des mesures de quarantaine visant les voyageurs aériens internationaux dans le contexte de la COVID-19, qu’une mesure gouvernementale n’est pas arbitraire simplement parce qu’elle est « d’une quelconque façon inadéquate »
ou qu’elle ne favorise pas autant l’atteinte de l’objectif du gouvernement qu’une autre mesure (Spencer c Canada (Santé), 2021 CF 621 au para 122, citant Ewert c Canada, 2018 CSC 30 au para 73). Les arguments invoqués par M. Lavergne‑Poitras au sujet de la mise en œuvre d’autres mesures de sécurité comme le port du masque et la distanciation sociale n’ont rien à voir avec le caractère arbitraire de la politique de vaccination des fournisseurs.
(ii)
Portée excessive
[71]
Une loi ou une mesure gouvernementale est considérée comme étant contraire aux principes de justice fondamentale au motif qu’elle a une portée excessive si elle « va trop loin en niant les droits de certaines personnes d’une façon qui n’a aucun rapport avec son objet »
(Carter, au para 85, citant Bedford, aux para 101, 112–113). M. Lavergne‑Poitras cite l’arrêt Heywood de la Cour suprême à l’appui de la proposition selon laquelle une loi a une portée excessive lorsque l’atteinte à la liberté qu’elle impose dépasse ce qui est nécessaire (R c Heywood, [1994] 3 RCS 761 aux p 792–794).
[72]
M. Lavergne-Poitras affirme que la politique de vaccination des fournisseurs a une portée excessive pour trois raisons. Premièrement, il soutient qu’il n’y a aucune preuve permettant d’établir un lien entre la politique de vaccination des fournisseurs et un [traduction] « risque plus élevé de transmission de la COVID-19 »,
soulignant que les employés de la fonction publique ne forment pas un [traduction] « groupe exposé à un risque excessif »
. Cet argument ne concerne pas la portée excessive, car il n’intéresse pas la question de savoir si la politique bafoue les droits de certaines personnes d’une manière qui n’a aucun rapport avec son objet. En tout état de cause, la question de savoir si les fonctionnaires fédéraux sont plus ou moins à risque que d’autres personnes n’est absolument pas pertinente. L’objectif de la politique est de protéger la santé et la sécurité des employés du gouvernement fédéral. Le fait que ces employés ne présentent peut‑être pas un profil de risque différent de celui de la population en général ne veut pas dire qu’il n’est pas justifié de prendre des mesures pour protéger leur santé et leur sécurité ou que les mesures qui ont été prises ont une portée excessive.
[73]
Deuxièmement, M. Lavergne-Poitras soutient que les fonctionnaires fédéraux ne passent pas tout leur temps au travail, qu’ils assistent à des réunions à l’extérieur de leur lieu de travail, qu’ils passent du temps avec leur famille et d’autres personnes et qu’ils se livrent à des activités qui les amènent à interagir avec des personnes non vaccinées du grand public. Là encore, cet argument n’est pas pertinent et il ne concerne pas la portée excessive de la politique. La politique de vaccination des fournisseurs n’est pas censée éliminer tous les risques de contagion provenant de toutes les sources possibles. Elle vise à réduire les risques de transmission aux fonctionnaires fédéraux dans leur lieu de travail. Dans la mesure où M. Lavergne-Poitras affirme que, si une politique ne contrôle pas toutes les sources potentielles d’infection, elle ne saurait prétendre réduire les risques d’infection provenant de certaines d’entre elles, cet argument doit être rejeté.
[74]
Troisièmement, M. Lavergne-Poitras fait valoir que la catégorie des lieux de travail et celle des personnes auxquelles la politique s’applique ont une portée excessive. À titre d’exemple, il souligne que les interactions qu’il a avec des fonctionnaires fédéraux dans le cadre de son travail sont limitées. Il soutient que la politique peut et devrait avoir une portée plus étroite. Bien que cet argument concerne effectivement la portée excessive, il ne soulève pas de question sérieuse. La politique de vaccination des fournisseurs renferme plusieurs dispositions qui garantissent qu’elle ne s’applique qu’aux personnes qui sont en contact avec des fonctionnaires fédéraux. Comme je l’ai mentionné, la politique ne s’applique qu’aux lieux où se trouvent des employés du gouvernement fédéral. L’attestation que doit fournir le fournisseur exige seulement que ceux de ses employés qui sont susceptibles d’être en contact avec des employés du gouvernement fédéral soient pleinement vaccinés. Il y a un lien rationnel entre l’objectif de santé et de sécurité des employés qui sous‑tend la politique et le fait d’exiger que ces personnes soient pleinement vaccinées, même si le degré de risque qu’elles présentent peut varier selon les circonstances.
[75]
Ainsi que le juge en chef Lamer l’a déclaré dans l’arrêt Bedford au sujet du caractère arbitraire et de la portée excessive, « il s’agit fondamentalement de déterminer si la disposition en cause est intrinsèquement mauvaise du fait de l’absence de lien, en tout ou en partie, entre ses effets et son objet »
[souligné dans l’original] (Bedford, au para 119). Je suis d’accord avec le procureur général lorsqu’il affirme que M. Lavergne-Poitras n’a cité aucun exemple de comportement ou d’effet visé par la politique de vaccination des fournisseurs qui n’a aucun lien avec son objet. Malgré le critère peu exigeant qui s’applique aux requêtes en injonction interlocutoire, M. Lavergne-Poitras n’a pas réussi à démontrer qu’il existe une question sérieuse selon laquelle l’atteinte à la liberté et à la sécurité de sa personne occasionnée par la politique de vaccination des fournisseurs n’est pas conforme aux principes de justice fondamentale.
(iii)
Disproportion totale
[76]
À la différence du caractère arbitraire et de la portée excessive, qui portent sur l’existence d’un lien entre l’objet de la mesure étatique et ses effets, le critère de la disproportion totale vise à déterminer si les effets de cette mesure sont si totalement disproportionnés par rapport à ses objectifs qu’ils ne peuvent avoir d’assise rationnelle (Bedford, au para 120). Ainsi que le souligne le procureur général, en tant que principe de justice fondamentale, la règle qui exclut la disproportion totale « ne s’applique que dans les cas extrêmes où la gravité de l’atteinte est sans rapport aucun avec l’objectif de la mesure »
(Bedford, au para 120; Canada (Procureur général) c PHS Community Services Society, 2011 CSC 44 au para 133; Carter, au para 89). La norme est élevée : l’objet de la loi peut ne pas être proportionné à son incidence sans que s’applique la norme du caractère totalement disproportionné (Carter, au para 89).
[77]
En l’espèce, l’effet que la politique aura sur M. Lavergne-Poitras est qu’il perdra son emploi puisqu’il a choisi de ne pas se faire vacciner. Il ne s’agit pas d’une conséquence directe sur son intégrité physique, mais c’est quand même une conséquence grave. Malgré cela, je ne puis conclure qu’il existe une question sérieuse quant à savoir si cette atteinte est sans rapport aucun avec l’objectif de la mesure. L’importance de protéger la santé et la sécurité des employés et la preuve des risques découlant d’une infection à la COVID-19 permettent de considérer que même la grave conséquence que constitue la perte de l’emploi qu’on occupe auprès d’un tiers fournisseur du gouvernement est proportionnelle à l’objectif visé. M. Lavergne-Poitras n’a pas soulevé de question sérieuse en faisant valoir que les effets de la politique de vaccination des fournisseurs seraient totalement disproportionnés par rapport à son objectif.
[78]
Je termine sur cette question en soulignant que l’analyse qui précède est fondée sur la preuve et les arguments présentés dans le cadre de la présente requête. Lors de l’audition sur le fond de la demande principale, d’autres éléments de preuve et arguments pourront être présentés et convaincre la Cour que l’atteinte à la liberté et à la sécurité de la personne en cause n’est pas conforme aux principes de justice fondamentale. Je n’ai pas l’intention de me prononcer sur le bien‑fondé de la demande principale qui sous‑tend la présente requête.
(d)
Article premier : Limites dont la justification peut se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique
[79]
Les droits protégés par la Charte ne sont pas absolus. L’article premier de la Charte prévoit qu’ils peuvent être restreints par une règle de droit, « dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique »
. Cela dit, compte tenu de l’importance du droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne, et comme l’article 7 de la Charte renferme déjà un mécanisme de pondération par le biais des principes de justice fondamentale, les atteintes par le gouvernement aux droits protégés par l’article 7 « ne sont pas facilement justifiables »
au regard de l’article premier (Nouveau-Brunswick (Ministre de la Santé et des Services communautaires) c G (J), [1999] 3 RCS 46 au para 99; Charkaoui c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CSC 9 au para 66).
[80]
M. Lavergne-Poitras affirme que la violation des droits que lui garantit l’article 7 ne saurait être justifiée par l’article premier. Le procureur général admet que ce n’est que lors de l’examen au fond de la demande de M. Lavergne-Poitras que la justification d’une violation de la Charte pourra être examinée. En tout état de cause, étant donné ma conclusion qu’aucune question sérieuse n’a été soulevée au sujet de la violation de l’article 7 de la Charte, il n’est pas nécessaire que je me penche sur les questions relatives à l’article premier.
B.
Préjudice irréparable
[81]
La conclusion selon laquelle M. Lavergne-Poitras n’a pas établi l’existence d’une question sérieuse à trancher dans sa demande suffit pour trancher sa requête en injonction interlocutoire. Toutefois, par souci d’exhaustivité et au cas où j’aurais tort en tirant cette conclusion, je vais tout de même aborder les autres volets du critère applicable à l’octroi d’une injonction.
[82]
Dans l’arrêt RJR-MacDonald, la Cour suprême du Canada définit comme suit le concept de préjudice irréparable :
Le terme « irréparable » a trait à la nature du préjudice subi plutôt qu’à son étendue. C’est un préjudice qui ne peut être quantifié du point de vue monétaire ou un préjudice auquel il ne peut être remédié, en général parce qu’une partie ne peut être dédommagée par l’autre.
