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Date : 20211102


Dossier : IMM-2086-19

Référence : 2021 CF 1170

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 2 novembre 2021

En présence de madame la juge Furlanetto

ENTRE :

OSCAR NOE PALMA LOPEZ

MARIA ARELI VALENCIA ACOSTA

NOE DARIO PALMA VALENCIA

(REPRÉSENTÉ PAR SON TUTEUR À L’INSTANCE :

OSCAR NOE PALMA LOPEZ)

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés [la SPR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté les demandes d’asile des demandeurs au motif qu’ils n’avaient ni qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger au sens de l’article 96 et du paragraphe 97(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR]. La SPR a conclu que les demandeurs n’avaient démontré aucun lien avec les motifs prévus par la Convention et à l’article 96 de la LIPR et qu’ils n’avaient pas présenté suffisamment d’éléments de preuve crédibles et dignes de foi pour démontrer qu’ils étaient personnellement exposés à une menace à leur vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités aux termes du paragraphe 97(1) de la LIPR.

[2] Pour les motifs qui suivent, je conclus que la SPR a commis une erreur en omettant d’établir s’il existait une crainte fondée de persécution au sens de l’article 96 de la LIPR du fait de l’appartenance du demandeur mineur à un groupe social qui risque d’être recruté de force par les maras. L’affaire sera donc renvoyée à la SPR.

I. Contexte

[3] Les demandeurs, Oscar Noe Palma Lopez [le demandeur principal], sa femme, Maria Areli Valencia Acosta [la demanderesse], et leur fils d’âge mineur, Noe Dario Palma Valencia [le demandeur mineur], sont des demandeurs d’asile du Salvador. Le 4 octobre 2017, le fils aîné de la demanderesse (et le beau-fils du demandeur principal) a été brutalement abattu par des membres d’un gang salvadorien, les maras. Il était âgé de 19 ans.

[4] Six jours après le meurtre, la demanderesse aurait été menacée par des membres des maras soupçonnés d’être impliqués dans l’homicide, qui l’auraient averti de ne pas signaler le meurtre à la police. Les demandeurs ont présenté des demandes d’asile par crainte d’être persécutés.

[5] Les demandeurs ont obtenu des visas américains en décembre 2017 et sont arrivés au Canada en mars 2018. En raison d’une exception à l’Entente sur les tiers pays sûrs, leurs demandes d’asile ont été renvoyées à la SPR aux fins d’évaluation.

[6] Durant son entrevue avec l’Agence des services frontaliers du Canada, le demandeur principal a déclaré qu’il avait peur au Salvador et surtout qu’il craignait pour la vie du demandeur mineur. Dans l’exposé circonstancié contenu dans le formulaire Fondement de la demande d’asile [le formulaire FDA], il a affirmé qu’il craignait pour la vie des demandeurs en raison des menaces proférées par les maras et du fait qu’il croit que les demandeurs seraient en danger s’ils demeuraient au Salvador.

[7] L’audience devant la SPR a eu lieu le 22 février 2019. Le demandeur principal dans son témoignage et l’avocat des demandeurs ont tous deux dit à l’audience que les demandeurs craignaient que les maras ciblent le demandeur mineur pour le recruter et que le demandeur principal et la demanderesse s’exposent à un risque s’ils tentent de s’y opposer.

[8] La décision par laquelle la demande a été refusée a été rendue de vive voix le 22 février 2019 et la transcription écrite de la décision a été publiée le 8 mars 2019.

II. La décision contestée

[9] En ce qui concerne l’article 96 de la LIPR, la SPR a conclu que le fondement de la demande des demandeurs était une crainte de vengeance personnelle de la part d’une organisation criminelle résultant de la mort du fils aîné et qu’il n’y avait donc aucun lien avec la définition de réfugié à l’article 96. Dans son évaluation, la SPR a mis l’accent sur l’analyse fondée sur le paragraphe 97(1). Elle a considéré que l’argument présenté à l’audience par le demandeur principal selon lequel le demandeur mineur risquait d’être recruté par les maras ne servait qu’à enjoliver la demande fondée sur le paragraphe 97(1).

[10] La SPR a reconnu que le fils aîné était décédé de façon tragique et que les membres de la famille, surtout la demanderesse, étaient traumatisés par l’événement. Cependant, elle a conclu que la preuve présentée par les demandeurs manquait de crédibilité en raison d’un certain nombre d’incohérences entre le témoignage livré devant elle et l’information fournie dans le formulaire FDA.

[11] Plus particulièrement, la SPR a tiré des conclusions défavorables de l’absence des renseignements suivants dans le formulaire FDA : 1) la crainte que le demandeur mineur soit recruté par les maras; 2) une rencontre entre la demanderesse et le procureur du district un jour après que la demanderesse a été menacée et avertie par les maras; et 3) l’affirmation selon laquelle la demanderesse aurait crié contre les maras et les aurait critiqués lors de leur interaction. La SPR a également tiré une conclusion défavorable du fait que les demandeurs ont tardé à quitter le Salvador et a jugé que l’explication fournie à cet égard dans le témoignage contredisait celle donnée dans le formulaire FDA. La SPR a également souligné l’incapacité des demandeurs à présenter des éléments de preuve démontrant que les maras les avaient recherchés à leur domicile après la rencontre du 10 octobre 2019, ou établissant toute tentative d’obtenir une protection.

[12] La SPR a conclu que les demandeurs n’avaient pas fourni suffisamment d’éléments de preuve crédibles et dignes de foi pour montrer que le demandeur mineur ou les membres de la famille étaient personnellement exposés à un risque de persécution.

III. Modification de l’intitulé

[13] À titre de question préliminaire, les demandeurs ont demandé à ce que l’intitulé soit modifié afin de corriger les noms de la demanderesse et du demandeur mineur. Cette requête n’a pas été contestée par le défendeur et a été accueillie par la Cour lors de l’audience.

IV. Questions en litige et norme de contrôle

[14] La présente demande soulève les questions suivantes :

  • 1) Était-il raisonnable pour la SPR de conclure qu’il n’existait aucun lien avec les motifs prévus par la Convention et à l’article 96 de la LIPR?

  • 2) La SPR a-t-elle commis une erreur en évaluant la crédibilité des demandeurs et en concluant à l’absence d’éléments de preuve crédibles et dignes de foi démontrant un risque personnel?

[15] La norme de contrôle applicable à la décision contestée est celle de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] au para 25).

[16] Lorsqu’elle applique cette norme, la Cour doit juger si la décision est « fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle » et est « justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Vavilov, aux para 83, 85-86 et 99; Société canadienne des postes c Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, 2019 CSC 67 [Société canadienne des postes] aux para 2, 31). Les caractéristiques d’une décision raisonnable sont la justification, la transparence et l’intelligibilité (Vavilov, au para 99).

V. Analyse

A. Était-il raisonnable pour la SPR de conclure qu’il n’existait aucun lien avec les motifs prévus par la Convention et à l’article 96 de la LIPR?

[17] Le demandeur soutient que la SPR a commis une erreur en omettant de tenir compte de la crainte que le demandeur mineur soit recruté de force par les maras aux fins de l’application de l’article 96 de la LIPR. Les demandeurs font valoir que les éléments de preuve démontrant que le demandeur mineur risque d’être recruté de force, et le lien avec les motifs prévus par la Convention, ont été présentés à la SPR dans le cartable national de documentation sur le Salvador et le document du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés [le HCNUR] daté de mars 2016 et intitulé « Eligibility Guidelines for Assessing the International Protection Needs of Asylum-Seekers from El Salvador ». Toutefois, ces éléments de preuve n’ont pas été pris en compte pour l’application de l’article 96 de la LIPR dans la décision contestée.

[18] Le défendeur affirme que la décision de la SPR en ce qui a trait à l’article 96 de la LIPR était raisonnable du fait que la SPR avait décrit la demande comme étant axée sur une crainte personnelle de vengeance résultant de la mort du fils aîné. Le défendeur soutient que cette description était conforme à la façon dont la demande avait été présentée dans le formulaire FDA et dont les éléments de preuve avaient été défendus devant la SPR.

[19] Comme l’a confirmé la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Canada (Procureur général) c Ward, [1993] 2 RCS 689 [Ward] aux pages 745-746, la SPR doit examiner tous les motifs de demande d’asile qui sont soulevés par la preuve, même s’ils n’ont pas été identifiés par le demandeur. Il n’incombe pas au demandeur d’identifier les motifs de persécution (voir aussi Mbo Wato c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1113 [Mbo Wato] au para 16; Viafara c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 1526 [Viafara] aux para 6-8).

[20] En l’espèce, comme l’a reconnu la SPR, il a été indiqué à l’audience que le demandeur principal craignait que les maras ciblent le défendeur mineur en raison de son âge et que le demandeur principal et la demanderesse s’y opposeraient, ce qui mettrait la famille entière en danger.

[21] De plus, la SPR disposait du document du HCNUR. À la page 36, le document du HCNUR traite du recrutement des jeunes par les gangs et de la prise en compte des motifs connexes prévus par la Convention :

[traduction]

Les gangs commenceraient à recruter des enfants et des jeunes localement (surtout des garçons, mais parfois aussi des filles) à partir d’un jeune âge. [...] Habituellement, le refus d’un enfant ou d’un jeune, ou des membres de sa famille, de se joindre à un gang ou de collaborer avec ses membres est interprété comme une contestation de l’autorité du gang et comme une possible affiliation à un gang rival, ce qui donne lieu à des menaces et à de la violence à l’endroit de l’enfant ou du jeune, ou des membres de sa famille. Même si l’enfant quitte la région où le gang exerce ses activités, les membres de la famille qui restent continuent parfois d’être victimes de menaces et de violence.

Selon les circonstances particulières de l’affaire, le HCNUR considère que les enfants, en particulier ceux provenant de régions où le gang est actif ou de milieux sociaux où des actes de violence sont commis envers les enfants, pourraient avoir besoin de la protection internationale offerte aux réfugiés en raison de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs opinions politiques (présumées) ou pour d’autres motifs prévus par la Convention.

[Notes de bas de page omise.]

[22] À la page 42, le document du HCNUR traite également de la protection internationale qui pourrait être nécessaire pour les membres de la famille des personnes qui risquent d’être recrutées de force :

[traduction]

Les membres de la famille, les personnes à charge, d’autres membres du ménage et les employés des personnes dont le profil correspond à l’un de ceux décrits ci-dessus pourraient également avoir besoin de la protection internationale en raison de leur association à des personnes à risque du fait de leurs opinions politiques (présumées) ou de leur appartenance à un certain groupe social, ou pour d’autres motifs prévus par la Convention.

[Note de bas de page omise.]

[23] La SPR a reconnu qu’il y a un « risque que les maras cherchent actuellement à recruter des adolescents au Salvador ». Cependant, le risque que le défendeur mineur soit recruté de force n’a pas été pris en compte aux fins de l’article 96 de la LIPR. La SPR s’est attardée à la question du recrutement forcé seulement pour évaluer si des éléments de preuve permettaient d’établir l’existence d’un risque personnel au sens du paragraphe 97(1) de la LIPR. À mon avis, ce n’était pas raisonnable.

[24] Lorsque la preuve permet d’établir une crainte fondée de recrutement forcé basée sur l’âge, cela peut constituer un lien avec les motifs prévus par la Convention et à l’article 96 de la LIPR (Ismail c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 650; Al Bardan c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2020 CF 733 [Al Bardan]; Tobias Gomez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1093 au para 29).

[25] La SPR était tenue d’examiner la preuve et le dossier complet à sa disposition pour s’acquitter de son obligation d’établir si la définition de la Convention a été respectée (Viafara, aux para 6-9; Ward, aux pages 745-746). Même si le demandeur n’a pas fait valoir la question du recrutement forcé dans le contexte de l’article 96 de la LIPR, l’article 96 et le paragraphe 97(1) de la LIPR ont été invoqués devant la SPR, et celle-ci disposait d’éléments de preuve tirés du document du HCNUR associant le risque de recrutement forcé à la prise en compte des motifs prévus par la Convention. À mon avis, il était déraisonnable de ne pas tenir compte de ces éléments de preuve pertinents pour établir si la définition de la Convention avait été respectée au motif qu’ils n’avaient pas été intégrés à l’argumentation aux fins de l’article 96 de la LIPR.

[26] La SPR a conclu que les demandeurs n’avaient présenté aucune preuve que les maras avaient recherché la famille ou le demandeur mineur avant que la famille quitte le Salvador; cependant, cela ne répond pas à la question du risque futur auquel est exposé le demandeur mineur, qui est maintenant âgé de plus de 12 ans. L’absence de persécution passée ne supprime pas l’obligation d’examiner le risque futur (Al Bardan, au para 26).

[27] De plus, il n’était pas raisonnable d’écarter ce motif parce que l’affirmation ne figurait pas dans le formulaire FDA. Même si la SPR a pu avoir des préoccupations en matière de crédibilité quant à la raison pour laquelle ces éléments de preuve ne figurent pas dans le formulaire FDA, elle avait l’obligation de tenir compte des motifs de risque objectifs, comme l’âge du demandeur mineur, qui sont manifestes d’après le dossier, même si le demandeur n’est pas jugé crédible lors de son témoignage (Jama c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 668 au para 20; Mbo Wato, aux para 15-16).

[28] En l’espèce, la SPR a omis de tenir compte des motifs de risque objectifs aux fins de l’article 96 de la LIPR qui ressortaient clairement des éléments de preuve. Par conséquent, la décision de la SPR en ce qui a trait à l’article 96 n’est pas fondée et est déraisonnable.

B. La SPR a-t-elle commis une erreur en évaluant la crédibilité des demandeurs et en concluant à l’absence d’éléments de preuve crédibles et dignes de foi démontrant un risque personnel?

[29] Tel qu’il a été résumé récemment aux paragraphes 12 et 13 de la décision Liang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 720 :

[12] Les conclusions que tire la SPR quant à la crédibilité requièrent un degré élevé de retenue judiciaire et il n’y a lieu de les infirmer que dans les cas les plus évidents (Khan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1330 au para 30). Les conclusions relatives à la crédibilité ont été décrites comme l’« essentiel de la compétence de la Commission », car il s’agit essentiellement de pures conclusions de fait qui sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Zhou c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 619 au para 26, et Cetinkaya c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 8 au para 17).

[13] Selon le cadre d’analyse établi dans l’arrêt Vavilov, la Cour se doit de respecter une évaluation de la crédibilité, et ne doit pas la modifier, à moins d’être convaincue que les motifs de la SPR ne sont pas « justifié[s], intelligible[s] et transparent[s] », une question qui doit être évaluée « non pas dans l’abstrait », mais sous l’angle de l’« individu qui […] fait l’objet » de la décision (Vavilov au para 95). Il est important que la cour de révision s’assure que le décideur administratif ne s’est pas dérobé à son obligation de « justifier, de manière transparente et intelligible pour la personne visée, le fondement pour lequel il est parvenu à une conclusion donnée » (Vavilov au para 96). En l’espèce, pour que la demanderesse ait gain de cause, il lui faut convaincre la Cour que « [la décision] souffre de lacunes graves » (Vavilov au para 100).

[30] Les demandeurs soutiennent que la SPR n’a pas tenu compte du rapport du psychologue sur la demanderesse ou, plus particulièrement, de l’évaluation de l’état émotionnel de la demanderesse dans le cadre de son examen des omissions et des incohérences dans la preuve. Les demandeurs affirment également que la SPR a fait des suppositions déraisonnables au sujet de l’aide que les demandeurs auraient reçue du centre Vive La Casa aux États-Unis avant d’arriver au Canada. De plus, ils font valoir que la SPR a évalué de manière déraisonnable leur situation financière et les motifs expliquant l’importante période de temps qui s’est écoulée avant qu’ils quittent le Salvador.

[31] Le défendeur soutient qu’il était raisonnable de la part de la SPR de conclure qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve crédibles pour établir l’existence d’un risque personnel compte tenu des incohérences et des lacunes importantes dans la preuve présentée par les demandeurs. Le défendeur soutient que les demandeurs ne se sont pas attardés aux incohérences clés soulevées par la SPR dans la décision. Je suis du même avis.

[32] Comme l’a souligné la SPR, les omissions dans le formulaire FDA quant à la crainte que le défendeur mineur soit recruté, à la rencontre du 11 octobre 2019 au bureau du procureur du district et à l’altercation de la demanderesse avec les maras ayant eu lieu le 10 octobre 2019 sont importantes, car elles sont au cœur même de la demande. La SPR a examiné les explications des demandeurs à l’égard des omissions et des incohérences et les a rejetées. Je suis incapable de trouver une erreur susceptible de contrôle dans son analyse.

[33] Bien que les demandeurs affirment que la SPR n’a pas examiné le rapport du psychologue, ce n’est pas exactement le cas au vu de la décision. La SPR a accepté les commentaires formulés dans le rapport selon lesquels la demanderesse continue de subir le traumatisme de la mort violente de son fils. La SPR mentionne seulement que la lettre va trop loin à son avis lorsqu’il est conseillé à la demanderesse de quitter le pays pour parvenir à une guérison complète. Comme l’a noté la SPR, cela semble militer en faveur de l’octroi de l’asile, et c’est la seule partie du rapport à laquelle elle n’a accordé aucun poids.

[34] L’affirmation des demandeurs selon laquelle le rapport du psychologue devrait servir de fondement pour expliquer les omissions et les lacunes dans la preuve relativement à la demanderesse est, à mon avis, une tentative indue de demander à la Cour de soupeser à nouveau la preuve. Ce n’est pas le rôle de la Cour dans un contrôle judiciaire où il n’y a pas de circonstances exceptionnelles justifiant une telle intervention (Vavilov, aux para 125, 126; Société canadienne des postes, au para 61).

[35] De plus, même si je conviens avec les demandeurs que la SPR a supposé que certains conseils avaient pu leur être donnés au centre Vive La Casa aux États-Unis avant qu’ils n’arrivent au Canada, cela ne suffit pas pour compromettre l’analyse de la SPR ou l’emporter sur les omissions et les incohérences relevées dans la preuve.

[36] De même, bien que la SPR ait tiré dans sa décision certaines inférences concernant les moyens financiers des demandeurs pour quitter le pays, je ne considère pas ces inférences comme une partie importante de son analyse quant à la question du retard à quitter le pays ou de ses conclusions relatives à la crédibilité dans leur ensemble.

[37] Selon moi, les demandeurs n’ont pas démontré que l’analyse fondée sur le paragraphe 97(1) de la SPR comportait des lacunes graves qui constitueraient une erreur susceptible de contrôle. Par conséquent, il m’est impossible de conclure que la décision de la SPR en ce qui a trait au paragraphe 97(1) est déraisonnable.

VI. Conclusion

[38] Comme l’a souligné la SPR, les exigences minimales de l’article 96 de la LIPR sont beaucoup moins élevées que celles du paragraphe 97(1) de la LIPR. Mes constatations concernant le paragraphe 97(1) n’invalident donc pas l’erreur susceptible de contrôle relevée à l’égard de l’article 96.

[39] Pour les motifs qui précèdent, je conclus que la SPR a omis d’examiner à fond l’article 96 de la LIPR et d’établir s’il existait une crainte fondée de persécution du fait de l’appartenance du demandeur mineur à un groupe social qui risque d’être recruté de force par les maras. Par conséquent, je juge qu’il convient de renvoyer l’affaire à la SPR pour qu’elle effectue cette analyse.

[40] Aucune des parties n’a proposé de question à certifier, et j’estime que l’affaire n’en soulève aucune.

 


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-2086-19

LA COUR STATUE :

  1. L’intitulé est modifié pour que le nom de la demanderesse soit « Maria Areli Valencia Acosta » et que celui du défendeur mineur soit « Noe Dario Palma Valencia », avec effet immédiat.

  2. La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire est renvoyée à la SPR pour qu’elle rende une nouvelle décision conformément aux présents motifs.

  3. Aucune question de portée générale n’est certifiée.

« Angela Furlanetto »

Juge

Traduction certifiée conforme

Julie Blain McIntosh


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

IMM-2086-19

 

INTITULÉ :

OSCAR NOE PALMA LOPEZ, MARIA ARELI VALENCIA ACOSTA, NOE DARIO PALMA VALENCIA (REPRÉSENTÉ PAR SON TUTEUR À L’INSTANCE : OSCAR NOE PALMA LOPEZ) c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 25 OCTOBRE 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE FURLANETTO

 

DATE DES MOTIFS :

LE 2 novembre 2021

 

COMPARUTIONS :

Jack C. Martin

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Nicholas Dodokin

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jack C. Martin

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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