Date : 19990813
Dossier : IMM-3363-98
Ottawa (Ontario), le 13 août 1999
En présence de M. le juge Pinard
Entre :
MIRZA ZAKARIA,
demandeur,
et
LE MINISTRE,
défendeur.
ORDONNANCE
La demande de contrôle judiciaire visant la décision, en date du 10 juin 1998, par laquelle la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a décidé que le demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention, est rejetée.
YVON PINARD
JUGE
Traduction certifiée conforme
Laurier Parenteau, B.A., LL.L.
Date : 19990813
Dossier : IMM-3363-98
Entre :
MIRZA ZAKARIA,
demandeur,
et
LE MINISTRE,
défendeur.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE PINARD :
[1] Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision, en date du 10 juin 1998, par laquelle la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a décidé qu'il n'était pas un réfugié au sens de la Convention.
[2] La Commission a rejeté la demande de statut présentée par le demandeur pour défaut de crédibilité.
[3] Le demandeur, âgé de 51 ans, est citoyen du Pakistan. Il est producteur de cinéma et metteur en scène. Au mois de janvier 1990, il avait proposé le tournage d'un long métrage historique sur la vie de Z.A. Bhutto, ancien premier ministre du Pakistan et père de Benazir Bhutto. Le titre du film, Wazeer-e-Azam (premier ministre), fut déposé au nom du demandeur auprès de la Division de la culture et des sports du gouvernement du Pakistan. Mais, aux premiers temps du tournage, en juin 1990, le gouvernement issu du Pakistan People's Party (PPP) est intervenu pour arrêter la production. Il ressort de la preuve documentaire que, malgré le blocage de la production, le demandeur avait renouvelé son droit à l'utilisation du titre jusqu'à la fin 1996. Dans un affidavit en date du 3 août 1998, le demandeur affirme avoir encore été, à l'époque, propriétaire du titre.
[4] Plus tard la même année, la Ligue musulmane (ML) est arrivée au pouvoir et l'on prétend que le frère de Nawaz Sharif a présenté un projet de film qui aurait eu pour titre Wazeer-e-Azam et pour sujet Nawaz Sharif. Le demandeur aurait, cependant, refusé de renoncer au droit qu'il avait sur ce titre et, ce faisant, il se serait aliéné la ML. En 1993, le PPP, de nouveau au pouvoir, aurait également essayé de convaincre le demandeur de tourner un film, avec le même titre, mais portant cette fois-ci sur Benazir Bhutto, ce qu'il s'est refusé à faire.
[5] Le demandeur prétend que s'il rentrait au Pakistan, le PPP le tuerait parce qu'il a refusé de tourner, pour le compte de ce parti, un film sur Benazir Bhutto sous le titre Wazeer-e-Azam, titre sur lequel il détenait les droits. Il a également affirmé que la ML le tuerait car il avait refusé de céder ses droits au titre Wazeer-e-Azam lorsque le frère de Nawaz Sharif avait voulu l'utiliser pour un film sur Nawaz Sharif.
[6] Selon la Commission, une personne raisonnable ne serait pas convaincue :
[traduction]
1) que le PPP ait ordonné, au plus haut niveau, l'assassinat du demandeur au motif que celui-ci refusait de tourner un film sur Benazir Bhutto sous le titre de " Wazeer-e-Azam ", titre dont il détenait les droits. |
2) que la ML, actuellement au pouvoir au Pakistan, l'aurait fait tuer parce qu'il refusait de renoncer à son titre, Wazeer-e-Azam, afin que le frère de Nawaz Sharif puisse l'utiliser pour un film sur Nawaz Sharif. |
[7] La Commission a également estimé que ces questions étaient désormais sans objet étant donné que le demandeur avait perdu les droits à l'utilisation de ce titre le 31 décembre 1996.
[8] La Commission, enfin, n'a pas cru que le demandeur s'était fait rosser aux dates où il prétend l'avoir été.
[9] Le demandeur fait d'abord valoir, en se fondant sur la décision Hilo c. Canada (M.E.I.) (1992), 15 Imm.L.R. (2d) 199, que la Commission n'a pas motivé sa décision de rejet en des " termes clairs et non équivoques ". Dans l'arrêt Shahamati c. M.E.I. (24 mars 1994), A-388-92, par contre, la Cour d'appel fédérale a décidé que :
. . . Contrairement à ce qu'on a parfois dit, la Commission a le droit, pour apprécier la crédibilité, de se fonder sur des critères comme la raison et le bon sens. |
[10] Dans l'arrêt McDonald c. C.E.I.C. (1991), 131 N.R. 389, la Cour d'appel fédérale avait déjà décidé (page 394 du NR) que la Commission n'était pas tenue de motiver ses conclusions lorsque le récit d'un demandeur était intrinsèquement invraisemblable :
Dans le cas d'un tribunal professionnel comme l'ancienne Commission d'appel de l'immigration, cette Cour dans l'arrêt Armson c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1989), 101 N.R. 372, suivant la décision de la Cour divisionnaire de l'Ontario Re Pitts (1985), 51 O.R. (2d) 302, a statué par l'entremise du juge Heald (à la p. 376) que : " Compte tenu des circonstances de l'espèce, la Commission avait, envers ce requérant, l'obligation de justifier en des termes clairs et explicites qu'elle rejetait sa revendication du statut de réfugié pour des motifs de crédibilité. " |
Je crois que cette particularisation du juge Heald lorsqu'il dit " compte tenu des circonstances de l'espèce " est expliquée davantage dans le paragraphe précédent de ses motifs : |
Par conséquent, je conclus [...] que puisque cette partie du témoignage du requérant n'a pas été contredite, qu'elle est cohérente et n'est pas en soi suspecte ou invraisemblable, la Commission a commis une erreur de droit en parvenant à des conclusions défavorables au sujet de la crédibilité du requérant à cet égard. (je souligne) |
En d'autres termes, on peut dire que le refus de croire un témoignage invraisemblable en lui-même à cause de caractéristiques spéciales va de soi et n'a pas besoin d'être expliqué, surtout par un tribunal composé de non-spécialistes. |
[11] Ainsi, bien que la Commission soit tenue d'expliquer en termes clairs et non équivoques pourquoi elle ne croit pas au récit d'un demandeur (Hilo, précité), cette règle ne s'applique que lorsque le témoignage du demandeur " n'est pas en soi suspect[...] ou improbable " (Pitts , cité dans l'arrêt McDonald, précité). Puisqu'il est clair en l'espèce que la Commission a trouvé invraisemblable le témoignage du demandeur, le premier argument avancé par celui-ci n'est pas fondé puisque la conclusion de la Commission n'était pas manifestement déraisonnable.
[12] Le demandeur affirme également que la Commission s'est fondée sur le fait que son droit d'utilisation aurait pris fin le 31 décembre 1996, ainsi que sur les contradictions qu'elle aurait cru pouvoir relever dans le récit qu'il avait fait des violences dont il a été victime entre le 10 et le 15 août. Même si c'était à tort que la Commission a conclu que le demandeur avait perdu son droit d'utilisation en décembre 1996 et qu'il n'avait pas été rossé les jours où il prétend l'avoir été, rien de cela n'est pertinent puisque la Commission a jugé qu'il était déraisonnable de penser que le demandeur serait tué par le PPP pour avoir refusé de tourner un film, ou par la ML pour avoir refusé de céder les droits qu'il avait sur le titre.
[13] Pour tous ces motifs, étant donné la retenue dont il faut faire preuve à l'égard des conclusions de la Commission en matière de crédibilité (voir, par exemple, Aguebor c. M.E.I. (1993), 160 N.R. 315), j'estime qu'en l'espèce l'intervention de la Cour n'est pas justifiée.
[14] En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.
YVON PINARD
JUGE
OTTAWA (ONTARIO)
Le 13 août 1999
Traduction certifiée conforme
Laurier Parenteau, B.A., LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
No DU GREFFE : IMM-3363-98
INTITULÉ DE LA CAUSE : MIRZA ZAKARIA
c.
LE MINISTRE
LIEU DE L'AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L'AUDIENCE : Le 30 juin 1999
MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE M. LE JUGE PINARD
DATE : Le 13 août 1999
ONT COMPARU :
MICHAEL DOREY POUR LE DEMANDEUR |
CAROLINE DOYON POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
MICHAEL DOREY POUR LE DEMANDEUR |
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR |
Sous-procureur général du Canada