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Date: 20000106

Dossier : T-2519-90

ENTRE :

EBCO INDUSTRIES LTD.,

demanderesse,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE

JOHN A. HARGRAVE


[1] La demanderesse Ebco Industries Ltd. ( « Ebco » ) a vendu à la société d'État British Columbia Transit ( « BC Transit » ) des marchandises qui ont servi à la construction du train de banlieue rapide appelé Aérotrain, lequel assure actuellement la liaison entre Vancouver et New Westminster ainsi que Surrey. Présumant que BC Transit était une municipalité aux fins de la Loi sur la taxe d'accise, Ebco a demandé en temps opportun un remboursement d'un montant de 99 425 $ au titre de la taxe de vente fédérale relative aux marchandises qui ont été fournies entre le 1er août 1987 et le 31 juillet 1989.


[2] Le remboursement découlerait principalement de la partie XII de l'annexe III de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985) ch. E-15, qui énonce que certaines marchandises vendues à une municipalité sont exemptes de la taxe de vente fédérale.


[3] Le 28 décembre 1989, le ministre du Revenu national a refusé la demande de remboursement au motif que BC Transit n'était pas une municipalité à l'époque pertinente.


[4] Ces faits établis ainsi que ceux qui sont énoncés dans l'exposé conjoint des faits mènent à la question de droit à trancher, laquelle question est ainsi formulée dans le mémoire de la demanderesse :

[TRADUCTION] BC Transit a-t-elle acquis la désignation de municipalité au sens de l'alinéa 2(1)b) de la Loi sur la taxe d'accise en vertu de l'article 2.1 de la loi intitulée BC Transit Act?

J'ai répondu à cette question par l'affirmative : BC Transit a acquis le statut de municipalité par suite de son fusionnement avec Metro-Transit Operating Company, que le gouverneur général en conseil a désignée à titre de municipalité.


EXAMEN

[5] Pour déterminer le statut de BC Transit à titre de municipalité, il est nécessaire d'examiner le statut d'une société de transport antérieure, la Metro-Transit Operating Company ( « Metro-Transit » ), société d'État constituée sous le régime de l'article 2 de la Metro-Transit Operating Act, R.S.B.C. 1979, ch. 257. Ce statut est pertinent en l'espèce, parce que les droits et obligations de BC Transit, entité qui existe toujours, sont devenus ceux d'une nouvelle entité, BC Transit, conformément à une loi ayant apparemment prévu le fusionnement des deux entités.


[6] L'article 3 de la Metro-Transit Operating Company Act énonce l'objet et les pouvoirs de Metro-Transit :

[TRADUCTION] L'objet de la société consiste à exploiter des systèmes de transport en commun conformément à des accords d'exploitation annuels et, afin de faciliter la réalisation de ces objets, la société acquiert le contrôle de toutes les entreprises de transport en commun de la Hydro and Power Authority de la Colombie-Britannique.

[7] Metro-Transit, qui exploitait à l'époque le système de transport par autobus de Vancouver et de Victoria ainsi que le système Seabus au port de Vancouver, a demandé le statut de municipalité et a été ainsi désignée par le gouverneur général en conseil conformément à l'alinéa 2(1)b) de la Loi sur la taxe d'accise le 24 avril 1986. Le paragraphe 2(1) de la Loi sur la taxe d'accise prévoit, notamment, que le mot municipalité comprend, en plus de divers autres organismes municipaux évidents :

b) telle autre administration locale à laquelle le ministre confère le statut de municipalité pour l'application de la présente loi;

La désignation en date du 24 avril 1986 est ainsi libellée :

[TRADUCTION] SON EXCELLENCE LE GOUVERNEUR GÉNÉRAL EN CONSEIL, suivant la recommandation du ministre du Revenu national et conformément à l'alinéa b) de la définition du mot « municipalité » énoncée au paragraphe 2(1) de la Loi sur la taxe d'accise, confère par les présentes à l'administration mentionnée à l'annexe ci-jointe le statut de municipalité pour l'application de la Loi sur la taxe d'accise.

[8] Le 12 août 1982, la société d'État BC Transit avait été créée sous le régime de la loi intitulée BC Transit Act, R.S.B.C. 1979, ch. 421, et ses modifications(1). Les parties ont fourni une copie de la Loi qui était en vigueur le 25 novembre 1993. Selon cette version, l'administration, soit BC Transit, devait [TRADUCTION] « ... planifier, acquérir, construire ou faire construire des systèmes de transport en commun et des réseaux de transport ferroviaire métropolitain et en assurer l'entretien et l'exploitation... » (article 3), soit un mandat semblable à celui de Metro-Transit, mais peut-être un peu plus large. Il convient de souligner ici que, selon l'article 2.1 de la BC Transit Act, BC Transit devenait redevable des dettes et obligations de Metro-Transit et obtenait tous les droits et biens de celle-ci :

[TRADUCTION] 2.1(1) Tous les biens et droits de la Metro-Transit Operating Company sont transférés à l'administration sans qu'il soit nécessaire d'établir un autre instrument en ce sens.

Cette disposition est entrée en vigueur le 1er juin 1985.


[9] Comme je l'ai déjà mentionné, BC Transit a construit et possède le système de transport Aérotrain, à l'égard duquel Ebco a fourni des matériaux de construction entre le 1er août 1987 et le 31 juillet 1989. Ebco a ensuite demandé un remboursement de la taxe de vente fédérale. Le 28 décembre 1989, le ministre a rejeté la demande dans un avis de détermination dont voici des extraits :

[TRADUCTION] Il s'agit d'une demande de remboursement de la taxe de vente fédérale payée à l'égard de marchandises fournies ou utilisées en application d'un contrat conclu entre la requérante et British Columbia Transit. La disposition d'exemption mentionnée dans la demande figure à la partie XII de la Loi sur la taxe d'accise (annexe III). La demande est refusée pour les motifs indiqués ci-après :

L'exemption prévue à la partie XII de la Loi sur la taxe d'accise (annexe III) se limite aux marchandises vendues aux municipalités pour leur propre usage. La vente ou le transfert constituant le fondement de la présente demande a été fait à une entité autre qu'une municipalité; par conséquent, l'exemption susmentionnée ne s'applique pas.

[10] Redoutant peut-être certaines failles, Sa Majesté a publié, le 15 février 1990, le décret numéro C.P. 1990-276 ayant pour effet de révoquer le décret initial du 24 avril 1986 dans lequel elle avait déclaré que Metro-Transit était une municipalité pour l'application de la Loi sur la taxe d'accise.


[11] La demanderesse soutient que BC Transit a acquis le statut de municipalité et était effectivement une municipalité à l'époque pertinente pour trois raisons :

1) la désignation de municipalité accordée à Metro-Transit le 24 avril 1986 était un droit qui a été transféré à BC Transit en vertu de l'article 2.1 de la BC Transit Act;

2) subsidiairement, la demande de Metro-Transit en vue d'obtenir la désignation de municipalité constituait elle-même un droit qui a été transféré à B.C. Transit en vertu de l'article 2.1 de la Metro-Transit Act;

3) subsidiairement, l'article 2.1 de la BC Transit Act a entraîné entre B.C. Transit et Metro-Transit un fusionnement par suite duquel la première a acquis tous les droits de la seconde.

J'examinerai chacun de ces arguments à tour de rôle.


Le transfert de la désignation à titre de municipalité serait un droit

[12] Afin de faciliter la lecture, je citerai à nouveau l'article 2.1 de la BC Transit Act :

[TRADUCTION] 2.1(1) Tous les biens et droits de la Metro-Transit Operating Company sont transférés à l'administration sans qu'il soit nécessaire d'établir un autre instrument en ce sens.

Pour convaincre la Cour que le transfert de la désignation à titre de municipalité constituait un droit, Ebco doit établir que la désignation était effectivement un droit qui a été transféré à BC Transit par suite de l'application de l'article 2.1 de la BC Transit Act.


[13] La demanderesse fait valoir à cet égard que, selon l'article 29 de la loi intitulée Interpretation Act, R.S.B.C. 1979, ch. 206, un droit comprend un privilège, lequel mot n'est pas défini de façon plus précise. La demanderesse cite des dictionnaires de droit, y compris le Black's Law Dictionary, où le mot « privilege » (privilège) est principalement défini comme suit :

[TRADUCTION] Avantage particulier et spécial dont jouit une personne physique ou morale ou une catégorie au-delà des avantages dont bénéficient l'ensemble des citoyens. Pouvoir ou exemption exceptionnel ou extraordinaire. Droit, pouvoir, franchise ou immunité détenu par une personne ou une catégorie de personnes au-delà de ceux qui découlent de l'application régulière de la loi.

Cette définition décrit donc le privilège en termes d'avantage conféré à une certaine entité, lequel avantage dépasse les avantages ordinaires dont jouissent les autres.


[14] La demanderesse cite ensuite l'arrêt In re Turner, [1922] 2 W.W.R. 414 (C.B.R. Sask.), qui portait sur le privilège que détenait un bailleur de fonds à titre de métayer. La Cour a décidé que le bailleur de fonds détenait un privilège, c'est-à-dire un avantage par rapport à ceux que possédaient de façon générale les autres personnes (page 416).


[15] Dans le cas sous étude, la demanderesse soutient que la désignation à titre de municipalité [TRADUCTION] « est un privilège clair auquel les entités qui ne sont pas ainsi désignées n'ont pas accès » (page 12 du dossier de la requête). Elle ajoute que la désignation, en tant que privilège, est forcément visée par la définition du mot « right » (droit) figurant dans la loi intitulée Interpretation Act, soit un droit automatiquement transféré à BC Transit conformément à l'article 2.1 de la BC Transit Act.


[16] Cet argument ne peut être retenu, car l'octroi du statut de municipalité ou la désignation à titre de municipalité ne constitue pas en soi un droit. Le droit réside plutôt dans la possibilité d'éviter le paiement de la taxe de vente et découle de la désignation. Cette désignation n'est pas un droit, mais plutôt une description spéciale ou encore l'attribution du titre de municipalité à Metro-Transit [TRADUCTION] « afin de traduire les pouvoirs et fonctions de l'administration locale » (paragraphe 14 des observations écrites de la défenderesse). En réalité, ce n'est pas la désignation en soi qui est importante, mais plutôt l'avantage qui en découle, soit l'exemption de la taxe de vente fédérale.


[17] L'élément clé de cette interprétation réside dans le concept inhérent au mot « determination » , soit la mesure que le gouverneur général en conseil a prise en conférant à Metro-Transit le statut de municipalité. Le Shorter Oxford Dictionary, qui m'a été cité, définit le verbe « determine » (déterminer) à l'aide de termes comme [TRADUCTION] « régler ou décider » et « établir avec autorité, prononcer, déclarer » . De plus, selon la Compact Edition of the Oxford English Dictionary, le mot « determination » (détermination) signifie [TRADUCTION] « l'action d'établir de façon définitive la position (de quelque chose) » et « l'action mentale d'en arriver à une décision » . L'octroi du statut de municipalité est en réalité la démarche dans le cadre de laquelle le ministre examine les circonstances propres à l'entité qui demande ce statut. La défenderesse considère cette démarche comme une désignation, utilisant ici le mot « designation » (désignation) de la même façon que l'a fait la demanderesse dans sa plaidoirie écrite lorsqu'elle a considéré comme un droit la désignation de Metro-Transit à titre de municipalité.


