Date : 20040628
Dossier : IMM-4183-03
Référence : 2004 CF 916
ENTRE :
TSHOMBA NGONGO LUZI
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE PINARD
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision datée du 6 mai 2003 dans laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention ni une « personne à protéger » selon la définition donnée respectivement aux articles 96 et 97 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27.
[2] Tshomba Ngongo Luzi (le demandeur) est un citoyen de la République démocratique du Congo (la RDC) qui prétend craindre d'être persécuté du fait des opinions politiques qu'on lui impute et de son appartenance à un groupe social parce qu'il est le frère de Tungunga Kalunga (Tungunga). Le demandeur prétend également être une personne à protéger.
[3] La Commission a conclu que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention ni une « personne à protéger » parce qu'elle a jugé sa demande non crédible. Le demandeur soutient que les conclusions de la Commission sont déraisonnables et arbitraires. Le défendeur, de son côté, prétend que rien ne permet à la Cour d'intervenir en l'espèce parce que la décision de la Commission est raisonnable et bien fondée compte tenu des faits dont elle était saisie.
[4] La Commission a grandement mis en doute les allégations du demandeur quant à sa relation avec Tungunga. En fait, le demandeur n'a soumis aucun élément de preuve à l'appui de ses allégations suivant lesquelles il avait des liens avec un homme qui s'appelait Tungunga et qui avait disparu. Il était donc raisonnable pour la Commission de tenir compte de l'absence de preuve établissant un lien entre le demandeur et Tungunga pour mettre en doute la crédibilité du demandeur. La Commission a également conclu que le demandeur n'avait pas été arrêté et emmené à l'Agence nationale de renseignements parce qu'il s'était contredit sur la question de savoir s'il était recherché ou non. Contrairement à ce que prétend le demandeur, j'estime que cette conclusion repose non pas sur des conjectures, mais bien sur la cohérence interne des allégations du demandeur, et la Commission est autorisée à évaluer la crédibilité du demandeur en tenant compte de la cohérence interne de sa demande. La Commission a également noté que le demandeur avait donné deux versions contradictoires des faits relativement à la disparation de Tungunga. En fait, un examen du dossier du tribunal révèle que le demandeur a écrit dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP) que Tungunga avait été convoqué au palais présidentiel avant l'assassinat de Kabila et qu'il avait disparu par la suite (voir le FRP du demandeur aux lignes 16 à 21 de la page 21 du dossier du tribunal). Cependant, le demandeur a témoigné avoir été arrêté au cours de la nuit du 14 janvier 2001 (voir le FRP du demandeur et les transcriptions de l'audience aux pages 91, 92, 110, 111 et 116 du dossier du tribunal). À la lumière de cette contradiction importante dans la demande du demandeur, la Commission était autorisée à mettre en doute la crédibilité des allégations du demandeur. La Commission a souligné que, compte tenu du climat de peur qui régnait à la suite de l'assassinat du président Kabila, il était peu vraisemblable que l'officier ait aidé le demandeur à s'échapper simplement parce qu'il avait connu son frère. La Commission est autorisée à évaluer la crédibilité du demandeur en tenant compte de la vraisemblance de son récit. En réponse aux questions de la Commission, le demandeur n'a pu fournir d'explication satisfaisante relativement à ces contradictions et invraisemblances. Ces contradictions relevées par la Commission avaient une importance cruciale quant à la demande du demandeur parce qu'elles mettaient en doute le fondement même de sa crainte de persécution. Vu que la Commission a raisonnablement bien expliqué ses motifs de douter de la crédibilité du demandeur en raison de ces contradictions, j'estime qu'elle n'a commis aucune erreur manifestement déraisonnable en concluant que le demandeur n'était pas crédible.
[5] Le demandeur soutient que la Commission a commis une erreur de droit en exigeant qu'il produise des documents à l'appui de l'allégation suivant laquelle Tungunga était son frère. La Commission a conclu que le demandeur n'avait rien fait pour obtenir des documents à l'appui de cet élément central de sa demande. L'article 7 des Règles de la Section de la protection des réfugiés (les Règles), DORS/2002-228, énonce que « [l]e demandeur d'asile transmet à la Section des documents acceptables pour établir son identité et les autres éléments de sa demande. S'il ne peut le faire, il en donne la raison et indique quelles mesures il a prises pour s'en procurer » . En conséquence, la prise en compte par la Commission du fait que le demandeur n'avait rien fait pour obtenir des éléments de preuve à l'appui de l'élément central de sa demande est entièrement raisonnable parce que les Règles prévoient clairement que le demandeur doit fournir de tels documents. En l'espèce, la Commission a rejeté l'explication fournie par le demandeur suivant laquelle de tels documents sont difficiles à obtenir en RDC. À la lumière de la conclusion suivant laquelle de nombreux aspects de la demande du demandeur n'étaient pas crédibles, il était entièrement raisonnable pour la Commission de donner une grande importance aux documents qui auraient appuyé les allégations du demandeur (Elazi c. Canada (M.C.I.), [2000] A.C.F. no 212 (C.F. 1re inst.) (QL)). En l'espèce, l'omission du demandeur de fournir quelque document que ce soit à l'appui de ses allégations ou de faire quelque effort que ce soit pour obtenir de tels documents limitait les paramètres de l'examen de la preuve par la Commission. Par conséquent, je conclus que la Commission pouvait raisonnablement tirer une conclusion défavorable du fait que le demandeur n'avait soumis aucun document à l'appui de l'allégation relative à sa relation avec Tungunga parce que cette relation est au coeur même de l'allégation relative à sa crainte de persécution.
[6] Pour tous ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.
[7] La Commission propose que la Cour certifie les questions suivantes :
[Traduction]
(1) La Section de la protection des réfugiés est-elle tenue, en vertu de l'article 7 des Règles de la Section de la protection des réfugiés, de donner au demandeur la possibilité d'expliquer pourquoi un document n'a pas été fourni?
(2) La Section de la protection des réfugiés est-elle tenue, en vertu de l'article 106 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (dans le cas d'une pièce d'identité), de donner au demandeur la possibilité d'expliquer pourquoi un document n'a pas été fourni?
[8] Compte tenu des motifs exposés précédemment, je conviens, sur la base des observations écrites faites par le défendeur et déposées le 17 juin 2004, que les questions dont on propose la certification ne soulèvent pas de question grave de portée générale. Aucune question ne sera certifiée.
« Yvon Pinard »
Juge
Ottawa (Ontario)
Le 28 juin 2004
Traduction certifiée conforme
Julie Boulanger, LL.M.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-4183-03
INTITULÉ : TSHOMBA NGONGO LUZI
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 26 MAI 2004
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE PINARD
DATE DES MOTIFS : LE 28 JUIN 2004
COMPARUTIONS :
Michael Crane POUR LE DEMANDEUR
Ian Hicks POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Michael Crane POUR LE DEMANDEUR
Avocat
Toronto (Ontario)
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada
Ottawa (Ontario)