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Date : 20020815

Dossier : IMM-4080-01

Référence neutre : 2002 CFPI 864

Vancouver (Colombie-Britannique), le jeudi 15 août 2002

EN PRÉSENCE DE :      Madame le juge Dawson

ENTRE :

                               ABDUL SALAAM SALIM

                                                                                           demandeur

                                                  - et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                             défendeur

        MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE DAWSON


[1]    Né à Zanzibar, M. Salim est un citoyen de la Tanzanie qui revendique le statut de réfugié au sens de la Convention en raison de ses opinions politiques. Par le dépôt de cette demande de contrôle judiciaire, il interjette appel de la décision rendue par la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la « SSR » ), qui a déterminé qu'il n'était pas un réfugié au sens de la Convention.

LES FAITS

[2]    On peut résumer de la manière suivante la revendication de M. Salim. En mars 1993, M. Salim a joint les rangs du parti d'opposition, le Front civique uni (le « CUF » ), en se chargeant du recrutement, du financement et de l'organisation du parti. Trois mois après son adhésion au CUF, il a été congédié de son poste de directeur chez Air Zanzibar en raison de son activisme au sein du CUF. En 1996, après l'explosion d'un transformateur électrique, il a été arrêté, emmené hors de la ville et détenu, tout comme d'autres partisans du CUF. M. Salim croit que le parti au pouvoir, le Chama Cha Mapinduzi (le « CCM » ), a invoqué l'explosion comme prétexte pour mettre les activistes de l'opposition en état d'arrestation. Au cours de sa détention, M. Salim s'est fait assener des coups de poing et des coups de pied par des hommes masqués, a été forcé de dormir à terre avec les autres détenus et a reçu de la nourriture de qualité inférieure, parfois infestée de vers. Il a été transféré à la prison de Kilimani après une semaine, où il a continué à être interrogé, puis a finalement été relâché après deux semaines en tout de détention.


[3]                Un mois plus tard, M. Salim a été arrêté de nouveau pour s'être exprimé au sujet de sa détention. Il a été emmené une fois de plus à la prison de Kilimani, a été bousculé et harcelé, mais pas battu gravement.

[4]                En raison des conditions insalubres de la prison, il a développé une infection paludéenne et souffert de douleurs à l'estomac. On l'a emmené à l'hôpital pour le traiter, puis on l'a libéré.

[5]                À la suite de cet incident, M. Salim a commencé à craindre pour sa vie, c'est-à-dire craindre de tomber malade et de mourir en prison dans l'éventualité d'une autre arrestation. M. Salim a continué à adhérer au CUF, mais a cessé d'être ouvertement militant à propos du CUF, ce qui lui a permis d'éviter des problèmes pendant un certain temps.

[6]                M. Salim s'est trouvé un emploi au sein d'une entreprise privée à l'aéroport, mais a été mis à pied après deux ans car, selon ses dires, le CCM exerçait des pressions sur l'entreprise pour qu'elle se débarrasse des partisans du CUF. Après 22 jours de travail dans le cadre de son emploi suivant, M. Salim a été congédié pour ce qu'il croit être des raisons similaires. Six mois après avoir débuté son emploi suivant, il a été congédié car son collègue était un partisan du CCM.


[7]                En 1996, M. Salim a quitté Zanzibar pour s'installer à Dar Es Salaam, ville située sur la partie continentale du pays, et son épouse et ses enfants sont venus le rejoindre plus tard. Il est ensuite déménagé dans une petite ville dans l'arrière-pays et a cessé de se rendre à Dar Es Salaam lorsqu'il a appris qu'un membre du CUF y avait été arrêté. M. Salim a gardé contact avec le CUF et a versé des fonds au parti alors qu'il se trouvait en Tanzanie continentale. En 1999, le frère de M. Salim a été interrogé à Zanzibar à son sujet et a été avisé que le harcèlement ne cesserait que lorsque M. Salim aura quitté le pays.