[Non souligné dans l’original; RJR-MacDonald, à la p 341.]
[83]
M. Lavergne-Poitras mentionne trois types de préjudices irréparables qu’il subira si l’injonction n’est pas prononcée. Tout d’abord, il affirme qu’il perdra son emploi. Comme PMG est le seul employeur dans son domaine au Canada, il s’ensuit qu’il devra réorienter sa carrière. Ensuite, il parle de la profonde anxiété que lui causent à la fois la perspective de la vaccination et la perte de son emploi. Enfin, il affirme que la politique de vaccination des fournisseurs [traduction] « touche probablement un grand nombre d’autres personnes »
au Canada et que la Cour devrait tenir compte de ses effets sur ces personnes potentiellement touchées, notamment l’anxiété, la dépression et les difficultés économiques.
[84]
En ce qui concerne la perte de l’emploi de M. Lavergne-Poitras, notre Cour a conclu que la perte d’un emploi ne constitue pas un préjudice irréparable, car les salaires perdus peuvent être recouvrés sous forme de dommages-intérêts (Cadostin c Canada (Procureur général), 2019 CF 831 au para 13, citant Shoan c Canada (Procureur général), 2016 CF 1031 au para 42). Le juge Dunphy de la Cour supérieure de justice de l’Ontario est arrivé à la même conclusion récemment dans le jugement Blake c University Health Network, 2021 ONSC 7139, une affaire portant sur la vaccination obligatoire dans le contexte d’un emploi dans le secteur privé :
[traduction]
En règle générale, un employeur du secteur privé peut mettre fin à un emploi comme bon lui semble en dehors du contexte de la négociation collective en Ontario. Lorsqu’aucun motif de congédiement n’est invoqué ou lorsqu’un motif est allégué, mais n’est pas prouvé, l’employé a droit à une indemnité. L’ampleur de cette indemnité dépend du contrat écrit, des normes minimales prévues par la loi ou de la common law. Compte tenu de ce principe fondamental, on voit mal comment un demandeur qui n’est pas syndiqué pourrait prétendre avoir subi un préjudice irréparable par suite d’une menace de licenciement. S’il a été licencié sans motif valable, il n’a pas le droit d’être réintégré dans son emploi, mais il a droit à une somme d’argent. Par définition, l’argent n’est pas seulement une réparation adéquate, c’est la seule à laquelle l’employé a droit.
[Non souligné dans l’original; en italiques dans l’original; Blake, au para 28.]
[85]
Si M. Lavergne-Poitras obtient gain de cause dans sa demande principale et peut démontrer qu’il a perdu son emploi et a subi un préjudice pécuniaire en conséquence, il pourrait être en mesure d’établir son droit à des dommages-intérêts au titre du paragraphe 24(1) de la Charte, ou d’en réclamer à son employeur s’il démontre qu’il a une cause d’action valable. Dans un cas comme dans l’autre, la perte de son emploi ne constitue pas un préjudice irréparable au sens de l’arrêt RJR-MacDonald.
[86]
Reconnaissant cette réalité, M. Lavergne-Poitras soutient que, bien que la perte de salaire puisse être compensée au moyen de dommages-intérêts, son obligation de réorienter sa carrière ne l’est pas. Je ne suis pas de cet avis. La preuve n’établit pas avec un quelconque degré de fiabilité que M. Lavergne-Poitras devra réorienter sa carrière d’ici l’instruction de sa demande. En tout état de cause, je ne crois pas qu’un tel changement rende la perte de son emploi irréparable, peu importe le degré de satisfaction que M. Lavergne-Poitras retire de son poste actuel.
[87]
Quant aux allégations d’anxiété de M. Lavergne-Poitras, la preuve est loin d’être suffisante pour établir que sa santé mentale subirait un préjudice suffisamment grave pour être qualifié d’irréparable. En effet, le seul élément de preuve que M. Lavergne-Poitras a produit au sujet de son anxiété est la déclaration reproduite au paragraphe
[35]
ci-dessus. Des affirmations générales, des hypothèses ou des spéculations ne suffisent pas pour établir l’existence d’un préjudice irréparable. Il faut produire des éléments de preuve suffisamment probants, dont il ressort une forte probabilité qu’un préjudice irréparable sera causé (Gateway City Church c Canada (Revenu national), 2013 CAF 126 aux para 14–16).
[88]
En ce qui concerne le troisième argument, la Cour ne dispose d’aucun élément de preuve quant à l’incidence de la politique de vaccination des fournisseurs sur d’autres personnes. Bien que la Cour soit prête à déduire que la politique s’applique à un grand nombre d’employés des fournisseurs du gouvernement fédéral, elle ne peut prendre connaissance d’office ni des choix personnels de ces personnes ni du fait qu’elles subiront un préjudice irréparable d’ici à ce que la demande de contrôle judiciaire de M. Lavergne-Poitras puisse être instruite. À défaut de preuve à l’appui, la Cour ne peut spéculer sur le préjudice que pourraient subir d’autres personnes et sur la mesure dans laquelle ce préjudice pourrait ne pas être indemnisable au moyen de dommages-intérêts. N’ayant pas démontré qu’il subira un préjudice irréparable, M. Lavergne-Poitras ne peut demander à la Cour de présumer sans preuve que d’autres personnes subiront un préjudice plus grand que le sien.
[89]
Je conclus donc que M. Lavergne-Poitras n’a pas démontré, selon la preuve, qu’il subira un préjudice irréparable si l’injonction qu’il demande ne lui est pas accordée.
[90]
Je tiens à signaler que j’arrive à cette conclusion sans accepter l’argument du procureur général selon lequel le préjudice que subirait M. Lavergne-Poitras n’est pas « inévitable »
et n’est donc pas irréparable, parce que M. Lavergne-Poitras peut décider de se faire vacciner. Dès lors qu’une personne a soulevé des questions sur son droit à l’intégrité corporelle garanti par l’article 7, le fait de suggérer qu’il lui suffit de recevoir le traitement médical qui porterait précisément atteinte à ce droit ne constitue pas une réponse aux questions ainsi soulevées quant au préjudice irréparable.
C.
Prépondérance des inconvénients
[91]
La prépondérance des inconvénients vise à mettre en balance l’incidence de l’octroi de l’injonction demandée et l’incidence du refus de l’accorder. J’ai déjà exposé les conséquences qu’aurait sur M. Lavergne-Poitras le refus de prononcer l’injonction qu’il sollicite. Sur l’autre plateau de la balance, le tribunal tient compte des conséquences de sa décision sur d’autres personnes, en particulier dans le contexte d’une injonction qui aura un effet public plus large.
[92]
Lorsque la constitutionnalité d’une disposition législative est contestée, on tient compte de l’intérêt public lors de l’évaluation de la prépondérance des inconvénients (Manitoba (PG) c Metropolitan Stores Ltd, [1987] 1 RCS 110 aux p 129–130; RJR‑MacDonald, à la p 343). Dans l’arrêt Harper c Canada (Procureur général), 2000 CSC 57, la Cour suprême a expliqué de la manière suivante les problèmes d’appréciation particuliers que soulève ce type de contestation :
Les demandes d’injonction interlocutoire interdisant l’application d’une mesure législative toujours valide dont la constitutionnalité est contestée font intervenir des considérations particulières lorsqu’il s’agit d’évaluer la prépondérance des inconvénients. D’une part, il y a le bénéfice qui découle de la loi. D’autre part, il y a les droits auxquels, allègue-t-on, la loi porte atteinte. Une injonction interlocutoire peut avoir pour effet d’empêcher le public de bénéficier d’une loi dûment adoptée qui peut être jugée valide en définitive, et de donner gain de cause dans les faits au requérant avant même que l’affaire soit tranchée par les tribunaux. Par ailleurs, refuser l’injonction ou surseoir à son exécution peut priver des demandeurs de certains droits constitutionnels simplement parce que les tribunaux ne sont pas en mesure d’agir assez rapidement.
[Non souligné dans l’original, renvois omis; Harper, au para 5.]
[93]
Ce principe vaut aussi lorsque la contestation porte non pas sur une loi, mais sur une politique valablement adoptée, qu’elle soit ou non mise en œuvre par des dispositions contractuelles.
[94]
Comme le fait observer à juste titre M. Lavergne-Poitras, « le gouvernement n’a pas le monopole de l’intérêt public »
(RJR-MacDonald, aux p 343–344). L’intérêt public peut englober les conséquences qu’a une loi sur le public. Dans le cas qui nous occupe, il s’agit non seulement des employés des fournisseurs comme M. Lavergne-Poitras qui pourraient être touchés si l’injonction n’est pas accordée, mais aussi des fonctionnaires fédéraux qui pourraient être touchés si l’injonction est accordée.
[95]
M. Lavergne-Poitras soutient de façon générale que l’exigence relative à la vaccination des fournisseurs du gouvernement du Canada constitue une mesure très restrictive qui suspend des droits consacrés par la Charte sans citer de données démontrant que cette mesure est justifiée. Il ajoute que sa contestation fondée sur la Charte vise [traduction] « des décisions arbitraires du gouvernement qui ne sont pas fondées sur des données scientifiques et qui manquent de transparence ».
M. Lavergne-Poitras n’est peut‑être pas au courant des données scientifiques qui sous‑tendent la politique de vaccination des fournisseurs, ou conteste peut-être l’évaluation de ces données. Il est évident qu’il a une opinion différente au sujet de l’analyse des risques et des avantages. Or, cette divergence ne fait pas de la politique une politique arbitraire et ne fait pas jouer la prépondérance des inconvénients en faveur de la suspension de la politique.
[96]
La preuve montre que la COVID-19 pose, et continue de poser, un risque important pour la santé des Canadiens, y compris les fonctionnaires fédéraux. Le gouvernement du Canada est justifié de prendre des mesures pour protéger la santé et la sécurité de ses employés en réduisant leur exposition aux risques d’infection. La preuve que les vaccins réduisent la probabilité de transmission n’est pas contestée. Le fait d’obliger les employés des fournisseurs qui entreront en contact avec des employés du gouvernement à leur lieu de travail à se faire vacciner constitue une mesure rationnelle pour réduire l’exposition et pour promouvoir la santé et la sécurité des employés. Pour reprendre les termes utilisés par le juge Pentney, qui a refusé d’octroyer une injonction interlocutoire concernant des mesures de quarantaine imposées en raison de la COVID‑19 : « les mesures contestées sont une réponse rationnelle à une menace réelle et imminente à la santé publique, et toute suspension temporaire de celles-ci réduirait inévitablement l’efficacité de cette couche de protection supplémentaire »
(Spencer c Canada (procureur général), 2021 CF 361 au para 114).
[97]
En tout état de cause, comme la Cour suprême l’a rappelé, lorsqu’il examine au stade interlocutoire l’opportunité de suspendre l’application d’une loi (ou d’une politique) valablement adoptée, le tribunal doit prendre acte de l’objet déclaré de la loi de promouvoir l’intérêt public. Le requérant qui invoque l’intérêt public doit établir que la suspension de l’application de la loi serait elle-même à l’avantage du public (Harper, au para 9, citant RJR-MacDonald, aux p 348–349). M. Lavergne-Poitras n’a pas fait cette démonstration. Bien qu’il affirme que l’intérêt public réside dans [traduction] « la protection des droits garantis par la Charte à des milliers de Canadiens, à qui l’on refuse le droit d’exercer la carrière de leur choix et d’exercer leur autonomie physique »
, je ne dispose tout simplement d’aucun élément de preuve qui me permette de conclure que ces droits sont effectivement bafoués, ou de mettre en balance ces droits avec les intérêts en matière de santé et de sécurité des fonctionnaires fédéraux et l’intérêt plus général de permettre la mise en œuvre d’une politique gouvernementale valablement adoptée.
[98]
Dans l’arrêt Harper, la Cour suprême du Canada a souligné l’importance de la présomption selon laquelle les lois qui sont censées servir l’intérêt public le servent effectivement :
La présomption que l’intérêt public demande l’application de la loi joue un grand rôle. Les tribunaux n’ordonneront pas à la légère que les lois que le Parlement ou une législature a dûment adoptées pour le bien du public soient inopérantes avant d’avoir fait l’objet d’un examen constitutionnel complet qui se révèle toujours complexe et difficile. Il s’ensuit que les injonctions interlocutoires interdisant l’application d’une mesure législative dont on conteste la constitutionnalité ne seront délivrées que dans les cas manifestes.
[Non souligné dans l’original; Harper, au para 9.]
[99]
M. Lavergne-Poitras ne m’a pas convaincu qu’il s’agit en l’espèce d’un de ces « cas manifestes »
. L’octroi de l’injonction demandée porterait grandement atteinte à l’intérêt public, tant par l’augmentation des risques pour la santé des employés fédéraux que par la mise à mal d’une politique adoptée après mûre réflexion par le gouvernement fédéral en tant qu’employeur. Ces préjudices l’emportent largement sur ceux que mentionne M. Lavergne-Poitras si l’injonction n’est pas accordée. La prépondérance des inconvénients milite en faveur du refus de l’injonction demandée.
D.
Réparation subsidiaire
[100]
À titre subsidiaire, pour le cas où sa demande de suspension de l’intégralité de la politique de vaccination des fournisseurs ne serait pas accueillie, M. Lavergne-Poitras sollicite une injonction interlocutoire suspendant l’application de la politique à l’égard de son lieu de travail, le centre d’essais de Blainville, ou déclarant que la politique ne s’y applique pas. Il soutient que le risque qu’il infecte un employé du gouvernement fédéral au centre d’essais de Blainville est si faible, compte tenu du nombre d’employés qui y travaillent, de ses interactions limitées avec eux et du fait qu’il effectue son travail surtout à l’extérieur, que le préjudice que lui cause l’application de la politique l’emporte sur tout risque ou préjudice que comporte sa suspension.