[18] En ce qui a trait aux mots « designate » (désigner) et « designation » (désignation), la défenderesse cite le Black's Law Dictionary, sans toutefois préciser d'édition. Lorsque j'ai examiné différentes éditions de l'ouvrage, j'ai constaté que la définition des termes avait sensiblement évolué en peu de temps. J'ai alors consulté la Compact Edition of the Oxford English Dictionary afin d'examiner les sens pertinents. Le mot « designate » (désigner) signifie [TRADUCTION] « indiquer par le nom ou par l'appellation descriptive; nommer, dénommer, intituler, appeler » . De la même façon, une « designation » (désignation) est [TRADUCTION] « un nom descriptif, une appellation » . Toutefois, dans l'affaire Newton v. Marylebone Borough Council (1914), 78 J.P. 169 (K.B.D.), le juge Channell (tel était alors son titre) a proposé une définition plus élaborée, voire plus utile de ces termes :

[TRADUCTION] Que signifie le mot « designated » (désigné)? Il est nécessaire d'examiner ce mot dans le contexte des droits de cet homme. C'est un mot particulier qui n'est pas utilisé fréquemment dans les textes de loi. Quel en est le sens habituel? À mon avis, il signifie [TRADUCTION] « décrit à ce titre ou décrit comme dirigeant » ; en d'autres termes, il doit exister une description spéciale de cet homme comme dirigeant selon un titre établi. Il se peut que le mot « designated » signifie décrit eo nomine; à mon avis, il signifie essentiellement qu'il est ainsi désigné. Il ne signifie pas simplement « appelé » . C'est quelque chose de plus. À mon sens, le mot « designated » signifie « décrit spécialement à titre de... » .

Ce qu'il faut retenir de cet extrait, c'est que le mot « désigné » signifie davantage que simplement « appelé » et englobe l'idée d'une description spéciale.


[19] Je devrais maintenant examiner la désignation de Metro-Transit en tenant compte à la fois du sens habituel ainsi que de l'objet des dispositions législatives. L'article 2.1 de la Loi sur la taxe d'accise permet au gouverneur général en conseil de conférer le statut de municipalité à différentes entités, y compris une entité comme Metro-Transit. Il ne fait rien de plus. Il aurait pu permettre au gouverneur général en conseil d'attribuer spécifiquement à un organisme un droit à une exemption fiscale. Ce n'est pas ce qu'il fait. Les droits ou avantages qui existent, dont plusieurs concernent spécifiquement une municipalité, découlent simplement de la désignation. Cette désignation donne lieu à un statut, mais il ne s'agit pas en soi d'un droit. Étant donné qu'il n'existe aucun droit afférent à la désignation ou à la description spéciale de Metro-Transit à titre de municipalité, il n'est pas nécessaire que je me demande si un droit a été transféré à BC Transit en vertu de l'article 2.1 de la BC Transit Act. De plus, aucune disposition de la Loi sur la taxe d'accise n'indique que le Parlement avait l'intention de permettre le transfert d'une désignation. J'en arrive maintenant au deuxième argument de la demanderesse, selon lequel la demande de Metro-Transit en vue d'obtenir la désignation constituait en soi un droit transféré par suite de l'application de l'article 2.1 de la BC Transit Act.


La demande de statut de municipalité constituerait en soi un droit

[20] La demanderesse soutient ensuite subsidiairement que la demande de Metro-Transit en vue d'obtenir le statut de municipalité constitue en soi un droit qui a été transféré à BC Transit par suite de l'application de l'article 2.1 de la BC Transit Act.


[21] L'argument de la demanderesse repose sur le concept selon lequel, dès qu'une demande en bonne et due forme a été présentée en vue d'obtenir un élément incorporel, comme la désignation à titre de municipalité, la demande devient un droit, citant à cette fin l'arrêt Falconbridge Nickel Mines Ltd. v. Minister of Revenue, [1981] CTC 120, décision rendue par la Cour d'appel de l'Ontario. Dans cette dernière affaire, la demanderesse a réclamé un remboursement de la taxe de vente. À la date du paiement en trop de la taxe, la demanderesse avait droit à un remboursement, sous réserve d'un pouvoir discrétionnaire minime, voire négligeable du ministre. Par la suite, avant la présentation de la demande de remboursement, le législateur provincial a modifié son texte de loi afin de prescrire un délai. La Cour d'appel de l'Ontario a jugé que le remboursement était presque assuré jusqu'à ce que le délai de prescription soit imposé. La certitude du remboursement donnait lieu à un droit ou, à tout le moins, au droit de demander au ministre d'examiner la demande de remboursement sans tenir compte de la modification concernant le délai de prescription.


[22] Ce concept, selon lequel une demande constitue un droit acquis ou peut-être un droit à échoir ne s'applique pas en l'espèce. Dans l'affaire Falconbridge, la demande avait été refusée à tort. Dans la présente affaire, Metro-Transit a présenté une demande en vue d'obtenir le statut de municipalité et ce statut lui a été conféré. Une fois qu'une demande de cette nature a été examinée et traitée en entier, elle ne confère aucun avantage résiduel. S'il en était autrement et qu'il était possible de considérer les demandes tranchées de façon définitive comme des demandes en cours qui peuvent être transférées et réactivées de manière à conférer un avantage, la situation deviendrait tout à fait chaotique. Par analogie, cette situation irait à l'encontre du concept selon lequel un litige doit prendre fin à un moment donné. Dans le cas d'une demande, comme une demande visant à obtenir le statut de municipalité, le dossier doit être classé de façon définitive une fois que le traitement de la demande est entièrement terminé. La demande entièrement traitée en l'espèce ne constitue pas en soi un droit. Cependant, le concept du transfert d'une désignation par suite d'un fusionnement pourrait être plus intéressant.


Transfert du statut de municipalité par suite d'un fusionnement

[23] Ebco soutient par voie subsidiaire que, si la désignation du statut de municipalité ou la demande visant à obtenir cette désignation ne constitue pas un droit, l'assemblée législative de la Colombie-Britannique voulait que la désignation fasse partie des éléments transférés lors du fusionnement de Metro-Transit et de BC Transit qui a été effectué en application de la BC Transit Act.


[24] La démarche par suite de laquelle BC Transit a obtenu la possession et le contrôle de la gestion des activités de Metro-Transit n'est pas spécifiquement décrite comme un fusionnement dans la BC Transit Act; cependant, cela ne signifie pas qu'il soit interdit d'examiner le résultat pour savoir s'il s'agit effectivement d'un fusionnement et, dans l'affirmative, pour évaluer les conséquences pertinentes qui en découlent.


[25] La procédure de fusionnement et ses conséquences, tant dans l'ensemble du Canada qu'en Colombie-Britannique, sont commentées dans l'ouvrage intitulé Fraser's Handbook on Company Law , 6e édition, Carswell. Selon cet auteur, [TRADUCTION] « le fusionnement est un mot appliqué de façon libérale à différentes formes d'union des droits d'au moins deux entreprises » (p. 407). Le manque de précision de cette définition s'explique peut-être par le fait que le fusionnement est un concept commercial et que, même lorsque le mot « amalgamation » (fusionnement) est ainsi utilisé, il n'a aucun sens précis :

[TRADUCTION] ... le mot « fusionnement » n'a aucun sens juridique défini. Il s'agit d'un mot commercial plutôt que juridique et, même en tant que mot commercial, il n'a aucun sens précis. Dans chaque cas, il est nécessaire de décider si la transaction est telle que, dans l'esprit des gens d'affaires, elle est visée par le mot « fusionnement » . Pour qu'il y ait fusionnement, il doit y avoir amalgame des éléments essentiels d'au moins deux entreprises existantes (Attorney General for Ontario v. Electrical Development Co. (1919) 45 O.L.R. 186 at 190).

Dans l'arrêt Electrical Development Co., le juge Middleton, de la Haute Cour de l'Ontario, reconnaît que cet extrait est tiré du jugement que le juge Buckley a rendu dans l'affaire In re South African Supply and Cold Storage Co., [1904] 2 Ch. 268. Le juge Buckley a souligné que, pour décider s'il y avait ou non fusionnement, il fallait examiner le fond et les faits (page 282). Par la suite, il s'est posé la question suivante : [TRADUCTION] « En quoi consiste un fusionnement? » (p. 286) :

[TRADUCTION] En quoi consiste un fusionnement? À mon avis, un fusionnement renvoie à un concept différent. Pour qu'il y ait fusionnement, il doit y avoir transfert, d'une façon ou d'une autre, de deux entreprises de manière à ne faire qu'une seule. Vous devez souder deux éléments ensemble et en arriver à un amalgame - une combinaison de deux entreprises. Il n'est pas nécessaire que la totalité des deux entreprises soit transférée, il suffit que les éléments essentiels le soient, pas plus qu'il n'est obligatoire que tous les membres soient parties, bien que la quasi-totalité doivent effectivement l'être. La différence entre la reconstruction et le fusionnement réside dans le fait que la dernière démarche consiste en une combinaison de deux entreprises et non seulement en une continuation de l'une d'elles. À mon avis, un fusionnement peut découler du transfert des entreprises A et B à une nouvelle entreprise, C, ou de la continuation de A et de B par B, pourvu que les actionnaires de A deviennent actionnaires de B. Il n'est pas nécessaire d'avoir une nouvelle entreprise. Il peut y avoir continuation de l'une des deux sociétés dans le cadre d'une entente selon laquelle la quasi-totalité des entreprises de chacune sont fusionnées en une seule.

Dans l'affaire South African Supply, à la page 286, le juge Buckley avait comparé le fusionnement à la reconstruction et décrit celle-ci comme la démarche par suite de laquelle la même entreprise est exploitée par les mêmes personnes, sans toutefois que tous les éléments d'actif ou de passif soient transférés à la nouvelle entité, ce qui constitue en réalité une continuation. Selon le juge Buckly, la différence entre la reconstruction et le fusionnement tient au fait que, dans le premier cas, il y a continuation d'une entreprise tandis que, dans le second, il y a amalgame de deux entreprises. Dans la présente affaire, nous sommes en présence d'un amalgame, puisque BC Transit a obtenu les biens, les droits et les dettes de Metro-Transit et les a ajoutés à ceux de sa propre entreprise, devenant de ce fait une société de transport publique ayant une base élargie.


[26] Plus récemment et plus près de nous, dans l'affaire Seaboard Life Insurance Co. v. Attorney General of British Columbia (1987), 30 D.L.R. (4th) 264 (C.S. C.-B.), le juge Gibbs a examiné un fusionnement de facto qui découlait non pas d'un texte législatif, mais plutôt des faits, comme l'avocat de Seaboard l'a souligné. S'inspirant en grande partie de l'arrêt South African Supply, le juge Gibbs a conclu qu'il y avait eu roulement commun de deux compagnies d'assurance-vie ayant donné lieu à une entreprise fusionnée en fait et en droit et exploitée par Seaboard.


[27] En dernier lieu, j'aimerais citer à ce sujet le jugement qu'a rendu la Cour suprême du Canada dans l'affaire Sa Majesté La Reine c. Black & Decker Manufacturing Co. Ltd., [1975] 1 RCS 411, plus précisément les motifs du juge Dickson. Dans ce jugement, la Cour a confirmé le maintien en vigueur d'accusations au pénal découlant d'actes commis par Black & Decker avant le fusionnement, lesquels actes ont donné lieu au dépôt d'accusations après le fusionnement. Le juge Dickson souligne dans cet arrêt que, lors du fusionnement, qui a eu lieu en l'occurrence en application de la Loi sur les corporations canadiennes, aucune nouvelle société n'a été créée et aucune ancienne société n'a été éteinte; les bureaux, entrepôts, usines, registres, lettres et documents étaient encore là et les activités se sont poursuivies de la façon habituelle. En fait, les sociétés fusionnées sont demeurées responsables, après le fusionnement, des poursuites relatives à une infraction criminelle qui aurait été perpétrée avant le fusionnement en question.


[28] L'arrêt Black & Decker est pertinent en l'espèce car, lorsque je lis la BC Transit Act ainsi que les notes qui s'y trouvent en ce qui a trait à l'entrée en vigueur de différents articles, je constate que BC Transit a vu le jour le 12 août 1982. Le transfert de biens et droits de Metro-Transit à BC Transit est survenu le 1er juin 1985, soit la date du fusionnement apparent. Le statut de municipalité a été conféré à Metro-Transit le 24 avril 1986. Tout comme une entreprise découlant d'un fusionnement ne peut échapper à sa responsabilité à l'égard d'un crime commis par une des entreprises, l'attribution d'un statut à l'une des entreprises fusionnantes devrait profiter à celle qui naît du fusionnement. J'y reviendrai.