[8]                Avec l'aide d'un agent, M. Salim a fui la Tanzanie en septembre 1999 pour se rendre au Canada, laissant derrière lui son épouse et ses enfants. Devant la SSR, M. Salim a déclaré qu'il avait continué au Canada à être un membre actif du CUF et qu'il avait joint les rangs du Zanzibar Human Rights Group au Canada, un organisme qui appuie le CUF. M. Salim a pris part à des manifestations à Queen's Park, à Toronto, et devant le Haut-Commissariat de la Tanzanie à Ottawa. En raison de son activisme en Tanzanie et au Canada, M. Salim dit craindre d'être détenu et torturé s'il revenait en Tanzanie.

LA DÉCISION DE LA SSR

[9]                Les extraits les plus importants des motifs de la SSR sont ainsi formulés :


[...] le tribunal souligne que le revendicateur n'avait pas participé activement aux activités du CUF à Zanzibar depuis son déménagement sur la partie continentale, en 1996. Le tribunal ne croit pas que les autorités de Zanzibar chercheraient à l'arrêter pour des activités du CUF qui auraient eu lieu à Zanzibar trois ans avant son départ du pays, en septembre 1999. De plus, les autorités tanzaniennes ont libéré le revendicateur en 1996 sans lui imposer de conditions. Par ailleurs, le revendicateur a déclaré dans son témoignage que la police ne s'était pas intéressée à lui entre 1996 et le moment où il avait quitté la Tanzanie.

Le revendicateur a présenté en preuve une lettre émise par le siège social du Front civique uni, décrivant ce que le revendicateur avait fait pour l'organisation et affirmant qu'il avait été arrêté par le gouvernement tanzanien en 1996 et qu'il avait été détenu, en raison de ses activités au sein du CUF. M. Abdul Fattah Hassan Aboud a livré un témoignage de vive voix, selon lequel il était un représentant de l'organisation « Zanzibar Human Rights Group » . Il a témoigné sur les activités que le revendicateur avait exercées au nom du Front civique uni (CUF) depuis son arrivée au Canada. M. Aboud a livré un témoignage selon lequel le revendicateur avait participé à quatre manifestations du CUF, dont une à Queen's Park à Toronto et trois à Ottawa, dont l'une avait eu lieu devant le Haut-Commissariat de la Tanzanie. Le témoin a déclaré que selon lui, le revendicateur risquerait d'être détenu de nouveau par les autorités tanzaniennes s'il retournait dans son pays de citoyenneté.

Un revendicateur peut être un réfugié au sens de la Convention à cause d'événements qui se sont produits dans son pays depuis son départ ou en raison de ses activités depuis son départ de son pays. La question centrale pour le décideur en ce qui a trait aux revendications sur place est de savoir si les agissements du revendicateur ont été portés à l'attention des autorités du pays de citoyenneté de ce dernier. Une preuve d'expert sert à fournir aux décideurs les renseignements qui dépassent leur expérience ou leur connaissance. Une preuve d'expert n'est utile que si ce témoin, à cause de son expertise, est dans une meilleure position que le décideur pour se former une opinion ou tirer des conclusions à partir des faits. Les compétences du témoin ont une influence sur la valeur à accorder à sa preuve.

On n'a pas présenté de preuve corroborante au tribunal quant à l'existence, à Toronto, Canada, d'un groupe enregistré de défense des droits de la personne à Zanzibar, ou relativement à l'association du témoin avec cet organisme. On n'a pas remis au tribunal de documentation décrivant les compétences de M. Abdul Fattah Hassan Aboud pour présenter une preuve d'expert quant à l'évaluation du risque pour le revendicateur, advenant son éventuel retour en Tanzanie, après sa participation à des manifestations au Canada. On n'a pas non plus présenté au tribunal de documentation corroborant les compétences du témoin pour commenter péremptoirement les conditions des droits de la personne en Tanzanie et la façon dont ce pays traite les membres du CUF. Le témoin a déclaré qu'on avait parlé des manifestations dans les médias au Canada ainsi qu'en Tanzanie, mais le tribunal n'a reçu aucun article de journal portant sur ces manifestations. On a présenté au tribunal des photographies d'une manifestation, sur lesquelles on voyait le revendicateur exhibant une pancarte demandant le respect des normes en matière de droits de la personne à Zanzibar. Les photographies présentées avaient été prises par des observateurs et des participants à la manifestation, mais non par les médias.