[101]
Je ne puis souscrire à ces arguments. Les conclusions que j’ai tirées au sujet de l’absence de question sérieuse à trancher et de préjudice irréparable s’appliquent également à cette demande de réparation subsidiaire plus limitée. Je suis également d’accord avec le procureur général pour dire que toute tentative d’adopter une approche fragmentaire en ce qui concerne la mise en œuvre de la politique en atténuerait les effets positifs. Il se peut fort bien que les risques de transmission de la COVID-19 soient plus ou moins élevés dans différents lieux de travail fédéraux. Mais il est tout simplement impossible d’adopter autant de politiques différentes qu’il y a de lieux de travail fédéraux. Les limites du champ d’application de la politique fournissent une assurance raisonnable qu’elle ne sera pas appliquée à des endroits où il n’y a pas de contact avec des fonctionnaires fédéraux. Il n’appartient pas au tribunal, et il n’est en aucun cas possible pour lui, de créer d’autres exceptions particulières fondées sur les affirmations de certains membres du personnel d’un fournisseur selon lesquelles ils représentent un faible risque de transmission. Comme l’a déclaré le juge Little de notre Cour dans le jugement Monsanto c Canada (Santé), 2020 CF 1053 au paragraphe 113 :
[…] le préjudice pouvant être causé à l’intérêt public ne doit pas être évalué principalement en fonction de l’ampleur du risque que le demandeur contamine une autre personne, eu égard à son témoignage selon lequel il est prudent et a toujours pris des précautions pour se protéger et pour protéger les autres contre la COVID‑19. Le préjudice doit plutôt être évalué en fonction de l’intérêt public général en jeu […].
[102]
Je rejette également l’argument de M. Lavergne-Poitras selon lequel le centre d’essais de Blainville n’est pas un lieu de travail fédéral « dont le gouvernement du Canada est responsable »
au sens de la politique de vaccination des fournisseurs parce que ce centre est géré et exploité par des employés de PMG. Si l’on fait abstraction de la question de savoir s’il appartient à M. Lavergne-Poitras plutôt qu’à PMG de soulever cet argument, je ne puis conclure, vu l’ensemble de la preuve dont je dispose, que la gestion et l’exploitation par des employés de PMG d’un établissement appartenant au Canada où des fonctionnaires fédéraux travaillent font en sorte que « la responsabilité »
de cet établissement est retirée au gouvernement du Canada pour être confiée à PMG.
V.
Conclusion
[103]
M. Lavergne-Poitras n’a pas établi que sa demande soulève une question sérieuse à trancher en ce qui concerne la violation des droits que lui garantit l’article 7 de la Charte. Il n’a pas non plus établi qu’il subirait un préjudice irréparable si l’injonction demandée n’est pas accordée, non plus qu’il n’a démontré que la prépondérance des inconvénients joue en faveur de l’octroi de l’injonction. L’un ou l’autre de ces éléments suffirait pour refuser d’octroyer l’injonction interlocutoire demandée. Bien que M. Lavergne-Poitras puisse ou non obtenir gain de cause dans sa contestation de la constitutionnalité de la politique de vaccination des fournisseurs lorsque l’affaire sera instruite sur le fond, il n’a pas satisfait aux exigences prévues pour suspendre cette politique jusqu’à l’instruction de cette contestation.
[104]
La requête en injonction interlocutoire est rejetée.
[105]
Le procureur général a confirmé à l’audience qu’il ne demanderait pas les dépens de la requête. Aucuns dépens ne sont adjugés.
ORDONNANCE DANS L’AFFAIRE T-1694-21
LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :
La requête en injonction interlocutoire du demandeur est rejetée.
Il n’y a pas d’adjudication de dépens.
« Nicholas McHaffie »
Juge
Traduction certifiée conforme
Édith Malo
Annexe A (F) : Exigence relative à la vaccination des fournisseurs contre la COVID-19
Tel que modifié le 27 octobre 27, 2021
À compter du 15 novembre 2021, tous les employés des fournisseurs du gouvernement du Canada devront être entièrement vaccinés pour avoir accès aux lieux de travail du gouvernement fédéral. Les fournisseurs devront présenter une attestation à cet effet à leur autorité contractante.
Sur cette page
• Exigence relative à la vaccination des employés des fournisseurs
• Contrats et entrepreneurs existants
• Satisfaction de l’exigence relative à la vaccination
• Processus de certification
• Circonstances spéciales et exemptions
• Surveillance
• Manquement à l’exigence
Exigence relative à la vaccination des employés des fournisseurs
À compter du 15 novembre 2021, les employés des fournisseurs qui doivent avoir accès à des lieux de travail du gouvernement fédéral doivent être entièrement vaccinés. Par « lieux de travail du gouvernement fédéral », on entend tous les locaux dont le gouvernement du Canada est responsable et où se trouvent des employés du gouvernement fédéral.
L’exigence relative à la vaccination ne s’applique pas aux :
• contrats qui portent uniquement sur la fourniture de biens
• contrats pour lesquels les services sont exécutés exclusivement dans des endroits autres que les lieux de travail du gouvernement fédéral
• situations où des employés fédéraux doivent entrer dans les installations de l’entrepreneur (par exemple, pour mener des vérifications de conformité ou de sécurité)
• employés contractuels appelés à accéder seulement à des aires communes ouvertes au public (comme le hall d’entrée) dans un immeuble
Contrats et entrepreneurs existants
L’exigence relative à la vaccination s’applique aux employés des entrepreneurs titulaires de contrats existants qui doivent avoir accès aux lieux de travail du gouvernement fédéral pour réaliser des travaux.
Satisfaction de l’exigence relative à la vaccination
Une personne est considérée pleinement vaccinée si elle a reçu :
• toutes les doses requises d’un vaccin approuvé contre la COVID-19 ou une combinaison de vaccins approuvés, c’est-à-dire :
◦ 2 doses combinant les vaccins Spikevax de Moderna, Comirnaty de Pfizer-BioNTech ou Vaxzevria d’AstraZeneca (y compris celui produit par CoviShield)
◦ 1 dose du vaccin Janssen (Johnson & Johnson)
Pour en savoir plus sur les vaccins approuvés contre la COVID-19, vous pouvez consulter la page Vaccins contre la COVID-19.
Processus de certification
Les fournisseurs devront présenter un formulaire d’attestation avant le 29 octobre 2021, qui démontre que leurs employés nécessitant un accès aux lieux de travail du gouvernement fédéral seront entièrement vaccinés en date du 15 novembre 2021. Les fournisseurs qui ne soumettent pas cette attestation pourront faire l’objet de mesures pouvant aller jusqu’à la résiliation de leur contrat.
Contrats existants
Les fournisseurs actuellement titulaires d’un contrat auront possiblement reçu un courriel intitulé :SUIVI REQUIS : Exigence de vaccination relative au personnel des fournisseurs (le 21 octobre 2021) avec des renseignements sur la façon de soumettre leur formulaire d’attestation.
Si vous êtes un fournisseur titulaire de contrats existants et que vous n’avez pas reçu le courriel du 21 octobre 2021, suivez les étapes ci-dessous pour soumettre votre certification.
Remarque : Fournisseurs qui n’ont pas besoin d’avoir accès aux lieux de travail du gouvernement du Canada
Si vos contrats ne nécessitent pas l’accès aux lieux de travail du gouvernement du Canada, vous devez tout de même remplir l’attestation, mais vous n’aurez pas à remplir l’étape 2 (télécharger, remplir et signer le Formulaire d’attestation de l’exigence de vaccination contre la COVID-19). Passez directement à l’étape 3 : compléter l’Attestation relative aux vaccinations des fournisseurs du gouvernement fédéral en ligne.
Étapes à suivre pour soumettre votre attestation
Pour soumettre votre attestation, suivez les étapes suivantes :
1. Trouvez votre ou vos numéros de contrat et d’entreprise d’approvisionnement
2. Télécharger, remplir et signer le Formulaire d’attestation de l’exigence de vaccination contre la COVID-19 (PDF, 67 KB)
3. Compléter l’Attestation relative aux vaccinations des fournisseurs du gouvernement fédéral en ligne.
Le formulaire en format Web entièrement accessible n’est pas disponible en ce moment. Pour toute question relative à l’accessibilité, veuillez envoyer un courriel à TPSGC.PACertificatsVaccins-APVaccinesCertificates.PWGSC@tpsgc-pwgsc.gc.ca.
Contrats futurs
À compter du 15 octobre 2021, les fournisseurs désirant soumissionner à un contrat qui exige l’accès de leurs employés à des lieux de travail du gouvernement fédéral devront présenter, à titre de condition de leur soumission, une attestation prouvant qu’ils satisfont à l’exigence relative à la vaccination. Les soumissions qui ne comprennent pas l’attestation seront ignorées. Le formulaire d’attestation figurera dans les demandes de propositions concernées.
Circonstances spéciales et exemptions
Certains facteurs peuvent empêcher des employés contractuels de se faire vacciner complètement :
• une contre-indication médicale attestée
• des motifs religieux
• d’autres motifs de distinction illicite, tels qu’ils sont définis dans la législation sur les droits de la personne applicable
Dans de tels cas, les entrepreneurs sont censés informer l’autorité contractante responsable dès que possible :
• du nombre d’employés concernés
• des lieux de travail touchés
• des mesures que l’entrepreneur propose de prendre pour atténuer les risques en découlant (comme l’administration régulière de tests de dépistage rapide)
Les dérogations et toute mesure d’atténuation pourront être soumises à l’approbation de l’autorité contractante et du responsable technique.
Les entrepreneurs ne devraient communiquer aucun renseignement personnel à l’autorité contractante, comme des détails sur :
• des contre-indications médicales
• des motifs religieux
Surveillance
Il appartiendra aux organisations clientes de surveiller la conformité des entrepreneurs à l’exigence relative à la vaccination. L’organisation cliente ou l’autorité contractante communiquera au besoin des informations supplémentaires à propos des exigences particulières aux entrepreneurs concernés.
Manquement à l’exigence
Les fournisseurs qui ne produisent pas les attestations requises ou dont les attestations s’avèrent fausses après coup pourront faire l’objet de mesures pouvant aller jusqu’à la résiliation de leur contrat.
Annex A (E): COVID-19 vaccination requirement for supplier personnel
As modified October 27, 2021
As of November 15, 2021, all supplier personnel must be fully vaccinated to access federal government workplaces. Suppliers will be required to provide a certification to their contracting authority.