[29] J'en arrive maintenant à la question de savoir si BC Transit est née d'un fusionnement. J'ai ici en tête non pas un fusionnement d'origine législative en application de la loi pertinente de la Colombie-Britannique, lequel nécessite le respect de certaines exigences procédurales spécifiques qui n'a pas été mis en preuve devant moi, mais plutôt un fusionnement ordinaire qui découle de la BC Transit Act et qui est semblable à celui qui a été invoqué avec succès dans l'affaire Seaboard Life. Ce que je recherche, c'est une combinaison d'entreprises, le transfert des éléments d'une entreprise et la poursuite par BC Transit des activités de Metro-Transit à l'aide des installations et des registres de celle-ci; dans ce contexte, BT Transit continue d'exister, mais sa base est désormais plus large, en raison du mandat supplémentaire qui lui est confié.


[30] L'avocat d'Ebco soutient, ce qui est compatible avec les paragraphes 2.1(1) et (2) de la BC Transit Act, que tous les éléments d'actif et de passif de Metro-Transit ont été transférés à BC Transit. Selon le paragraphe 2.1(3), les créanciers de Metro-Transit peuvent poursuivre BC Transit. De plus, la Metro-Transit Operating Act n'a pas été abrogée, de sorte que Metro-Transit continue à exister : c'est là une situation qui s'apparente à celle de l'affaire Black & Decker (précitée), soit le fait qu'aucune ancienne entreprise n'a été éteinte, et avec celle de l'arrêt South African Supply and Cold Storage (précitée), qui porte sur la combinaison de deux entreprises et non simplement sur la continuation de l'une des deux. Tous ces faits sont compatibles avec la lettre en date du 10 février 1986 que le sous-ministre des Transports de la Colombie-Britannique a adressée à Revenu Canada et dans laquelle il fait allusion au fusionnement de Metro-Transit et BC Transit.


[31] J'ai déjà souligné qu'une attribution en faveur de l'une des sociétés fusionnantes après le fusionnement devrait être transférée à l'entreprise née du fusionnement. Je cite à ce sujet l'arrêt Witco Chemical Co. Canada Ltd. c. Ville d'Oakville, [1975] 1 RCS 273, où le fusionnement avait eu lieu la veille de la date à laquelle une des sociétés avait délivré un bref. Dans cette affaire, le juge Spence a confirmé la validité du bref tant pour des motifs liés à la procédure, plus précisément les règles de pratique de l'Ontario, qu'en raison du fusionnement survenu. À ce sujet, il lui a semblé difficile d'imaginer une situation où une société fusionnante demeurerait en existence, mais ne pourrait engager d'action, comme le soutenaient apparemment les parties défenderesses. Il a statué qu'il n'y avait pas eu extinction de l'entité fusionnante qui permettrait de conclure que le bref avait été délivré à tort. Le résultat indique implicitement que la nouvelle société fusionnée tirerait elle-même profit des poursuites. Compte tenu du maintien de l'existence, en fait et en droit, de Metro-Transit ainsi que du principe appliqué dans l'arrêt Witco, je ne vois aucune raison, à ce stade de mon analyse, qui empêcherait BC Transit de bénéficier du statut de municipalité qui a été conféré à Metro-Transit après le fusionnement et le transfert initial de ses éléments d'actif et de passif à BC Transit.


[32] Dans son mémoire, la défenderesse reconnaît que le législateur avait l'intention de fusionner Metro-Transit et BC Transit. À mon avis, il ne s'agissait pas simplement d'une intention; il y a eu effectivement fusionnement.


[33] Même si j'en suis arrivé à la conclusion que BC Transit a obtenu l'avantage de la désignation de Metro-Transit à titre de municipalité par suite du fusionnement, la question n'est peut-être pas réglée pour autant. La défenderesse soutient que, lorsque Metro-Transit, qu'elle considère comme une administration locale au sens de l'article 2 de la Loi sur la taxe d'accise, a fusionné avec BC Transit, l'entité née du fusionnement n'était pas une administration locale, mais une autorité provinciale. Selon l'article 2 de la Loi sur la taxe d'accise, une municipalité comprend une administration métropolitaine... ou « b) telle autre administration locale à laquelle le ministre confère le statut de municipalité... » .


[34] L'avocate de la défenderesse m'a cité l'arrêt Supercrete Precast Ltd. c. Le ministre du Revenu national, [1989] C.I.T.T. no 30, décision rendue par le Tribunal canadien du commerce extérieur à Vancouver (C.-B.), au soutien de la proposition selon laquelle BC Transit n'est pas une municipalité. Hormis le fait que la décision du Tribunal ne lie pas la Cour en l'espèce, que la conclusion selon laquelle BC Transit n'est pas une municipalité n'est pas essentielle à la décision rendue ainsi qu'un certain nombre d'autres facteurs, l'affaire ne s'applique pas à la présente affaire, parce qu'elle portait sur BC Transit avant que Metro-Transit soit désignée à titre de municipalité.


[35] L'avocate de la défenderesse cite également l'affaire Storz Canada c. Le ministre du Revenu national, [1992] C.I.T.T. no 116, une autre décision rendue par le Tribunal canadien du commerce extérieur à Ottawa (Ontario). Une des questions qui se posaient dans cette affaire était celle de savoir si le commissaire des incendies, qui relevait du ministère du Solliciteur général de l'Ontario et achetait de l'équipement pour différentes collectivités non organisées du nord de l'Ontario, était une municipalité et, de ce fait, admissible à l'exemption en vertu de la Loi sur la taxe d'accise. Les motifs prononcés dans cette affaire étaient plutôt brefs et n'étaient pas particulièrement utiles; cependant, après avoir répondu à la question par la négative, le tribunal souligne que « le ministre du Revenu national n'a pas, lui non plus, désigné les organismes à titre de municipalité » (p. 3), ce qui signifie implicitement que la question de savoir si le ministre peut effectivement désigner le Bureau du commissaire des incendies du ministère du Solliciteur général de l'Ontario à titre de municipalité n'a pas encore été tranchée. Il est évident que le Tribunal n'a pas adopté une interprétation restrictive au sujet du type d'entité qui pourrait être assimilée à une municipalité.


