Date : 20050201
Dossier : IMM-1825-04
Référence : 2005 CF 132
ENTRE :
Rafael Lim CHING
le demandeur
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
le défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE PINARD
[1] Il s'agit ici d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié(la CISR) rendue le 2 février 2004, statuant que le demandeur n'est pas un « réfugié » au sens de la Convention, ni une « personne à protéger » selon les définitions données aux articles 96 et 97 respectivement de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. (2001), ch. 27 (la Loi).
[2] Rafael Lim Ching (le demandeur) est un catholique, né aux Philippines, et est d'origine chinoise. Il est apatride et a revendiqué le statut de réfugié en raison de sa race, sa religion, son appartenance à un groupe social particulier et ses opinions politiques imputées. Il allègue qu'il est impossible d'obtenir la citoyenneté des Philippines et celle de la Chine parce que les autorités chinoises ne donnent pas la citoyenneté aux Chinois nés hors de la Chine. Il recevrait aussi des menaces de la population musulmane.
[3] L'audience devant la CISR a été fixée au 5 décembre 2003. Le 2 décembre 2003, le demandeur a soumis une demande de remise d'audience, en raison de son hospitalisation du 4 au 10 octobre 2003, et une lettre d'un médecin certifiant que le demandeur « devrait avoir une évaluation plus poussée pour mieux préciser son état de santé » . Le tribunal a refusé la demande de remise et l'audition a eu lieu comme prévu.
[4] La disposition pertinente des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002-228 (les Règles) est la suivante :
48. (4) Pour statuer sur la demande, la Section prend en considération tout élément pertinent. Elle examine notamment : a) dans le cas où elle a fixé la date et l'heure de la procédure après avoir consulté ou tenté de consulter la partie, toute circonstance exceptionnelle qui justifie le changement; b) le moment auquel la demande a été faite; c) le temps dont la partie a disposé pour se préparer; d) les efforts qu'elle a faits pour être prête à commencer ou à poursuivre la procédure; e) dans le cas où la partie a besoin d'un délai supplémentaire pour obtenir des renseignements appuyant ses arguments, la possibilité d'aller de l'avant en l'absence de ces renseignements sans causer une injustice; f) si la partie est représentée; g) dans le cas où la partie est représentée, les connaissances et l'expérience de son conseil; h) tout report antérieur et sa justification; i) si la date et l'heure qui avaient été fixées étaient péremptoires; j) si le fait d'accueillir la demande ralentirait l'affaire de manière déraisonnable ou causerait vraisemblablement une injustice; k) la nature et la complexité de l'affaire. |
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48. (4) In deciding the application, the Division must consider any relevant factors, including (a) in the case of a date and time that was fixed after the Division consulted or tried to consult the party, any exceptional circumstances for allowing the application; (b) when the party made the application; (c) the time the party has had to prepare for the proceeding; (d) the efforts made by the party to be ready to start or continue the proceeding; (e) in the case of a party who wants more time to obtain information in support of the party's arguments, the ability of the Division to proceed in the absence of that information without causing an injustice; (f) whether the party has counsel; (g) the knowledge and experience of any counsel who represents the party; (h) any previous delays and the reasons for them; (i) whether the date and time fixed were peremptory; (j) whether allowing the application would unreasonably delay the proceedings or likely cause an injustice; and (k) the nature and complexity of the matter to be heard. |
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[5] La disposition pertinente de la Loi se lit ainsi :
162. (2) Chacune des sections fonctionne, dans la mesure où les circonstances et les considérations d'équité et de justice naturelle le permettent, sans formalisme et avec célérité.
162. (2) Each Division shall deal with all proceedings before it as informally and quickly as the circumstances and the considerations of fairness and natural justice permit.
[6] Cette affaire soulève deux questions :
1. La CISR a-t-elle erré en refusant d'accorder la remise de l'audience du 5 décembre 2003?
2. La CISR a-t-elle erré en concluant que le demandeur n'est pas un « réfugié » au sens de la Convention, ni une « personne à protéger » selon les définitions données aux articles 96 et 97 respectivement de la Loi?
[7] En ce qui concerne la première question, il importe de souligner que le demandeur a attendu presque deux mois après son hospitalisation pour demander la remise. La demande a été faite trois jours avant l'audience prévue et la CISR pouvait tenir compte de ce fait (alinéa 48(4)b) des Règles). Le demandeur aurait pu demander la remise durant ou immédiatement après son hospitalisation, ce qui aurait pu lui permettre d'obtenir un rendez-vous avec un spécialiste plus tôt. L'audience pouvait de toute façon procéder sans le rapport du spécialiste. La lettre du médecin indiquait fondamentalement que dans un contexte d'insuffisance respiratoire, le demandeur « devrait avoir une évaluation plus poussée pour mieux préciser son état de santé » . Cette lettre ne confirmait pas que le demandeur n'était pas capable de témoigner, ni qu'il existait une possibilité sérieuse que ce dernier ait des problèmes neurologiques ou psychiatriques.