Le témoin, M. Aboud, a indiqué qu'un ambassadeur au Haut-Commissariat de la Tanzanie à Ottawa avait confirmé qu'il avait informé le gouvernement de la Tanzanie de la tenue de la manifestation. Le témoin a spéculé en disant que parce qu'il avait assisté à une manifestation réunissant environ 70 ou 80 personnes à l'extérieur du Haut-Commissariat à Ottawa, le revendicateur serait probablement arrêté à son retour en Tanzanie. Le tribunal estime que M. Aboud n'est pas un témoin expert; il accorde peu de valeur probante, si ce n'est aucune, à la preuve de ce témoin en ce qui a trait à l'évaluation du risque pour le revendicateur, advenant le cas où ce dernier retournerait en Tanzanie, étant donné que sa preuve repose sur la conjecture ou la spéculation quant au fait que le gouvernement de la Tanzanie était au courant de la participation du revendicateur à des manifestations au Canada. Par ailleurs, ce qui est encore plus important, le témoin spéculait sur la réaction du gouvernement de la Tanzanie relativement à la participation à une manifestation au Canada pour le respect des droits de la personne à Zanzibar et en Tanzanie.

Le tribunal estime que la participation du revendicateur, qui n'a joué aucun rôle important dans les manifestations au Canada, n'a pas été portée à l'attention des autorités tanzaniennes. Toutefois, même si la participation du revendicateur aux manifestations qui ont eu lieu au Canada devait être signalée aux autorités tanzaniennes, il ne s'agirait pas d'une situation significativement différente de l'expérience du revendicateur en Tanzanie continentale, où il pouvait diriger une entreprise sans avoir de problèmes avec les autorités gouvernementales, malgré son engagement constant au sein du CUF. Dans son témoignage de vive voix, le revendicateur a indiqué qu'il avait maintenu son appui au CUF et qu'il avait continué d'en être membre en Tanzanie continentale et qu'il avait assisté à des réunions du CUF. Néanmoins, selon la preuve qu'il a présentée, le revendicateur n'a pas été interrogé ou arrêté par la police en raison de son engagement au sein du CUF pendant qu'il était en Tanzanie continentale. [notes de bas de page omises]

QUESTIONS EN LITIGE

[10]            Quatre questions ont été soulevées à l'encontre de la décision de la SSR :

1.    La SSR a-t-elle violé les principes de justice naturelle en omettant d'aviser M. Salim qu'elle avait des réserves à propos du témoin d'appui, M. Aboud?

2.    La SSR a-t-elle commis une erreur de droit en inventant un critère de vraisemblance du témoignage, qui est à la fois abusif et sans fondement en droit?


3.    La SSR a-t-elle commis une erreur de droit en tirant des conclusions truffées de contradictions internes et, partant, arbitraires?

4.    La SSR a-t-elle commis une erreur de droit en rendant sa décision sans égard aux éléments de preuve qui décrivent la situation actuelle en Tanzanie?

ANALYSE

[11]            Les deux premières questions sont traitées sous la rubrique suivante.

(a) La SSR a-t-elle commis une erreur dans la manière dont elle a interprété le témoignage d'appui?

[12]            On soutient au nom de M. Salim que la SSR a commis les erreurs suivantes : omettre d'aviser M. Salim qu'elle exigerait que son témoin d'appui ait la qualité d'expert, imposer une telle exigence alors que le témoin déposait à propos de choses qu'il connaissait, omettre d'informer le témoin ou M. Salim des doutes qu'elle avait avant de rendre ses motifs et importer l'exigence selon laquelle le témoin doit démontrer l'existence du groupe de défense des droits de la personne dont il était membre, produire les articles de journaux sur les manifestations ainsi que la documentation établissant qu'il pouvait commenter péremptoirement la situation en Tanzanie et les photos des médias.


[13]            Le paragraphe 68(3) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la « Loi » ) prévoit :


68(3) La section du statut n'est pas liée par les règles légales ou techniques de présentation de la preuve. Elle peut recevoir les éléments qu'elle juge crédibles ou dignes de foi en l'occurrence et fonder sur eux sa décision.