[36] La défenderesse a allégué que, même si BC Transit avait obtenu l'avantage découlant du statut de municipalité par suite du fusionnement avec Metro-Transit, l'avantage a été perdu parce que BC Transit ne faisait pas partie des types d'entités qui pourraient être des municipalités. L'avocate a cité à ce sujet les décisions rendues dans les affaires Bouchard c. La Reine, [1998] 1 C.T.C. 3071 (C.C.I.), et Sincock c. La Reine (1995), 95 D.T.C. 535 (C.C.I.).


[37] Dans l'affaire Bouchard, M. Bouchard a perdu le droit au crédit d'impôt pour enfants par suite d'un changement de circonstances, soit le fait que son ex-épouse avait la garde de l'enfant. Dans l'affaire Sincock, le contribuable a perdu le crédit d'impôt pour insuffisance physique, parce qu'un enfant diabétique à charge ne pouvait être considéré comme une personne ayant une déficience grave et prolongée qui l'empêchait d'accomplir une activité courante de la vie quotidienne.


[38] Les décisions rendues dans les affaires Bouchard et Sincock et le principe sous-jacent, selon lequel un changement de circonstances met fin à un avantage, ne permettent pas de trancher la question du statut de municipalité pour deux raisons. D'abord, Metro-Transit avait été désignée à titre de municipalité par l'État fédéral, qui était sans doute au courant du mandat de Metro-Transit. Je ne constate aucun changement réel touchant le mandat par suite des activités que Metro-Transit poursuivait et de celles que BC Transit poursuit depuis le fusionnement. En second lieu, il importe de faire une distinction entre la désignation et l'avantage. Il est vrai qu'un avantage fiscal peut être refusé lorsque le contribuable n'y est pas admissible; cependant, je ne vois pas comment une désignation faite par le gouverneur général en conseil peut disparaître soudainement, si ce n'est au moyen d'une disposition législative claire en ce sens. Une désignation faite par décret demeure certainement en vigueur jusqu'à ce que le décret soit révoqué, ce qui a d'ailleurs été fait en temps opportun dans la présente affaire. J'en arrive maintenant à un argument plus sérieux de la défenderesse.


[39] L'essentiel de l'argument de la défenderesse tient au fait que l'entité publique exploitant les systèmes de transport en Colombie-Britannique, soit Metro-Transit, a cessé d'être une administration locale lorsqu'elle a fusionné pour devenir BC Transit et qu'elle a cessé d'exercer un contrôle quotidien à l'égard des systèmes de transport par autobus dans le grand Vancouver et à Victoria ainsi qu'à l'égard du système Sea-bus dans le port de Vancouver. Il est indéniable que BC Transit a pris la relève de Metro-Transit par suite du fusionnement. De plus, bien que la rédaction soit différente, le mandat d'origine législative de Metro-Transit et celui de BC Transit sont similaires sur les plans de l'objet et du résultat. Pourtant, il y a lieu de se demander si BC Transit est effectivement une administration locale.


[40] Pour examiner le sens de l'article 2 de la Loi sur la taxe d'accise, qui permet au gouverneur en conseil de conférer le statut de municipalité à une administration locale, je dois m'arrêter au sens habituel des mots, sauf en cas de doute, auquel cas je pourrai interpréter cette disposition législative selon son objet. Effectivement, dans l'arrêt Rubin c. Canada, [1998] 2 C.F. 430, p. 447, la Cour d'appel fédérale s'est exprimée comme suit : « ...si une disposition peut faire l'objet de plus d'une interprétation plausible, celle qui est la plus compatible avec l'objet de la Loi (celle qui veut, en l'espèce, que les exceptions soient précises et limitées) devrait être retenue. Ainsi qu'il est dit dans Driedger on the Construction of Statutes, 1994 Edition, page 131 :


[traduction] Il n'existe qu'une seule règle d'interprétation moderne: les tribunaux sont tenus d'interpréter un texte législatif dans son contexte global, en tenant compte de l'objet du texte en question, des conséquences des interprétations proposées, des présomptions et des règles spéciales d'interprétation, ainsi que des sources acceptables d'aide extérieure. Autrement dit, les tribunaux doivent tenir compte de tous les indices pertinents et acceptables du sens d'un texte législatif. Cela fait, ils doivent ensuite adopter l'interprétation qui est appropriée. L'interprétation appropriée est celle qui peut être justifiée en raison a) de sa plausibilité, c'est-à-dire sa conformité avec le texte législatif; b) de son efficacité, dans le sens où elle favorise la réalisation de l'objet du texte législatif; et c) de son acceptabilité, dans le sens où le résultat est raisonnable et juste.



[41] Dans la présente affaire, l'objet et l'intention apparente du texte législatif, y compris la définition élargie, à l'alinéa 2(1)b), d'une municipalité par suite d'une mesure prise par le gouverneur en conseil, indiquent certainement l'intention de mettre toutes les municipalités sur un pied d'égalité en ce qui a trait à l'exemption fiscale, même si une municipalité décide d'agir par l'entremise d'une forme d'administration extérieure. Cette interprétation, qui consiste à donner au texte législatif un sens compatible avec les objets évidents, pourrait à première vue être séduisante. Cependant, elle peut aussi comporter certains pièges, notamment l'introduction d'un élément d'incertitude, dans la mesure où les termes clairs d'une disposition législative pourraient être nuancés par la conception d'un tribunal au sujet des buts et objets de la disposition en question; je cite à cet égard un extrait de l'ouvrage de P.W. Hogg et J.E. Magee intitulé Principles of Canadian Income Tax Law, Carswell, 1995, que la majorité a adopté dans l'arrêt Friesen c. Canada, [1995] 3 R.C.S. 103, p. 113-114 :

J'accepte les commentaires suivants qui ont été faits à l'égard de l'arrêt Antosko dans l'ouvrage de P. W. Hogg et J. E. Magee, intitulé Principles of Canadian Income Tax Law (1995), dans la section 22.3c) [traduction] « Interprétation stricte et fondée sur l'objet visé » , aux pp. 453 et 454:


[traduction] La Loi de l'impôt sur le revenu serait empreinte d'une incertitude intolérable si le libellé clair d'une disposition détaillée de la Loi était nuancé par des exceptions tacites tirées de la conception qu'un tribunal a de l'objet de la disposition. [. . .] [L'arrêt Antosko] ne fait que reconnaître que « l'objet » ne peut jouer qu'un rôle limité dans l'interprétation d'une loi aussi précise et détaillée que la Loi de l'impôt sur le revenu. Lorsqu'une disposition est rédigée dans des termes précis qui n'engendrent aucun doute ni aucune ambiguïté quant à son application aux faits, elle doit être appliquée nonobstant son objet. Ce n'est que lorsque le libellé de la loi engendre un certain doute ou une certaine ambiguïté, quant à son application aux faits, qu'il est utile de recourir à l'objet de la disposition.


Dans la même veine, un tribunal devrait s'abstenir de se montrer tatillon ou trop pointilleux dans la recherche des ambiguïtés que pourrait comporter une disposition législative ou des doutes qu'elle pourrait susciter.


[42] Enfin, en ce qui a trait à l'interprétation, j'aimerais citer le jugement majoritaire qui a été prononcé dans l'affaire La Reine c. Heywood, [1994] 3 R.C.S. 761, p. 784 :


Les mots d'une disposition législative doivent être interprétés dans le contexte où ils sont utilisés, en conformité avec l'objet de la disposition et l'intention du législateur: Elmer A. Driedger, Construction of Statutes (2e éd. 1983), à la p. 87; R. c. Hasselwander, [1993] 2 R.C.S. 398. Si l'acception courante des mots est compatible avec le contexte dans lequel ils sont utilisés et avec l'objet de la loi, c'est cette interprétation qui devrait être appliquée.


[43] En fait, la défenderesse fait valoir que Metro-Transit était une administration locale, mais que BC Transit n'est pas une administration purement locale, compte tenu de la définition du mot « municipalité » qui figure au paragraphe 2(1) de la Loi sur la taxe d'accise :

« municipalité »

a) Administration métropolitaine, ville, village, canton, district, comté ou municipalité rurale constitués en personne morale ou autre organisme municipal ainsi constitué quelle qu'en soit la désignation;


b) telle autre administration locale à laquelle le ministre confère le statut de municipalité pour l'application de la présente loi.


[44] Je devrais d'abord examiner le sens habituel des mots « administration locale » . Il ne m'apparaît nullement utile de scinder l'expression « administration locale » en deux éléments distincts car, comme les éditeurs du Jowitt's Dictionary of English Law le soulignent dans l'édition de 1977, il s'agit d'une expression assez récente dont la portée est habituellement définie dans le texte législatif. Elle exprime un concept.


[45] La défenderesse cite le Dictionary of Canadian Law (Carswell, 1991), où l'expression « local authority » (administration locale) est définie comme suit :

[TRADUCTION] tout organisme public qui est créé par une loi de l'assemblée législative et qui exerce des pouvoirs de nature locale (Carswell 1991).

Cette définition en soi comporte certaines difficultés. La défenderesse voudrait restreindre la portée de l'expression en se fondant sur un sens donné au mot « locale » dans un dictionnaire, soit le sens d'appartenir ou d'être limité à un endroit particulier. Toutefois, la définition du Dictionary of Canadian Law englobe manifestement tout organisme public qui est créé par une loi et qui exerce des pouvoirs de nature locale : elle n'indique pas que l'organisme public doit lui-même être local ou que l'exercice de ses pouvoirs doit être restreint à un secteur local. Effectivement, nous sommes ici en présence d'une ambiguïté manifeste : examinés séparément, les mots « administration locale » semblent avoir un sens qui pourrait être fort différent lorsque l'expression est utilisée comme terme technique.


[46] Cette conclusion, soit l'existence d'une ambiguïté que comporte l'expression « administration locale » , compte tenu des définitions des dictionnaires, ne met pas fin pour autant à la tâche de déterminer le sens habituel de ladite expression. Plutôt que de donner à Ebco l'avantage de l'interprétation la plus favorable, il convient d'examiner le contexte dans lequel l'expression est utilisée :

[TRADUCTION] Lorsque les mots sont examinés de façon isolée, sans contexte, ils ne sont guère éclairants quant au sens du texte dans lequel ils figurent. Les mots ont des définitions qui peuvent être examinées dans les dictionnaires, mais ils peuvent vraiment communiquer un sens surtout lorsqu'ils sont reliés à d'autres mots dans le cadre d'une structure de sens. Ainsi, lorsque les tribunaux cherchent à déterminer le sens habituel d'un mot ou d'une expression contesté, ils peuvent commencer par consulter le dictionnaire, mais leur tâche ne sera complète que lorsqu'ils auront examiné l'influence des autre mots auxquels se rapporte le terme en question dans le texte.

[Driedger on the Construction of Statutes, Butterworths, 1994]


[47] Selon la défenderesse, la liste d'entités figurant dans la définition d'une municipalité à l'alinéa 2(1)a) de la Loi sur la taxe d'accise, soit les villes, les administrations métropolitaines, les villages, les cantons, les districts, les comtés ou les municipalités rurales ou d'autres organismes municipaux constitués en personnes morales, restreint le sens des mots « administration locale » à un organisme dont les pouvoirs sont délimités de façon très précise sur le plan géographique. À ce sujet, je dirais que cette liste me semble exhaustive : si tel est effectivement le cas et que seule une entité locale peut être une municipalité, il y a lieu de se demander pourquoi le législateur aurait, dans la disposition suivante, permis au gouverneur en conseil de conférer à d'autres entités le statut de municipalité.


