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Date : 20211026


Dossier : T-878-17

Référence : 2021 CF 1142

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 26 octobre 2021

En présence de monsieur le juge Lafrenière

ENTRE :

LE CHEF JEFFREY NAPAOKESIK, EN SA QUALITÉ DE CHEF DE LA PREMIÈRE NATION SHAMATTAWA ET LADITE PREMIÈRE NATION SHAMATTAWA

demandeurs

et

MARGARET « MARGO » THOMAS, NORA THOMAS, CHEYENNE REDHEAD, JANE DOE ET JOHN DOE

défendeurs

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1] Les défenderesses, Margaret « Margo » Thomas, Nora Thomas et Cheyenne Redhead [les défenderesses] ont demandé à la Cour de rendre une ordonnance condamnant les demandeurs aux dépens dans la présente instance, ainsi que dans une action connexe, d’une somme globale de 15 000 $ ou, à titre subsidiaire, d’une somme globale que la Cour devra déterminer.

[2] Bien qu’elles ne le demandent pas expressément dans leur avis de requête, les défenderesses sollicitent également une ordonnance fondée sur l’alinéa 397(1)b) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, afin que la Cour réexamine les ordonnances du 1er octobre 2021 par lesquelles elle a rejeté l’action dans le dossier de la Cour no T-1788-16 et la présente demande sans dépens. Le motif invoqué par les défenderesses pour ce réexamen est qu’une question qui aurait dû être traitée a été oubliée ou omise involontairement. Pour les motifs qui suivent, je ne suis pas disposé à examiner de nouveau lesdites ordonnances puisqu’il n’a pas été démontré qu’elles ont été rendues par erreur.

[3] Pour situer le contexte, il y a lieu de préciser que les dossiers T-1788-16 et T-878-17 sont restés en veilleuse pendant plus de deux ans après la tenue de deux conférences de gestion de l’instance au milieu de l’année 2017.

[4] Le 16 juillet 2019, l’avocat des demandeurs dans l’affaire T-1788-16 a déposé une lettre dans laquelle il informait la Cour de l’intention de ses clients se désister de l’action et de solliciter la tenue d’une conférence de gestion de l’instance à la demande conjointe des parties.

[5] Une conférence de gestion de l’instance a eu lieu le 10 septembre 2019 afin d’examiner les mesures à prendre pour clore les deux instances. L’avocat des demandeurs a fait part de l’intention de ses clients d’abandonner la demande dans le dossier no T-878-17. Les avocats des parties ont également convenu que l’injonction prononcée dans le dossier T‑1788‑16 et maintenue par les ordonnances rendues dans le dossier T-878-17 devrait être annulée. La seule question qui restait à déterminer était celle des dépens demandés par les défenderesses.

[6] Au cours de la conférence, l’avocat des défenderesses a demandé qu’un délai de six semaines soit accordé à ces dernières pour présenter leur requête en adjudication des dépens. En l’absence d’objection de la part des requérants/demandeurs, elles se sont vu accorder l’autorisation de présenter cette requête au plus tard le 31 octobre 2019.

[7] L’avocat des requérants/demandeurs a reçu pour instruction, à l’issue de la conférence de gestion de l’instance, de soumettre un projet d’ordonnance reflétant les questions tranchées lors de la conférence, mais il ne l’a pas fait en temps voulu. Les deux instances sont ensuite restées en veilleuse pendant près de deux ans.

[8] Par ordonnances datées du 1er septembre 2021, les requérants/demandeurs ont été invités à signifier et à déposer des observations écrites au plus tard le 22 septembre 2021, et à expliquer pourquoi les instances ne devraient pas être rejetées pour cause de retard.

[9] Le 21 septembre 2021, l’avocat des requérants/demandeurs a soumis une lettre dans laquelle il expliquait les raisons du retard. Il demandait également que les deux demandes soient rejetées sans dépens. L’avocat faisait référence dans sa lettre à un projet d’ordonnance récemment accepté par les parties, mais il a omis de le joindre. Il lui a donc été demandé de soumettre le projet d’ordonnance à l’examen de la Cour. En réponse, l’avocat a soumis un projet d’ordonnance distinct pour chaque instance.

[10] Les modalités des projets d’ordonnance reflétaient les questions tranchées lors de la conférence de gestion de l’instance qui s’est tenue le 10 septembre 2019, y compris l’exigence que les défenderesses présentent leur requête pour adjudication des dépens au plus tard le 31 octobre 2019.

[11] Les défenderesses soutiennent que l’effet du dépôt tardif des projets d’ordonnance par les requérants/demandeurs est que leur demande d’autorisation de solliciter des dépens a été refusée. Elles prétendent en outre que, selon leur interprétation du paragraphe 392(2) des Règles, les décisions sur les questions abordées au cours de la conférence de gestion de l’instance tenue le 10 septembre 2019 n’avaient aucun effet parce que les ordonnances n’ont été signées que le 1er octobre 2021. J’estime que cet argument n’est pas convaincant.

[12] Premièrement, il n’était pas vraiment nécessaire, dans les circonstances particulières de l’affaire, de rendre une ordonnance autorisant les défenderesses à présenter leur requête en adjudication des dépens. L’autorisation pouvait être donnée de vive voix puisque la mesure de redressement demandée n’était pas contestée, comme l’a expliqué la juge Karen Sharlow dans l’arrêt Mazhero c Fox, 2014 CAF 200 au para 19 :

[19] [...] À mon sens, lorsqu’une partie ou le greffe doit prendre des mesures ou s’abstenir de prendre une certaine mesure, une ordonnance devrait être rendue à moins que les Règles des Cours fédérales prévoient expressément une directive (par exemple, l’article 72 portant sur le droit du greffe de demander une directive quant au dépôt de documents non conformes). Exceptionnellement, il convient de donner une directive lorsqu’il faut guider les parties ou le greffe sur des questions de procédure, ou examiner une question à laquelle les parties ont consenti ou qui, pour d’autres raisons, peut raisonnablement être considérée comme n’étant pas controversée. […]

[13] Deuxièmement, une ordonnance prend effet dès qu’elle est prononcée si ses dispositions sont claires et non ambiguës, si elle exige d’une partie qu’elle prenne une mesure et si ladite partie ou son avocat est présent lors de son prononcé. Comme l’a dit la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Baxter Travenol Laboratories c Cutter (Canada), [1983] 2 RCS 388 à la p 398, les modalités d’une ordonnance doivent être respectées dès que les motifs et l’ordonnance sont rendus et que les personnes concernées en ont pris connaissance.

Les motifs de jugement ne sont pas censés être provisoires. L'intervalle qui sépare les motifs de la minute du jugement donne simplement l'occasion de fixer le texte précis qui donnera effet à la décision du juge. Dès que le juge a fait connaître sa décision en en rendant les motifs, et à supposer que toute interdiction qui y est contenue est clairement énoncée, il n'est permis à personne, à mon avis, de faire fi de la façon dont le juge a disposé de l'affaire sous prétexte qu'aucun jugement n'est encore exécutoire.

[14] Grâce à ma décision orale qui leur accordait l’autorisation de présenter leur requête en adjudication des dépens, les défenderesses auraient pu, si elles l’avaient voulu, se prévaloir de ce recours à la condition de le faire avant le 31 octobre 2019. Cette autorisation n’était pas conditionnelle à la signature d’une ordonnance officielle.

[15] Les défenderesses ne contestent pas qu’elles étaient tenues d’introduire leur requête en adjudication des dépens dans un délai précis. L’intention que j’avais en imposant un délai était de faire en sorte que la procédure soit rapidement menée à son terme.

[16] En tout état de cause, il aurait été simple pour les défenderesses de demander, lorsqu’elles ont accepté les modalités des projets d’ordonnance, l’ajout d’une disposition prorogeant le délai de présentation de leur requête en adjudication des dépens. À titre subsidiaire, elles auraient pu signaler leur intention de déposer des observations écrites en réponse à la demande par laquelle les requérants/demandeurs sollicitaient le rejet des deux demandes sans frais. Elles ont préféré garder le silence, si bien que la Cour a cru qu’elles avaient renoncé à solliciter des dépens.

[17] Pour les motifs qui précèdent, je conclus que la requête en réexamen doit être rejetée, car la Cour n’a rien oublié ou omis lorsqu’elle a rendu les deux ordonnances datées du 1er octobre 2021.

[18] Par conséquent, la requête en adjudication des dépens ne peut être instruite puisque je suis dessaisi de l’affaire quant à cette question.

[19] Enfin, je souhaite ajouter que la requête des défenderesses en vue d’obtenir les dépens aurait été rejetée de toute façon, car elle n’est appuyée par aucun affidavit ou, à tout le moins, par aucun projet de mémoire de frais. Je ne dispose donc d’aucune preuve me permettant d’apprécier le caractère raisonnable des frais de justice et débours des défenderesses.

[20] Ni l’une ni l’autre des parties n’a demandé les dépens de la présente requête. Dans les circonstances, aucuns dépens ne sont adjugés.


ORDONNANCE DANS LE DOSSIER T-878-17

LA COUR ORDONNE que la requête est rejetée sans dépens.

« Roger R. Lafrenière »

Juge

Traduction certifiée conforme

Édith Malo


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-878-17

 

INTITULÉ :

LE CHEF JEFFREY NAPAOKESIK, EN SA QUALITÉ DE CHEF DE LA PREMIÈRE NATION SHAMATTAWA, ET LADITE PREMIÈRE NATION SHAMATTAWA c MARGARET « MARGO » THOMAS, NORA THOMAS, CHEYENNE REDHEAD, JANE DOE ET JOHN DOE.

 

REQUÊTE EXAMINÉE SUR DOSSIER À OTTAWA (ONTARIO) EN VERTU DE L’ARTICLE 369 DES RÈGLES DES COURS FÉDÉRALES.

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE LAFRENIÈRE

 

DATE DES MOTIFS :

Le 26 octobre 2021

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Brent C. Buss

 

Pour les demandeurs

 

Markus Buchart

 

Pour les défendeurs

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Assiniboia Law Group

Avocats

Winnipeg (Manitoba)

 

Pour les demandeurs

 

Jerch Law

Avocats

Winnipeg (Manitoba)

 

Pour les défendeurs

 

 

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