Date: 19990217
Dossier : T-1498-98
ENTRE :
SGL CANADA INC.,
demanderesse,
- et -
LE DIRECTEUR DES ENQUÊTES ET RECHERCHES,
et BRIAN GOVER, fonctionnaire d'instruction nommé en application
de l'article 11 de la Loi sur la concurrence,
défendeurs.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
(Motifs prononcés, tels que révisés,
à l'audience le 6 août 1998.)
LE JUGE MCKEOWN
[1] La demande de sursis est rejetée. Il y a lieu d'établir une distinction d'avec TNT Canada Inc. c. Canada (Directeur des enquêtes et recherches) (1995), 60 C.P.R. 303 (C.F. 1re inst.). Dans cette affaire-là, l'enquête était terminée. L'affaire avait été renvoyée au procureur général du Canada et des accusations avaient été déposées. Dans la présente affaire, le directeur vient de commencer son enquête. Il a procédé en vertu des art. 11 et 15. Suivant l'art. 15, le directeur doit avoir des motifs raisonnables de croire qu'une infraction a été commise. Aussi, suivant le sous-al. 10(1)b)(iii), le directeur doit avoir des motifs raisonnables de croire qu'une infraction a été commise. Aucune de ces dispositions n'interdit qu'on ait recours à l'art. 11; au lieu de cela, l'art. 11 exige, entre autres, que la Cour soit convaincue qu'une enquête est menée.
[2] Dans Samson c. Addy, [1995] 3 C.F. 306 (C.A.F.), M. le juge Hugessen a dit à la page 327 :
[...] Même dans les cas où l'enquête révélera la commission d'un crime, il est loin d'être acquis que la conséquence sera une poursuite criminelle dans laquelle une condamnation est recherchée. |
[3] Pour que je sois régulièrement saisi de l'affaire, la demanderesse doit démontrer que le matériel du directeur soumis au juge qui a accordé l'ordonnance ex parte comportait une omission ou fraude volontaire. On ne m'a pas présenté cette preuve.
[4] Il n'y a pas d'obstacle juridique, comme dans l'affaire TNT, à ce que le directeur continue son enquête. L'enquête n'est pas terminée. Il n'y a aucune preuve d'abus de la part du directeur.
[5] Je remarque les individus ne sont pas parties à l'instance; seul leur employeur l'est.
[6] J'ai considéré la requête comme si elle était fondée sur la règle 399, et non comme s'il s'agissait d'une demande de contrôle judiciaire. Cependant, la demande est sans fondement. J'ai examiné la question du retard et, à mon avis, il y a eu retard. Cependant, je ne fonde pas le rejet de la demande sur ce motif, mais je l'ai examiné puisque le sursis est un redressement d'equity.
[7] Je suis convaincu que la demande de sursis échoue suivant les trois éléments du critère des arrêts RJR Mcdonald et Metropolitan Store. Il n'y a aucune question sérieuse à trancher, aucun préjudice irréparable et la prépondérance des inconvénients joue en faveur du directeur.
[8] À mon avis, les décisions Branch et Samson font obstacle à ce que je conclue à l'existence d'une question sérieuse à trancher en l'espèce. La société demanderesse n'a aucun droit reconnu par la Charte et les individus sont protégés en vertu de la décision Branch. Aucune disposition de la Loi sur la concurrence n'est contestée.
[9] Il n'y a aucune allégation de préjudice irréparable que dont pourrait souffrir la demanderesse, à part les frais juridiques et les frais de comparution à l'interrogatoire. Ce sont nettement des pertes quantifiables dont elle pourrait être indemnisée et ces frais ne constituent pas un préjudice irréparable.
[10] Je remarque également que le directeur n'a pas le pouvoir de déposer des accusations criminelles. Il ne peut que renvoyer l'affaire au procureur général du Canada qui prend, d'une façon indépendante, la décision de poursuivre. Voir les motifs du juge Estey dans Irvine c. Canada (Commission sur les pratiques restrictives du commerce), [1987] 1 R.C.S. 181, à la page 232.
[11] La prépondérance des inconvénients joue en faveur du directeur. Le pouvoir d'enquête du directeur comporte un puissant élément d'intérêt public. Voir les motifs du juge Estey dans Irvine, précité, à la page 238. Je souscris également aux commentaires du juge Estey, à la page 235 de l'arrêt Irvine, où il dit :
[...] Les tribunaux judiciaires doivent, dans l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire, toujours demeurer conscients du danger qu'il y a de surcharger et de compliquer indûment le processus d'enquête sur l'application de la loi. Lorsque ce processus, à l'état embryonnaire, consiste à rassembler des matériaux bruts pour étude ultérieure, les tribunaux ne sont pas enclins à intervenir. Lorsque, par ailleurs, l'organisme qui procède à l'enquête dispose de pouvoirs de statuer, dans un sens définitif ou en ce sens qu'un effet préjudiciable peut en résulter pour l'individu, les tribunaux sont plus enclins à intervenir. |
[12] Dans la présente affaire, le directeur des enquêtes n'est pas un organisme doté de pouvoirs de rendre une décision finale. Plusieurs des inquiétudes soulevées par la demanderesse seront examinées de façon appropriées par le juge de première instance.
[13] Pour les motifs qui précèdent la demande de sursis est rejetée. La question des dépens a été réglée entre les parties.
William P. McKeown
J U G E
OTTAWA (Ontario)
le 17 février 1999.
Traduction certifiée conforme
Laurier Parenteau, LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
NO DU GREFFE : T-1498-98
INTITULÉ : SGL CANADA INC. c.
LE DIRECTEUR DES ENQUÊTES ET RECHERCHES ET AUTRES |
LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE : le 6 août 1998
MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE M. LE JUGE McKEOWN
PRONONCÉS À L'AUDIENCE LE 6 AOÛT 1999
COMPARUTIONS :
William McNamara
pour la demanderesse
William J. Miller
Duane E. Schippers
pour les défendeurs
PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :
OGILVY RENAULT
Toronto (Ontario)
pour la demanderesse
Morris Rosenberg
Sous-procureur général du Canada
Ottawa (Ontario)
pour les défendeurs