[48] J'ai déjà cité la définition du mot municipalité qui figure dans la Loi sur la taxe d'accise. Il importe de souligner que, dans la version anglaise, l'énumération des exemples spécifiques de municipalité est séparée de la disposition qui permet au ministre de conférer le statut de municipalité à d'autres entités par la conjonction « or » . Dans l'affaire Sutherland Publishing Co. Ltd. v. Caxton Publishing Co. Ltd., [1938] ch. 174 (C.A.), le lord juge MacKinnon a souligné que [TRADUCTION] « ...le mot « or » ne peut en aucun cas signifier « and » (p. 201). De plus, dans l'affaire Federal Steam Navigation Co. Ltd. v. Department of Trade and Industry, [1974] 1 Lloyd's 520 (C.L.), Lord Reed a formulé des commentaires allant dans le même sens dans son jugement dissident (p. 521); Lord Wilberforce, qui était également dissident, était du même avis. Dans l'affaire Federal Steam Navigation, la majorité des lords juges n'ont pas examiné directement la question, mais ont simplement décidé que le rédacteur de la loi sous examen avait commis une erreur et voulait attribuer au mot « or » (ou) le sens de « and » (et). C'est pourquoi ils ont remplacé « or » par « and » plutôt que de lui donner un sens conjonctif, mais ils ne l'ont fait que pour éviter une absurdité.


[49] Dans la présente affaire, l'utilisation, dans la version anglaise, du mot « or » au sens disjonctif dans les deux volets de la définition d'une municipalité figurant dans la Loi sur la taxe d'accise, se comprend parfaitement bien. Les deux parties de la définition, soit l'une qui énumère des entités spécifiques considérées comme des municipalités et l'autre qui accorde au gouverneur en conseil le pouvoir de conférer le statut de municipalité à une entité, devraient être lues de façon disjonctive. À cette fin, le gouverneur en conseil pourrait conférer le statut de municipalité à toute administration locale. Je reviendrais ici au concept selon lequel une administration locale, suivant le sens qui lui est reconnu dans les dictionnaires, ne se limite pas à un organisme local, mais peut manifestement comprendre une administration qui exerce ses pouvoirs à l'échelle de la province, pourvu qu'il s'agisse de pouvoirs d'un certain type. Il est intéressant ici de souligner que le mandat de Metro-Transit, que le ministre a désignée à titre de municipalité, ne se limitait pas à une région spécifique.


[50] Ayant conclu que la définition du mot municipalité figurant dans la Loi sur la taxe d'accise est ambiguë, que les décisions du Tribunal canadien du commerce extérieur que la défenderesse a citées ne sont pas vraiment utiles et que la définition disjonctive du mot « municipalité » dans la Loi sur la taxe d'accise n'est pas vraiment éclairante non plus, je dois maintenant examiner l'objet apparent de cette partie de la Loi sur taxe d'accise. J'ai déjà souligné l'opinion que la Cour d'appel fédérale avait formulée dans l'arrêt Ruben c. Canada (précité), selon laquelle lorsqu'une disposition peut faire l'objet de plus d'une interprétation plausible, celle qui est la plus compatible avec l'objet de la loi devrait être retenue. Comme l'indique Driedger à la page 131 (précité), je dois rechercher une interprétation qui peut être justifiée en raison de sa plausibilité, de son efficacité, dans le sens où elle favorise la réalisation de l'objet du texte législatif, et de son acceptabilité, dans le sens où le résultat est raisonnable et juste.


[51] La partie XII de l'annexe III de la Loi sur la taxe d'accise prévoit que différentes marchandises vendues à des municipalités sont exemptes de la taxe. La question à trancher est celle de savoir si un organisme qui est chapeauté par le gouvernement provincial et qui fournit un service aux municipalités d'une façon probablement plus compétente, efficace et coordonnée que ne le feraient les municipalités elles-mêmes devrait se voir refuser l'exemption, ce qui pénaliserait manifestement les municipalités clientes.


[52] Accorder l'exemption à BC Transit par suite de la désignation de Metro-Transit à titre de municipalité ainsi que du fusionnement constitue une décision plausible au sens où elle est conforme au texte de l'exemption. De plus, s'il s'agit d'une décision efficace, parce qu'elle permet de promouvoir l'objet du texte législatif, soit accorder un allégement fiscal aux municipalités selon le sens le plus large de ce mot. Enfin, l'octroi de cette exemption à toutes ces municipalités, que ce soit directement ou indirectement par l'entremise de BC Transit, constitue une décision très juste et très raisonnable.


CONCLUSION

[53] La disposition législative permettant de conférer à une entité le statut de municipalité vise un objet spécifique, soit celui d'accorder un allégement fiscal à ces entités. Les municipalités devraient toutes faire l'objet d'un traitement égal : aucune distinction d'ordre fiscal ne devrait être établie en raison simplement de la façon dont une municipalité choisit de fournir des services légitimes à ses habitants. Metro-Transit a été désignée à titre de municipalité par décret. BC Transit a obtenu l'avantage de cette désignation par suite de son fusionnement avec Metro-Transit, avantage qui est demeuré en vigueur jusqu'à ce que ladite désignation soit révoquée par décret. Ainsi, au cours de la période pertinente, BC Transit a obtenu le statut de municipalité au sens de l'article 2 de la Loi sur la taxe d'accise, en vertu de l'article 2.1 de la B.C. Transit Act.



[54] Compte tenu de cette décision, Ebco Industries Ltd. a droit à un remboursement de la taxe de vente fédérale payée sur les marchandises fournies à BC Transit.



(S.) « John A. Hargrave » Protonotaire


Le 6 janvier 2000

Vancouver (Colombie-Britannique)


Traduction certifiée conforme


Martine Brunet

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER



No DU GREFFE : T-2519-90


INTITULÉ DE LA CAUSE : EBCO INDUSTRIES LTD.

c.

SA MAJESTÉ LA REINE


LIEU DE L'AUDIENCE : VANCOUVER (C.-B.)


DATE DE L'AUDIENCE : 15 janvier 1999



MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR

LE PROTONOTAIRE JOHN A. HARGRAVE


EN DATE DU : 6 janvier 2000



ONT COMPARU :


Me W.H.G. Heinrich pour la demanderesse


Me K.A. Truscott pour la défenderesse




PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :


Koffman Kalef

Vancouver (C.-B.) pour la demanderesse


Me Morris Rosenberg

Sous-procureur général

du Canada pour la défenderesse

1. Cette loi était intitulée à l'origine Urban Transit Authority Act, mais elle est devenue en temps opportun la BC Transit Act.

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