On this page
• Vaccination requirement for supplier personnel
• Existing contracts and contractors
• Meeting the vaccination requirement
• Certification Process
• Special circumstances and exemptions
• Monitoring
• Failure to meet requirement
Vaccination requirement for supplier personnel
As of November 15, 2021, supplier personnel who access federal workplaces must be fully vaccinated. Federal government workplaces include all places of work under the responsibility of the Government of Canada where federal government employees are present.
The vaccination requirement does not apply to:
• contracts that are solely for the provision of goods
• contracts where services are solely performed in non-federal government workplaces
• situations where federal employees must enter contractor facilities (for example: to conduct compliance audits or security verifications)
• contracted personnel who will only access common areas of buildings that are open to the public (such as the lobby)
Existing contracts and contractors
Contractor personnel who access Government of Canada workplaces to perform work pursuant to existing contracts are subject to the vaccine requirement.
Meeting the vaccination requirement
You are considered fully vaccinated if you have received:
• the full series of an accepted COVID-19 vaccine or a combination of accepted vaccines including:
◦ 2 doses of any combination of Moderna Spikevax, Pfizer-BioNTech Comirnaty or AstraZeneca Vaxzevria (including CoviShield)
◦ 1 dose of Janssen (Johnson & Johnson)
For more information on accepted COVID-19 vaccines, you can consult the Vaccines for COVID-19 page.
Certification Process
Suppliers must submit a certification form by October 29, 2021, certifying that their personnel who access Government of Canada workplaces will be fully vaccinated as of November 15, 2021. Contractors who do not submit the certification may be subject to further measures, up to and including termination.
Existing contracts
Suppliers with existing contracts may have received an email titled ACTION REQUIRED: Mandatory vaccination for federal contractors (October 21, 2021) with information about how to submit their certification form.
If you are a supplier with existing contracts and did not receive the October 21, 2021 email, complete the steps below to submit your certification.
Note: Contractors who do not require access to Government of Canada workplaces
If your contracts do not require access to Government of Canada workplaces, you still need to complete the attestation, but you will not need to complete step 2 (download, complete and sign the COVID-19 Vaccination Requirement Certification Form ). Go directly to step 3 (complete the online Federal Supplier Vaccination Attestation).
Steps to submit your attestation
To submit your attestation, complete the following steps:
1. Locate your contract number(s) and Procurement Business Number
2. Download, complete and sign the COVID-19 Vaccination Requirement Certification Form (PDF, 67KB)
3. Complete the online Federal Supplier Vaccination Attestation
A fully accessible web format of the form is not currently available. For any questions or needs relating to accessibility, please send an email to: TPSGC.PACertificatsVaccins-APVaccinesCertificates.PWGSC@tpsgc-pwgsc.gc.ca
Future contracts
As of October 15, 2021, bidders for contracts that will require supplier personnel to access federal government workplaces must submit a certification proving they meet the vaccine requirement as a condition of the bid. Bids that do not include the certification will not be considered. The certification form will be included with implicated Requests for Proposals.
Special circumstances and exemptions
Some contracted personnel may not be able to get fully vaccinated due to:
• a certified medical contraindication
• religious grounds
• other prohibited grounds of discrimination as defined in applicable human rights legislation
In such cases, contractors are expected to inform the responsible contracting authority as soon as possible of:
• the number of such personnel
• the impacted work locations
• the steps the contractor proposes to undertake to mitigate any associated risks (such as regular rapid testing)
Exemptions and any mitigation measures are subject to approval by the contracting and technical authorities.
Contractors should not share any personal information with the contracting authority, such as any specifics about:
• medical contraindications
• disability
• religious grounds
Monitoring
Client organizations will be responsible for monitoring contractors’ adherence the vaccination requirement. Additional information will be communicated to implicated contractors by the client organization or contracting authority as required.
Failure to meet requirement
Suppliers who do not provide the required certifications or who are subsequently discovered to have provided an untrue certification, may be subject to measures up to and including contract termination.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
|
T-1694-21
|
INTITULÉ :
|
David LAVERGNE-POITRAS c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA (MinistRE DES ServiceS PUBLICS ET DE L’APPROVISIONNEMENT) et autre
|
LIEU DE L’AUDIENCE :
|
AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE
|
DATE DE L’AUDIENCE :
|
LE 12 NovembRE 2021
|
ORDONNANCE ET MOTIFS :
|
LE JUGE MCHAFFIE
|
DATE DES MOTIFS :
|
LE 13 NovembRE 2021
|
COMPARUTIONS :
Guy Lavergne
|
pour le demandeur
|
Gregory Tzemenakis
Sharlene Telles-Langdon
|
pouR le défendeur, le procureur général du CANADA
|
Lucie Roy
|
pour la défenderesse,
PMG TECHNOLOGIES INC.
|
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Guy Lavergne
Saint-Lazare (Québec)
|
POUR LE demandeur
|
Procureur général du Canada
Ottawa, Ontario
|
pouR le défendeur, le procureur général du CANADA
|
Le Corre & Associés, s.r.l.
Laval (Québec)
|
pour la défenderesse,
PMG TECHNOLOGIES INC.
|