[8] Le tribunal doit fonctionner avec célérité, dans la mesure où les circonstances et les considérations d'équité et de justice naturelle le permettent (paragraphe 162(2) de la Loi). La Cour d'appel fédérale dans l'affaire Vairamuthu c. Canada (M.E.I.) (1993), 161 N.R. 131, a affirmé que :
. . . Le tribunal qui exerce un contrôle n'est habilité à critiquer un tribunal ayant rejeté une demande d'ajournement que si les circonstances de l'affaire démontrent clairement que la décision a donné lieu à un déni de justice naturelle ou à un manquement à l'équité.
[9] En l'espèce, il n'y a pas eu déni de justice naturelle, pas plus que de manquement à l'équité. Le demandeur n'a pas été empêché d'obtenir une évaluation neurologique ou psychiatrique entre le 10 octobre et la date de l'audience, et il lui était possible de demander à la CISR d'en déposer une après l'audience. Quand le demandeur a réitéré sa demande de remise au début de l'audience du 5 décembre 2003, le tribunal a déclaré, à la page 0285 du dossier du tribunal : « I don't have more evidence to overrule the decision taken. I think the hearing should continue. If, in the process of the hearing, we notice that there are some difficulties in understanding even the proceedings - I have to asses (sic) that as well - we can re-evaluate. [...] I don't have a clear, a conclusive medical report or psychological report stating that this person has any... that he is not... he has any problems that will affect his capacity to testify. »
[10] Au commencement de l'audience le demandeur a déclaré que « My thought processes are slow. I'm confused. » Toutefois, le demandeur était capable de répondre aux questions d'ordre général. Il comprenait pourquoi il était là et il a répondu dans l'affirmative qu'il serait capable de raconter son histoire. Le tribunal lui a donné l'opportunité de répondre en anglais ou en Tagalong. Le membre de la CISR lui a aussi expliqué que s'il ne comprenait pas les questions, il n'avait pas à répondre, et que s'il avait besoin d'une pause, il n'avait qu'à le dire, qu'il en obtiendrait une.
[11] Dans ce contexte, je ne suis pas satisfait que la CISR a erré en refusant la remise.
[12] En ce qui concerne la deuxième question, le témoignage du demandeur comporte de nombreuses contradictions. Ce dernier allègue n'avoir pas obtenu sa citoyenneté aux Philippines parce que les autorités voulaient des milliers de pesos et qu'il n'avait pas l'argent. Par contre, la loi indique que le tarif est de trente pesos et de vingt-quatre pesos pour les appels devant la Cour suprême.
[13] De plus, le demandeur n'a pu expliquer pourquoi il a d'abord déclaré avoir demandé la citoyenneté en 1986, puis témoigné plus tard l'avoir demandée en 1996. Il n'a pu non plus fournir d'explications quant à son oubli, lors de son témoignage, de divers événements qu'il avait précisés dans son Formulaire sur les renseignements personnels (FRP).
[14] La base de la revendication du demandeur est une crainte de la population musulmane. Il a témoigné n'avoir eu de problèmes qu'à l'école, ajoutant toutefois avoir aussi été attaqué par certains musulmans en 1990. Cette attaque n'a pas été mentionnée dans son FRP. Confronté, il a déclaré qu'il avait oublié d'en parler. Le demandeur s'est aussi contredit en disant d'abord qu'il ne savait pas si sa femme avait reconnu les assaillants et en déclarant plus tard qu'elle lui avait dit qu'un de ceux-ci était son cousin.
[15] Dans les circonstances, le demandeur ne m'a pas convaincu que la CISR a rendu une décision fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments à sa disposition. Il est bien établi que ce tribunal spécialisé a le pouvoir d'apprécier la plausibilité et la crédibilité d'un témoignage dans la mesure oùles inférences qu'il tire ne sont pas déraisonnables et ses motifs, énoncés de façon claire et compréhensible (voir Aguebor c. Canada (M.E.I.) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.) et Hilo c. Canada (M.E.I.) (1991), 15 Imm.L.R. (2d) 199 (C.A.F.)).
[16] Par ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.
JUGE
OTTAWA (ONTARIO)
Le 1er février 2005
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-1825-04
INTITULÉ : Rafael Lim CHING c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L'AUDIENCE : Le 16 décembre 2004
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : Le juge Pinard
DATE DES MOTIFS : Le 1er février 2005
COMPARUTIONS :
Me Michel Le Brun POUR LE DEMANDEUR
Me Sébastien Dasylva POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Michel Le Brun POUR LE DEMANDEUR
Lasalle (Québec)
John H. Sims, c.r. POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada