Date : 20020109
Dossier : T-44-01
Référence neutre : 2002 CFPI 25
ENTRE :
SA MAJESTÉ LA REINE
Demanderesse
- et -
KENNETH VADNAIS
Défendeur
[1] Sa Majesté la Reine (la Couronne fédérale), en tant que demanderesse, demande par écrit à la Cour un jugement sommaire en vertu des règles 369 et 213 des Règles de la Cour fédérale (1998) (règles) dans son action intentée le 10 janvier 2001.
[2] Dans cette action, la Couronne fédérale prétend que le défendeur lui doit la somme de 64 862,98 $ plus l'intérêt avant jugement à partir du 31 janvier 2001 au taux per diem de 20,86 $ jusqu'au paiement ou jusqu'au jugement ainsi que l'intérêt après jugement au même taux.
[3] Kenneth Vadnais, le défendeur, a déposé une défense le 22 février 2001, dans laquelle il plaide qu'il ne doit pas le montant réclamé, parce que toute responsabilité pour ce montant, constitué essentiellement d'intérêts, a été compromise par la Couronne fédérale lorsqu'elle a accepté la restitution complète avant l'imposition de la sentence d'un montant de 55 432,17 $, après que le défendeur a été accusé et qu'il a plaidé coupable, en 1995, à trois chefs d'accusation d'avoir soumis de fausses demandes en vertu du Programme spécial canadien pour les grains.
[4] La règle 216 des règles prévoit que, par suite d'une requête en jugement sommaire, lorsque la Cour est convaincue qu'il n'existe pas de véritable question litigieuse, elle rend un jugement sommaire.
[5] De plus, la règle 215 prévoit que la réponse à une requête en jugement sommaire ne peut être fondée uniquement sur les allégations ou les dénégations contenues dans les actes de procédure déposés par le requérant. Elle doit plutôt énoncer les faits précis démontrant l'existence d'une véritable question litigieuse.
[6] Le défendeur a déposé un affidavit déclarant, le 30 octobre 1995, que lui et son avocat, Me Arthur N. Larson, ont comparu devant le juge John Waite de la Cour du banc de la Reine de l'Alberta, au palais de justice de Lethbridge, en Alberta, et qu'ils ont enregistré des plaidoyers de culpabilité à l'égard de tous les chefs. Le prononcé de la sentence a été remporté au 8 janvier 1996, afin de lui donner l'occasion d'effectuer la restitution à Agriculture Canada.
[7] M. Vadnais a témoigné que son avocat avait engagé des discussions avec le procureur de la Couronne, Daniel M. McDonald, relativement à la sentence et il a joint à son affidavit une lettre de Me McDonald à son avocat, datée du 20 octobre 1995, dans laquelle il indique :
[traduction]
[...] et si la restitution complète a été effectuée avant la sentence, les observations de la Couronne stipuleront alors que la sentence, de façon globale, devrait se situer entre 6 et 12 mois d'emprisonnement.
[8] L'affidavit de M. Vadnais joint une lettre du 24 octobre 1995 de Me Larson à Me McDonald qui affirme ceci au point numéro 3 :
[traduction]
Si la restitution complète est effectuée en faveur des plaignants aux présentes pour un montant de 55 432,17 $, il y aura ensuite un mémoire conjoint pour une sentence globale de six mois d'incarcération. Advenant qu'une telle restitution ne soit pas effectuée, il y aura un processus « ouvert » de détermination de la peine.
[9] Vadnais déclare qu'il a effectué le paiement de ce montant à son avocat et que Me Larson l'a fait suivre à Agriculture Canada. Il joint une copie du chèque en fiducie de son avocat daté du 4 janvier 1996, à l'ordre du receveur général, au montant de 55 432,17 $. M. Vadnais témoigne ensuite qu'il a reçu sa sentence du juge Waite le 8 janvier 1996 et, à ce moment-là, Me McDonald, le procureur de la Couronne au dossier, avait indiqué au juge Waite que la restitution complète avait été effectuée.
[10] M. Vadnais conclut son affidavit en déposant ce qui suit :
[traduction]
Par la suite, j'ai été emprisonné conformément à la sentence rendue par le tribunal. En donnant des directives à Me Larson d'enregistrer les plaidoyers de culpabilité dont il était question dans son affidavit et en lui donnant des directives pour qu'il fasse suivre les fonds au ministère de l'Agriculture du Canada, je m'attendais à être libéré de toute autre pénalité ou de tout paiement dans toute affaire de nature civile ou criminelle se rapportant aux circonstances ayant donné lieu aux accusations. Je crois que cela était clair pour le procureur lorsqu'il a accepté le paiement.
[11] Le dossier de requête de la Couronne fédérale contient une copie d'une lettre, datée du 5 janvier 1996, provenant du conseiller juridique des Services juridiques d'Agriculture Canada à Me Larson qui est ainsi libellée :
[traduction]
Concernant le sujet mentionné ci-dessus et à la suite de notre conversation téléphonique, je désire vous informer que le ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire du Canada accepte l'offre de votre client de rembourser au ministère les 55 432,17 $ qu'il a obtenus frauduleusement en vertu des programmes PCAAVS et PSCG-87.
Veuillez noter que l'acceptation dudit remboursement ne constitue d'aucune manière, à notre avis, un paiement complet et final des montants qui nous sont dus par M. Vadnais. Le ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire se réserve le droit de prendre toute autre mesure légale à sa disposition afin de recouvrer le solde des montants dus.
[12] La Couronne fédérale soutient qu'il n'y a aucune preuve à l'appui de l'affirmation avancée par le défendeur selon laquelle la restitution du principal reçu représentait le règlement de la totalité de la dette, y compris les intérêts. Elle ajoute que les seuls éléments de preuve disponibles confirment sans équivoque que M. Vadnais n'était pas libéré de son obligation de payer les intérêts, lesdits éléments de preuve n'étant pas réfutés. La Couronne fédérale plaide qu'en l'absence de preuve à l'effet contraire, une ordonnance devrait être délivrée en faveur de la demanderesse lui accordant un jugement sommaire pour les intérêts impayés.
[13] L'avocat du défendeur contestant la présente requête, qui n'était pas Me Larson, soutient qu'il y a accord et satisfaction, à savoir l'acquisition d'une libération d'une obligation, qu'elle découle d'un contrat ou d'un délit civil, au moyen d'une contrepartie de valeur qui ne constitue pas l'exécution effective de l'obligation elle-même.
[14] Dans ses observations écrites, l'avocat du défendeur soutient que :
[traduction]
10. En l'espèce, M. Vadnais a non seulement effectué les paiements comme cela a été plaidé, mais il a également enregistré un plaidoyer de culpabilité, épargnant à la Couronne, dans les faits, les coûts et les difficultés d'un procès. L'exécution par M. Vadnais de ladite contrepartie était fondée sur l'accord de la Couronne selon lequel le paiement de la somme de 55 432,17 $ serait accepté à titre de restitution complète.
11. La Couronne, ayant reçu sa part de ce marché, ne peut maintenant tenter de recourir au contrat original et de réclamer de l'intérêt.
12. Les questions soulevées par les actes de procédure déposés dans la présente action, en même temps que les éléments de preuve contenus dans l'affidavit de M. Vadnais, soulèvent une question de fait qui ne peut être déterminée opportunément ou correctement de façon sommaire sur la base de la preuve par affidavit. L'étape suivante appropriée, dans la présente affaire, consiste à soumettre la question à des interrogatoires préalables afin que les deux parties puissent mieux déterminer les faits de la présente action.
[15] Je suis d'accord avec I'assertion avancée par l'avocat du défendeur selon laquelle, à la suite d'une requête en jugement sommaire, le juge saisi de la requête ne devrait pas
agir comme un juge du procès tirant des conclusions de fait fondées sur la preuve contradictoire.
[16] En l'espèce, il y a des éléments de preuve clairs que, avant que le prononcé de la sentence n'ait eu lieu le 8 janvier 1996, celui qui était à ce moment le conseiller juridique du défendeur avait été avisé verbalement, et subséquemment par une lettre de suivi datée du 5 janvier 1996, par le conseiller juridique des Services juridiques à Agriculture Canada, que le remboursement de 55 432,17 $ était accepté, mais que ladite acceptation [traduction] « ne constitue d'aucune manière, à notre avis, un paiement complet et final des montants qui nous sont dus par M. Vadnais » .
[17] La Couronne fédérale a produit la lettre du 5 janvier 1996 du conseiller juridique d'Agriculture Canada dans son dossier de requête avec l'affidavit de Fereen Bravar, daté du 12 juin 2001.
[18] Dans l'affidavit daté du 27 juin 2001 déposé en réponse, le défendeur ne parle pas de la lettre du 5 janvier 1996 à Me Larson et ne fait aucun commentaire à ce sujet.
[19] M. Vadnais ne contredit d'aucune façon la lettre du 5 janvier 1996 du conseiller juridique d'Agriculture Canada, que ce soit dans son affidavit ou en produisant d'autres documents, niant le fait que ladite lettre était inexacte et qu'elle ne constituait pas l'entente entre les parties.
[20] M. Vadnais fait référence au fait que le procureur de la Couronne avait indiqué au juge Waite qu'il y avait eu restitution complète. De prime abord, cette déclaration était vraie, parce qu'il s'agissait du montant des prêts qui lui avait été accordé sur la foi des fausses déclarations qui avaient été faites. Cela a conduit à une sentence réduite de six mois, ce qui constituait le marché qu'il avait conclu selon la procédure criminelle.
[21] L'action de la Couronne fédérale constitue une procédure civile d'une nature différente et, comme nous l'avons mentionné, la preuve irréfutée établit que la Couronne fédérale n'a pas renoncé au remboursement de l'intérêt.
[22] Pour tous ces motifs, le jugement sommaire est accordé à l'encontre du défendeur pour un montant de 64 862,98 $ plus l'intérêt avant et après le jugement au taux per diem de 20,86 $ jusqu'au paiement. Les dépens contre le défendeur sont fixés à 1 000 $.
« François Lemieux »
J U G E
OTTAWA (ONTARIO)
Le 9 janvier 2002
Traduction certifiée conforme
Richard Jacques, LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-44-01
INTITULÉ : Sa Majesté la Reine c. Kenneth Vadnais
REQUÊTE TRAITÉE PAR ÉCRIT SANS LA COMPARUTION DES PARTIES
MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE LEMIEUX
DATE DES MOTIFS : Le 9 janvier 2002
OBSERVATIONS ÉCRITES:
Alexander Gay POUR LA DEMANDERESSE
D. Bruce Hepburn POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:
Morris Rosenberg POUR LA DEMANDERESSE
Sous-procureur général du Canada
D. Bruce Hepburn Professional Corporation POUR LE DÉFENDEUR
Lethbridge (Alberta)