IMM-1213-96
OTTAWA (ONTARIO), LE 15 JANVIER 1997
EN PRÉSENCE DU JUGE MARC NOËL
ENTRE :
ORAINE ELIZABETH MYRIE,
requérante,
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION,
intimé.
O R D O N N A N C E
La demande est rejetée.
Marc Noël
Juge
Traduction certifiée conforme ___________________
Bernard Olivier, LL. B.
IMM-1213-96
ENTRE :
ORAINE ELIZABETH MYRIE,
requérante,
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION,
intimé.
MOTIFS DE L’ORDONNANCE
LE JUGE NOËL
Il s’agit de la demande de contrôle judiciaire d’une décision par laquelle la Section du statut de réfugié de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu que la requérante n’était pas une réfugiée au sens de la Convention.
La requérante, une citoyenne de la Jamaïque, prétend avoir une crainte raisonnable d’être persécutée en raison de son appartenance à un certain groupe social, soit les femmes victimes de violence familiale en Jamaïque.
Avant son arrivée au Canada, la requérante exploitait une entreprise d’importation et de vente de vêtements, à Kingston (Jamaïque). Elle s’était mariée en 1989 et vivait à Kingston, en compagnie de son époux et de ses deux enfants issus de relations antérieures, dans une maison qui lui appartenait.
Dans son Formulaire de renseignements personnels et son témoignage à l’audience, la requérante a fait état des incidents au cours desquels elle avait subi des actes de violence de la part de son époux. Le dernier incident remontait à décembre 1992. Elle est arrivée au Canada quelques jours plus tard, laissant derrière elle ses deux enfants. Elle a été admise au Canada sur présentation d’un visa de visiteur qu’elle a renouvelé par la suite. Finalement, elle a revendiqué le statut de réfugié environ vingt mois après son arrivée au pays.
La Commission n’a pas mis en doute le fait que la requérante a subi des actes de violence familiale. Cependant, elle a conclu que la requérante n’avait pas établi, de façon claire et convaincante, l’incapacité de l’État à la protéger.
La Commission a souligné que la requérante était davantage en mesure d’assurer sa propre protection que la femme jamaïcaine moyenne, vu sa richesse relative[1]. Elle a étudié toutes les solutions de rechange qui s’offraient à la requérante pour assurer sa sécurité, dont le divorce. En droit jamaïcain, il est possible de légalement mettre fin à un mariage donnant lieu à des actes de violence. Cette question revêt une certaine importance, car la requérante a prétendu que le peu d’interventions policières en réponse à des plaintes de violence provenait, en grande partie, d’une croyance répandue en Jamaïque selon laquelle les hommes avaient le droit d’infliger des châtiments corporels à leur épouse, et du fait que cette croyance était largement répandue chez les policiers[2]. C’est dans ce contexte que la Commission a souligné le choix de la requérante de n’avoir jamais intenté une action en divorce, même lorsqu’elle résidait au Canada, bien qu’elle disposait manifestement des sommes nécessaires.
Lorsqu’elle a été interrogée sur la raison pour laquelle elle n’avait jamais intenté d’action en divorce, la requérante a répondu que son avocate lui avait déconseillée de divorcer, car le moment n’était pas propice. Cependant, l’avocate ne se souvenait pas d’avoir prodigué ce conseil à sa cliente. Il s’agit de l’un des fondements de la conclusion de la Commission selon laquelle la requérante ne semblait pas disposée à prendre les moyens qui s’offraient à elle pour assurer sa propre protection, en Jamaïque.
La Commission a également souligné l’existence de plusieurs recours judiciaires pour les victimes d’actes de violence en Jamaïque, en particulier celles qui, à l’instar de la requérante, peuvent retenir les services d’un avocat. En particulier, il est ressorti de la preuve documentaire que le pouvoir judiciaire appliquait, à bon escient, les dispositions législatives visant à éliminer la violence faite aux femmes, et la requérante n’a présenté aucune preuve établissant que les autorités policières ne respectaient pas les ordonnances des tribunaux.
La Commission a également exprimé des réserves quant à la conduite de la requérante lors de son long séjour au Canada qui a précédé le dépôt de sa demande de statut de réfugié au sens de la Convention. Elle a souligné qu’après l’expiration de son visa en octobre 1993, la requérante était demeurée au pays sans statut juridique pendant dix autres mois, période pendant laquelle elle risquait sans cesse d’être renvoyée en Jamaïque. En ce qui concerne l’ampleur de la crainte exprimée par la requérante, la Commission n’a pas accordé de crédibilité à celle-ci, car elle aurait pu éviter de courir le risque d’être renvoyée en Jamaïque, où son époux l’attendait de pied ferme, si elle avait revendiqué plus rapidement le statut de réfugié au sens de la Convention. La Commission a manifestement conclu que le comportement de la requérante contredisait sa déclaration selon laquelle l’État jamaïcain était incapable d’assurer sa protection. .
Bien que la requérante ait contesté, parfois de façon très convaincante, certaines conclusions tirées par la Commission, elle n’a pas établi le caractère déraisonnable de la décision visée ni le fondement de cette dernière sur des principes juridiques erronés.
La demande est rejetée.
Marc Noël
Juge
Ottawa (Ontario)
Le 15 janvier 1997
Traduction certifiée conforme ___________________
Bernard Olivier, LL. B.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER
NO DU GREFFE : IMM-1213-96
INTITULÉ DE LA CAUSE : ORAINE ELIZABETH MYRIE
- c. -
M.C.I.
LIEU DE L’AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L’AUDIENCE : LE 8 JANVIER 1997
MOTIFS DE L’ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE NOËL
EN DATE DU :15 JANVIER 1997
ONT COMPARU :
Mme Marie Chen POUR LA REQUÉRANTE
Toronto (Ontario)
Mme Ann Margaret Oberst POUR L’INTIMÉ
Toronto (Ontario)
PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :
Jackman and Associates POUR LA REQUÉRANTE
Toronto (Ontario)
George Thomson POUR L’INTIMÉ
Sous-procureur général du Canada