IMM-1777-96
E n t r e :
ANWAR HUSSAIN,
requérant,
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
intimé.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE SUPPLÉANT HEALD
GENÈSE DE L'INSTANCE
La Cour est saisie d'une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle l'agente d'immigration Mary Ellen Clancy (l'agente des visas) a, le 2 avril 1996, refusé de délivrer un visa d'immigrant au requérant. Son refus était fondé sur son appréciation des divers facteurs énoncés à l'annexe 1 de la Loi sur l'immigration. Selon cette appréciation, le requérant a obtenu en tout 67 points, c'est-à-dire trois points de moins que les 70 points requis par l'annexe.
LA DÉCISION DE L'AGENTE DES VISAS
L'appréciation de l'agente des visas était fondée sur les exigences nécessaires pour exercer la profession de contrôleur de moteurs d'aéronefs. Le requérant conteste cette appréciation uniquement en ce qui concerne le facteur de la personnalité. Pour ce facteur, le requérant a obtenu trois points sur un total possible de dix. L'explication de cette faible appréciation a été donnée dans les termes suivants dans la lettre de refus : [TRADUCTION] « Lors de l'entrevue, vos connaissances du Canada et vos raisons d'immigrer au Canada ont été abordées. Vous avez fait preuve d'une absence de connaissance presque totale du Canada et les points d'appréciation qui vous ont été accordés pour la catégorie de la personnalité traduisent un manque d'esprit d'initiative, de motivation et d'ingéniosité chez une personne qui désire immigrer au Canada ». Pour ce qui est de la catégorie de la personnalité, le représentant du requérant n'a pas formulé de recommandation au sujet de l'appréciation. L'agente des visas a retenu toutes les autres suggestions faites par le représentant pour les autres catégories.
LES FAITS
Le requérant est un citoyen du Pakistan. Il est né le 20 janvier 1954 et résidait habituellement au Koweït. Il a présenté une demande de résidence permanente au Canada pour la première fois le 28 février 1995. Son emploi antérieur était celui de contrôleur de moteurs d'aéronefs. Il a précisé qu'il désirait continuer à exercer cette profession au Canada. Lorsqu'on lui a demandé pourquoi il désirait immigrer au Canada, il a d'abord répondu que le Canada était un [TRADUCTION] « pays en bonne voie de développement » et que ses enfants pourraient y recevoir une bonne éducation. Il a ensuite déclaré qu'alors que la situation politique et économique se détériorait au Pakistan, la situation politique et économique était stable au Canada.
Il a ajouté qu'à son avis, le Canada était un pays où il faisait bon vivre en raison de son bas taux de criminalité et de son bon système d'enseignement. En réponse aux autres questions qui lui ont été posées, il n'a pas été en mesure de nommer trois grandes villes canadiennes ou la capitale du Canada. Il ne connaissait pas le nombre de provinces ni la population du Canada. Il n'a pas pu nommer non plus de compagnies canadiennes qui seraient susceptibles d'engager quelqu'un qui exerce sa profession. Il a affirmé qu'il avait obtenu une offre d'emploi à Ottawa. Il n'a cependant pu produire qu'une lettre d'un bureau de placement de la Californie. Cette lettre ne renfermait aucun détail au sujet d'un emploi, sauf une déclaration générale suivant laquelle il pouvait se voir offrir un emploi au Canada ou aux États-Unis à titre de technicien-inspecteur de moteurs d'aéronefs. Il a reconnu qu'il n'avait communiqué avec aucune compagnie au sujet d'un emploi. C'est à l'initiative de son frère qu'il avait pu entrer en communication avec le bureau de placement de Californie.
À la fin de l'entrevue, l'agente des visas a informé le requérant que sa demande était insatisfaisante pour les motifs suivants : préparation insuffisante, connaissances insuffisantes du Canada, recherches insuffisantes en ce qui concerne les possibilités d'emploi au Canada, esprit d'initiative, motivation, intérêt et ingéniosité insuffisants. L'agente l'a informé que, par conséquent et pour ces motifs, il obtiendrait peu de points d'appréciation au chapitre de sa personnalité. Le requérant a envoyé à l'agente des visas une autre lettre dans laquelle il a développé ce qu'il avait dit dans sa première lettre au sujet de la stabilité politique et économique du Canada. L'agente des visas a reçu cette lettre le 1er avril 1996, mais n'y a rien vu qui pouvait modifier ses impressions premières au sujet de la personnalité du requérant. En conséquence, le 2 avril 1996, elle a rejeté la demande.
QUESTIONS EN LITIGE
1. L'agente des visas a-t-elle tenu compte de facteurs non pertinents pour apprécier la personnalité du requérant?
2. L'agente des visas a-t-elle procédé à un « double comptage » de l'expérience de travail et de la personnalité en tenant compte de l'incapacité du requérant d'expliquer les exigences de son travail, ainsi que de son défaut de fournir des pièces à l'appui sous la rubrique de l'expérience de travail et celle de la personnalité?
3. L'agente des visas a-t-elle refusé de tenir compte d'éléments de preuve pertinents en refusant de considérer que la lettre du bureau de placement constituait une offre d'emploi?
ANALYSE
1.Facteurs non pertinents
Le requérant affirme que le facteur non pertinent dont l'agente des visas a tenu compte pour procéder à son appréciation de la personnalité du requérant étaient la connaissance du Canada du requérant. Je ne suis pas d'accord pour dire que la connaissance du Canada ne constitue pas un facteur pertinent. Dans le jugement Stefan[1], ma collègue le juge Simpson a déclaré :
Connaissance du Canada
En dernier lieu, la connaissance du Canada n'est pas, selon moi, un facteur externe. Il était raisonnable d'inférer qu'une personne qui désirait amener sa famille au Canada, mais ne s'était pas donné la peine d'appendre quelque chose sur le pays, ne possédait pas l'esprit d'initiative et l'ingéniosité nécessaires pour s'établir avec succès chez nous.
J'abonde dans le même sens. Certes, on ne saurait prétendre que le manque de connaissance du Canada constitue un facteur étranger lorsqu'il s'agit d'apprécier la personnalité d'un requérant et ses chances d'obtenir un emploi au Canada. À mon avis, l'agente des visas n'a pas agi de façon déraisonnable en tenant compte de ce facteur.
2.Double comptage
Ce moyen m'apparaît également mal fondé. Mon collègue le juge Wetston a décidé, dans l'affaire Vasilev c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)[2], que l'appréciation de la connaissance de la langue ne donnait pas lieu à un « double comptage » lorsqu'on tient compte de la connaissance de la langue ainsi que de l'absence de relations et de parents au Canada pour déterminer si le requérant peut s'établir avec succès au Canada. J'ai suivi la décision Vasilev dans l'affaire Zhen c. M.C.I.[3], dans laquelle j'ai conclu que l'agent des visas n'avait pas procédé à un « double comptage » de la connaissance de l'anglais du requérant. J'ai plutôt conclu que l'incapacité du requérant de parler l'anglais était, parmi d'autres facteurs, examinée en fonction de la capacité du requérant de lancer une entreprise, et j'ai procédé à une appréciation distincte pour déterminer le nombre de points à accorder au requérant pour le facteur de la « connaissance de la langue ». Mon interprétation du libellé non ambigu du règlement et mon appréciation de la jurisprudence pertinente me convainquent que la catégorie de la personnalité se veut une sorte de clause omnibus qui porte sur les chances du requérant de survivre économiquement au Canada.
3.Offre d'emploi
Je ne suis pas convaincu que l'agente des visas a commis une erreur en refusant de considérer la lettre du bureau de placement de Californie comme une offre d'emploi. Le poids à accorder à une lettre de ce genre est une question de fait dont l'appréciation relève de l'agent des visas. Or, elle a exprimé au requérant ses réserves au sujet de la nature indéfinie et imprécise de cette lettre. Le requérant n'a pas été en mesure de lui fournir d'autres détails, étant donné qu'il n'avait pas lui-même participé aux démarches entreprises pour obtenir cette lettre. J'estime que les faits de la présente affaire justifient de toute évidence la conclusion à laquelle l'agente des visas en est venue au sujet de la lettre de Californie.
CERTIFICATION
L'avocat du requérant demande à la Cour de certifier l'existence de la question grave de portée générale suivante en vertu des dispositions de l'article 83 de la Loi sur l'immigration :
La connaissance du Canada fait-elle partie du facteur de la personnalité énoncé à l'annexe 1 du Règlement sur l'immigration de 1978?
L'avocat de l'intimé s'est opposé à cette demande. Je suis d'accord avec l'avocat de l'intimé pour dire qu'il n'y a pas matière à certification en l'espèce, étant donné que la question en litige en l'espèce dépend des faits particuliers de la présente affaire.
DISPOSITIF
Par ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.
« Darrel V. Heald »
Juge suppléant
Toronto (Ontario)
Le 15 janvier 1997
Traduction certifiée conforme
François Blais, LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER
No DU GREFFE :IMM-1777-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :ANWAR HUSSAIN
et
MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
DATE DE L'AUDIENCE :13 JANVIER 1997
LIEU DE L'AUDIENCE :TORONTO (ONTARIO)
MOTIFS DE L'ORDONNANCE prononcés par le juge suppléant Heald le 15 janvier 1997
ONT COMPARU :
Me Max Chaudharypour le requérant
Me Stephen H. Goldpour l'intimé
PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :
Me Max Chaudhary
Avocat et procureur
255, chemin Duncan Hill, bureau 812
North York (Ontario)
M3B 3H9pour le requérant
Me Stephen H. Gold
Ministère de la Justice
2, First Canadian Place
Bureau 3400, Exchange Tower, C.P. 36
Toronto (Ontario)
M5X 1K6
Me George Thomson
Sous-procureur général du Canadapour l'intimé
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
No du greffe : IMM-1777-96
E n t r e :
ANWAR HUSSAIN,
requérant,
et
MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION,
intimé.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE