Date: 19991001
Dossier: T-4303-81
ENTRE:
ROBITAILLE MARINE INC.,
Demanderesse
- et -
SA MAJESTÉ LA REINE DU CANADA
Défenderesse
MOTIFS DE L"ORDONNANCE
LE JUGE HUGESSEN
[1] Il s"agit d"une requête, présentée par la défenderesse, en vue d"obtenir un jugement sommaire contre la demanderesse. La défenderesse prétend que la présente action, intentée par la demanderesse en août 1981, est prescrite en vertu des dispositions de l"article 158 de la Loi sur les douanes (la "Loi"), qui était en vigueur à l"époque. Voici le libeller de l"article en question :
158. (1) Toute somme d"argent déposée suivant |
l"article 157 devient, à moins qu"elle ne soit libérée ainsi que le prévoit l"article 157, la propriété de Sa Majesté la Reine pour les usages publics du Canada, sous réserve des dispositions de la présente loi relativement au partage du produit de la vente d"effets confisqués.
(2) Nulle procédure ne peut être intentée contre la Couronne pour le recouvrement de cet argent, si ce n"est dans les six mois qui suivent la date du dépôt qui en est fait.
158.(1) Any sum of money deposited in accordance with section 157 shall, unless it is released as provided in section 157, become the property of Her Majesty the Queen for the public uses of Canada, subject to the provisions of this Act with respect to the distribution of the proceeds of forfeited goods.
(2) No Proceedings against the Crown for the recovery of any such money shall be instituted, except within six months from the date of the deposit thereof.
[2] Les faits essentiels du cas en l"espèce sont plutôt simples et ne sont pas contestés. En 1977, le ministère du Revenu National a effectué deux saisies douanières contre la demanderesse. Celle-ci a par la suite obtenu la possession des marchandises saisies en faisant deux dépôts aux montants, respectivement de 40 000,00$ et de 60 000,00$.
[3] Le 13 mai 1981, le Ministre a rendu une décision en vertu de l"article 163 de la Loi . Voici le texte de l"essentiel de cette décision :
" que la consignation (dépôt) au montant de $60,000.00 soit confisqué; que Marine Robitaille Inc., 3652, boul. Ste-Anne, Giffard, Québec, soit mise en demeure de payer un montant de $368,897.15 devant être confisqué et, à défaut de ce paiement dans un délai de trente jours, que toute mesure jugée appropriée par la Couronne soit prise. |
La présente est une mise en demeure officielle de payer la somme de $368,897.15 due et payable à la couronne. Si ce paiement n"est pas reçu dans les trente jours, la Couronne prendra toute mesure jugée appropriée pour en assurer la perception. |
[4] À la suite de cette décision, l"avocat de la demanderesse a fait parvenir au Ministre une lettre indiquant que sa cliente n"était pas satisfaite de cette décision et qu"elle avait l"intention de la contester. Un fonctionnaire du ministère a répondu à l"avocat de la demanderesse par une lettre en date du 7 juillet 1981. Cette lettre réfère clairement aux deux saisies douanières et à la décision ministérielle du 13 mai 1981. L"auteur déclare :
"En vertu de l"article 165 de la Loi sur les douanes, lorsqu"un avis de non acceptation d"une décision rendue est donnée, le Ministère peut déférer la question à la cour, en l"occurrence la Cour fédérale du Canada (Division de première instance). Toutefois, dans le cas de la saisie 34978/C #857, le Ministre ne juge pas cette mesure nécessaire. |
Votre cliente peut, de sa propre initiative, faire porter la cause devant la Cour fédérale du Canada. Bien que le Ministère soit disposé à tenir la cause en suspens pendant un délai raisonnable, nous attirons votre attention sur les dispositions prévues au paragraphe 150(2) de la Loi sur les douanes. La décision ministérielle a été rendue le 13 mai 1981 et un avis formel de celle-ci vous a été communiqué à la même date. |
En ce qui a trait à la saisie douanière 34844/ED 14249, à moins que l"avis de non acceptation soit retiré et que des arrangements soient pris relativement au paiement du montant dû, nous en assurerons le recouvrement en déférant la question à la cour. Toutefois, afin que votre cliente bénéficie d"un délai juste et raisonnable pour revenir sur sa décision, nous ne soumettrons pas la question à la cour avant le 8 août 1981. Si, à cette date, aucun arrangement n"a été pris en vue d"un règlement, l"affaire sera déférée sans que vous ou votre cliente en soyez avisé au préalable". |
[5] Il est clair à mon avis que le fonctionnaire du ministère avait mal compris les dispositions pertinentes de la Loi et que le conseil qu"il semble avoir donné à la demanderesse n"était pas approprié. L"article 150 de la Loi auquel il réfère se lit comme suit :
150. (1) Nulle action, poursuite ou procédure ne peut être intentée contre la Couronne ou contre un préposé ou une personne employée pour empêcher la contrebande, ni contre une personne en possession de marchandises sous l"autorité d"un préposé pour le recouvrement de la chose saisie, tant qu"une décision n"a pas été rendue, soit par le Ministre, soit par une cour compétente, relativement à la condamnation de la chose saisie.
150. (1) No action, suit or proceeding shall be commenced against the Crown, or against any officer or person employed for the prevention of smuggling, or against any person in possession of goods under the authority of an officer, for the recovery of the thing seized, until a decision has been first given either by the Minister of by a court of competent jurisdiction in relation to the condemnation of the thing seized.
(2) Cette action, poursuite ou procédure doit être intentée dans les trois mois après que cette décision a été rendue.
(2) Every such action, suit or proceeding shall be brought within three months after such decision has been given.
[6] Il est maintenant bien établi dans la jurisprudence1 que le recours mentionné à l"article 150 de la Loi ne s"applique qu"aux cas ou les marchandises saisies sont retenues par le Ministre. Dans les cas ou les contribuables ont déjà repris possession de ces marchandises, contre la remise d"un dépôt au Ministre, c"est l"article 158 qui prévoit le recours et fixe le délai de prescription.
[7] Le procureur de la demanderesse prétend donc que c"est bien la prescription du paragraphe 158 (2) de la Loi qui s"applique en l"espèce, et que la présente action, qui a été intentée seulement en août 1981 et qui réclame le remboursement des montants versés en 1977 pour un total de 100,000$ serait prescrite. Il prétend toutefois que la défenderesse a renoncé à la prescription acquise et ce, en vertu de la lettre du 7 juillet 1981 précitée.
[8] Je ne suis pas d"accord. La renonciation à la prescription peut certainement être tacite. Elle doit toutefois être claire et non équivoque, surtout lorsqu"il s"agit d"une renonciation à une prescription acquise. Dans ces cas, le tribunal doit être en mesure de trouver dans les faits et dans les gestes du débiteur une intention et une volonté de faire renaître une obligation qui est maintenant éteinte. À la lecture de la lettre du 7 juillet 1981, il m"est impossible de trouver une telle intention et une telle volonté. À mon avis le fonctionnaire s"est complètement mépris quant au recours approprié et à la période de prescription applicable. Mais il n"y a rien là qui me permet de dire qu"il voulait renoncer à la prescription acquise. La seule prescription dont il est question dans la lettre à la demanderesse est celle à l"article 150 qui n"était pas applicable en l"espèce. J"arrive donc à la conclusion que l"action de la demanderesse était prescrite au moment ou elle a été intentée et qu"elle devrait par conséquent être rejetée.
"James K. Hugessen"
Juge
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1 Dome Petroleum Ltd. v. HMQ (1988), 18 C.E.R. 200. Huskey Oil Ltd. v. HMQ, [1998] F.C.J. No. 1780.