Date : 20030530
Dossier : IMM-4351-02
Référence : 2003 CFPI 684
Ottawa (Ontario), le 30 mai 2003.
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE KELEN
ENTRE :
HARJINDER KAUR RAINA
demanderesse
- et -
LE MINISTRE DE LA
CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire à l'encontre d'une décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) rendue le 1er mai 2002, établissant que la demanderesse n'est pas un réfugié au sens de la Convention.
[2] La demanderesse est une citoyenne indienne âgée de 42 ans qui prétend avoir une crainte fondée de persécution en raison de sa religion sikh et de son appartenance à un groupe social particulier, à savoir les Sikhs vivant dans la province indienne du Cachemire. La demanderesse allègue qu'après son mariage en 1987, elle a vécu au Cachemire avec son époux dans un village à majorité musulmane. Son époux était un activiste pro-indien qui affirmait ouvertement que le Jammu et le Cachemire devaient continuer à faire partie de l'Inde. En raison de ses activités politiques, l'époux de la demanderesse a été tué par des militants musulmans à l'extérieur de son épicerie au cours de la première semaine d'octobre 2000. Les militants ont également laissé un message dans lequel ils menaçaient de tuer la demanderesse. Cette dernière s'est enfuie en Inde avec son jeune fils de deux ans et demie avant que deux étrangers ne l'amènent au Canada. Elle n'était pas accompagnée de son fils et à l'heure actuelle, personne ne sait où il se trouve.
[3] La Commission a rejeté la revendication de la demanderesse au motif qu'elle n'avait pas établi son identité de manière satisfaisante et qu'elle n'était pas crédible. La Commission a relevé certaines erreurs dans les documents d'identité de la demanderesse de même que plusieurs contradictions entre ces documents et l'information contenue dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP) et son témoignage. En conséquence, la Commission n'a pu établir que la demanderesse était bel et bien Harjinder Kaur Raina. La Commission a également jugé que la demanderesse n'était pas un témoin crédible en raison de plusieurs incohérences, omissions et contradictions dans son témoignage et de contradictions entre son FRP et sa déposition verbale. La Commission a également conclu que les deux articles de journaux racontant l'histoire de la demanderesse et que cette dernière a produits au soutien de sa revendication sont faux.
[4] La demanderesse conteste plusieurs des conclusions qui ont conduit la Commission à décider comme elle l'a fait en ce qui concerne son identité et sa crédibilité. La crédibilité est une question qui relève de l'expertise de la Commission et que la Cour contrôle en appliquant la norme du caractère manifestement déraisonnable; à cet égard, voir Chen c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 1194, paragraphe 4, et Baran c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CFPI 227, paragraphe 5. La Cour applique la même norme lorsqu'elle examine les conclusions de la Commission concernant le caractère authentique des documents (Aboubacar c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 162, paragraphes 11 à 13). Dans ses arguments, la demanderesse demande à toutes fins pratiques à la Cour de réévaluer la preuve déposée devant la Commission. Ce n'est pas le rôle de la Cour et ce n'est pas un motif suffisant pour justifier l'intervention de la Cour; voir Dhindsa c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 93, paragraphe 45.
[5] La demanderesse prétend également que la Commission a commis une erreur dans ses conclusions en n'accordant pas tout le poids qu'il mérite à un rapport psychiatrique indiquant qu'elle a souffert d'un état de stress post-traumatique grave. Selon la demanderesse, la gravité de ses symptômes est telle qu'elle risque de ne pas être apte à présenter son cas d'une manière cohérente et crédible pour des motifs hors de sa volonté. Elle prétend que si le tribunal sait qu'un demandeur souffre de tels symptômes et qu'il est sous traitement pharmacologique pour des problèmes liés à un traumatisme, le tribunal commet une erreur s'il applique la norme de crédibilité habituelle.
[6] Rien ne vient appuyer les prétentions de la demanderesse sur ce point. L'évaluation de la crédibilité n'exige pas l'application d'une norme précise. Il s'agit d'une décision que le tribunal doit prendre après avoir attentivement examiné l'ensemble de la preuve déposée au dossier. La Commission mentionne le rapport psychiatrique dans sa décision et manifestement, elle était parfaitement au courant de son contenu. À la lecture des motifs de la décision, la Cour constate que le tribunal a tenu compte des conclusions formulées dans ce rapport lorsqu'il a évalué la crédibilité de la demanderesse. Il serait illogique de conclure autrement. En outre, il était raisonnable pour la Commission d'accepter le diagnostique du psychiatre tout en jugeant que l'état de la demanderesse ne découle pas des incidents allégués qu'elle mentionne dans sa plainte. À ce sujet, voir Mylvaganam c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1195, paragraphe 8 (C.F. 1re inst.) (QL), Syed c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. 597, paragraphes 21 et 25 (C.F. 1re inst.) (QL), et Kuanzambi c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 1307, paragraphe 50. Bien que l'avis des psychiatres et des psychologues soit d'une grande utilité pour la Commission, ils ne peuvent se substituer à la Commission dans son rôle de premier juge des faits.
[7] La demanderesse a proposé que la question suivante fasse l'objet d'une certification :
Une personne souffrant de troubles post-traumatiques doit-elle être traitée selon des normes différentes par le tribunal qui entend la revendication?
Le défendeur fait valoir que manifestement, le tribunal a évalué la demanderesse avec précaution et en tenant compte de son état émotif et psychologique. La Cour souscrit à cet argument. De fait, le tribunal a précisé qu'il était préoccupé par l'état psychologique de la demanderesse et il a souligné que le comportement de cette dernière tout au long des deux séances de l'audience était très émotif et que son témoignage était fréquemment entrecoupé de larmes et de cris. Par conséquent, la Cour n'établira aucune certification sur ce point car il ne s'agit pas d'un élément déterminant pour les questions en litige.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :
La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
« Michael A. Kelen » ________________________________
Juge
Traduction certifiée conforme
Martine Guay, LL. L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Avocats inscrits au dossier
DOSSIER : IMM-4351-02
INTITULÉ : HARJINDER KAUR RAINA
demanderesse
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : MARDI, LE 13 MAI 2003
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LE JUGE KELEN
DATE : VENDREDI, LE 30 MAI 2003
COMPARUTIONS: Marvin Moses
pour la demanderesse
Jeremiah Eastman
pour la défenderesse
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER: Marvin Moses
Avocat
480, University Avenue, bureau 610
Toronto (Ontario) M5G 1V2
pour la demanderesse
Morris Rosenberg
Sous-procureur général
pour le défendeur
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Date :20020530
Dossier : IMM-4351-02
ENTRE :
HARJINDER KAUR RAINA
demanderesse
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE