Dossier : IMM-5250-02
Référence : 2003 CFPI 682
ENTRE :
XING YI DENG
demanderesse
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
LE JUGE ROULEAU
[1] Il s'agit d'une demande présentée conformément à l'article 82.1 de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, en vue du contrôle judiciaire de la décision par laquelle la section du statut de la Commission de l'Immigration et du statut de réfugié (la Commission) avait conclu, le 4 septembre 2002, que la demanderesse n'était pas un réfugié au sens de la Convention.
[2] La demanderesse est née en Chine le 14 janvier 1968; elle est citoyenne de ce pays. Elle affirme craindre d'être persécutée du fait de ses opinions politiques et de sa religion.
[3] La demanderesse déclare qu'en Chine, elle exploitait une entreprise de vente de matériaux de construction avec un associé, M. Chen. Au mois de décembre 2000, le Bureau de la sécurité publique (le BSP) a visité les lieux et a perquisitionné les bureaux. On a également interrogé M. Chen au sujet des activités du Falun Gong, qu'il pratiquait.
[4] La demanderesse a par la suite appris que son associé, M. Chen, avait été arrêté. Elle déclare que le BSP avait continué à se présenter à son bureau et à l'interroger au sujet des adeptes du Falun Gong. Elle déclare qu'on la soupçonnait de participer aux activités du groupe du Falun Gong à cause des activités de son associé et qu'on lui a demandé de se présenter au BSP chaque semaine. À cause des interrogatoires hebdomadaires auxquels elle était soumise de la part du BSP, la demanderesse s'est cachée et, pendant qu'elle se cachait, le BSP l'a trouvée et l'a accusée d'avoir omis de se présenter, et ce, en vue d'éviter d'être punie. La demanderesse estimait ne pas avoir d'autre choix que celui de quitter le pays.
[5] La demanderesse est arrivée au Canada et a présenté une demande en vue d'obtenir le statut de réfugié au sens de la Convention. Dans sa décision, la Commission a conclu que la demanderesse n'était pas un témoin crédible et a refusé la revendication.
[6] J'ai minutieusement examiné les documents versés au dossier, y compris la décision du tribunal, ainsi que les arguments oraux que les parties ont présentés à l'audience qui a eu lieu devant moi, et je suis convaincu que la décision de la Commission devrait être annulée.
[7] La principale question sur laquelle la Commission a fondé sa décision relative à la crédibilité découle d'une contradiction perçue entre les renseignements contenus dans une demande de visa et le FRP de la demanderesse. La demande de visa, soumise par la demanderesse environ trois ou quatre ans avant qu'elle ait tenté d'entrer au Canada pour visiter sa mère, indique qu'elle était sans emploi. D'autre part, son FRP révèle qu'elle était dans les affaires.
[8] Dans sa décision, la Commission a rejeté toute la preuve documentaire soumise par l'intéressée à cause de la contradiction susmentionnée. Toutefois, la Commission n'a jamais fourni à la demanderesse, au cours de l'audience, la possibilité d'offrir une explication pour justifier l'incohérence. En outre, la Commission n'a pas elle-même fourni d'explication au sujet de la raison pour laquelle elle rejetait des éléments de preuve pertinents tels que le certificat de propriétaire d'entreprise ainsi que le rapport de cinq pages préparé par le comptable de la demanderesse.
[9] Je souscris à l'avis selon lequel le tribunal peut à bon droit examiner les documents et les admettre ou les rejeter, mais le tribunal ne peut pas simplement omettre de tenir compte de la preuve sans offrir d'explication au sujet de la raison pour laquelle il a rejeté ces documents étant donné qu'il s'agissait d'éléments cruciaux aux fins de la détermination de la crédibilité.
[10] De fait, selon l'interprétation que je donne à la décision ainsi qu'à tous les autres documents, je ne puis conclure que la demanderesse a bénéficié dans ce cas-ci d'une audience équitable et impartiale. Ainsi, la conclusion de la Commission selon laquelle la demanderesse n'était pas crédible et digne de foi lorsqu'elle a témoigné avoir participé à une manifestation à Toronto parce qu'elle n'avait pas produit de copie du feuillet qui avait été distribué est tout simplement intenable. Il en va de même pour la conclusion de la Commission selon laquelle la demanderesse ne s'est pas rendue aux bureaux d'Amnistie Internationale à Toronto, alors qu'elle disposait d'éléments de preuve indiquant le contraire. La Commission a conclu que la demanderesse n'était pas crédible parce que, dans son FRP, elle n'avait pas indiqué que, lorsque les représentants du BSP s'étaient présentés à son bureau pour le fouiller, ils avaient des mandats de perquisition. L'explication de la demanderesse, à savoir qu'elle ne savait pas ce qu'était un mandat de perquisition, est tout à fait raisonnable, mais le tribunal l'a carrément rejetée.
[11] Dans l'ensemble, il y a de nombreux exemples de ce genre d'erreur et d'incohérence de la part de la Commission. Il convient certes d'annuler la décision et de renvoyer l'affaire à un tribunal nouvellement constitué pour que celui-ci entende de nouveau l'affaire et rende une nouvelle décision.
[12] J'ai minutieusement lu la décision du tribunal, certains extraits de la transcription et certains éléments de la preuve documentaire, et je suis convaincu que le tribunal ne satisfait pas au critère et que les conclusions de fait qu'il a tirées sont manifestement déraisonnables.
[13] Le tribunal n'a pas confronté la demanderesse sur un élément crucial, à savoir sa demande de visa. Il n'a pas tenu compte du fait que la demanderesse s'était rendue aux bureaux d'Amnistie Internationale ou n'a absolument pas cru celle-ci sur ce point alors qu'en fait un document a été produit à l'appui de son assertion. Le tribunal a ouvertement donné à entendre que les documents qui avaient été produits pour attester que la demanderesse était chrétienne étaient fabriqués. Le tribunal n'a pas tenu compte du certificat de propriétaire, sans offrir d'explication à l'appui de la conclusion selon laquelle il s'agissait d'un faux, et il n'a pas fait mention de la preuve du rapport d'examen du capital préparé par un comptable.
[14] La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est par les présentes renvoyée pour qu'un tribunal différemment constitué entende de nouveau l'affaire.
« P. Rouleau »
Juge
OTTAWA (Ontario)
Le 30 mai 2003
Traduction certifiée conforme
Martine Guay, LL. L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-5250-02
INTITULÉ : XING YI DENG
demanderesse
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE MARDI 13 MAI 2003
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : MONSIEUR LE JUGE ROULEAU
DATE DES MOTIFS : LE 30 MAI 2003
COMPARUTIONS :
Mme Carla Sturdy POUR LA DEMANDERESSE
Mme Angela Marinos POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Lewis et associés POUR LA DEMANDERESSE
Toronto (Ontario)
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada
Date : 20030530
Dossier : IMM-5250-02
OTTAWA (Ontario), le 30 mai 2003
EN PRÉSENCE DE Monsieur le juge Rouleau
ENTRE :
XING YI DENG
demanderesse
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
ORDONNANCE
La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est par les présentes renvoyée pour qu'un tribunal différemment constitué l'entende de nouveau.
« P. Rouleau »
Juge
Traduction certifiée conforme
Martine Guay, LL. L.