68(3) The Refugee Division is not bound by any legal or technical rules of evidence and, in any proceedings before it, it may receive and base a decision on evidence adduced in the proceedings and considered credible or trustworthy in the circumstances of the case.


[14]            Compte tenu de cette disposition, la SSR a eu tort de rejeter les éléments de preuve au motif que le témoin doit nécessairement avoir la qualité d'expert pour que son témoignage puisse être admissible en preuve.

[15]            Dans l'arrêt Fajardo c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 157 N.R. 392 (C.A.F.), la Cour d'appel a statué que la SSR avait eu tort d'écarter une preuve par affidavit au motif que le déposant ne pouvait être contre-interrogé. Au quatrième paragraphe de ses motifs, la Cour a déclaré qu'il « n'appartient pas à la Section du statut de réfugié de s'imposer à elle-même ou d'imposer à des demandeurs des restrictions dont le Parlement les a libérés en ce qui a trait à la preuve » .


[16]            Cependant, en l'espèce, la SSR n'a pas rejeté intégralement le témoignage de M. Aboud. La SSR a accordé peu ou pas d'importance à son témoignage « en ce qui a trait à l'évaluation du risque pour [M. Salim], advenant le cas où ce dernier retournerait en Tanzanie » . Quoique la SSR ait déclaré qu'elle ne considérait pas M. Aboud comme un expert parce qu'on ne l'avait pas saisie de documents établissant qu'il possédait les compétences pour se prononcer à ce titre (et, effectivement, M. Aboud n'a pas été présenté à titre d'expert), la SSR a expliqué qu'elle avait écarté le témoignage de M. Aboud car « sa preuve repos[ait] sur la conjecture ou la spéculation quant au fait que le gouvernement de la Tanzanie était au courant de la participation du revendicateur à des manifestations au Canada. Par ailleurs, ce qui est encore plus important, le témoin spéculait sur la réaction du gouvernement de la Tanzanie relativement à la participation à une manifestation au Canada pour le respect des droits de la personne à Zanzibar et en Tanzanie » .

[17]            Vu que la SSR n'a pas rejeté intégralement le témoignage de M. Aboud en raison de sa conclusion qu'il n'avait pas la qualité d'expert, et vu qu'elle a rejeté l'opinion de M. Aboud quant au risque futur auquel M. Salim serait exposé parce qu'elle relève de la conjecture ou de la spéculation, je ne peux affirmer que la SSR a commis une erreur susceptible de révision en accordant peu ou pas d'importance à l'opinion de M. Aboud. Il appartient toujours à la SSR d'apprécier la preuve pour déterminer si elle est crédible ou digne de foi. Pour décider de l'importance à accorder au témoignage de M. Aboud, la SSR a tenu compte des éléments de preuve dont elle disposait et on ne peut donc lui reprocher d'avoir agi de façon abusive ou arbitraire.


[18]            Quant à l'omission de la SSR de mettre M. Aboud au courant des réserves qu'elle avait à propos de son témoignage, la jurisprudence a établi que le défaut de mettre un revendicateur du statut de réfugié au courant d'une question fondamentale constitue un manquement à l'obligation d'agir équitablement. Par exemple, s'il y a lieu de soulever la question de la possibilité de refuge intérieur, la SSR est tenue d'en aviser le revendicateur. Voir Thirunavukkarasu c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] 1 C.F. 589 (C.A.). De même, la SSR s'est déjà vue dans l'obligation de donner l'occasion à un revendicateur de s'expliquer sur les nettes incohérences entre son témoignage et la preuve documentaire. Ces exigences reflètent le principe selon lequel le respect de l'obligation d'agir équitablement nécessite qu'on donne la possibilité au revendicateur de prendre véritablement part à l'audience devant la SSR.

[19]            Cependant, l'obligation d'agir équitablement est de nature contextuelle et le revendicateur du statut de réfugié ne peut prétendre au droit d'être avisé de la possibilité qu'on conclue à une absence de minimum de fondement. Voir Mathiyabaranam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1997), 156 D.L.R. (4th) 301. Dans l'arrêt Mathiyabaranam, aux paragraphes 10 et 11 de ses motifs, la Cour d'appel s'est exprimée en ces termes pour expliquer ces différents résultats :


N'importe quel revendicateur est -- ou devrait être -- conscient du risque que l'on conclue à une absence de minimum de fondement, même s'il n'y a pas d'autre avis donné sur cette issue éventuelle. Le revendicateur du statut de réfugié doit être conscient qu'il lui faut établir, dans le cadre de sa revendication, un minimum de fondement pour cette dernière. On ne peut établir une revendication du statut de réfugié sans établir d'abord, pour cette dernière, un minimum de fondement; l'une est tout à fait subordonnée à l'autre, et incluse en elle. Je ne puis imaginer ce qu'un revendicateur, à qui l'on a donné un avis spécial, pourrait bien ajouter à sa cause. Tous les éléments de preuve disponibles devraient déjà avoir été soumis à la Commission dans le cadre de la revendication du statut de réfugié.

Je ne suis pas convaincu que la question d'une conclusion relative au minimum de fondement est analogue à celle d'une PRI, pour laquelle il a été déterminé qu'un avis est requis. L'existence d'une possibilité de refuge intérieur est considérée comme distincte de la question d'une crainte fondée de persécution (un élément fondamental de la définition d'un réfugié au sens de la Convention [Voir Note 10 ci-dessous]). Il serait possible dtablir l'existence d'une crainte fondée de persécution dans une partie d'un pays et se voir quand même refuser le statut de réfugié à cause d'une possibilité de refuge intérieur. Le fait de répondre aux questions que pose habituellement la définition d'un réfugié au sens de la Convention ne règle pas cette question particulière et distincte si elle devient pertinente lors des procédures. Il importe donc de donner une forme quelconque d'avis afin de satisfaire aux exigences de la justice naturelle. Toutefois, une détermination relative au minimum de fondement est un aspect inhérent de la définition d'un réfugié au sens de la Convention. Elle n'impose pas au revendicateur un fardeau de preuve qui est distinct du fardeau principal qu'impose la définition elle-même ou qui s'y ajoute. Les autres questions qui requièrent un avis supplémentaire sont elles aussi différentes de la question du minimum de fondement.

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Note 10 :                 Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, par. 2(1).

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[20]            Comme on peut le constater, lorsque nous sommes en présence d'un fardeau de preuve qui ne constitue pas un aspect inhérent de la définition d'un réfugié au sens de la Convention, nous sommes tenus d'aviser le revendicateur conformément aux principes de justice naturelle ou d'équité procédurale, et cet avis s'impose afin de lui donner l'occasion de prendre véritablement part à l'audience.


[21]            En l'occurrence, la SSR a conclu que l'opinion de M. Aboud sur le risque potentiel auquel M. Salim s'exposerait avait peu ou pas de valeur probante en ce qu'elle relevait de la conjecture. Il s'ensuit que la SSR a jugé que M. Salim ne s'était pas acquitté de son fardeau de preuve, qui consistait à la convaincre de l'existence de sa crainte fondée de persécution. Dans ce contexte, j'estime que la SSR n'était pas tenue d'aviser M. Salim au cours de l'audience qu'elle jugeait le témoignage de M. Aboud peu convaincant. Le fait pour le demandeur d'avoir fait témoigner M. Aboud représentait pour lui une occasion valable de convaincre la SSR de l'existence d'un risque. Il n'incombait pas à la SSR de l'aviser au cours de l'audience qu'elle ne jugeait pas le témoignage convaincant.

[22]            Enfin, je ne suis pas d'avis que la SSR ait inventé un critère de vraisemblance du témoignage. En prenant en compte des éléments tels que l'existence d'un groupe enregistré de défense des droits de la personne et les compétences de M. Aboud lui permettant d'émettre son opinion sur la probabilité du risque, la SSR recherchait des facteurs susceptibles d'établir un fondement factuel au prognostic du témoin quant aux événements futurs. La SSR a notamment pour mandat d'apprécier le bien-fondé des éléments de preuve. De même, il lui était loisible de prendre en considération l'absence d'articles et de photographies des médias pour déterminer si la participation de M. Salim a été portée à l'attention des autorités. La SSR a effectivement informé M. Aboud de l'absence de reportage des médias lorsque celui-ci a témoigné.


(b) La SSR a-t-elle tiré des conclusions truffées de contradictions internes et, partant, arbitraires?

[23]            Selon M. Salim, la conclusion de la SSR qu'il menait des activités politiques en Tanzanie de 1996 à 1999 et qu'il ne ferait donc pas vraisemblablement l'objet de mesures de représailles ne tenait pas compte du fait qu'il avait indiqué dans son témoignage qu'il ne manifestait pas ouvertement son activisme à Dar Es Salaam, en Tanzanie continentale. Il prétend en outre que, deux pages plus tôt dans ses motifs, la SSR s'était contredite en déclarant que M. Salim n'était pas actif sur le plan politique entre 1996 et 1999.

[24]            M. Salim a témoigné que, lorsqu'il vivait sur l'île de Zanzibar, il soutenait ouvertement le CUF en ce qui avait trait au recrutement, au financement et à l'organisation du parti. Cependant, depuis son déménagement en Tanzanie continentale, il ne s'est pas beaucoup impliqué auprès du CUF, optant plutôt de n'assister qu'aux réunions du parti et d'y verser des fonds. Aux dires de M. Salim, pendant qu'il habitait dans la partie continentale du pays, la police savait qu'il était membre du CUF.

[25]            Ce témoignage étaye la conclusion tirée par le tribunal que, pendant son séjour sur le continent, M. Salim a pu diriger son entreprise et qu'il n'a pas été interrogé ou arrêté malgré son engagement constant, comme partisan et comme membre, au sein du CUF.


[26]            Plus tôt dans ses motifs, la SSR a effectivement mentionné que M. Salim n'avait pas participé activement aux activités du CUF à Zanzibar depuis son déménagement en Tanzanie continentale en 1996. Je ne crois pas cependant qu'il s'agisse d'une contradiction. À mon avis, la SSR établissait plutôt une distinction entre les activités de M. Salim au sein du CUF à Zanzibar (où il a été un membre actif jusqu'en 1996) et son attitude plus passive en tant que membre ainsi que sa contribution financière plus modeste au CUF subséquemment à 1996, qui n'avait rien à voir avec Zanzibar mais qui s'inscrivait dans le cadre de son séjour sur le continent.

(c) La SSR a-t-elle fait fi des éléments de preuve établissant la situation actuelle en Tanzanie?


[27]            Selon l'avocat de M. Salim, la preuve documentaire établit que vers la fin de l'an 2000, au terme d'élections marquées par l'échec, un grand nombre d'activistes du CUF ont été détenus. Plus de 1 000 membres du CUF ont fui les îles de Zanzibar et de Pemba vers le Kenya, où le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés les a déclarés admissibles au statut de réfugié. On avance pour le compte de M. Salim que la preuve documentaire sur laquelle s'appuie la SSR n'étaye pas sa conclusion selon laquelle l'appartenance M. Salim au CUF et ses manifestations seraient sans conséquence aujourd'hui. En plus de la preuve démontrant les mesures de répression dirigées contre les partisans du CUF à Zanzibar, on soutient que la preuve documentaire a établi que, subséquemment à 1999, les activistes du CUF étaient également devenus la cible en Tanzanie continentale.

[28]            Il est bien établi que la SSR n'est pas tenue de faire mention, dans ses motifs, de toute la preuve documentaire, mais qu'elle doit prendre en compte l'ensemble de la preuve documentaire directement pertinente. Plus la preuve documentaire s'avère pertinente, plus la SSR se doit d'expliquer dans ses motifs pourquoi elle n'y a accordé aucune importance. Voir Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 157 F.T.R. 35 (1re inst.). Le degré d'importance accordé par la SSR à la preuve est une décision à l'égard de laquelle la Cour n'interviendra pas à la légère.

[29]            En l'espèce, on prétend que la SSR a fait fi des éléments de preuve suivants :

C     Une réponse de Amnesty International datée du 18 octobre 1999 et adressée à M. Boulakia, qui avait demandé des renseignements au sujet du traitement des membres du Front civique uni en Tanzanie. On peut y lire que :


[TRADUCTION] [...] le 16 septembre 1999, le procureur général de Zanzibar a émis des mandats d'arrestation pour trahison contre dix membres du CUF qui, advenant leur arrestation, iraient rejoindre 18 autres membres du CUF dans une prison à Zanzibar. (AI Index : AFR 56/04/99; UA 244/99). Ce fait nouveau menace les activistes du CUF en Tanzanie et à l'étranger - le procureur général a déjà allégué que les exilés avaient été impliqués dans un complot pour renverser le président Salim Armour de Zanzibar par le recours à la violence. Amnesty International est d'avis que ces accusations ont été montées de toutes pièces. [non souligné dans l'original]

C     Un rapport daté du 30 janvier 2001 provenant d'Amnesty International :

« Le comportement de la police tanzanienne, qui a fait un usage abusif de la force au cours des quatre derniers jours à Zanzibar et à Dar es Salaam en vue d'entraver l'exercice du droit à la liberté de réunion, est consternant » , a déclaré en ce jour (mardi 30 janvier 2001) Amnesty International.

D'après les informations recueillies, au moins 37 personnes, dont six membres de la police, ont été tuées et un nombre indéterminé d'autres individus blessés lorsque les forces de l'ordre ont tiré à balles réelles et utilisé du gaz lacrymogène pour disperser les manifestations organisées par le parti d'opposition Civic United Front (CUF, Front civique unifié) sur les îles d'Unguja et de Pemba (qui constituent l'archipel de Zanzibar), ainsi que dans la capitale tanzanienne, Dar es Salaam.

C     Un document émanant de la direction de la recherche de la CISR en date du 23 février 2001 qui contient les renseignements suivants :

[TRADUCTION] Selon Amnesty International, à l'occasion de manifestations organisées par le CUF, on a rapporté des incidents violents sur les îles d'Unguja et de Pemba, à Zanzibar et à Dar-es-Salaam au cours desquels au moins 37 personnes ont été tuées (30 janv. 2001). Selon Amnesty :

Jeudi 25 janvier, Ibrahim Lipumba, président du CUF et député de Kigamboni, a été violemment appréhendé par la police à Dar es Salaam avec au moins 50 autres personnes, et inculpé de rassemblement illégal. Il est resté en prison durant tout le week-end, car une caution d'un montant considérable avait été exigée pour sa libération. [non souligné dans l'original]

Le reste des éléments de preuve qu'a produits le demandeur ne concerne pas les incidents anti-CUF survenus en Tanzanie continentale.


[30]            En l'espèce, à mon avis, on ne peut déduire du fait que la SSR ne se soit pas prononcée dans ses motifs sur l'importance et la pertinence des éléments de preuve que ceux-ci ont été écartés; cette absence de mention n'est pas non plus de nature à justifier l'intervention de la Cour.

CONCLUSION

[31]            En conséquence, malgré les prétentions tout à fait valables soumises par l'avocat de M. Salim, je suis d'avis de rejeter la demande de contrôle judiciaire. Aucune question n'ayant été soumise aux fins de la certification, il n'y a pas lieu d'en certifier.

ORDONNANCE

[32]            LA COUR ORDONNE :

1.    La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.    Il n'y a aucune question à certifier.

(Signé) « Eleanor R. Dawson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B.

                      


                         COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                    SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                    IMM-4080-01

INTITULÉ :                                                   Abdul Salaam Salim c. M.C.I.

LIEU DE L'AUDIENCE :                            Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :               Le 23 juillet 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE :           

Le juge Dawson

DATE DES MOTIFS :                                  Le 15 août 2002

COMPARUTIONS :

M. Raoul Boulakia                                                       POUR LE DEMANDEUR

M. David Tyndale                                                        POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Raoul Boulakia                                                        POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

M. Morris Rosenberg                                       POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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